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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 64

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 septembre 1998
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la culture pour 1999 (en présence de la presse)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la culture pour 1999.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tout d’abord rappelé que la culture est aujourd’hui au cœur des évolutions économiques, sociales et politiques en France et dans le monde : la mondialisation des échanges, les nouvelles technologies de communication, la primauté de l’audiovisuel et les grandes potentialités qu’offre la construction européenne transforment l’environnement de la production artistique et les conditions d’accès à la culture. De même, la mise en cause croissante, sans discernement, du principe d’un financement public de certaines activités, la remise en cause brutale des valeurs d’universalité et de pluralisme placent l’art et la culture au cœur du débat et des choix politiques, mais aussi économiques et industriels.

Si le gouvernement a mis au cœur de son programme, aux côtés de la bataille décisive pour l’emploi et la justice sociale, le principe d’une intervention résolue de l’Etat en faveur de la culture, ce n’est pas pour défendre frileusement le modèle national mais bien pour affirmer que ce qui se joue dans ce domaine est le choix d’un modèle d’organisation des rapports économiques et sociaux. S’il fallait nous en convaincre, les négociations internationales en cours, en vue d’un Accord multilatéral d’investissement (AMI) en constituent la preuve la plus évidente.

Parce que la culture a vocation à investir toujours davantage le champ social et parce qu’elle est au cœur du pacte républicain, le ministère de la culture poursuit désormais trois objectifs fondamentaux : refonder un grand service public de la culture, soutenir et encourager davantage l’acte de culture dans sa double dimension de création et d’accès aux pratiques culturelles et, enfin, favoriser l’appropriation citoyenne de notre patrimoine.

La politique culturelle doit tout d’abord pouvoir s’appuyer sur un service public fort et efficace.

Le budget 1998 a été celui de la reconstruction. Il convenait de retrouver des marges de manœuvre budgétaires, de disposer d’une administration modernisée et en état de marche et de remotiver ses agents. En un mot, il fallait restaurer la crédibilité de ce département ministériel vis à vis de ses partenaires institutionnels et associatifs.

Cette réorganisation s’achève. La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même direction, comme celle du patrimoine et de l’architecture, a été guidée par un seul et même souci : bâtir un ensemble performant au service de nos partenaires et des professionnels, en faisant fi des cloisonnements artificiels qui servaient peut-être des clientèles particulières, mais qui ne répondaient plus aux exigences d’une politique performante. De même, une nouvelle délégation au développement et à l’action territoriale a été mise en place afin de garantir la cohérence des actions sectorielles du ministère en faveur de la démocratisation et de l’aménagement du territoire.

Mais il ne suffit pas de mobiliser les administrations centrales sur leur fonction d’impulsion et d’évaluation, si dans le même temps les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), sous l’autorité des préfets, ne sont pas reconnues en tant qu’échelon décisionnel pour l’ensemble des actions régionales. Voilà pourquoi le mouvement de déconcentration des crédits du ministère a été amplifié. En effet, un Etat plus présent est un Etat plus proche des réalités du terrain où il exerce ses missions.

La déconcentration des crédits sera poursuivie en 1999 en ayant le souci de l’efficacité et de la bonne administration, c’est-à-dire en renforçant les moyens en personnel des DRAC. Un plan de redéploiement des personnels, afin d’obtenir un meilleur fonctionnement des services, est d’ailleurs prévu dès cet automne.

Ce rééquilibrage entre les niveaux de la décision ne corrige cependant pas structurellement la répartition des financements publics dans le rapport entre Paris et les régions qui sera modifiée progressivement à travers une programmation maîtrisée des interventions financières du ministère. En effet, les grands équipements culturels parisiens risquent d’absorber une part excessive de nos capacités de financement si les efforts à consentir ne sont pas inscrits dans un plan décennal. En procédant ainsi, les marges de manœuvres pour un rééquilibrage en faveur des régions pourront être dégagées. Les contrats plan Etat-régions, pour la période 2000/2006 seront l’un des instruments de ce rééquilibrage, même si celui-ci est déjà notable dans le budget pour 1999. Ainsi, dès 1999, les crédits de soutien aux opérations d’équipements des collectivités territoriales seront accrus de 38 %.

L’action de l’Etat devra également être plus lisible, plus équilibrée et plus fiable. Pour cela, il est nécessaire de définir les principes de son intervention et les responsabilités des structures bénéficiant d’un financement public. C’est dans cet esprit que le ministère a proposé une charte des missions de service public pour les conventions avec les institutions culturelles de spectacle vivant bénéficiant de financements de l’Etat. Cette démarche sera progressivement étendue à tous les secteurs d’intervention du ministère. Le fonctionnement des services publics de la culture, soutenu le plus souvent dans le cadre d’un large partenariat, sera ainsi établi sur une base contractuelle claire, tant au niveau des collectivités locales que dans les conventions avec les institutions culturelles, afin qu’il puisse être objectivement et correctement évalué.

C’est aussi pour honorer la parole de l’Etat qu’en 1998 le ministère a assuré le déblocage de certains grands projets, comme la Maison du cinéma, qu’il a commencé à solder la lourde dette (300 millions de francs) en matière de crédits de paiement et que le budget du patrimoine a été augmenté de près de 40 % sur deux ans afin de revenir au niveau des financements prévus dans la loi de programme.

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, le budget de la culture pour 1999 est à nouveau en forte expansion. Il progresse de 3,5 %, soit 525 millions de mesures nouvelles, quand les dépenses de l’Etat n’augmentent en moyenne que de 2.2 %. Ces chiffrent montrent que la culture est, plus que jamais, une priorité de ce gouvernement.

Le budget 1999 marquera d’autre part concrètement la volonté de concilier le soutien à la création et le développement d’une politique ambitieuse de démocratisation des pratiques culturelles.

Le temps de la création et le temps de la diffusion sont deux temps différents. Le ministère de la culture doit pourtant les prendre l’un et l’autre en compte. Il respecte et doit faire respecter le temps qu’il faut pour que la création et particulièrement celle qui rompt avec les conventions trouve son public. Mais il faut sortir de l’opposition stérile entre création et démocratisation en mettant en évidence le fait que l’une renforce l’autre. Les créations doivent être vues et entendues par le plus grand nombre dans l’objectif d’offrir la plus grande qualité artistique à tous nos concitoyens.

