
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 57
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 13 avril 1998
(Séance de 10 heures)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
|
pages
|
Examen, en quatrième et dernière lecture, du projet de loi dorientation et dincitation relatif à la réduction du temps de travail (M. Jean Le Garrec, rapporteur)
|
2
|
Examen de la proposition de loi de M. Bernard Pons portant généralisation du chèque-vacances et modifiant lordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 - n° 218 (M. Renaud Muselier, rapporteur) ...
|
2
|
Information relative à la commission
|
7
|
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Jean Le Garrec, le projet de loi dorientation et dincitation relatif à la réduction du temps de travail (n° 897) en vue de sa lecture définitive.
Le rapporteur a indiqué que le Sénat avait rejeté le projet de loi en nouvelle lecture le 12 mai 1998 en adoptant une question préalable. En conséquence, conformément à larticle 45, alinéa 4, de la Constitution, il convient de reprendre le dernier texte voté par lAssemblée nationale, cest à dire le texte adopté en nouvelle lecture le 5 mai 1998.
La commission a alors décidé de proposer à lAssemblée nationale de confirmer sa décision précédente en adoptant définitivement le texte voté par elle en nouvelle lecture.
***
La commission a ensuite autorisé, en application de larticle 145 du Règlement, la publication dun rapport dinformation sur la loi dorientation et dincitation relative au temps de travail, présenté par le président Jean Le Garrec, après que ce dernier eut indiqué quil sagissait dexpliquer, dès la promulgation de la loi, les modalités de sa mise en oeuvre et que M. François Goulard eut souligné que la nouvelle définition du temps de travail effectif méritait particulièrement un commentaire détaillé.
***
La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Renaud Muselier, la proposition de loi de M. Bernard Pons portant généralisation du chèquevacances et modifiant lordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 - n° 218.
Le rapporteur a indiqué que le système des chèquesvacances, créé par lordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982, avait pour objectif de mettre en place et de développer une aide à la personne pour permettre le départ en vacances des salariés les plus défavorisés et des personnes à leur charge, afin de réduire les inégalités devant le droit aux vacances pour tous.
La constante progression du chiffre daffaires de lAgence nationale du chèquevacances (établissement public industriel et commercial créé par lordonnance précitée pour émettre et gérer les chèquesvacances) atteste le succès de la formule ; cest ainsi quen 1996, la distribution de 2,4 milliards de francs de chèques à plus dun million de salariés a permis à quatre millions de personnes de bénéficier des avantages de ce système dépargne aidée.
De plus, le chèquevacances a pleinement rempli sa mission dintégration sociale, puisque 67 % des porteurs de chéquiers ont un revenu inférieur à 15 000 F. On estime dautre part que le tiers au moins de ses bénéficiaires ne prendrait pas de vacances sans ce système.
Enfin, limpact économique du chèquevacances est important puisquil représente de 13 à 35 % du budget-vacances de ses bénéficiaires et que les porteurs de chèques choisissent des sites et des formules daccueil agréés partout en France. On peut dire que le chèquevacances induit une dépense trois fois supérieure au volume des chèques émis, estimée globalement en 1997 à près de 10 milliards de francs sur lensemble du territoire national.
Toutefois, malgré cette réussite, il convient de constater quaujourdhui encore près de 40 % des Français ne partent pas en vacances, dont une bonne moitié pour des raisons économiques.
Or, le chèque-vacances voit en même temps sa généralisation freinée par différents obstacles juridiques. En effet, sil rencontre un vif succès dans les grandes entreprises dotées dun comité dentreprise, les 7,5 millions de salariés des petites et moyennes entreprises, ainsi que les artisans et les commerçants, sont de fait exclus du bénéfice de cet instrument de promotion de vacances populaires.
Pour remédier à cette situation, toutes les organisations syndicales et patronales, toutes les organisations du tourisme social ont réclamé, depuis longtemps, que soit exonérée de charges sociales la contribution de lemployeur au chèque-vacances, sur le modèle du titre-restaurant, que son champ dapplication soit élargi.
Aussi, lobjet de la présente proposition de loi est-il de répondre à cette forte attente sociale en reprenant un avant-projet de loi préparé par le ministère du tourisme en 1997 et dont les grandes lignes avaient été largement approuvées par tous les partenaires concernés.
Deux dispositions essentielles doivent être retenues :
- dune part lélargissement du champ dapplication du système aux professions non encore couvertes par le dispositif, cest-à-dire notamment les commerçants et les artisans (article 1er de la proposition de loi),
- et dautre part lexonération de charges sociales pour la contribution de lemployeur au financement des chèquesvacances (articles 3 et 4 de la proposition de loi).
