
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 65
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 23 septembre 1998
(Séance de 9 heures 30)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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Auditions, en présence de la presse, dans le cadre de la préparation de lexamen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 :
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M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de santé ...
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M. Yves Matillon, directeur de lAgence nationale daccréditation et dévaluation en santé (ANAES)
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de santé, accompagné de MM. Jacques Vleminckx, Matthieu Méreau et Jean-François Collin, membres du bureau de la Conférence, dans le cadre de la préparation de lexamen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Le président Jean Le Garrec a souligné limportance de laudition des représentants de la Conférence nationale de santé en faisant valoir que les choix du législateur en matière de santé publique devaient être éclairés par les travaux de cette instance qualifiée, travaux qui font la synthèse de ceux des conférences régionales de santé et permettent de mobiliser lensemble des professionnels de santé.
M. François de Paillerets a estimé que cette audition représentait le point dorgue de la mission de la Conférence nationale de santé. Celle-ci sest tenue au mois de juin dernier, dans la lignée des conférences précédentes. Il sagit dabord dune continuité méthodologique puisque la conférence a travaillé à partir du rapport du Haut comité de la santé publique. Il convient dailleurs de rendre hommage à la qualité du travail accompli par les membres actuels du Haut comité de la santé publique, dont le mandat arrive à expiration.
La continuité des travaux de la Conférence nationale de santé est également thématique, dans la mesure où les trois sujets de réflexion retenus cette année (inégalités de santé inter et intra-régionales, accidents iatrogènes et diabète) avaient déjà été abordés et figuraient parmi les dix priorités dégagées par la première Conférence nationale de santé. La Conférence nationale de santé de 1998 a retenu trente-neuf propositions se rattachant, pour les plus importantes dentre elles, aux trois thèmes précités. Le thème sans doute le plus difficile mais également le plus porteur davenir est celui de la réduction des inégalités de santé inter et intra-régionales qui sera traité par M. Jacques Vleminckx, qui avait animé le groupe de travail correspondant.
M. Jacques Vleminckx a rappelé quen 1997, la Conférence nationale de santé avait souhaité une plus grande transparence de laction du Gouvernement en ce qui concerne les méthodes et les critères utilisés pour opérer les redistributions inter-sectorielles et inter et intra-régionales, dune part, et dautre part, lamélioration de la collecte des données ainsi que la recherche et le développement de nouveaux indicateurs au niveau inter et intra-régional, notamment en ce qui concerne la morbidité. Il apparaissait en particulier nécessaire de mieux cerner la question de linégalité de laccès aux soins et, dans le domaine de la répartition des ressources, celle de la démographie des professionnels de santé et de la localisation des structures de soins.
Au terme des travaux de la Conférence nationale de santé de 1998, deux constatations simposent en matière dinégalités. En premier lieu, les réflexions de la Conférence se sont limitées aux inégalités inter et intra-régionales daccès aux soins de santé. En effet, laccès aux soins nest quun des facteurs de santé parmi dautres, au nombre desquels on citera le logement, lemploi, léducation, lenvironnement et le niveau ou le mode de vie, cette conception extensive étant illustrée par la définition de la santé donnée par lOMS, à savoir « un état complet de bien-être physique, mental et social, et non seulement une absence de maladie ou dinfirmité ».
En second lieu, il apparaît que lun des principes fondamentaux dune politique de santé est de garantir à chacun, quels que soient son lieu dhabitation et sa situation sociale, laccès à des prestations sanitaires de qualité.
A partir de ces constatations dordre général, les propositions de la Conférence de 1998 relatives à la réduction des inégalités sont structurées autour de quatre orientations. La première consiste à renverser la logique du système, pour passer dun dispositif centré sur loffre de soins, et principalement dailleurs sur celle des soins médicaux au détriment des soins para-médicaux et des services médico-sociaux, à une démarche fondée sur le besoin de prestations sanitaires. Il faut donc permettre laccès et lanalyse des différentes données statistiques, valider et contrôler ces informations dans le cadre de banques de données régionales et renforcer les observatoires régionaux de la santé. Le recentrage sanitaire ainsi proposé doit déboucher sur lélaboration de critères permettant de calculer les allocations régionales de ressources en partant des besoins et en se démarquant de lorganisation actuelle du système de santé.
