ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 62
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 1er juillet 1998
(Séance de 9 heures 30)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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- Compte-rendu des travaux du groupe de travail « liberté de communication » (M. Didier Mathus, rapporteur).
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- Informations relatives à la commission.
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu un compte-rendu des travaux du groupe de travail « liberté de communication » présenté par M. Didier Mathus, rapporteur.
M. Didier Mathus a rappelé que ce groupe de travail avait été constitué en début dannée afin de prolonger les auditions effectuées par la commission en décembre 1997 sur les problèmes actuels du secteur de la télévision et dorganiser, de façon régulière et approfondie, linformation et la réflexion de la commission sur les questions relatives à laudiovisuel. Outre son rapporteur, il est composé de neuf députés désignés à la proportionnelle des groupes. Il sagit de MM. Patrick Bloche, Louis de Broissia, Christian Cuvilliez, Michel Françaix, Mme Odette Grzegrzulka, MM. Christian Kert, Noël Mamère, Michel Péricard, Rudy Salles.
Le groupe de travail sest régulièrement réuni pour procéder à des auditions sur des thèmes choisis en fonction de leur intérêt et de leur actualité.
Il a commencé ses travaux par des auditions sur les questions relatives à la radio, durant lesquelles il a successivement entendu M. Michel Boyon, président-directeur général de Radio-France, M. Jean-Paul Baudecroux, président du groupe NRJ, M. Georges Vanderschmidt (RMC), président du Syndicat des radios généralistes privées, accompagné de MM. Jacques Rigaud (RTL) et M. Martin Brisac (Europe 1) et MM. Jean-Eric Valli et Jean-Philippe Olivieri du syndicat « Les Indépendants ».
Sur laudiovisuel extérieur, le groupe de travail a ensuite auditionné M. Jacques Pomonti, inspecteur général des Postes et télécommunications, membre du conseil général des technologies de linformation, auteur dun rapport au Premier ministre sur laudiovisuel extérieur, M. Jean-Claude Moiret, directeur de laction audiovisuelle extérieure au ministère des affaires étrangères, M. Jean-Paul Cluzel, président-directeur général de RFI, M. Patrick Imhaus, président de TV5.
Pour les questions relatives aux télévisions régionales et locales, le groupe de travail a entendu durant deux séances M. Jean-Louis Prévost, président du Syndicat de la presse quotidienne régionale (La Voix du nord), accompagné de M. Jean-Pierre Caillard (directeur général), M. Denis Huertas (Le Dauphiné libéré), et M. François Norin (Le Parisien), - la question de larticulation des télévisions locales avec la presse quotidienne régionale étant cruciale en ce qui concerne laccès à la ressource publicitaire -, puis M. Philippe Lévrier, directeur général de France 3 et M. Gilles Vaubourg, chargé à France 3 du projet de chaîne des régions, M. Jean Drucker, président-directeur général de M6, M. Etienne Mallet, président-directeur général de Havas Images, conseiller de M. Jean-Marie Messier, président de Vivendi.
Enfin, le groupe de travail a commencé à aborder les problèmes des droits et de leur circulation en recevant, pour une présentation densemble de ces questions, M. Alain Modot, directeur des relations institutionnelles de CANAL + et M. Jacques Peskine, délégué général de lUnion syndicale de la production audiovisuelle. Les auditions sur ce thème se continueront à la rentrée car ces questions de droit sont essentielles si lon veut comprendre les mécanismes nécessaires au développement dune véritable industrie audiovisuelle française et européenne.
Dautre part, une partie des membres du groupe de travail a effectué le 11 juin dernier un déplacement à Bruxelles afin de sinformer sur lévolution de la réglementation européenne en matière audiovisuelle et sur les questions relatives à la convergence. Dans ce cadre, les membres de la délégation ont rencontré plusieurs députés de lintergroupe « cinéma et audiovisuel » du Parlement européen, dont Mme Carole Tongue sa présidente, et M. Helmut Kuhne, qui est rapporteur sur la convergence pour la commission de la culture, de la jeunesse, de léducation et des médias, ainsi que M. Marcelino Oreja, commissaire européen chargé de la culture et de laudiovisuel et M. Robert Verrue, directeur général de la DG XIII, compétente pour les technologies et le marché de linformation.