Plus largement, le texte modifie plusieurs articles de lordonnance de 1982 afin de créer les conditions dun développement maximal et équilibré du système des chèquesvacances. Celui-ci se voit, de ce fait, consacré comme le principal instrument daide aux vacances populaires, le mécanisme de laide étant, dans cet esprit, encore plus axé vers les familles et les titulaires des revenus les plus faibles.
Enfin, la proposition de loi précise et actualise les missions de lAgence nationale du chèquevacances, en confirmant son monopole démission mais en lincitant à assurer une plus grande diffusion du titre en France et à létranger et en lautorisant à sous-traiter une partie de la commercialisation des chèques à des organismes privés, tels les sociétés de gestion des titres restaurant.
Lobjectif de cette proposition de loi est donc de participer à la réduction des fortes inégalités existant dans notre pays dans le domaine des loisirs, tout en favorisant la promotion du tourisme populaire. La fonction sociale du chèque-vacances est confirmée grâce notamment à la limitation de son accès aux revenus les plus bas et son rôle dans la politique familiale renforcée.
Par ailleurs, on peut attendre de ce dispositif rénové un effet bénéfique sur la demande touristique nationale, et donc sur lactivité et lemploi dans ce secteur. En effet, dun point du vue économique, la distribution du chèque-vacances sanalyse comme une incitation à constituer une épargne pour des vacances en France (le chèque-vacances ne peut être distribué que sur le territoire national et pour des services touristiques très peu importateurs). Quand un chef dentreprise décide de mettre en place le système, il incite donc en fait ses salariés à consommer, ceux-ci dépensant, en moyenne, trois fois la valeur des chèques-vacances quils ont pu acquérir. La proposition de loi devrait également avoir des effets positifs en termes daménagement du territoire.
La substitution du salaire au niveau dimposition comme critère douverture du droit aux chèques-vacances et le plafonnement de lexonération de charges sociales actuellement accordée aux comités dentreprises pour les aides aux vacances attribuées sous forme de chèques-vacances pourraient susciter des oppositions. Sur ces questions, le débat est ouvert et des amendements peuvent être proposés.
Il faut également rappeler que Mme Michelle Demessine, secrétaire dEtat au tourisme a indiqué quelle comptait défendre un projet de loi prévoyant daménager les conditions dattribution du chèquevacances et quelle a estimé que « le chèquevacances encourageait les départs » et quil constituait « un coup de fouet économique ».
Le coût de la proposition de loi ne devrait pas dépasser 76 millions de francs. En revanche, elle devrait, selon les estimations dun observatoire indépendant, avoir des conséquences économiques très positives, puisquelle devrait entraîner une réduction du déficit public de lordre de 2,5 milliards de francs et la création de quarante mille à cinquante mille emplois dans le secteur du tourisme.
Pour toutes ces raisons, ladoption de la présente proposition de loi apparaît particulièrement opportune.
Après lexposé du rapporteur, M. Gérard Terrier a présenté, au nom des commissaires membres du groupe socialiste, une question préalable, en faisant valoir que la proposition de loi comportait, sous des dehors socialement attrayants, des aspects tout à fait contestables. En relevant le plafond dattribution des chèquesvacances à 14 000 francs de revenus par mois, elle contribue à détourner ce chèque de son objet social et à démanteler la dimension sociale du système mis en place en 1982. Par ailleurs, le fait de retenir le salaire et non plus le niveau dimposition, cest-à-dire la totalité du revenu imposable pour mettre en uvre cette condition de ressources est particulièrement critiquable et il nest donc pas étonnant que le rapporteur se soit déclaré prêt à revoir sa copie sur ce point.
La généralisation dune exonération plafonnée des charges sociales pour les contributions des employeurs au financement des chèques-vacances comporte également des risques de détournement tandis que risquent dêtre mis en difficulté les comités dentreprise qui, jusquà présent, bénéficiaient de cet avantage sans être soumis à un plafond.
Par ailleurs, lévaluation de 76 millions de francs du coût de la proposition de loi, outre quelle est délicate à réaliser puisquil sagit dun dispositif basé sur le volontariat, semble pour le moins optimiste, le chiffre avancé ne concernant que lexonération de charges sociales pour les employeurs et non pas les exonérations fiscales et uniquement la première année dapplication. En réalité, la perte de recettes pour lEtat et les organismes sociaux pourrait être beaucoup plus élevée alors que le gage prévu par la proposition de loi est sujet à caution.