Le service public de la culture est aujourd’hui constitué d’un vaste ensemble de structures. Il doit impérativement assumer deux missions en parallèle : garantir et encourager la liberté de création, favoriser la diffusion la plus large du patrimoine vivant ainsi constitué.

Cela emporte deux conséquences politiques majeures. D’une part, la création n’ayant pas vocation à répondre mécaniquement à la demande sociale, les collectivités publiques, quel que soit leur niveau d’intervention, ne doivent pas relâcher leurs efforts dans le soutien qu’elles lui apportent. D’autre part, l’égalité d’accès aux biens culturels et aux pratiques artistiques étant un principe de valeur constitutionnelle, ainsi que la loi de lutte contre les exclusions l’a rappelée, elle doit être mise en œuvre par tous les moyens de diffusion dont nous disposons, qu’il s’agisse des institutions culturelles et artistiques désormais réparties sur la majeure partie de notre territoire, des médias audiovisuels ou des structures d’enseignement et d’éducation.

Si le spectacle vivant constitue l’une des priorités du budget pour 1999, les disciplines ou équipes artistiques ayant été particulièrement touchées pendant les années de régression budgétaire seront soutenues en priorité. Plus précisément, il s’agira, d’une part, des compagnies de danse, de théâtre, de l’écriture musicale ou dramatique sans lesquelles il est vain de parler d’effort en direction de la création contemporaine et d’autre part des musiques actuelles qui ont toujours été l’objet de discours généreux, mais pour lesquelles le ministère n’a jamais mis en pratique ses propres intentions. A ce sujet, la commission nationale des musiques actuelles vient de rendre son rapport ; les mesures retenues seront rendues publiques à la mi-octobre.

Avec ce secteur des musiques actuelles, nous sommes bien à l’intersection de l’innovation parfois la plus avant-gardiste et de l’adhésion la plus large des publics. Elles intéressent, en effet, des générations entières en tant qu’auditeurs, spectateurs ou amateurs mais elles forment aussi un fantastique espace de création, de renouvellement des pratiques, d’interpénétration des disciplines. Lorsque l’on sait que les pratiques audiovisuelles de nos concitoyens sont consacrées à 50 % aux musiques actuelles, que les élus locaux sont de plus en plus confrontés à la demande des publics, on mesure combien il est urgent de concevoir des dispositifs institutionnels qui soient enfin à la hauteur des attentes.

Une autre des priorités dans le domaine du spectacle vivant concerne les arts de la rue qui associent, également, succès public et créativité artistique. Cela passera par un accompagnement de la professionnalisation des troupes, une aide à la diffusion des spectacles et le conventionnement des compagnies les plus structurées.

Au total, les mesures nouvelles en faveur de toutes les disciplines du spectacle vivant s’élèveront à 110 millions de francs. Pour les structures permanentes, l’entrée en application effective de la charte de service public privilégiera celles qui assument pleinement le soutien à la création et leurs responsabilités en matière de renouvellement des publics ou d’ouverture aux pratiques amateurs.

Cette dynamique parfaitement cohérente entre le soutien à la création et la démocratisation des pratiques guidera toutes les interventions financières du ministère. Ainsi, dans le domaine des arts plastiques, le niveau des crédits destinés aux commandes publiques est reconduit et, dans le même temps, les bourses des étudiants en écoles d’art seront substantiellement augmentées. Les crédits de la délégation aux arts plastiques progresseront ainsi de près de 15 %.

Les moyens consacrés aux enseignements et à l’éducation visent aussi ce double objectif : la formation de nouveaux créateurs et, plus largement, la diffusion des savoirs et des connaissances. Le ministère consacrera en 1999, près de 1,5 milliard de francs à l’éducation et aux enseignements artistiques. Cet effort sera prolongé dans le cadre des contrats de plan afin de le développer sur l’ensemble du territoire. Enfin, dans le domaine de la création comme dans celui de la diffusion, le secteur des nouvelles technologies et plus particulièrement du multimédia sera systématiquement privilégié.

Ainsi, en 1999, le programme de soutien à la création et au développement d’espaces culture-multimédia sera amplifié. Une centaine de projets sont déjà en cours de réalisation. Dans le même temps le Centre national du cinéma (CNC) renforcera son action en direction des projets de création multimédia. Dans ce secteur encore émergent, nous vivons un étrange paradoxe. La France a pris un certain retard dans la pénétration économique et sociale des nouvelles technologies alors que, dans le même temps, l’industrie américaine vient massivement recruter dans nos écoles d’art, réputées dispenser les meilleures formations artistiques, notamment dans le domaine de l’illustration ou de l’animation. Face à cette situation, le ministère souhaite engager résolument ce département ministériel dans la bataille du développement des nouvelles technologies, tout en permettant aux jeunes qui se lancent de bénéficier d’un appui logistique et financier. L’usage de ces outils par les professionnels de la culture sera également favorisé.

Nous sommes entrés dans une société où les images, en nombre infini et fragmentées, transforment nos représentations du monde et démultiplient nos perceptions du réel. Sans maîtrise de ce nouvel environnement, le risque est grand de reproduire une césure entre ceux qui disposent des outils conceptuels et ceux qui consomment les produits. Pour cette raison, l’éducation à l’image et aux nouvelles technologies devient une priorité. Pour la mettre en œuvre, il a été demandé aux DRAC de favoriser les actions partenariales avec l’éducation nationale, les structures d’éducation populaire ou les institutions audiovisuelles.

Enfin, si elles ne constituent en aucun cas le moyen unique d’une politique de démocratisation, les politiques tarifaires ne peuvent être sous-estimées. Il est souhaitable que tous les institutions culturelles soutenues par l’Etat simplifient leur système de tarification, adoptent le principe d’un tarif périodiquement le plus bas possible, voire celui d’un accès gratuit. A titre d’exemple, la gratuité un dimanche par mois, mise en œuvre au Louvre, doit être progressivement étendue à l’ensemble des musées nationaux.