M. Didier Mathus a rappelé que le groupe de travail avait été constitué pour améliorer linformation de la commission dans la perspective de la préparation du projet de loi audiovisuel annoncé par le nouveau gouvernement. Après un certain retard, ce projet sera finalement présenté en deux parties. Un premier texte sur laudiovisuel public sera soumis en novembre au Parlement. Il permettra de traiter différentes questions, comme :
- lallongement à cinq ans du mandat de président de chaîne publique, allongement tout à fait nécessaire si lon souhaite donner à ces sociétés une visibilité à moyen terme ;
- la mise en place dun financement stable et pluriannuel de laudiovisuel public.
Un débat existe aujourdhui sur la nécessité de plafonner le recours à la ressource publicitaire. Si la limitation du financement commercial est un principe qui peut être retenu, les chaînes généralistes de service public doivent en même temps conserver un certain lien avec les indices daudience car il nest pas souhaitable quelles soient totalement déconnectées de la réalité. Par ailleurs, la réduction de la ressource publicitaire implique que lEtat soit prêt à compenser, soit par une hausse de la redevance, soit par des crédits budgétaires, cette baisse de recettes, ce qui nécessiterait, notamment, que lon cesse de considérer les hausses de redevance uniquement comme un moyen de réduire les crédits budgétaires ;
- la redéfinition des missions, des objectifs et des moyens de la télévision publique dans le nouveau contexte de la télévision numérique.
Un deuxième projet de loi, présenté en Conseil des ministres en même temps que le premier, sera soumis au Parlement au printemps 1999 et portera sur le secteur privé de laudiovisuel. Il permettra daborder les questions relatives à la concentration et à la concurrence, de mettre en place un cadre législatif pour la télévision par satellite et de transposer en droit français les dispositions de la nouvelle directive « télévision sans frontières » qui nécessitent de lêtre.
Grâce aux auditions réalisées depuis le début de lannée, les membres du groupe de travail seront bien armés pour affronter lensemble de ces débats. Contrairement à une opinion relativement répandue, laudiovisuel est en effet un sujet important et sérieux puisque la télévision structure aujourdhui la vie quotidienne de lensemble des citoyens. Lorganisation du service public et du secteur privé recouvre des enjeux économiques mais également sociaux et culturels considérables et qui doivent être suivis avec une attention toute particulière par le Parlement.
M. Didier Mathus a enfin rappelé quune partie des membres du groupe de travail effectuera, dans les prochains jours, une mission aux Etats-Unis pour étudier lévolution actuelle du paysage audiovisuel américain. On a souvent observé que les événements intervenant dans ce secteur devenaient une réalité en Europe quelques années après. La perte de vitesse des grands réseaux hertziens et la segmentation croissante de laudience constatées aux Etats-Unis sont donc particulièrement intéressantes à analyser si lon souhaite anticiper lévolution de notre propre paysage audiovisuel. La mission sintéressera aussi au développement du numérique hertzien qui, bien que techniquement tout à fait au point, nest pas encore envisagé en France, les grands opérateurs ny trouvant pas, pour le moment, leur intérêt. Enfin, la législation anti-trust appliquée depuis quarante ans aux Etats-Unis dans le secteur de laudiovisuel, et qui a notamment interdit une concentration verticale des activités - une même société ne pouvant être à la fois producteur et diffuseur -, retiendra toute lattention de la délégation.
Le président Jean Le Garrec, après sêtre félicité que le Gouvernement ait enfin précisé son programme de travail en matière audiovisuelle, a posé des questions sur :
- la finalisation de la fusion de la Sept-Arte et de La Cinquième ;
- les potentialités de multiplication des chaînes diffusées grâce au numérique.
M. Marcel Rogemont a constaté la difficulté quil y avait à définir un juste équilibre pour le partage des ressources de laudiovisuel public et sest interrogé sur la possibilité de définir un plafond pour le recours à la publicité.
Dautre part, la comparaison avec les Etats-Unis, si elle est instructive, est cependant limitée, le marché américain étant bien plus important que le marché français. Léchelle européenne serait plus adaptée pour cet exercice comparatif. A ce sujet, il serait intéressant de connaître les intentions de lUnion européenne en matière de service public audiovisuel.
