 
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 64
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 16 septembre 1998
(Séance de 15 heures)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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- Audition de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la culture pour 1999 (en présence de la presse)
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la culture pour 1999.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tout dabord rappelé que la culture est aujourdhui au cur des évolutions économiques, sociales et politiques en France et dans le monde : la mondialisation des échanges, les nouvelles technologies de communication, la primauté de laudiovisuel et les grandes potentialités quoffre la construction européenne transforment lenvironnement de la production artistique et les conditions daccès à la culture. De même, la mise en cause croissante, sans discernement, du principe dun financement public de certaines activités, la remise en cause brutale des valeurs duniversalité et de pluralisme placent lart et la culture au cur du débat et des choix politiques, mais aussi économiques et industriels.
Si le gouvernement a mis au cur de son programme, aux côtés de la bataille décisive pour lemploi et la justice sociale, le principe dune intervention résolue de lEtat en faveur de la culture, ce nest pas pour défendre frileusement le modèle national mais bien pour affirmer que ce qui se joue dans ce domaine est le choix dun modèle dorganisation des rapports économiques et sociaux. Sil fallait nous en convaincre, les négociations internationales en cours, en vue dun Accord multilatéral dinvestissement (AMI) en constituent la preuve la plus évidente.
Parce que la culture a vocation à investir toujours davantage le champ social et parce quelle est au cur du pacte républicain, le ministère de la culture poursuit désormais trois objectifs fondamentaux : refonder un grand service public de la culture, soutenir et encourager davantage lacte de culture dans sa double dimension de création et daccès aux pratiques culturelles et, enfin, favoriser lappropriation citoyenne de notre patrimoine.
La politique culturelle doit tout dabord pouvoir sappuyer sur un service public fort et efficace.
Le budget 1998 a été celui de la reconstruction. Il convenait de retrouver des marges de manuvre budgétaires, de disposer dune administration modernisée et en état de marche et de remotiver ses agents. En un mot, il fallait restaurer la crédibilité de ce département ministériel vis à vis de ses partenaires institutionnels et associatifs.
Cette réorganisation sachève. La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même direction, comme celle du patrimoine et de larchitecture, a été guidée par un seul et même souci : bâtir un ensemble performant au service de nos partenaires et des professionnels, en faisant fi des cloisonnements artificiels qui servaient peut-être des clientèles particulières, mais qui ne répondaient plus aux exigences dune politique performante. De même, une nouvelle délégation au développement et à laction territoriale a été mise en place afin de garantir la cohérence des actions sectorielles du ministère en faveur de la démocratisation et de laménagement du territoire.
Mais il ne suffit pas de mobiliser les administrations centrales sur leur fonction dimpulsion et dévaluation, si dans le même temps les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), sous lautorité des préfets, ne sont pas reconnues en tant quéchelon décisionnel pour lensemble des actions régionales. Voilà pourquoi le mouvement de déconcentration des crédits du ministère a été amplifié. En effet, un Etat plus présent est un Etat plus proche des réalités du terrain où il exerce ses missions.
La déconcentration des crédits sera poursuivie en 1999 en ayant le souci de lefficacité et de la bonne administration, cest-à-dire en renforçant les moyens en personnel des DRAC. Un plan de redéploiement des personnels, afin dobtenir un meilleur fonctionnement des services, est dailleurs prévu dès cet automne.
Ce rééquilibrage entre les niveaux de la décision ne corrige cependant pas structurellement la répartition des financements publics dans le rapport entre Paris et les régions qui sera modifiée progressivement à travers une programmation maîtrisée des interventions financières du ministère. En effet, les grands équipements culturels parisiens risquent dabsorber une part excessive de nos capacités de financement si les efforts à consentir ne sont pas inscrits dans un plan décennal. En procédant ainsi, les marges de manuvres pour un rééquilibrage en faveur des régions pourront être dégagées. Les contrats plan Etat-régions, pour la période 2000/2006 seront lun des instruments de ce rééquilibrage, même si celui-ci est déjà notable dans le budget pour 1999. Ainsi, dès 1999, les crédits de soutien aux opérations déquipements des collectivités territoriales seront accrus de 38 %.
Laction de lEtat devra également être plus lisible, plus équilibrée et plus fiable. Pour cela, il est nécessaire de définir les principes de son intervention et les responsabilités des structures bénéficiant dun financement public. Cest dans cet esprit que le ministère a proposé une charte des missions de service public pour les conventions avec les institutions culturelles de spectacle vivant bénéficiant de financements de lEtat. Cette démarche sera progressivement étendue à tous les secteurs dintervention du ministère. Le fonctionnement des services publics de la culture, soutenu le plus souvent dans le cadre dun large partenariat, sera ainsi établi sur une base contractuelle claire, tant au niveau des collectivités locales que dans les conventions avec les institutions culturelles, afin quil puisse être objectivement et correctement évalué.
Cest aussi pour honorer la parole de lEtat quen 1998 le ministère a assuré le déblocage de certains grands projets, comme la Maison du cinéma, quil a commencé à solder la lourde dette (300 millions de francs) en matière de crédits de paiement et que le budget du patrimoine a été augmenté de près de 40 % sur deux ans afin de revenir au niveau des financements prévus dans la loi de programme.
Conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, le budget de la culture pour 1999 est à nouveau en forte expansion. Il progresse de 3,5 %, soit 525 millions de mesures nouvelles, quand les dépenses de lEtat naugmentent en moyenne que de 2.2 %. Ces chiffrent montrent que la culture est, plus que jamais, une priorité de ce gouvernement.
Le budget 1999 marquera dautre part concrètement la volonté de concilier le soutien à la création et le développement dune politique ambitieuse de démocratisation des pratiques culturelles.
Le temps de la création et le temps de la diffusion sont deux temps différents. Le ministère de la culture doit pourtant les prendre lun et lautre en compte. Il respecte et doit faire respecter le temps quil faut pour que la création et particulièrement celle qui rompt avec les conventions trouve son public. Mais il faut sortir de lopposition stérile entre création et démocratisation en mettant en évidence le fait que lune renforce lautre. Les créations doivent être vues et entendues par le plus grand nombre dans lobjectif doffrir la plus grande qualité artistique à tous nos concitoyens.