Pour opérer ce changement, la Conférence nationale demande le développement des actions de santé en créant une enveloppe spécifique complémentaire des autres enveloppes existantes de soins. La conférence donne à cette demande denveloppe supplémentaire trois justifications :
- permettre le développement du préventif au-delà du curatif ;
- inciter les différents acteurs de santé à travailler ensemble et de manière coordonnée sur des programmes régionaux de santé incluant par définition une dimension préventive ;
- permettre à terme la fongibilité des enveloppes existantes, les dépenses financées dans le cadre de lenveloppe supplémentaire qui correspondent à des activités devenues pérennes pouvant être progressivement basculées sur ces enveloppes.
La deuxième orientation vise à promouvoir le niveau régional dans les politiques de santé, non seulement en développant les capacités dobservation et de décision à léchelon des régions, mais aussi en renforçant le rôle des conférences régionales chargées détablir des programmes régionaux, en y associant les collectivités territoriales.
La troisième orientation porte sur ladaptation du fonctionnement des établissements et des professions de santé grâce à la promotion des mécanismes de financement qui permettent de garantir le respect de critères de qualité et le développement, en concertation avec les intéressés, des procédures dincitation et de limitation à linstallation des médecins dans certaines zones géographiques ou situations données. Dans le même esprit, il faut favoriser la représentation et lexpression des usagers dans toutes les instances où se négocient les orientations de santé.
La quatrième orientation consiste à prendre en compte la situation des plus démunis, étant rappelé que la pauvreté demeure le principal problème à traiter pour protéger la santé. Dans ce but, il serait souhaitable de présenter rapidement un projet de loi complet et précis sur lallocation autonomie, de favoriser linstallation détablissements et de professionnels de santé dans les zones défavorisées afin de corriger les inégalités de répartition géographique, et dassurer laccès aux soins pour les personnes ayant des revenus modestes, en mettant en place la couverture maladie universelle et en garantissant aux intéressés la gratuité totale des soins. Il convient de noter que si la Conférence nationale de santé a retenu dix-huit des quarante propositions élaborées par le groupe de travail sur la réduction des inégalités, les autres propositions ne sont pas abandonnées et pourront être reprises par la conférence de 1999.
M. François de Paillerets, évoquant le thème du diabète abordé par la Conférence nationale de santé de 1998, a souligné que cette maladie touchait 1,5 million de Français et que ce nombre était susceptible de croître dans des proportions importantes si rien nétait fait pour lempêcher. Par ailleurs, cette maladie a des conséquences à la fois très graves, puisque souvent mortelles, et très coûteuses. Il sagit donc dune question exemplaire au regard du difficile problème que constitue la prise en charge des maladies chroniques. Trois des dix recommandations émises sur ce thème par la Conférence nationale de santé seront détaillées.
Il faut d'abord mettre en place un dépistage systématique de cette maladie qui permette déviter ou de retarder lapparition des complications quelle entraîne. Il convient de souligner que ce dépistage est simple et peu coûteux, puisquil consiste en une prise de sang pour doser la glycémie. Il doit être ciblé sur les personnes à risques, cest-à-dire sur celles qui sont âgées de plus de quarante-cinq ans et sont apparentées à une personne atteinte de diabète.
La situation actuelle étant caractérisée par le fait que trop de personnes atteintes dun diabète simple sont traitées à lhôpital, alors quà linverse, trop de diabètes lourds sont uniquement pris en charge dans le cadre de la médecine ambulatoire, il faut en second lieu coordonner de manière plus rationnelle les interventions des différents acteurs en mettant en place un « chaînage » comportant un maillon de proximité, un maillon spécialisé et un maillon de référence ultra spécialisé.