Le troisième axe majeur de l’action du ministère de la culture en 1999 consistera à donner à la politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant l’appropriation citoyenne de l’héritage culturel national.

Il convient en effet de veiller à la préservation et à l’appropriation par tous nos concitoyens du patrimoine monumental, écrit et audiovisuel qui forme notre mémoire collective. Le renouvellement des formes et des représentations ne doit pas reléguer au second plan les efforts en faveur de la mise en commun de l’héritage culturel et artistique. Dès 1998, les crédits du patrimoine ont été reconstitués grâce à une augmentation de 39 %. En 1999, la progression intervenue l’an dernier est consolidée puisque ces crédits augmentent de 2,7 %

Les musées et les monuments historiques sont traditionnellement les éléments de visibilité de la politique des collectivités publiques en faveur du patrimoine. Mais le travail et le devoir de mémoire sont constitutifs de toutes les activités artistiques et culturelles. Une politique patrimoniale ambitieuse n’est pas forcément marquée du sceau du conservatisme. En réalité, il est aujourd’hui indispensable que nos concitoyens, parfois désorientés par la rapidité des changements que connaît notre société, retrouvent, grâce à la préservation et à la connaissance de leur patrimoine, certains repères de leur identité individuelle et collective.

Première illustration de cette volonté : cette année, l’effort portera sur le patrimoine du XXème siècle, encore trop négligé. Dans cet ensemble, la politique d’inventaire et de protection du patrimoine industriel sera renforcée, comme par exemple les sites et villages miniers du nord de la France. Cette dimension fondamentale de l’histoire sociale de notre pays sera mise en avant. L’évolution de l’économie a bouleversé le paysage industriel et la mémoire de millions d’hommes et de femmes ainsi que leurs savoir-faire sont aujourd’hui laissés à l’abandon à l’image des sites désertés. Pourtant, derrière la dénomination, peut-être trop floue, « d’écomusée », ce patrimoine vivant dépasse le simple cadre socio-économique local et intéresse la nation toute entière. Il sera donc valorisé, tant par devoir de mémoire que pour témoigner de la reconnaissance nationale.

Il en va de même pour le patrimoine écrit. Dans le souci de valoriser et de mettre ce patrimoine à la disposition du plus grand nombre, la Bibliothèque nationale de France, dont 1999 constituera la première année de fonctionnement à plein régime, développera son objectif de mise en réseau avec les bibliothèques municipales à vocation régionale.

Cette même année, la restructuration des archives nationales sera engagée dans le cadre d’une redéfinition de leurs missions et de leurs moyens au profit des chercheurs mais aussi du grand public. Un projet de loi qui affirmera le principe d’ouverture des archives publiques sera présenté au Conseil des ministres, afin de renforcer le rôle des archives de France comme instrument de diffusion de la mémoire nationale.

Rendre plus accessible à l’ensemble de nos concitoyens les différents supports de la mémoire conduira aussi à mener un certain nombre d’actions en faveur du patrimoine cinématographique et audiovisuel. La Maison du cinéma constituera l’élément central d’une mise en réseau de la diffusion du patrimoine cinématographique sur l’ensemble du territoire. S’agissant de l’INA, sa mission de protection du patrimoine audiovisuel sera au cœur de la redéfinition du projet stratégique de cette entreprise.

La fréquentation du patrimoine, au sens classique du terme, est la première pratique culturelle des français après les pratiques audiovisuelles. Il ne s’agit pourtant pas de tout « patrimonialiser », dans un mouvement illusoire qui reviendrait à vouloir arrêter le temps, à fixer un état donné de notre histoire. Il s’agit bien au contraire d’offrir à tous la possibilité d’accéder aux données de la connaissance, de les relier entre elles, ce que les techniques de l’information permettent désormais, tout en mettant à disposition de nos concitoyens et en transmettant aux générations futures ce qui fonde matériellement ce savoir, ce qui en constitue la trace : archives, livres, œuvres d’art, objets, films, monuments, témoins matériels de la diversité culturelle.

C’est dans cet esprit que seront privilégiés les projets qui visent à faire coopérer des institutions et des logiques professionnelles différentes, que ce soit au travers de l’Institut national d’histoire de l’art, poursuivi avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou au travers de la Cité de l’architecture et du patrimoine, destinée à devenir une tête de réseau, un outil de confrontation d’approches trop souvent disjointes. Beaucoup est également attendu du futur Musée des arts et des civilisations comme lieu de transmission de nouveaux repères, pour tous, sur l’histoire, ancienne et plus récente, des sociétés africaines, précolombiennes et océaniennes, de leurs cultures et de leurs influences.

Conserver et restaurer ne constituent pas les seuls actes par lesquels l’Etat peut préserver les richesses artistiques. C’est pourquoi les moyens consacrés aux acquisitions d’oeuvres d’art seront accrus. De même, à la suite du rapport de M. André Chandernagor et à la demande du Premier ministre, le ministère du budget et celui de la culture étudient actuellement un ensemble de mesures, notamment de nature fiscale, visant à dynamiser le marché de l’art français dans un contexte de vive concurrence internationale.

En conclusion, Mme Catherine Trautmann a rappelé que la culture pèse pour près de 400 000 emplois dans l’ensemble de l’activité économique nationale. La demande qui s’est exprimée autour des emploi-jeunes donne la mesure des potentialités de développement dans ce secteur.

La culture est souvent au centre des négociations internationales et elle demeure un enjeu politique permanent au cœur des changements économiques et sociaux. Avec la multiplication des supports de diffusion, qu’ils concernent l’audiovisuel ou le multimédia, la France se trouve face à un nouveau défi. Les responsabilités conjointes de ministre de la communication et de la culture doivent être utilisées comme une opportunité pour le relever. Le projet de loi sur l’audiovisuel public, qui réaffirmera l’identité du service public de la télévision, confortera celle-ci comme instrument essentiel de création et de diffusion culturelle.