Le service public de la culture est aujourdhui constitué dun vaste ensemble de structures. Il doit impérativement assumer deux missions en parallèle : garantir et encourager la liberté de création, favoriser la diffusion la plus large du patrimoine vivant ainsi constitué.
Cela emporte deux conséquences politiques majeures. Dune part, la création nayant pas vocation à répondre mécaniquement à la demande sociale, les collectivités publiques, quel que soit leur niveau dintervention, ne doivent pas relâcher leurs efforts dans le soutien quelles lui apportent. Dautre part, légalité daccès aux biens culturels et aux pratiques artistiques étant un principe de valeur constitutionnelle, ainsi que la loi de lutte contre les exclusions la rappelée, elle doit être mise en uvre par tous les moyens de diffusion dont nous disposons, quil sagisse des institutions culturelles et artistiques désormais réparties sur la majeure partie de notre territoire, des médias audiovisuels ou des structures denseignement et déducation.
Si le spectacle vivant constitue lune des priorités du budget pour 1999, les disciplines ou équipes artistiques ayant été particulièrement touchées pendant les années de régression budgétaire seront soutenues en priorité. Plus précisément, il sagira, dune part, des compagnies de danse, de théâtre, de lécriture musicale ou dramatique sans lesquelles il est vain de parler deffort en direction de la création contemporaine et dautre part des musiques actuelles qui ont toujours été lobjet de discours généreux, mais pour lesquelles le ministère na jamais mis en pratique ses propres intentions. A ce sujet, la commission nationale des musiques actuelles vient de rendre son rapport ; les mesures retenues seront rendues publiques à la mi-octobre.
Avec ce secteur des musiques actuelles, nous sommes bien à lintersection de linnovation parfois la plus avant-gardiste et de ladhésion la plus large des publics. Elles intéressent, en effet, des générations entières en tant quauditeurs, spectateurs ou amateurs mais elles forment aussi un fantastique espace de création, de renouvellement des pratiques, dinterpénétration des disciplines. Lorsque lon sait que les pratiques audiovisuelles de nos concitoyens sont consacrées à 50 % aux musiques actuelles, que les élus locaux sont de plus en plus confrontés à la demande des publics, on mesure combien il est urgent de concevoir des dispositifs institutionnels qui soient enfin à la hauteur des attentes.
Une autre des priorités dans le domaine du spectacle vivant concerne les arts de la rue qui associent, également, succès public et créativité artistique. Cela passera par un accompagnement de la professionnalisation des troupes, une aide à la diffusion des spectacles et le conventionnement des compagnies les plus structurées.
Au total, les mesures nouvelles en faveur de toutes les disciplines du spectacle vivant sélèveront à 110 millions de francs. Pour les structures permanentes, lentrée en application effective de la charte de service public privilégiera celles qui assument pleinement le soutien à la création et leurs responsabilités en matière de renouvellement des publics ou douverture aux pratiques amateurs.
Cette dynamique parfaitement cohérente entre le soutien à la création et la démocratisation des pratiques guidera toutes les interventions financières du ministère. Ainsi, dans le domaine des arts plastiques, le niveau des crédits destinés aux commandes publiques est reconduit et, dans le même temps, les bourses des étudiants en écoles dart seront substantiellement augmentées. Les crédits de la délégation aux arts plastiques progresseront ainsi de près de 15 %.
Les moyens consacrés aux enseignements et à léducation visent aussi ce double objectif : la formation de nouveaux créateurs et, plus largement, la diffusion des savoirs et des connaissances. Le ministère consacrera en 1999, près de 1,5 milliard de francs à léducation et aux enseignements artistiques. Cet effort sera prolongé dans le cadre des contrats de plan afin de le développer sur lensemble du territoire. Enfin, dans le domaine de la création comme dans celui de la diffusion, le secteur des nouvelles technologies et plus particulièrement du multimédia sera systématiquement privilégié.
Ainsi, en 1999, le programme de soutien à la création et au développement despaces culture-multimédia sera amplifié. Une centaine de projets sont déjà en cours de réalisation. Dans le même temps le Centre national du cinéma (CNC) renforcera son action en direction des projets de création multimédia. Dans ce secteur encore émergent, nous vivons un étrange paradoxe. La France a pris un certain retard dans la pénétration économique et sociale des nouvelles technologies alors que, dans le même temps, lindustrie américaine vient massivement recruter dans nos écoles dart, réputées dispenser les meilleures formations artistiques, notamment dans le domaine de lillustration ou de lanimation. Face à cette situation, le ministère souhaite engager résolument ce département ministériel dans la bataille du développement des nouvelles technologies, tout en permettant aux jeunes qui se lancent de bénéficier dun appui logistique et financier. Lusage de ces outils par les professionnels de la culture sera également favorisé.
Nous sommes entrés dans une société où les images, en nombre infini et fragmentées, transforment nos représentations du monde et démultiplient nos perceptions du réel. Sans maîtrise de ce nouvel environnement, le risque est grand de reproduire une césure entre ceux qui disposent des outils conceptuels et ceux qui consomment les produits. Pour cette raison, léducation à limage et aux nouvelles technologies devient une priorité. Pour la mettre en uvre, il a été demandé aux DRAC de favoriser les actions partenariales avec léducation nationale, les structures déducation populaire ou les institutions audiovisuelles.
Enfin, si elles ne constituent en aucun cas le moyen unique dune politique de démocratisation, les politiques tarifaires ne peuvent être sous-estimées. Il est souhaitable que tous les institutions culturelles soutenues par lEtat simplifient leur système de tarification, adoptent le principe dun tarif périodiquement le plus bas possible, voire celui dun accès gratuit. A titre dexemple, la gratuité un dimanche par mois, mise en uvre au Louvre, doit être progressivement étendue à lensemble des musées nationaux.