Le troisième aspect sur lequel il convient de mettre laccent relève de léducation sanitaire. En effet, le traitement du diabète ne peut se faire seulement sur ordonnance et implique en quelque sorte de « négocier » avec le patient, afin que celui-ci puisse sapproprier une partie de son traitement et de son suivi. De bons résultats ont déjà été obtenus sur ce point en France pour les enfants diabétiques et à létranger pour les personnes dâge mûr. Il est souhaitable de professionnaliser les actes éducatifs qui savèrent nécessaires pour atteindre cet objectif en formant à cette démarche éducative les professionnels de santé concernés et en rémunérant lesdits actes. De manière générale, il faut aussi agir plus en amont pour déjouer le piège que constituent les habitudes alimentaires et la sédentarité propres à nos sociétés développées.
Le troisième grand thème retenu par la Conférence nationale de santé est celui du risque iatrogénique, qui, abordé sous langle plus général des infections nosocomiales, avait déjà fait lobjet de recommandations lannée dernière. Certaines de ces recommandations ont été reprises dans le rapport du Gouvernement annexé au projet de loi de financement et leur mise en uvre a commencé, ce dont il faut évidemment se féliciter.
Lattention de la conférence sest cette année focalisée sur les accidents iatrogènes liés aux médicaments. Le constat en la matière est inquiétant, puisque pas moins de 5 % des hospitalisations ont un lien avec un accident médicamenteux, que cet accident soit la cause de lhospitalisation ou quil survienne pendant une hospitalisation et que le nombre de décès imputables à ce type daccident est de lordre de mille par an, dont le tiers est considéré comme évitable. Parmi les onze propositions formulées par la Conférence nationale de santé, on retiendra particulièrement lamélioration du dispositif de pharmaco-vigilance et le développement de linformation des acteurs de santé et des citoyens. Sur ce dernier point, il convient de souligner, dune part, que le risque zéro nexiste pas et ne saurait exister dans le domaine de la prescription médicamenteuse et, dautre part, que prescrire mieux consiste souvent à prescrire moins. En tout état de cause, il est important de débattre dun sujet qui est trop souvent resté soumis à la loi du silence.
Il faut espérer que la conférence de 1998 ait des conséquences positives, comme cela a été le cas pour la conférence de 1997. Parmi les recommandations de cette dernière conférence qui ont été mises en uvre, on citera le développement de léducation à la santé en milieu scolaire, la restructuration des soins en matière de cancérologie et le déroulement de la Coupe du monde de football sans publicité pour lalcool, mesures qui participent au nécessaire développement dune culture de santé publique.
Lavancement au printemps de la prochaine conférence constitue par ailleurs un point positif et devrait permettre à cette instance dintervenir plus en amont dans le processus délaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, des améliorations peuvent certainement encore être apportées au travail de la Conférence nationale de santé, notamment en ce qui concerne son articulation avec les conférences régionales.
Après avoir souligné le grand intérêt des travaux de la Conférence en 1998, le président Jean Le Garrec sest réjoui de la modification du calendrier de ses travaux qui permettra à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales davancer laudition annuelle du bureau de la conférence. Il a ensuite estimé que les inégalités interrégionales devant la mort étaient en effet liées non seulement à loffre de soins, mais aussi au mode de vie ou aux habitudes alimentaires. On ne peut quapprouver la formule « soigner mieux cest souvent moins prescrire » ainsi que les recommandations de la conférence sur la diffusion de linformation et le développement dune analyse des politiques de santé au niveau régional.
M. Claude Evin, rapporteur pour lassurance maladie et les accidents du travail, a posé deux séries de questions portant, la première, sur la méthodologie, la deuxième, sur le fond. Concernant la méthodologie, il convient de sinterroger sur le partage des compétences et larticulation des travaux entre le Haut comité de la santé publique dune part, et la Conférence dautre part. Comment les travaux des conférences régionales sont-ils pris en compte et quelles sont les améliorations possibles, notamment en ce qui concerne lélaboration des nouveaux Schémas régionaux dorganisation sanitaire (SROS) ? Enfin, sil est logique que la Conférence nationale soit composée en partie de professionnels de grand renom, on peut cependant sinterroger sur sa composition actuelle.