Compte tenu de ces approximations et de labandon au moins partiel de lobjectif social du chèque-vacances, la proposition de loi de M. Bernard Pons ne saurait être acceptée. Le groupe socialiste oppose donc une question préalable sur ce texte.
Le rapporteur a souligné que les deux points de la proposition qui sont contestés à lappui de la question préalable, à savoir la remise en cause du rôle des comités dentreprise et la référence au salaire et non plus au niveau dimposition comme critère pour lattribution des chèquesvacances, sont, en fait, ouverts à la discussion. Dautre part, il faut contrebalancer les critiques sur le coût par la mesure de lefficacité du dispositif et de son impact qui sera, nécessairement, bénéfique. Le chèquevacances aura des effets positifs sur laménagement du territoire, sur léconomie française et sur les possibilités de départ en vacances des personnes qui nont quun faible revenu ou un faible niveau dimposition.
La proposition na pas dautre but que délargir le champ des bénéficiaires du chèque-vacances et lon ne peut quêtre surpris de la procédure proposée par le groupe socialiste. Il est clair que celui-ci ne souhaite pas que le sujet soit discuté aujourdhui à partir dun texte du groupe RPR.
M. Pierre Hellier jugeant le texte proposé correct et en tout cas amendable, a protesté contre le recours à la question préalable.
Le président Jean Le Garrec a indiqué que la discussion de la question préalable devait permettre un large débat en commission sur lopportunité de la proposition de loi, ladoption éventuelle de la question préalable nayant dautre signification que le rejet de lensemble du texte avant lexamen de chacun de ses articles.
M. Bernard Accoyer, après avoir jugé que la position du groupe socialiste était affligeante et quil était totalement excessif de parler dun « démantèlement de notre système social » et dun « détournement » du chèquevacances, a estimé que lon assistait à une manoeuvre politique reposant sur des arguties. Il sagit, en fait, déviter que lordre du jour laissé à linitiative parlementaire fonctionne alors que cette initiative constitue un outil de modernisation des procédures parlementaires. La proposition de loi retient un mécanisme intéressant, nécessaire à la vie économique et le Parlement doit pouvoir faire sur ce texte un travail denrichissement. Ladoption de la question préalable serait donc particulièrement malvenue.
M. Léonce Deprez, après sêtre déclaré très surpris de la procédure proposée, a observé que 37 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Encourager le développement du chèquevacances est donc tout à la fois une mesure sociale et un moyen dassurer le développement de léconomie touristique et de lemploi dans ce secteur. La proposition poursuit donc un objectif de politique sociale, de création demplois et de développement dactivités touristiques multisaisonnières. Le groupe UDF est donc favorable à son adoption.
M. Georges Hage, après avoir évoqué léphémère existence du ministère du temps libre, a constaté que lon assistait à la résurgence dun projet de loi nayant pas trouvé sa place pendant la précédente législature et sest interrogé sur le vote qui aurait pu, à lépoque, être celui de lactuelle majorité. La présente proposition de loi relance le débat sur lopportunité sociale et lefficacité économique des chèques-vacances, mais les modalités retenues ne sont pas adéquates. Si tout le monde est daccord pour exploiter des gisements demplois, encore faut-il quil existe une demande solvable. Cette proposition de loi ne contient pas les dispositifs qui seraient nécessaires pour atteindre un tel objectif. Il est donc légitime de lui opposer la question préalable.
M. Alfred Recours a indiqué que la proposition présentait un défaut majeur, en ce sens quelle ne sadresse pas vraiment aux personnes défavorisées qui ne peuvent pas partir en vacances. Lobjectif de lordonnance de 1982 concernait précisément ces personnes. Or, le texte naméliore pas ce dispositif, pas plus quil ne crée de possibilités nouvelles. Il ne sadresse donc pas aux plus défavorisés.
Mme Jacqueline Fraysse, après avoir rappelé limportance de ce sujet, a souligné que si tant de personnes ne partaient pas en vacances, cétait principalement faute davoir un emploi ou des revenus insuffisants. Il faut rappeler en outre que le groupe RPR sest prononcé contre la réduction du temps de travail qui permettrait aux salariés de bénéficier de plus de temps libre et que, lorsque des batailles sont menées pour lemploi et pour les loisirs, la droite ny adhère pas. Ce texte ne comporte pas de dispositions significatives pour avancer dans le domaine de lemploi ou du tourisme. La proposition de loi nest quune entreprise purement démagogique à laquelle il convient de sopposer.