Le troisième axe majeur de laction du ministère de la culture en 1999 consistera à donner à la politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant lappropriation citoyenne de lhéritage culturel national.
Il convient en effet de veiller à la préservation et à lappropriation par tous nos concitoyens du patrimoine monumental, écrit et audiovisuel qui forme notre mémoire collective. Le renouvellement des formes et des représentations ne doit pas reléguer au second plan les efforts en faveur de la mise en commun de lhéritage culturel et artistique. Dès 1998, les crédits du patrimoine ont été reconstitués grâce à une augmentation de 39 %. En 1999, la progression intervenue lan dernier est consolidée puisque ces crédits augmentent de 2,7 %
Les musées et les monuments historiques sont traditionnellement les éléments de visibilité de la politique des collectivités publiques en faveur du patrimoine. Mais le travail et le devoir de mémoire sont constitutifs de toutes les activités artistiques et culturelles. Une politique patrimoniale ambitieuse nest pas forcément marquée du sceau du conservatisme. En réalité, il est aujourdhui indispensable que nos concitoyens, parfois désorientés par la rapidité des changements que connaît notre société, retrouvent, grâce à la préservation et à la connaissance de leur patrimoine, certains repères de leur identité individuelle et collective.
Première illustration de cette volonté : cette année, leffort portera sur le patrimoine du XXème siècle, encore trop négligé. Dans cet ensemble, la politique dinventaire et de protection du patrimoine industriel sera renforcée, comme par exemple les sites et villages miniers du nord de la France. Cette dimension fondamentale de lhistoire sociale de notre pays sera mise en avant. Lévolution de léconomie a bouleversé le paysage industriel et la mémoire de millions dhommes et de femmes ainsi que leurs savoir-faire sont aujourdhui laissés à labandon à limage des sites désertés. Pourtant, derrière la dénomination, peut-être trop floue, « décomusée », ce patrimoine vivant dépasse le simple cadre socio-économique local et intéresse la nation toute entière. Il sera donc valorisé, tant par devoir de mémoire que pour témoigner de la reconnaissance nationale.
Il en va de même pour le patrimoine écrit. Dans le souci de valoriser et de mettre ce patrimoine à la disposition du plus grand nombre, la Bibliothèque nationale de France, dont 1999 constituera la première année de fonctionnement à plein régime, développera son objectif de mise en réseau avec les bibliothèques municipales à vocation régionale.
Cette même année, la restructuration des archives nationales sera engagée dans le cadre dune redéfinition de leurs missions et de leurs moyens au profit des chercheurs mais aussi du grand public. Un projet de loi qui affirmera le principe douverture des archives publiques sera présenté au Conseil des ministres, afin de renforcer le rôle des archives de France comme instrument de diffusion de la mémoire nationale.
Rendre plus accessible à lensemble de nos concitoyens les différents supports de la mémoire conduira aussi à mener un certain nombre dactions en faveur du patrimoine cinématographique et audiovisuel. La Maison du cinéma constituera lélément central dune mise en réseau de la diffusion du patrimoine cinématographique sur lensemble du territoire. Sagissant de lINA, sa mission de protection du patrimoine audiovisuel sera au cur de la redéfinition du projet stratégique de cette entreprise.
La fréquentation du patrimoine, au sens classique du terme, est la première pratique culturelle des français après les pratiques audiovisuelles. Il ne sagit pourtant pas de tout « patrimonialiser », dans un mouvement illusoire qui reviendrait à vouloir arrêter le temps, à fixer un état donné de notre histoire. Il sagit bien au contraire doffrir à tous la possibilité daccéder aux données de la connaissance, de les relier entre elles, ce que les techniques de linformation permettent désormais, tout en mettant à disposition de nos concitoyens et en transmettant aux générations futures ce qui fonde matériellement ce savoir, ce qui en constitue la trace : archives, livres, uvres dart, objets, films, monuments, témoins matériels de la diversité culturelle.
Cest dans cet esprit que seront privilégiés les projets qui visent à faire coopérer des institutions et des logiques professionnelles différentes, que ce soit au travers de lInstitut national dhistoire de lart, poursuivi avec le ministère de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, ou au travers de la Cité de larchitecture et du patrimoine, destinée à devenir une tête de réseau, un outil de confrontation dapproches trop souvent disjointes. Beaucoup est également attendu du futur Musée des arts et des civilisations comme lieu de transmission de nouveaux repères, pour tous, sur lhistoire, ancienne et plus récente, des sociétés africaines, précolombiennes et océaniennes, de leurs cultures et de leurs influences.
Conserver et restaurer ne constituent pas les seuls actes par lesquels lEtat peut préserver les richesses artistiques. Cest pourquoi les moyens consacrés aux acquisitions doeuvres dart seront accrus. De même, à la suite du rapport de M. André Chandernagor et à la demande du Premier ministre, le ministère du budget et celui de la culture étudient actuellement un ensemble de mesures, notamment de nature fiscale, visant à dynamiser le marché de lart français dans un contexte de vive concurrence internationale.
En conclusion, Mme Catherine Trautmann a rappelé que la culture pèse pour près de 400 000 emplois dans lensemble de lactivité économique nationale. La demande qui sest exprimée autour des emploi-jeunes donne la mesure des potentialités de développement dans ce secteur.
La culture est souvent au centre des négociations internationales et elle demeure un enjeu politique permanent au cur des changements économiques et sociaux. Avec la multiplication des supports de diffusion, quils concernent laudiovisuel ou le multimédia, la France se trouve face à un nouveau défi. Les responsabilités conjointes de ministre de la communication et de la culture doivent être utilisées comme une opportunité pour le relever. Le projet de loi sur laudiovisuel public, qui réaffirmera lidentité du service public de la télévision, confortera celle-ci comme instrument essentiel de création et de diffusion culturelle.