Concernant les questions de fond, en premier lieu, la lutte contre les inégalités pose le problème de larticulation entre les constats établis par la Conférence et les critères dattribution des enveloppes déterminées à partir de lobjectif national de dépenses dassurance maladie. Un effort a été accompli en ce sens en 1998. Est-il ou non suffisant ?
Le cloisonnement actuel des enveloppes pose le problème du financement des activités dexpérimentation et de prévention. A supposer que la création dune cinquième enveloppe relève de la compétence du législateur, il incomberait à celui-ci de définir les modalités de gestion de cette enveloppe et les formes de financement auxquelles elle donnerait lieu.
Enfin, le dépistage systématique du diabète, maladie à laquelle il convient effectivement dêtre très attentif, pose la question du financement de cette activité, comme, plus généralement, celle de la rémunération de « lactivité pédagogique » qui doit être menée en matière médicale.
En réponse, M. François de Paillerets a indiqué que larticulation entre le Haut comité de santé publique et la conférence nationale ne posait pas de problème. En effet, le Haut comité intervient en amont et effectue un travail dexpertise préalable à celui de la conférence, laquelle sappuie sur ce travail pour le confronter à la problématique de la santé sur le terrain et définir des priorités. En privilégiant lanalyse de la santé publique à long terme, la conférence ne peut répondre à toutes les questions qui se posent légitimement à un moment donné. Sagissant de la composition de la Conférence, celle-ci inclut, certes, des professionnels, mais également des non-professionnels intéressés par la politique de la santé. Lapport des collèges régionaux est tout à fait fondamental. Il faut de surcroît souligner que si la conférence annuelle dure trois jours et se tient à huis clos, en amont, un travail est réalisé également tout au long de lannée et mobilise tous les acteurs de la conférence.
M. Jean-François Collin a confirmé quil existait une grande différence entre les régions en ce qui concerne le développement et lactivité des conférences régionales, même si la situation évolue rapidement. Ainsi, une soixantaine de programmes régionaux de santé sont désormais en cours délaboration, à partir des recommandations des conférences. Celles-ci ne se réunissant quune seule fois par an, linstauration dun véritable dialogue entre les différentes parties prenantes, et notamment entre les professionnels de santé et les usagers, prendra cependant un certain temps. De plus, lélaboration des SROS continue à être réalisée sans que les représentants des usagers puissent intervenir. Cependant, la réunion des états généraux de la santé permettra aux usagers de sexprimer.
Les directions régionales de laction sanitaire et sociale (DRASS) assurent aujourdhui la coordination et le secrétariat des différentes actions (conférences régionales, SROS, états généraux). Dans certaines régions, les DRASS qui, en plus, ont fourni du personnel aux Agences régionales dhospitalisation (ARH), nont pas toujours les moyens dassurer ces nouvelles tâches, ce qui est susceptible de créer des goulots détranglement.
Par ailleurs, lensemble des actions de prévention connaissent des problèmes de financement puisque les crédits prévus pour 1998 au titre des fonds de prévention ne sont toujours pas parvenus dans les régions, alors quils doivent être consommés avant la fin de lannée.
M. Matthieu Méreau, après avoir rappelé que les inégalités et disparités entre les services déconcentrés de lEtat nétaient pas un phénomène propre à la santé, a souligné que ce secteur était, au niveau régional, caractérisé par une grande multiplicité des décideurs. On peut citer les unions régionales des médecins libéraux, les unions régionales des caisses dassurance maladie, les agences régionales dhospitalisation et les directeurs dhôpitaux).
Il est tout à fait certain que les inégalités constatées aujourdhui entre les régions en matière de santé publique sont inacceptables politiquement. Il reste à définir les modalités techniques de réduction de ces inégalités et donc à réaliser des arbitrages entre différentes possibilités de répartition des enveloppes nationales. Plusieurs questions doivent à ce sujet être tranchées :
- quelle référence faut-il adopter en tant que norme : une dotation cible ou bien une moyenne nationale ?