Enfin, le développement des télévisions de proximité posera immanquablement le problème du partage de la ressource publicitaire locale.
M. Patrick Bloche a rappelé limportance du dossier de laudiovisuel extérieur, qui ne doit pas être oublié. Le premier projet de loi devrait être loccasion dexaminer son articulation avec laudiovisuel « domestique » et laudiovisuel doutre-mer, cest-à-dire RFO. Par ailleurs, M. Hubert Védrine, ministres des affaires étrangères, ayant présenté le 30 avril dernier une communication sur la réforme de laudiovisuel extérieur en annonçant notamment 130 millions de francs de mesures nouvelles, il serait souhaitable de pouvoir lentendre dans le cadre de la préparation du budget pour 1999.
M. Patrick Bloche a ensuite formulé des observations sur :
- les menaces qui pèsent actuellement sur France 3 qui, face au développement de télévisions locales, va se trouver confrontée à lobligation de redéfinir ses missions. La société devra peut-être envisager dabandonner sa dimension nationale afin de se rapprocher des téléspectateurs ;
- la difficulté de limiter trop strictement la part de financement publicitaire dans le budget de laudiovisuel public si lEtat na pas la volonté de garantir une compensation de cette diminution de ressources ;
- limportance de lexportation de programmes audiovisuels, secteur insuffisamment soutenu aujourdhui alors quil constitue le second poste des exportations des Etats-Unis.
M. Henri Nayrou sest interrogé sur :
- les risques de développement, en France, dun capitalisme audiovisuel dorigine étrangère,
- lavenir des décrochages régionaux de France 3 et les conséquences que le développement des télévisions locales aura sur le financement de la presse écrite régionale.
M. Christian Kert a souhaité que le débat sur laudiovisuel ne masque pas les problèmes actuellement rencontrés en matière daide à la presse écrite. En effet, le système actuel ne fonctionne pas bien et est souvent mal compris par les entreprises de presse. Dautre part, le développement des télévisions locales relancera immanquablement le débat sur linterdiction de la publicité pour la grande distribution à la télévision, ce qui aura également des conséquences sur la presse écrite. Enfin, il conviendrait de ne pas oublier le secteur de la radio et plus particulièrement les problèmes de diffusion rencontrés par les stations généralistes.
En réponse aux intervenants, M. Didier Mathus a donné les indications suivantes :
- La fusion entre la Sept-Arte et La Cinquième est actuellement au milieu du gué. La décision prise par le précédent gouvernement na jamais été confirmée par la loi et certaines administrations ny sont aujourdhui pas favorables. Cette fusion semble cependant nécessaire.
- Le nombre de chaînes pouvant désormais être diffusées par des bouquets satellites numériques est quasiment illimité dun point de vue technique (200 ou 300 chaînes sont envisageables). Le problème est plus de savoir quels programmes pourront être proposés par ce biais. Lorsquils se sont constitués, les bouquets Canal-satellite et TPS ont dépensé des milliards pour acquérir les catalogues de studios américains car lindustrie européenne de programmes nétait pas capable doffrir suffisamment duvres. Le véritable défi de la télévision numérique est donc là, ce qui ramène aux questions de circulation des droits évoquées précédemment.
- En ce qui concerne le financement de laudiovisuel public, la question est de savoir sil existe un bon compromis entre la ressource publique et le recours à la publicité. Il semble difficile de fixer des plafonds trop rigoureux pour le financement publicitaire car non seulement cela retirerait une ressource au service public (pour France 2, 10 % de recettes publicitaires en moins correspondent environ à un milliard de francs) mais cela accorderait également des recettes supplémentaires aux sociétés concurrentes du secteur privé. De plus, on doit sinterroger sur la capacité financière de lEtat à garantir durablement une compensation de cette baisse et à donner aux sociétés nationales de programmes les moyens de remplir leurs missions. Aujourdhui, le budget de France 2 atteint à peine la moitié de celui de TF1. Cest une donnée quil faudra prendre en compte lors du débat sur le projet de loi à lautomne.