Après l’exposé de la ministre, le président Jean Le Garrec a tout d’abord relevé, dans sa présentation du budget 1999, trois éléments particulièrement intéressants :

- la création d’une « Maison du cinéma », appréciable pour tous les cinéphiles ;

- la notion évoquée par la ministre d’« appropriation citoyenne » de la mémoire, et notamment de la mémoire du geste ouvrier, la culture constituant du reste dans certaines régions un élément de reconquête économique non négligeable ;

- la déconcentration des crédits du ministère, qui, à l’instar des négociations prochaines en vue de la signature des contrats de plan entre l’Etat et les régions, représentent un enjeu essentiel.

Le président Jean Le Garrec a ensuite évoqué trois questions appelant vraisemblablement des réponses de nature législative :

- la protection des biens mobiliers et des œuvres d’art ;

- la modernisation des conditions de réalisation des activités d’archéologie préventive ;

- le problème de la définition du statut des établissements publics locaux à vocation culturelle, qui a d’ailleurs fait récemment l’objet d’une proposition de loi de la part du sénateur Ivan Renar.

Enfin, il a souhaité que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mette en place un groupe de travail sur la question des musées. En effet, le statut des musées, qui date de 1945, doit être rénové afin notamment de mieux prendre en compte la notion d’« appropriation collective du patrimoine » à laquelle la ministre a fait référence au cours de son intervention.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis sur les crédits de la culture, a tout d’abord rappelé qu’avec l’accord du président Le Garrec et celui du président de l’Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, un forum sur le budget de la culture avait été ouvert sur le site Internet de l’Assemblée durant l’été 1998.

Il a ensuite posé des questions sur :

- l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de la loi sur l’enseignement artistique spécialisé, annoncée depuis longtemps ;

- le calendrier de dépôt du texte visant à actualiser la loi du 3 janvier 1979 sur les archives ;

- l’éventuelle présentation d’une nouvelle loi de programmation sur le patrimoine, la loi actuelle, votée en 1993, devant en effet bientôt venir à échéance ;

- le but de la restructuration du ministère, et notamment du rapprochement entre plusieurs directions. S’agit-il d’une modification traduisant une approche différente de la politique culturelle ou, simplement, d’un moyen d’accroître l’efficacité de gestion des services du ministère ?

- le renforcement des compétences dévolues aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ;

- la répartition des crédits culturels entre Paris, l’Ile-de-France et la province ainsi que l’état d’avancement des grands projets lancés dans les régions par un précédent ministre de la culture, M. Jacques Toubon, en 1995.

- les actions prévues pour soutenir le développement des nouvelles technologies de l’information, qui représentent un double enjeu, tant comme moyen d’accès à la culture que comme vecteur d’innovation et en particulier les crédits prévus pour 1999 dans ce domaine et les perspectives de baisse du taux de TVA appliqué aux produits multimédia et à l’ensemble des supports préenregistrés.

- l’organisation et le financement par le ministère de la culture de manifestations pour le passage à l’an 2000 ;

- les différences d’augmentation des crédits de certains chapitres budgétaires selon que l’on prend en considération le budget à structure constante ou dans sa présentation définitive. Ainsi, en 1999, les crédits inscrits au titre IV augmentent de 4,3 % dans le budget à structure constante et seulement de 3,6 % dans sa version définitive ;

- l’adaptation de notre système de protection des œuvres aux nouveaux modes de consultation en ligne. Le système français du droit d’auteur est particulièrement protecteur et engendre donc des coûts relativement élevés. Cependant, avec le développement de la société de l’information, dans un contexte de marché dépassant les frontières nationales, ce système est dans bien des cas contourné ou encore mis en compétition avec d’autres modes de rémunération.

En réponse au président et au rapporteur pour avis, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tout d’abord rappelé qu’un grand nombre de textes législatifs restait en suspens pour l’ensemble des ministères. En effet, quatre-vingt projets de lois sont en phase d’élaboration ou d’achèvement. A ceux-ci s’ajoutent environ trente propositions de lois émanant de députés ou de sénateurs. Le Conseil des ministres a d’ailleurs récemment abordé cette question et a tenté de planifier l’ordre d’examen de ces textes et, notamment, des plus importants d’entre eux.

Elle a ensuite donné les éléments de réponse suivants :

- En ce qui concerne le domaine culturel, les textes en préparation sont nombreux. L’un d’eux concerne le régime d’exportation des biens culturels ainsi que la protection des objets ou ensembles mobiliers présentant un intérêt historique ou artistique. Ce projet, qui fait aujourd’hui l’objet d’un examen interministériel, doit être déposé devant le Parlement au cours du premier semestre 1999. Il permettra de concilier la protection des trésors nationaux et le développement du marché de l’art.

- Une nouvelle législation devra en outre permettre de rénover et de mieux organiser les conditions de réalisation de l’archéologie préventive qui restent régies par la loi du 27 septembre 1941. Ce dossier très épineux a été récemment évoqué – par l’Inspection générale des finances qui a établi un rapport en 1997 et par le Conseil de la concurrence qui a donné un avis à ce propos le 19 mai 1998 – sans être traité sur le fond. Les fouilles d’urgence sont actuellement réalisées par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) dont le statut est demeuré relativement flou depuis la mise en place plus ou moins empiriques de ses modalités d’action. Un projet de loi devrait être présenté au printemps 1999 afin d’élaborer un système plus précis et plus conforme au droit positif, mais le soutien de la commission sera le bienvenu pour assurer son inscription à l’ordre du jour des assemblées.

- Le problème des institutions culturelles locales et de l’absence d’un statut adapté est particulièrement urgent et génère, légitimement, de nombreuses interpellations de la part des acteurs culturels et des élus locaux. Il faut absolument trouver une solution qui, tout en assurant la sécurité juridique des élus, sera bien adaptée à la gestion d’activités culturelles. La question se pose actuellement de savoir si ce statut doit être défini par la loi ou par la voie réglementaire. Mme Schiffert, inspectrice générale de l’administration, s’est vu confier le soin d’établir un rapport sur les avantages et les inconvénients respectifs de la solution réglementaire et de la voie législative. Une note d’étape doit être remise à la fin de cette semaine, le rapport définitif devant être achevé au cours du mois de novembre. Il sera bien entendu transmis à la commission des affaires culturelles.