Mme Muguette Jacquaint a souligné que 40 % des familles ne pouvait partir en vacances et étaient donc de ce fait exclues du bénéfice de ce droit fondamental. Tant sur le projet de loi relatif aux exclusions que sur les projets de réforme qui feront suite à la conférence de la famille du 12 juin prochain, le groupe communiste sera amené à formuler des propositions pour remédier aux lacunes existantes en matière de droit à la culture et de droit aux vacances. Plus fondamentalement, disposer de ressources suffisantes est la vraie condition de lexercice du droit aux vacances et cela renvoie donc à la question des minima sociaux, des prestations sociales et du niveau des salaires.
M. Gérard Terrier a précisé que, dans son intervention précédente, il avait parlé du « démantèlement de la dimension sociale du système » mis en place par lordonnance du 26 mars 1982. Aujourdhui, peu de salariés peuvent effectivement bénéficier du dispositif de bonification des chèques-vacances par leur employeur. Le succès du système repose uniquement sur la distribution des chèques par les organismes à caractère social, notamment les caisses dallocations familiales et les comités dentreprise, qui bénéficient à ce titre dun mécanisme dexonération des charges sociales. Or, cette proposition de loi revient, en la plafonnant, sur le principe de cette exonération. Sil peut y avoir consensus sur la nécessité de remédier aux causes qui font obstacle aux départs en vacances, les nouvelles conditions dapplication des chèques-vacances qui sont proposées par les cinq premiers articles de cette proposition ne sont pas pour autant acceptables et justifient le rejet du texte. Dans la mesure où elle remet en cause le rôle des organismes sociaux et favorise la distribution de compléments de rémunération nayant pas le caractère dun salaire. Elle ne peut que susciter une opposition de principe.
Le rapporteur a tout dabord souligné que cette proposition de loi faisait suite à un projet qui navait pu être examiné en raison de la dissolution et ne pouvait donc être qualifiée « dentreprise démagogique ». Le succès indéniable des chèquesvacances justifie aujourdhui pleinement lélargissement du dispositif, sans autre considération.
Par ailleurs, les articles incriminés de la proposition de loi se bornent à prévoir les éléments suivants : élargissement des bénéficiaires potentiels par larticle premier, attribution des chèquesvacances aux revenus les plus faibles par larticle 2 en fonction dun critère sur lequel il peut y avoir discussion exonération de charges sociales de la contribution de lemployeur afin de permettre laccès le plus large aux chèquesvacances par les articles 3 et 4 ; enfin, simplification des modalités dépargne et mise en place dune bonification plus favorable pour les salaires les plus bas par les articles 5 et 6.
Rejeter cette proposition de loi aboutit donc à écarter délibérément de ce dispositif les huit millions de salariés qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises, pour lesquels seule une exonération de charges sur la contribution de lemployeur permettra une distribution des chèques-vacances. Lélargissement des chèquesvacances est réclamé par tous les organismes intéressés et toutes les formations syndicales. Le vote de cette proposition de loi permettrait que les classes modestes en bénéficient dès cette année et pourrait déboucher sur la création de 50 000 emplois.
En ce qui concerne la procédure, il faut rappeler que la loi constitutionnelle du 4 août 1995 a prévu quune séance par mois serait réservée à un ordre du jour fixé par lAssemblée nationale. Par le dépôt dune question préalable, la majorité met à mal lexercice par lopposition du droit dinitiative qui lui a été ouvert par cette réforme constitutionnelle et nie son droit à légiférer.
Le président Jean Le Garrec a rappelé quen application de larticle 40 du Règlement de lAssemblée nationale, sous réserve des règles fixées par la Constitution et le Règlement, la commission était maîtresse de ses travaux. Le Règlement ninterdit en aucun cas le dépôt et lexamen en commission dune question préalable et il existe des précédents en ce sens. Il doit être cependant précisé que ladoption par la commission dune question préalable sur une proposition de loi, vaut rejet du texte par celle-ci, mais ne fait aucunement obstacle à son examen en séance publique.
M. René Couanau a protesté contre lusage dune telle procédure, inusitée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et qui conduit à interdire tout débat de fond.
La commission a adopté la question préalable.
En conséquence, la proposition de loi a été rejetée.
Information relative à la commission
La commission a désigné M. Bruno Bourg-Broc comme candidat au conseil dadministration de la société « Télévision du savoir, de la formation et de lemploi ».
© Assemblée nationale
|