- En ce qui concerne la place du service public en Europe, il faut tout dabord souligner que la plupart des pays européens possèdent aujourdhui un audiovisuel public réunissant 30 à 40 % de laudience, ce qui est une garantie en matière de pluralisme de loffre. La position de la Communauté européenne sur le service public reste assez floue. Celui-ci a été reconnu par le traité dAmsterdam mais, comme pour tout le secteur des industries de linformation et de la communication, deux tendances saffrontent. Lune, dinspiration libérale, souhaite fondre lensemble de ces activités dans un marché totalement concurrentiel et privé, comme en témoignent les débats actuels sur la convergence menés par le commissaire Bangemann, lautre, plus nuancée, reconnaît que les activités audiovisuelles et plus particulièrement la télévision publique ont un rôle culturel et social spécifique à jouer, quil convient de préserver.
- Les années qui viennent vont essentiellement voir le développement, dune part, de chaînes thématiques de plus en plus ciblées et, dautre part, de télévisions locales. Face à ce dernier phénomène, France 3 va être obligée de remettre en cause les modalités de développement quelle a retenues ces dernières années, fondées essentiellement sur son socle national. Si la société souhaite perdurer, elle devra très certainement beaucoup plus se rapprocher du terrain et mieux cibler géographiquement ses décrochages qui sont aujourdhui réalisés pour une information de niveau régional, ce qui ne correspond plus à lattente des téléspectateurs. Le succès des « six minutes » de M6, construites dans une logique de décrochage local, témoigne de cette évolution de la demande.
Par ailleurs, ce développement des télévisions locales aura forcément des conséquences sur la presse quotidienne régionale et ses modalités de financement. Il conviendra donc ici aussi darbitrer entre différentes difficultés. Laccès des télévisions locales aux secteurs de publicité réservés sera-t-il gravement pénalisant pour la presse écrite ? La participation des quotidiens régionaux et locaux aux télévisions locales ne conduira-t-elle pas à la constitution de monopoles locaux dinformations ? Autant de questions sur lesquelles le Parlement aura à débattre.
- En ce qui concerne larrivée en France dun capitalisme audiovisuel étranger, il faut distinguer deux phénomènes. Tout dabord, en application de la nouvelle directive « télévision sans frontières », des chaînes émises depuis létranger peuvent désormais, via un bouquet satellite, être diffusées en France sans avoir à se conformer aux obligations traditionnelles des services audiovisuels (conventions avec le CSA, quotas de diffusion, etc...). Cest par exemple le cas de la chaîne TNT Cartoon et ces situations devraient se multiplier dans lavenir. Dans ce domaine, seul un renforcement de la législation européenne sera donc efficace.
Par ailleurs, le risque dune « invasion » de capitaux étrangers dans laudiovisuel national a été évoqué par les grands groupes français lorsque lon a envisagé un plafonnement des participations capitalistiques afin de garantir le pluralisme. Ces opérateurs considèrent que le marché français na pas la capacité de dégager de nouveaux investisseurs nationaux. Il convient en fait de rappeler que le secteur privé de laudiovisuel se caractérise aujourdhui par une très forte rentabilité. Il semble donc difficilement imaginable quil ny ait pas en France une réserve de capitaux susceptibles de sinvestir dans ce secteur.
- En ce qui concerne enfin la radio, un audit des fréquences est actuellement réalisé, à la demande du Gouvernement afin de parvenir à dégager des possibilités supplémentaires de diffusion. Le réexamen des fréquences attribuées à Radio France semble laisser penser que 250 fréquences sont aujourdhui inutilisées. Il convient cependant dexaminer la puissance des émetteurs correspondant pour savoir si une véritable marge de manuvre supplémentaire pourra être accordée aux stations généralistes qui supportent des contraintes spécifiques.
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Informations relatives à la commission
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis des propositions de loi de :
· M. Jean-Pierre Michel, visant à créer un contrat dunion civile et sociale - n°88
· M. Jean-Marc Ayrault, relative au contrat dunion sociale - n°94
· M. Georges Hage, relative aux droits des couples non mariés - n° 249.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé aux nominations suivantes :
- M. Gaëtan Gorce, rapporteur dinformation sur lapplication de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 dorientation relative à la réduction du temps de travail,
- M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis sur les propositions de loi de :
· M. Jean-Pierre Michel, visant à créer un contrat dunion civile et sociale - n°88
· M. Jean-Marc Ayrault, relative au contrat dunion sociale - n°94
· M. Georges Hage, relative aux droits des couples non mariés - n° 249.
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