- Une nouvelle loi sur les musées s’avère effectivement indispensable. Au cours des dernières décennies, la fréquentation des musées nationaux ou autres a connu une augmentation très importante liée aux modifications des pratiques culturelles des Français. Ainsi, en trente ans, le nombre de personnes ayant fréquenté ces établissements a triplé. Actuellement, c’est l’ordonnance provisoire du 13 juillet 1945 qui continue de régir leur organisation, alors qu’elle n’était pas destinée à organiser l’ensemble de ce secteur et qu’elle s’est vidée de sa substance au cours du temps. Il convient de donner aux musées une base légale rénovée afin d’améliorer et d’unifier les régimes juridiques de protection applicables à leurs collections, de permettre une meilleure circulation de ces collections entre les musées et de faciliter leur transmission aux générations futures. Un projet de loi sur cette question d’intérêt public doit être préparé par le ministère dans le courant de 1999.

- Suite au rapport Braibant, une loi sur les archives est en cours de préparation. Elle devra redéfinir le statut des archives nationales et les délais de consultation. De plus, M. Belaval rendra en octobre des propositions sur les sites accueillant les archives nationales. En effet, comme l’a montré le débat autour du site de Reims, la conservation et le stockage des archives sont hors normes et les sites saturés. Le budget pour 1999 ne présente cependant pas de mesures nouvelles pour le centre d’archives de Reims car les crédits dégagés en 1998 n’ont pas été consommés et ont pu être provisionnés.

- Les enseignements artistiques spécialisés concernent actuellement 36 établissements et 10 000 étudiants. Le ministère de la culture a demandé à M. Imbert de réfléchir au statut de ces établissements, à leur mise en réseau et aux modalités d’augmentation des subventions accordées par l’Etat. Ce rapport débouchera sur un plan de concertation et de réformes et, si nécessaire, sur un projet de loi.

- Le patrimoine demeure une priorité importante du ministère de la culture. En 1998, il s’est attaché à reconstituer des crédits qui avaient été réduits de plus du tiers par les budgets 1996 et 1997. Plus qu’une loi-programme qui peut – comme on l’a vu – être contournée, seuls de véritables engagements pluriannuels et la vigilance des parlementaires sont à même de garantir le bon niveau des crédits.

- La déconcentration doit être le mode normal d’exercice des prérogatives du ministère de la culture en région. Elle permet une réponse plus efficace et plus crédible aux demandes locales. La déconcentration des crédits doit être accompagnée d’un redéploiement des effectifs. Toujours dans ce souci de déconcentration, le ministère de la culture s’est attaché à soutenir dans les prochains contrats de plan Etat-régions les régions les moins aidées et les DRAC les moins dotées par le passé.

Déconcentrer les crédits implique cependant que les DRAC soient en mesure de les gérer. Cela n’a pas toujours été le cas en ce début d’année, notamment pour la DRAC Ile-de-France. Des améliorations peuvent cependant d’ores et déjà être constatées et un mouvement de transfert de personnel de l’administration centrale vers les services déconcentrés est prévu pour cet automne afin de conforter ces derniers.

Enfin, il est faux de voir dans la déconcentration la disparition d’une politique culturelle nationale ; les services centraux, par l’exercice de leurs missions d’orientation, de fixation des objectifs et d’évaluation, continueront de garantir la présence d’un Etat fort et efficace.

- Le ministère de la culture ne fait quasiment pas l’objet de créations d’emplois dans le budget pour 1999. Les effectifs sont constants, à deux exceptions : la création de 80 emplois de sécurité dans les musées nationaux et la transformation de 450 postes de vacataires en bénéficiaires de contrats à durée indéterminée. Dans les mesures nouvelles, l’action culturelle a donc pris le pas sur les moyens. Cependant, le personnel du ministère a bénéficié à hauteur de 27 millions de francs de mesures de reclassement et le bâtiment de la rue des Bons Enfants sera entièrement rénové en 2001, ce qui permettra la réunion de l’ensemble des services actuellement éclatés dans la capitale.

- Le ministère de la culture s’est totalement engagé dans le développement des nouvelles technologies de l’information. Les dotations concernant ce domaine ont été reconduites, notamment pour les sites multimédia. Ainsi, 10 millions de francs sont consacrés par le ministère au développement de 100 projets multimédia. L’effort d’équipement dans les bibliothèques, les médiathèques se poursuit. A ce titre, la troisième tranche de travaux pour la construction des bibliothèques municipales à vocation régionale a été prolongée. Sont également soutenus les produits multimédia comme les CD-Rom en partenariat avec la CNC. Enfin, le processus de numérisation est définitivement engagé que ce soit pour les livres, l’audiovisuel ou les archives. Le budget du ministère de la culture s’est donc principalement consacré aux actions de soutien aux créations de contenus, alors que celui du ministère de l’industrie permettra de favoriser les entreprises s’engageant dans ces nouveaux domaines par le biais du capital-risque.

- Le prix du disque et du livre préoccupe également le ministère de la culture. L’importance toujours plus grande des grandes surfaces fausse la concurrence, d’autant que celles-ci ont tendance à utiliser les biens culturels comme des produits d’appel. Le ministère de la culture négocie de façon permanente avec la Commission européenne sur les dossiers de la TVA sur les biens culturels et de l’extension du prix unique du livre.

- Les manifestations de l’an 2000 seront mises en place dans le cadre d’une mission interministérielle. Celle-ci doit d’abord élaborer un document récapitulant les différents projets. En ce qui concerne le financement, celui-ci sera clairement identifié et ne sera pas prélevé sur le budget courant du ministère. Il est prévu dans un premier temps de débloquer en loi de finances rectificative pour 1998 des crédits à hauteur de 187 millions de francs.