Après lexposé de la ministre, le président Jean Le Garrec a tout dabord relevé, dans sa présentation du budget 1999, trois éléments particulièrement intéressants :
- la création dune « Maison du cinéma », appréciable pour tous les cinéphiles ;
- la notion évoquée par la ministre d« appropriation citoyenne » de la mémoire, et notamment de la mémoire du geste ouvrier, la culture constituant du reste dans certaines régions un élément de reconquête économique non négligeable ;
- la déconcentration des crédits du ministère, qui, à linstar des négociations prochaines en vue de la signature des contrats de plan entre lEtat et les régions, représentent un enjeu essentiel.
Le président Jean Le Garrec a ensuite évoqué trois questions appelant vraisemblablement des réponses de nature législative :
- la protection des biens mobiliers et des uvres dart ;
- la modernisation des conditions de réalisation des activités darchéologie préventive ;
- le problème de la définition du statut des établissements publics locaux à vocation culturelle, qui a dailleurs fait récemment lobjet dune proposition de loi de la part du sénateur Ivan Renar.
Enfin, il a souhaité que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mette en place un groupe de travail sur la question des musées. En effet, le statut des musées, qui date de 1945, doit être rénové afin notamment de mieux prendre en compte la notion d« appropriation collective du patrimoine » à laquelle la ministre a fait référence au cours de son intervention.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis sur les crédits de la culture, a tout dabord rappelé quavec laccord du président Le Garrec et celui du président de lAssemblée nationale, M. Laurent Fabius, un forum sur le budget de la culture avait été ouvert sur le site Internet de lAssemblée durant lété 1998.
Il a ensuite posé des questions sur :
- linscription à lordre du jour du Parlement de la loi sur lenseignement artistique spécialisé, annoncée depuis longtemps ;
- le calendrier de dépôt du texte visant à actualiser la loi du 3 janvier 1979 sur les archives ;
- léventuelle présentation dune nouvelle loi de programmation sur le patrimoine, la loi actuelle, votée en 1993, devant en effet bientôt venir à échéance ;
- le but de la restructuration du ministère, et notamment du rapprochement entre plusieurs directions. Sagit-il dune modification traduisant une approche différente de la politique culturelle ou, simplement, dun moyen daccroître lefficacité de gestion des services du ministère ?
- le renforcement des compétences dévolues aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ;
- la répartition des crédits culturels entre Paris, lIle-de-France et la province ainsi que létat davancement des grands projets lancés dans les régions par un précédent ministre de la culture, M. Jacques Toubon, en 1995.
- les actions prévues pour soutenir le développement des nouvelles technologies de linformation, qui représentent un double enjeu, tant comme moyen daccès à la culture que comme vecteur dinnovation et en particulier les crédits prévus pour 1999 dans ce domaine et les perspectives de baisse du taux de TVA appliqué aux produits multimédia et à lensemble des supports préenregistrés.
- lorganisation et le financement par le ministère de la culture de manifestations pour le passage à lan 2000 ;
- les différences daugmentation des crédits de certains chapitres budgétaires selon que lon prend en considération le budget à structure constante ou dans sa présentation définitive. Ainsi, en 1999, les crédits inscrits au titre IV augmentent de 4,3 % dans le budget à structure constante et seulement de 3,6 % dans sa version définitive ;
- ladaptation de notre système de protection des uvres aux nouveaux modes de consultation en ligne. Le système français du droit dauteur est particulièrement protecteur et engendre donc des coûts relativement élevés. Cependant, avec le développement de la société de linformation, dans un contexte de marché dépassant les frontières nationales, ce système est dans bien des cas contourné ou encore mis en compétition avec dautres modes de rémunération.
En réponse au président et au rapporteur pour avis, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tout dabord rappelé quun grand nombre de textes législatifs restait en suspens pour lensemble des ministères. En effet, quatre-vingt projets de lois sont en phase délaboration ou dachèvement. A ceux-ci sajoutent environ trente propositions de lois émanant de députés ou de sénateurs. Le Conseil des ministres a dailleurs récemment abordé cette question et a tenté de planifier lordre dexamen de ces textes et, notamment, des plus importants dentre eux.
Elle a ensuite donné les éléments de réponse suivants :
- En ce qui concerne le domaine culturel, les textes en préparation sont nombreux. Lun deux concerne le régime dexportation des biens culturels ainsi que la protection des objets ou ensembles mobiliers présentant un intérêt historique ou artistique. Ce projet, qui fait aujourdhui lobjet dun examen interministériel, doit être déposé devant le Parlement au cours du premier semestre 1999. Il permettra de concilier la protection des trésors nationaux et le développement du marché de lart.
- Une nouvelle législation devra en outre permettre de rénover et de mieux organiser les conditions de réalisation de larchéologie préventive qui restent régies par la loi du 27 septembre 1941. Ce dossier très épineux a été récemment évoqué par lInspection générale des finances qui a établi un rapport en 1997 et par le Conseil de la concurrence qui a donné un avis à ce propos le 19 mai 1998 sans être traité sur le fond. Les fouilles durgence sont actuellement réalisées par lAssociation pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) dont le statut est demeuré relativement flou depuis la mise en place plus ou moins empiriques de ses modalités daction. Un projet de loi devrait être présenté au printemps 1999 afin délaborer un système plus précis et plus conforme au droit positif, mais le soutien de la commission sera le bienvenu pour assurer son inscription à lordre du jour des assemblées.
- Le problème des institutions culturelles locales et de labsence dun statut adapté est particulièrement urgent et génère, légitimement, de nombreuses interpellations de la part des acteurs culturels et des élus locaux. Il faut absolument trouver une solution qui, tout en assurant la sécurité juridique des élus, sera bien adaptée à la gestion dactivités culturelles. La question se pose actuellement de savoir si ce statut doit être défini par la loi ou par la voie réglementaire. Mme Schiffert, inspectrice générale de ladministration, sest vu confier le soin détablir un rapport sur les avantages et les inconvénients respectifs de la solution réglementaire et de la voie législative. Une note détape doit être remise à la fin de cette semaine, le rapport définitif devant être achevé au cours du mois de novembre. Il sera bien entendu transmis à la commission des affaires culturelles.