M. Marcel Rogemont a formulé les observations et posé les questions suivantes :

- l’évolution des crédits budgétaires sur les dernières années marque bien la priorité accordée à la culture par le gouvernement de M. Lionel Jospin ; en effet, après une diminution des crédits de 575 millions de francs en 1997, ceux-ci ont augmenté de 550 millions de francs en 1998 et augmenteront encore l’année prochaine de 525 millions de francs ;

- la politique culturelle ne peut dépendre de la seule loi du marché ; la mise en place d’une charte du service public de la culture est indispensable pour fixer des objectifs d’intérêt général aux institutions culturelles et assurer la mise en commun des moyens publics et privés ;

- il est en effet tout à fait judicieux de développer la politique de protection et de mise en valeur du patrimoine industriel ;

- en ce qui concerne l’art dramatique, il serait opportun de mettre en place un système de soutien aux auteurs sous la forme de conventions d’aides pluriannuelles, de préciser le rôle de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon et de faciliter les rapprochements entre théâtre amateur et théâtre professionnel ;

- la politique de déconcentration en matière culturelle doit être soutenue, mais il convient toutefois de prendre en compte les inquiétudes justifiées de certains grands établissements culturels implantés dans les régions qui craignent que le changement de tutelle ne conduise à une réévaluation des critères de subvention ;

- il serait souhaitable de préciser les orientations concernant l’évolution du statut des intermittents du spectacle, au-delà des dispositions transitoires applicables jusqu’à la fin de l’année.

M. Edouard Landrain, après avoir souligné le caractère incantatoire des intentions affichées par la ministre, a formulé les observations suivantes :

- c’est une bonne chose de développer la déconcentration en matière culturelle ;

- il conviendrait d’apporter des précisions en ce qui concerne la politique de la musique et de l’enseignement musical menée par le ministère en relation avec le ministère de l’éducation nationale et l’avenir des associations départementales de développement de la musique (ADDM) ;

- la ministre ayant annoncé la mise en place d’une nouvelle délégation au développement et à l’action territoriale, il serait intéressant de savoir si cela aura des conséquences sur les modalités du soutien apporté par l’Etat aux collectivités territoriales lors de la mise en place de nouveaux équipements culturels ;

- au-delà des mesures annoncées pour les Archives nationales, des aides doivent être apportées aux conseils généraux pour pallier la « grande misère » des archives départementales ;

- à l’instar du soutien au patrimoine industriel minier, le patrimoine maritime pourrait également bénéficier d’un plan de mise en valeur ;

M. Edouard Landrain s’est ensuite interrogé sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l’introduction des œuvres d’art dans l’assiette de calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Paul Bret a posé des questions concernant :

- la politique en matière de « musiques actuelles », dans l’attente de la remise au Gouvernement d’un rapport sur ce sujet ;

- les moyens d’assurer un meilleur statut pour les lieux d’« émergence culturelle » comme les cafés-musique qui sont souvent dans des situations très précaires ;

- l’élaboration d’un projet de loi sur les bibliothèques municipales et le droit de prêt à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix ;

- les risques induits par la déconcentration des crédits pour les grands établissements culturels à vocation nationale implantés en régions.

En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- En ce qui concerne les bibliothèques municipales et le droit au prêt, une concertation a été engagée avec les professionnels à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix, de manière à aboutir à la présentation d’un projet de loi à la fin de l’année 1999. Celui-ci traitera notamment de la mise en réseau des ressources documentaires, du pluralisme des collections, de la professionnalisation des bibliothécaires, de la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques et de l’instauration d’un droit modique au prêt avec des possibilités d’exonération visant à protéger le droit des auteurs qui connaît des évolutions, notamment dans le cadre européen.

- La politique de rééquilibrage en matière culturelle entre Paris et la province trouve sa concrétisation dans l’évolution des crédits : en 1998, hors grands établissements culturels nationaux 54 % des crédits du ministère ont été affectés à Paris et 46 % aux régions ; en 1999, 45 % des crédits seront affectés à Paris et 55 % aux régions.

- La priorité donnée à la démocratisation de l’accès à la culture et des pratiques culturelles se traduit, en premier lieu, par une forte augmentation des crédits affectés au soutien des pratiques culturelles amateurs, en coordination avec le ministère de la jeunesse et des sports, en deuxième lieu par la mise en place dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-Régions de centres de ressources des spectacles vivants (danse, musique, théâtre) et des arts plastiques, et en troisième lieu par un soutien spécial aux ADDM et au théâtre en milieu rural.

- Le soutien à l’écriture dramatique passe plus par la commande d’oeuvres et l’aide à l’édition et à la diffusion que par la conclusion de conventions individuelles avec des auteurs. En ce qui concerne le cas particulier du Centre d’écritures de Villeneuve-lez-Avignon, il convient de rappeler qu’il appartient à un centre culturel de rencontre et qu’il sera soutenu dans ce contexte, étant observé que le ministère de la culture et de la communication s’efforce de consolider ses relations partenariales avec les centres de ce type.

- La prorogation du régime des intermittents du spectacle arrive à échéance à la fin de 1998. Sur ce dossier particulièrement sensible, un certain nombre d’avancées doivent être soulignées : l’ordonnance relative à la licence d’entrepreneur de spectacles a été modifiée par un projet de loi en cours d’examen, des guichets uniques ont été mis en place pour améliorer le recouvrement des cotisations dues par les employeurs occasionnels et la lutte contre le travail clandestin a été amplifiée en collaboration avec le ministère de l’emploi et de la solidarité. Par ailleurs, une commission paritaire travaille depuis le mois de mai pour élaborer des propositions concernant l’avenir du régime d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Cette commission ne saurait cependant se substituer au conseil d’administration de l’UNEDIC, qui, en la matière, reste seul investi du pouvoir de décision. Si un accord sur la réforme du régime ne peut être trouvé d’ici la fin de l’année, il faudra envisager de proroger le régime actuel jusqu’à la conclusion d’un tel accord.

Il est en tout état de cause préoccupant de constater que, pour les spectacles organisés en France, certaines activités, comme l’enregistrement sonore ou audiovisuel des représentations, sont de plus en plus souvent exercées par des professionnels de nationalité étrangère moins protégés, mais aussi moins coûteux. Il importe donc tout à la fois de lutter contre les excès du recours à des intermittents du spectacle, dont témoigne l’existence en France d’un fort taux de précarité pour des niveaux de qualification élevée et de maintenir le principe d’un régime d’indemnisation spécifique pour les intermittents, régime qu’un certain nombre de pays étrangers envisagent de transposer dans leur législation nationale.