- Une nouvelle loi sur les musées savère effectivement indispensable. Au cours des dernières décennies, la fréquentation des musées nationaux ou autres a connu une augmentation très importante liée aux modifications des pratiques culturelles des Français. Ainsi, en trente ans, le nombre de personnes ayant fréquenté ces établissements a triplé. Actuellement, cest lordonnance provisoire du 13 juillet 1945 qui continue de régir leur organisation, alors quelle nétait pas destinée à organiser lensemble de ce secteur et quelle sest vidée de sa substance au cours du temps. Il convient de donner aux musées une base légale rénovée afin daméliorer et dunifier les régimes juridiques de protection applicables à leurs collections, de permettre une meilleure circulation de ces collections entre les musées et de faciliter leur transmission aux générations futures. Un projet de loi sur cette question dintérêt public doit être préparé par le ministère dans le courant de 1999.
- Suite au rapport Braibant, une loi sur les archives est en cours de préparation. Elle devra redéfinir le statut des archives nationales et les délais de consultation. De plus, M. Belaval rendra en octobre des propositions sur les sites accueillant les archives nationales. En effet, comme la montré le débat autour du site de Reims, la conservation et le stockage des archives sont hors normes et les sites saturés. Le budget pour 1999 ne présente cependant pas de mesures nouvelles pour le centre darchives de Reims car les crédits dégagés en 1998 nont pas été consommés et ont pu être provisionnés.
- Les enseignements artistiques spécialisés concernent actuellement 36 établissements et 10 000 étudiants. Le ministère de la culture a demandé à M. Imbert de réfléchir au statut de ces établissements, à leur mise en réseau et aux modalités daugmentation des subventions accordées par lEtat. Ce rapport débouchera sur un plan de concertation et de réformes et, si nécessaire, sur un projet de loi.
- Le patrimoine demeure une priorité importante du ministère de la culture. En 1998, il sest attaché à reconstituer des crédits qui avaient été réduits de plus du tiers par les budgets 1996 et 1997. Plus quune loi-programme qui peut comme on la vu être contournée, seuls de véritables engagements pluriannuels et la vigilance des parlementaires sont à même de garantir le bon niveau des crédits.
- La déconcentration doit être le mode normal dexercice des prérogatives du ministère de la culture en région. Elle permet une réponse plus efficace et plus crédible aux demandes locales. La déconcentration des crédits doit être accompagnée dun redéploiement des effectifs. Toujours dans ce souci de déconcentration, le ministère de la culture sest attaché à soutenir dans les prochains contrats de plan Etat-régions les régions les moins aidées et les DRAC les moins dotées par le passé.
Déconcentrer les crédits implique cependant que les DRAC soient en mesure de les gérer. Cela na pas toujours été le cas en ce début dannée, notamment pour la DRAC Ile-de-France. Des améliorations peuvent cependant dores et déjà être constatées et un mouvement de transfert de personnel de ladministration centrale vers les services déconcentrés est prévu pour cet automne afin de conforter ces derniers.
Enfin, il est faux de voir dans la déconcentration la disparition dune politique culturelle nationale ; les services centraux, par lexercice de leurs missions dorientation, de fixation des objectifs et dévaluation, continueront de garantir la présence dun Etat fort et efficace.
- Le ministère de la culture ne fait quasiment pas lobjet de créations demplois dans le budget pour 1999. Les effectifs sont constants, à deux exceptions : la création de 80 emplois de sécurité dans les musées nationaux et la transformation de 450 postes de vacataires en bénéficiaires de contrats à durée indéterminée. Dans les mesures nouvelles, laction culturelle a donc pris le pas sur les moyens. Cependant, le personnel du ministère a bénéficié à hauteur de 27 millions de francs de mesures de reclassement et le bâtiment de la rue des Bons Enfants sera entièrement rénové en 2001, ce qui permettra la réunion de lensemble des services actuellement éclatés dans la capitale.
- Le ministère de la culture sest totalement engagé dans le développement des nouvelles technologies de linformation. Les dotations concernant ce domaine ont été reconduites, notamment pour les sites multimédia. Ainsi, 10 millions de francs sont consacrés par le ministère au développement de 100 projets multimédia. Leffort déquipement dans les bibliothèques, les médiathèques se poursuit. A ce titre, la troisième tranche de travaux pour la construction des bibliothèques municipales à vocation régionale a été prolongée. Sont également soutenus les produits multimédia comme les CD-Rom en partenariat avec la CNC. Enfin, le processus de numérisation est définitivement engagé que ce soit pour les livres, laudiovisuel ou les archives. Le budget du ministère de la culture sest donc principalement consacré aux actions de soutien aux créations de contenus, alors que celui du ministère de lindustrie permettra de favoriser les entreprises sengageant dans ces nouveaux domaines par le biais du capital-risque.
- Le prix du disque et du livre préoccupe également le ministère de la culture. Limportance toujours plus grande des grandes surfaces fausse la concurrence, dautant que celles-ci ont tendance à utiliser les biens culturels comme des produits dappel. Le ministère de la culture négocie de façon permanente avec la Commission européenne sur les dossiers de la TVA sur les biens culturels et de lextension du prix unique du livre.
- Les manifestations de lan 2000 seront mises en place dans le cadre dune mission interministérielle. Celle-ci doit dabord élaborer un document récapitulant les différents projets. En ce qui concerne le financement, celui-ci sera clairement identifié et ne sera pas prélevé sur le budget courant du ministère. Il est prévu dans un premier temps de débloquer en loi de finances rectificative pour 1998 des crédits à hauteur de 187 millions de francs.