Par ailleurs, si on peut espérer créer des emplois dans le secteur culturel, il faut d’abord se préoccuper de maintenir ceux qui existent. A cet effet, les projets de contrat de plan Etat-région qui prévoient la création d’emplois durables dans le secteur culturel seront favorisés.

- En ce qui concerne l’enseignement de la musique et des arts, le rapprochement du ministère de la culture et de la communication avec ceux de la jeunesse et des sports et de l’éducation nationale est bien avancé et se traduit par l’organisation de réunions conjointes des différents responsables locaux pour examiner les moyens de développer l’éducation artistique et musicale et en particulier de favoriser l’accès à la pratique instrumentale ou artistique dès le stade de l’enseignement primaire. L’accent doit également être mis sur la formation des enseignants, ainsi que sur le développement des interventions d’artistes dans les classes. Dans le même but, le développement d’espaces d’exposition et de lieux de répétition sera poursuivi.

- S’agissant de l’éventuelle inclusion des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, il convient de souligner que la simple détention d’une collection d’œuvres d’art n’est pas, en elle-même, une source de revenu. La taxation d’œuvres d’art dans le cadre de l’ISF paraît en outre contradictoire avec la mise en place d’une taxe sur les transactions dont le taux sera compris entre 4 et 7 %. Il paraît en effet plus logique de taxer l’œuvre d’art au moment où elle est susceptible de dégager une plus-value c’est-à-dire au moment de sa vente. Par ailleurs, la juste appréciation de la valeur des œuvres de toutes natures détenues par les particuliers poserait des problèmes très complexes. Enfin, l’extension de l’ISF aux œuvres d’art risquerait de compromettre la procédure des dations c’est-à-dire le paiement des droits de succession en œuvres d’art, procédure qui a permis d’enrichir considérablement le patrimoine national en y faisant entrer des œuvres de très grande importance. L’ensemble de ces arguments a conduit le Gouvernement à ne pas inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF.

- Le développement des archives départementales doit effectivement être encouragé.

Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné la pertinence de l’argument relatif aux dations dans le cadre du débat sur l’ISF, a indiqué que Mme Odette Grzegrzulka, qui n’avait pu assister à la réunion, souhaitait interroger la ministre sur la gestion de l’ADAMI.

M. Pascal Terrasse a posé des questions sur :

- les modalités de la déconcentration des crédits, qui ne doit pas s’arrêter au niveau des grandes métropoles régionales, comme on pourrait le craindre en constatant qu’un million de francs seulement a été consacré au développement artistique en Ardèche ;

- l’avenir de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), dont le rôle en matière d’archéologie d’urgence doit être précisé ;

- les conséquences que le ministère entend tirer de la mise en examen de trois de ses fonctionnaires dans l’affaire de la grotte Chauvet et les conditions dans lesquelles l’Etat se propose de reconnaître enfin le rôle des découvreurs de cette grotte, étant rappelé que la découverte de la grotte Cosquer avait en son temps donné lieu à une indemnisation convenable. Il serait souhaitable de surmonter les blocages existants, par exemple en nommant un médiateur.

M. Serge Janquin a présenté les observations suivantes :

- La progression des crédits du ministère peut être perçue comme la traduction d’une volonté politique forte qui permettrait de redessiner le paysage culturel français.

- Le nécessaire dialogue entre la création artistique et la démocratisation de l’œuvre d’art doit être poursuivi et amplifié.

- L’appropriation citoyenne du patrimoine est une notion importante dont l’application au bassin minier du Nord-Pas de Calais doit être saluée. On peut en effet regretter que d’importants éléments du patrimoine de ce bassin, à qui il faut rendre sa fierté culturelle, aient été perdus par négligence.

- Il serait souhaitable d’avoir des précisions sur le rythme du rééquilibrage de la répartition des crédits entre Paris et la province et de définir le niveau auquel ce rééquilibrage pourrait être considéré comme réalisé.

- le ministère de la culture devrait accroître sa participation à la politique de la ville, car les responsabilités des villes dans la création culturelle, autrefois très importantes, ont été diluées, notamment du fait du développement de l’intercommunalité. Dans un contexte culturel marqué par la prédominance croissante d’un modèle d’origine extérieure, il convient en effet d’aider les citoyens à retrouver leurs repères.

M. Jean-Pierre Baeumler a posé deux questions portant l’une sur les équipements culturels d’intérêt régional et les possibilités d’ouverture de chantiers dans un avenir proche, l’autre sur l’entretien du patrimoine monumental et la part financière respective des communes et de l’Etat en la matière, étant observé que ces parts varient beaucoup d’un monument à l’autre et que de nombreuses communes n’ont pas les moyens d’assurer convenablement la conservation du patrimoine situé sur son territoire.

M. Marcel Dehoux a souhaité connaître les moyens budgétaires qui seraient dégagés en faveur de la culture scientifique et technique.

Mme Hélène Mignon a insisté sur l’importance de la culture pour l’accès à la citoyenneté. Le développement d’une culture de proximité est en effet un puissant vecteur de lutte contre l’exclusion. On doit se féliciter que le budget pour 1999 mette l’accent sur un certain nombre d’actions allant dans ce sens (démocratisation, appropriation citoyenne du patrimoine) mais il conviendra de veiller, au moment de l’exécution du budget, à ce que les DRAC soient bien conscientes de ces nouvelles orientations et en tiennent compte.

M. Gérard Lindeperg, après avoir souhaité que le budget atteigne en l’an 2000 le seuil symbolique d’1 % des dépenses de l’Etat, a suggéré que la mise en valeur du patrimoine industriel et ouvrier soit couplé avec un fort développement des technologies nouvelles et que la complémentarité et la mise en réseau des équipements culturels, notamment muséographiques, entre les villes, soient encouragés dans le cadre des contrats de plan. Trop souvent en effet, des villes voisines sont en situation de concurrence alors qu’une complémentarité serait souhaitable.

Mme Catherine Génisson, après s’être interrogée sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à une meilleure diffusion de l’écrit, qui n’implique pas uniquement une aide aux écrivains, a souligné que de son point de vue, les grosses structures culturelles ne devaient pas être traitées différemment des autres pour ce qui concerne les critères de subvention.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis, a posé des questions sur :

- les conséquences que le ministère entend tirer des critiques formulées par la Cour des Comptes, dans son rapport 1997, sur la gestion du Centre national des arts plastiques, du Fonds national d’art contemporain et du Mobilier national,

- les mesures destinées à encourager la chanson française et les musiques actuelles,

- les cinémas multiplexes, dont le développement aux périphéries urbaines peut poser des problèmes aux cinémas des centres-villes.

En réponse, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- En ce qui concerne l’effort en faveur des musiques actuelles, le développement des cafés-musique – qui constituent des lieux bien adaptés à la diffusion des pratiques amateurs – doit s’insérer dans un projet d’ensemble, qui harmonisera l’intervention des pouvoirs publics sans pour autant empêcher la création de projets originaux, comme cela s’est passé pour le spectacle vivant. Le développement des musiques techno doit par ailleurs faire l’objet d’une circulaire en cours de signature, étant entendu que la réflexion d’ensemble que le ministère mène sur les musiques actuelles sera étendue aux musiciens eux-mêmes.

- Un réaménagement du régime juridique des sociétés d’auteurs est en cours ; il vise notamment à harmoniser les documents financiers et à mieux assurer la transparence du fonctionnement de ces sociétés, qu’il s’agisse de l’information des associés ou de la répartition des droits.

- L’AFAN pourrait être restructurée sous forme d’un établissement public doté d’un cahier des charges, de manière à ce que les règles de concurrence et de marchés publics soient mieux appliquées.

- S’agissant de la grotte Chauvet, il n’appartient pas au ministre de se prononcer sur les procédures judiciaires en cours. Les fonctionnaires mis en cause doivent disposer des moyens de se défendre et les différents interlocuteurs ont été reçus au ministère. Personne ne doit avoir le sentiment d’avoir été lésé.

- Le budget de la culture est passé de 0,935 % du budget général en 1997 à 0,952 % en 1998 et s’élèvera à 0,967 % en 1999, ce qui approche du seuil symbolique de 1 %, que le Premier ministre s’est engagé à atteindre d’ici la fin de la législature.

- Pour les travaux d’entretien du patrimoine monumental, le taux maximum de prise en charge par l’Etat est en principe de 40 % du coût total du chantier, mais des dérogations sont possibles selon la nature des monuments et lorsque les collectivités locales ne peuvent pas financer la part résiduelle.

- S’agissant du Mobilier national, sa réinstallation dans ses locaux s’accompagnera d’une réévaluation de ses fonctions par un mode de gestion adapté, et d’une revalorisation de son patrimoine aussi riche que peu accessible. Le savoir-faire et la qualité du travail de ses personnels tant en réparation qu’en fabrication doivent être mieux appréciés. Le Fonds national d’art contemporain verra par ailleurs ses responsabilités redéfinies, ainsi que sa relation avec la Délégation aux arts plastiques. Le travail efficace effectué par la mission de récolement des dépôts de meubles et d’œuvres d’art des collections nationales dans les administrations devraient contribuer à la remise à niveau de la gestion des oeuvres. Les moyens nécessaires au bon fonctionnement de cette mission sont assurés dans le budget pour 1999.

Toujours en ce qui concerne les arts décoratifs, l’année 1999 verra l’engagement de travaux à la manufacture de Sèvres visant à lui rendre des conditions de fonctionnement satisfaisantes.

- La loi du 5 juillet 1996 traitant des équipements cinématographiques et des conditions d’implantation des salles « multiplexes » a des mérites, mais aussi des limites, les seuils fixés étant contournés trop facilement. Au 1er juillet 1998, on comptait 37 multiplexes réalisant 20 % des entrées et des recettes cinématographiques sur le territoire français. Bien que le rythme d’ouverture de tels complexes soit en train de ralentir, il convient effectivement de réexaminer les procédures de saisine des commissions départementales et de la commission nationale d’équipement cinématographique. Il reste que les communes sont aussi responsables, et il est regrettable qu’elles n’apprécient pas toutes de la même façon les conséquences économiques, artistiques et culturelles d’éventuelles nouvelles implantations.

- Le rééquilibrage des actions et des crédits du ministère entre Paris et la province fait l’objet d’un plan décennal qui sera poursuivi. L’élaboration des contrats de plan Etat-région devrait également fortement y contribuer.

Par ailleurs, il serait souhaitable que la Ville de Paris, progressivement, s’investisse davantage dans la prise en charge des équipements culturels situés sur son territoire, afin de permettre une répartition plus équitable des actions de soutien à la création, non seulement entre Paris et la province, mais aussi avec les petite et grande couronnes parisiennes, elles aussi défavorisées.

- En ce qui concerne la décentralisation, il faut savoir que le taux d’exécution des contrats de plan entre le ministère de la culture et les régions, situé autour de 50 %, est à l’heure actuelle le plus faible de tous les départements ministériels. Depuis plus d’un an maintenant, le ministère s’est attaché à résorber la dette de 300 millions de francs en crédits de paiements qu’il avait contracté envers les collectivités locales ; ce sera chose faite début 1999. Pour les nouveaux contrats, le ministère sera tout à la fois plus sélectif sur les projets retenus et plus clair sur ses propres engagements, ce qui est la condition même de la crédibilité de son action. Les projets à caractère régional seront privilégiées, tout en préservant l’équilibre entre les villes centres et les zones rurales et en évitant les doublons.

- La participation du ministère de la culture à la politique de la ville et de la lutte contre les exclusions sera poursuivie en 1999 avec des dotations respectives de 60 et de 93 millions de francs. Sera privilégiée la continuité des actions. Il importe, en effet, que les situations précaires ne s’accompagnent pas, en outre, d’un accès intermittent à la culture.

En conclusion, le président a constaté que l’ampleur des questions soulevées rendait souhaitable l’organisation d’un débat en séance publique sur la politique culturelle.


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