M. Marcel Rogemont a formulé les observations et posé les questions suivantes :
- lévolution des crédits budgétaires sur les dernières années marque bien la priorité accordée à la culture par le gouvernement de M. Lionel Jospin ; en effet, après une diminution des crédits de 575 millions de francs en 1997, ceux-ci ont augmenté de 550 millions de francs en 1998 et augmenteront encore lannée prochaine de 525 millions de francs ;
- la politique culturelle ne peut dépendre de la seule loi du marché ; la mise en place dune charte du service public de la culture est indispensable pour fixer des objectifs dintérêt général aux institutions culturelles et assurer la mise en commun des moyens publics et privés ;
- il est en effet tout à fait judicieux de développer la politique de protection et de mise en valeur du patrimoine industriel ;
- en ce qui concerne lart dramatique, il serait opportun de mettre en place un système de soutien aux auteurs sous la forme de conventions daides pluriannuelles, de préciser le rôle de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon et de faciliter les rapprochements entre théâtre amateur et théâtre professionnel ;
- la politique de déconcentration en matière culturelle doit être soutenue, mais il convient toutefois de prendre en compte les inquiétudes justifiées de certains grands établissements culturels implantés dans les régions qui craignent que le changement de tutelle ne conduise à une réévaluation des critères de subvention ;
- il serait souhaitable de préciser les orientations concernant lévolution du statut des intermittents du spectacle, au-delà des dispositions transitoires applicables jusquà la fin de lannée.
M. Edouard Landrain, après avoir souligné le caractère incantatoire des intentions affichées par la ministre, a formulé les observations suivantes :
- cest une bonne chose de développer la déconcentration en matière culturelle ;
- il conviendrait dapporter des précisions en ce qui concerne la politique de la musique et de lenseignement musical menée par le ministère en relation avec le ministère de léducation nationale et lavenir des associations départementales de développement de la musique (ADDM) ;
- la ministre ayant annoncé la mise en place dune nouvelle délégation au développement et à laction territoriale, il serait intéressant de savoir si cela aura des conséquences sur les modalités du soutien apporté par lEtat aux collectivités territoriales lors de la mise en place de nouveaux équipements culturels ;
- au-delà des mesures annoncées pour les Archives nationales, des aides doivent être apportées aux conseils généraux pour pallier la « grande misère » des archives départementales ;
- à linstar du soutien au patrimoine industriel minier, le patrimoine maritime pourrait également bénéficier dun plan de mise en valeur ;
M. Edouard Landrain sest ensuite interrogé sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne lintroduction des uvres dart dans lassiette de calcul de limpôt de solidarité sur la fortune.
M. Jean-Paul Bret a posé des questions concernant :
- la politique en matière de « musiques actuelles », dans lattente de la remise au Gouvernement dun rapport sur ce sujet ;
- les moyens dassurer un meilleur statut pour les lieux d« émergence culturelle » comme les cafés-musique qui sont souvent dans des situations très précaires ;
- lélaboration dun projet de loi sur les bibliothèques municipales et le droit de prêt à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix ;
- les risques induits par la déconcentration des crédits pour les grands établissements culturels à vocation nationale implantés en régions.
En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :
- En ce qui concerne les bibliothèques municipales et le droit au prêt, une concertation a été engagée avec les professionnels à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix, de manière à aboutir à la présentation dun projet de loi à la fin de lannée 1999. Celui-ci traitera notamment de la mise en réseau des ressources documentaires, du pluralisme des collections, de la professionnalisation des bibliothécaires, de la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques et de linstauration dun droit modique au prêt avec des possibilités dexonération visant à protéger le droit des auteurs qui connaît des évolutions, notamment dans le cadre européen.
- La politique de rééquilibrage en matière culturelle entre Paris et la province trouve sa concrétisation dans lévolution des crédits : en 1998, hors grands établissements culturels nationaux 54 % des crédits du ministère ont été affectés à Paris et 46 % aux régions ; en 1999, 45 % des crédits seront affectés à Paris et 55 % aux régions.
- La priorité donnée à la démocratisation de laccès à la culture et des pratiques culturelles se traduit, en premier lieu, par une forte augmentation des crédits affectés au soutien des pratiques culturelles amateurs, en coordination avec le ministère de la jeunesse et des sports, en deuxième lieu par la mise en place dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-Régions de centres de ressources des spectacles vivants (danse, musique, théâtre) et des arts plastiques, et en troisième lieu par un soutien spécial aux ADDM et au théâtre en milieu rural.
- Le soutien à lécriture dramatique passe plus par la commande doeuvres et laide à lédition et à la diffusion que par la conclusion de conventions individuelles avec des auteurs. En ce qui concerne le cas particulier du Centre décritures de Villeneuve-lez-Avignon, il convient de rappeler quil appartient à un centre culturel de rencontre et quil sera soutenu dans ce contexte, étant observé que le ministère de la culture et de la communication sefforce de consolider ses relations partenariales avec les centres de ce type.
- La prorogation du régime des intermittents du spectacle arrive à échéance à la fin de 1998. Sur ce dossier particulièrement sensible, un certain nombre davancées doivent être soulignées : lordonnance relative à la licence dentrepreneur de spectacles a été modifiée par un projet de loi en cours dexamen, des guichets uniques ont été mis en place pour améliorer le recouvrement des cotisations dues par les employeurs occasionnels et la lutte contre le travail clandestin a été amplifiée en collaboration avec le ministère de lemploi et de la solidarité. Par ailleurs, une commission paritaire travaille depuis le mois de mai pour élaborer des propositions concernant lavenir du régime dindemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Cette commission ne saurait cependant se substituer au conseil dadministration de lUNEDIC, qui, en la matière, reste seul investi du pouvoir de décision. Si un accord sur la réforme du régime ne peut être trouvé dici la fin de lannée, il faudra envisager de proroger le régime actuel jusquà la conclusion dun tel accord.
Il est en tout état de cause préoccupant de constater que, pour les spectacles organisés en France, certaines activités, comme lenregistrement sonore ou audiovisuel des représentations, sont de plus en plus souvent exercées par des professionnels de nationalité étrangère moins protégés, mais aussi moins coûteux. Il importe donc tout à la fois de lutter contre les excès du recours à des intermittents du spectacle, dont témoigne lexistence en France dun fort taux de précarité pour des niveaux de qualification élevée et de maintenir le principe dun régime dindemnisation spécifique pour les intermittents, régime quun certain nombre de pays étrangers envisagent de transposer dans leur législation nationale.
Par ailleurs, si on peut espérer créer des emplois dans le secteur culturel, il faut dabord se préoccuper de maintenir ceux qui existent. A cet effet, les projets de contrat de plan Etat-région qui prévoient la création demplois durables dans le secteur culturel seront favorisés.
- En ce qui concerne lenseignement de la musique et des arts, le rapprochement du ministère de la culture et de la communication avec ceux de la jeunesse et des sports et de léducation nationale est bien avancé et se traduit par lorganisation de réunions conjointes des différents responsables locaux pour examiner les moyens de développer léducation artistique et musicale et en particulier de favoriser laccès à la pratique instrumentale ou artistique dès le stade de lenseignement primaire. Laccent doit également être mis sur la formation des enseignants, ainsi que sur le développement des interventions dartistes dans les classes. Dans le même but, le développement despaces dexposition et de lieux de répétition sera poursuivi.
- Sagissant de léventuelle inclusion des uvres dart dans lassiette de lISF, il convient de souligner que la simple détention dune collection duvres dart nest pas, en elle-même, une source de revenu. La taxation duvres dart dans le cadre de lISF paraît en outre contradictoire avec la mise en place dune taxe sur les transactions dont le taux sera compris entre 4 et 7 %. Il paraît en effet plus logique de taxer luvre dart au moment où elle est susceptible de dégager une plus-value cest-à-dire au moment de sa vente. Par ailleurs, la juste appréciation de la valeur des uvres de toutes natures détenues par les particuliers poserait des problèmes très complexes. Enfin, lextension de lISF aux uvres dart risquerait de compromettre la procédure des dations cest-à-dire le paiement des droits de succession en uvres dart, procédure qui a permis denrichir considérablement le patrimoine national en y faisant entrer des uvres de très grande importance. Lensemble de ces arguments a conduit le Gouvernement à ne pas inclure les uvres dart dans lassiette de lISF.
- Le développement des archives départementales doit effectivement être encouragé.
Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné la pertinence de largument relatif aux dations dans le cadre du débat sur lISF, a indiqué que Mme Odette Grzegrzulka, qui navait pu assister à la réunion, souhaitait interroger la ministre sur la gestion de lADAMI.
M. Pascal Terrasse a posé des questions sur :
- les modalités de la déconcentration des crédits, qui ne doit pas sarrêter au niveau des grandes métropoles régionales, comme on pourrait le craindre en constatant quun million de francs seulement a été consacré au développement artistique en Ardèche ;
- lavenir de lAssociation pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), dont le rôle en matière darchéologie durgence doit être précisé ;
- les conséquences que le ministère entend tirer de la mise en examen de trois de ses fonctionnaires dans laffaire de la grotte Chauvet et les conditions dans lesquelles lEtat se propose de reconnaître enfin le rôle des découvreurs de cette grotte, étant rappelé que la découverte de la grotte Cosquer avait en son temps donné lieu à une indemnisation convenable. Il serait souhaitable de surmonter les blocages existants, par exemple en nommant un médiateur.
M. Serge Janquin a présenté les observations suivantes :
- La progression des crédits du ministère peut être perçue comme la traduction dune volonté politique forte qui permettrait de redessiner le paysage culturel français.
- Le nécessaire dialogue entre la création artistique et la démocratisation de luvre dart doit être poursuivi et amplifié.
- Lappropriation citoyenne du patrimoine est une notion importante dont lapplication au bassin minier du Nord-Pas de Calais doit être saluée. On peut en effet regretter que dimportants éléments du patrimoine de ce bassin, à qui il faut rendre sa fierté culturelle, aient été perdus par négligence.
- Il serait souhaitable davoir des précisions sur le rythme du rééquilibrage de la répartition des crédits entre Paris et la province et de définir le niveau auquel ce rééquilibrage pourrait être considéré comme réalisé.
- le ministère de la culture devrait accroître sa participation à la politique de la ville, car les responsabilités des villes dans la création culturelle, autrefois très importantes, ont été diluées, notamment du fait du développement de lintercommunalité. Dans un contexte culturel marqué par la prédominance croissante dun modèle dorigine extérieure, il convient en effet daider les citoyens à retrouver leurs repères.
M. Jean-Pierre Baeumler a posé deux questions portant lune sur les équipements culturels dintérêt régional et les possibilités douverture de chantiers dans un avenir proche, lautre sur lentretien du patrimoine monumental et la part financière respective des communes et de lEtat en la matière, étant observé que ces parts varient beaucoup dun monument à lautre et que de nombreuses communes nont pas les moyens dassurer convenablement la conservation du patrimoine situé sur son territoire.
M. Marcel Dehoux a souhaité connaître les moyens budgétaires qui seraient dégagés en faveur de la culture scientifique et technique.
Mme Hélène Mignon a insisté sur limportance de la culture pour laccès à la citoyenneté. Le développement dune culture de proximité est en effet un puissant vecteur de lutte contre lexclusion. On doit se féliciter que le budget pour 1999 mette laccent sur un certain nombre dactions allant dans ce sens (démocratisation, appropriation citoyenne du patrimoine) mais il conviendra de veiller, au moment de lexécution du budget, à ce que les DRAC soient bien conscientes de ces nouvelles orientations et en tiennent compte.
M. Gérard Lindeperg, après avoir souhaité que le budget atteigne en lan 2000 le seuil symbolique d1 % des dépenses de lEtat, a suggéré que la mise en valeur du patrimoine industriel et ouvrier soit couplé avec un fort développement des technologies nouvelles et que la complémentarité et la mise en réseau des équipements culturels, notamment muséographiques, entre les villes, soient encouragés dans le cadre des contrats de plan. Trop souvent en effet, des villes voisines sont en situation de concurrence alors quune complémentarité serait souhaitable.
Mme Catherine Génisson, après sêtre interrogée sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à une meilleure diffusion de lécrit, qui nimplique pas uniquement une aide aux écrivains, a souligné que de son point de vue, les grosses structures culturelles ne devaient pas être traitées différemment des autres pour ce qui concerne les critères de subvention.
M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis, a posé des questions sur :
- les conséquences que le ministère entend tirer des critiques formulées par la Cour des Comptes, dans son rapport 1997, sur la gestion du Centre national des arts plastiques, du Fonds national dart contemporain et du Mobilier national,
- les mesures destinées à encourager la chanson française et les musiques actuelles,
- les cinémas multiplexes, dont le développement aux périphéries urbaines peut poser des problèmes aux cinémas des centres-villes.
En réponse, la ministre a apporté les précisions suivantes :
- En ce qui concerne leffort en faveur des musiques actuelles, le développement des cafés-musique qui constituent des lieux bien adaptés à la diffusion des pratiques amateurs doit sinsérer dans un projet densemble, qui harmonisera lintervention des pouvoirs publics sans pour autant empêcher la création de projets originaux, comme cela sest passé pour le spectacle vivant. Le développement des musiques techno doit par ailleurs faire lobjet dune circulaire en cours de signature, étant entendu que la réflexion densemble que le ministère mène sur les musiques actuelles sera étendue aux musiciens eux-mêmes.
- Un réaménagement du régime juridique des sociétés dauteurs est en cours ; il vise notamment à harmoniser les documents financiers et à mieux assurer la transparence du fonctionnement de ces sociétés, quil sagisse de linformation des associés ou de la répartition des droits.
- LAFAN pourrait être restructurée sous forme dun établissement public doté dun cahier des charges, de manière à ce que les règles de concurrence et de marchés publics soient mieux appliquées.
- Sagissant de la grotte Chauvet, il nappartient pas au ministre de se prononcer sur les procédures judiciaires en cours. Les fonctionnaires mis en cause doivent disposer des moyens de se défendre et les différents interlocuteurs ont été reçus au ministère. Personne ne doit avoir le sentiment davoir été lésé.
- Le budget de la culture est passé de 0,935 % du budget général en 1997 à 0,952 % en 1998 et sélèvera à 0,967 % en 1999, ce qui approche du seuil symbolique de 1 %, que le Premier ministre sest engagé à atteindre dici la fin de la législature.
- Pour les travaux dentretien du patrimoine monumental, le taux maximum de prise en charge par lEtat est en principe de 40 % du coût total du chantier, mais des dérogations sont possibles selon la nature des monuments et lorsque les collectivités locales ne peuvent pas financer la part résiduelle.
- Sagissant du Mobilier national, sa réinstallation dans ses locaux saccompagnera dune réévaluation de ses fonctions par un mode de gestion adapté, et dune revalorisation de son patrimoine aussi riche que peu accessible. Le savoir-faire et la qualité du travail de ses personnels tant en réparation quen fabrication doivent être mieux appréciés. Le Fonds national dart contemporain verra par ailleurs ses responsabilités redéfinies, ainsi que sa relation avec la Délégation aux arts plastiques. Le travail efficace effectué par la mission de récolement des dépôts de meubles et duvres dart des collections nationales dans les administrations devraient contribuer à la remise à niveau de la gestion des oeuvres. Les moyens nécessaires au bon fonctionnement de cette mission sont assurés dans le budget pour 1999.
Toujours en ce qui concerne les arts décoratifs, lannée 1999 verra lengagement de travaux à la manufacture de Sèvres visant à lui rendre des conditions de fonctionnement satisfaisantes.
- La loi du 5 juillet 1996 traitant des équipements cinématographiques et des conditions dimplantation des salles « multiplexes » a des mérites, mais aussi des limites, les seuils fixés étant contournés trop facilement. Au 1er juillet 1998, on comptait 37 multiplexes réalisant 20 % des entrées et des recettes cinématographiques sur le territoire français. Bien que le rythme douverture de tels complexes soit en train de ralentir, il convient effectivement de réexaminer les procédures de saisine des commissions départementales et de la commission nationale déquipement cinématographique. Il reste que les communes sont aussi responsables, et il est regrettable quelles napprécient pas toutes de la même façon les conséquences économiques, artistiques et culturelles déventuelles nouvelles implantations.
- Le rééquilibrage des actions et des crédits du ministère entre Paris et la province fait lobjet dun plan décennal qui sera poursuivi. Lélaboration des contrats de plan Etat-région devrait également fortement y contribuer.
Par ailleurs, il serait souhaitable que la Ville de Paris, progressivement, sinvestisse davantage dans la prise en charge des équipements culturels situés sur son territoire, afin de permettre une répartition plus équitable des actions de soutien à la création, non seulement entre Paris et la province, mais aussi avec les petite et grande couronnes parisiennes, elles aussi défavorisées.
- En ce qui concerne la décentralisation, il faut savoir que le taux dexécution des contrats de plan entre le ministère de la culture et les régions, situé autour de 50 %, est à lheure actuelle le plus faible de tous les départements ministériels. Depuis plus dun an maintenant, le ministère sest attaché à résorber la dette de 300 millions de francs en crédits de paiements quil avait contracté envers les collectivités locales ; ce sera chose faite début 1999. Pour les nouveaux contrats, le ministère sera tout à la fois plus sélectif sur les projets retenus et plus clair sur ses propres engagements, ce qui est la condition même de la crédibilité de son action. Les projets à caractère régional seront privilégiées, tout en préservant léquilibre entre les villes centres et les zones rurales et en évitant les doublons.
- La participation du ministère de la culture à la politique de la ville et de la lutte contre les exclusions sera poursuivie en 1999 avec des dotations respectives de 60 et de 93 millions de francs. Sera privilégiée la continuité des actions. Il importe, en effet, que les situations précaires ne saccompagnent pas, en outre, dun accès intermittent à la culture.
En conclusion, le président a constaté que lampleur des questions soulevées rendait souhaitable lorganisation dun débat en séance publique sur la politique culturelle.
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