- quels critères faut-il retenir pour le calcul de lallocation des ressources : les besoins démographiques, la morbidité, la mortalité, des facteurs dordre économique, culturel ou environnemental ?
- quel doit être lobjet de cette répartition : lenveloppe des praticiens libéraux ou bien seulement la dotation du secteur hospitalier ?
On demeure ici encore largement dans le domaine de la recherche et lintégration de ces différents facteurs dans des équations de calcul et de péréquation est particulièrement complexe. Du temps est donc encore nécessaire pour affiner la réflexion. On peut cependant dores et déjà dire que les critères retenus devront être tout à la fois conformes aux réalités des besoins de santé, simples et facilement accessibles pour quune multiplicité de décideurs puissent sentendre.
M. Denis Jacquat sest tout dabord déclaré quelque peu surpris par la formule « moins prescrire cest mieux prescrire », étant donné que limmense majorité des médecins établissent leurs prescriptions en leur âme et conscience.
Il a ensuite posé une question sur les problèmes de répartition géographique des praticiens, auxquels il est actuellement très difficile de remédier en raison du principe de liberté dinstallation. Il y a quelques années, il a été décidé dimposer aux infirmières un passage de trois ans en milieu hospitalier avant quelles puissent sinstaller en libéral. Une mesure de ce type, qui permettrait dorienter les nouveaux diplômés vers des établissements hospitaliers en manque de médecins puis vers les zones rurales entourant ces établissements, a-t-elle été envisagée par la Conférence nationale ?
M. André Aschieri a regretté que le rapport de la Conférence nationale ne consacre que très peu de développements à la prévention, alors que celle-ci représente un enjeu prioritaire pour notre système de santé. Vingt heures par an consacrées à laction auprès des publics scolaires constitue une bonne mesure mais plus doit être fait si lon souhaite rattraper le retard de notre pays par rapport aux autres pays développés. Dans ce même esprit, il est dommage que le rapport névoque pas les dispositions adoptées dans le cadre de la loi sur la veille sanitaire et le projet dagence de sécurité sanitaire de lenvironnement.
M. Pierre Hellier, après avoir rappelé que le rapport de la Conférence nationale avait retenu trois thèmes de réflexion majeurs, a souhaité savoir quel aurait pu être le quatrième thème.
M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de santé, a apporté les éléments de réponse suivants :
- La phrase utilisée en ce qui concerne les accidents iatrogènes est très exactement : « mieux prescrire cest souvent moins prescrire ». Le mot « souvent » a son importance et renvoie à la fin du chapitre relatif à ces questions. Celui-ci souligne que si parfois le médicament peut être néfaste, dans la très grande majorité des cas, il permet de soulager, de soigner et de guérir. Le propos nétait donc en rien agressif mais avait simplement pour but de refléter les débats qui ont eu lieu sur ce sujet durant la conférence.
- En ce qui concerne la prévention, la Conférence nationale de santé a le sentiment de participer très activement à leffort de promotion dune politique nationale de prévention. Lenveloppe spécifique régionale de santé, le dépistage du diabète et les actes éducatifs qui laccompagnent recouvrent très précisément des actions de prévention. Il convient cependant, en la matière, davancer tout à la fois de façon déterminée et avec précaution, car il ne faudrait pas heurter de front un système dassurance maladie essentiellement dirigé vers le curatif. Lévolution doit donc être progressive. Il nest cependant pas normal que, aujourdhui, alors que les dépenses de santé sélèvent à 12 000 francs par an et par personne, sur cette somme, seulement 1 franc soit consacré à léducation à la santé et 10 francs à la prévention.
- Le débat sur la démographie médicale est particulièrement difficile. Durant les travaux de la conférence, certains participants souhaitaient le maintien du statu quo alors que dautres plaidaient pour linstauration de numerus clausus géographique et disciplinaire. Le rapport a adopté une position médiane en proposant de fixer des plafonds dans certaines régions pour quelques disciplines, en concertation avec les professionnels.
M. Jacques Vleminckx a souligné que la Conférence nationale de santé et le Haut comité de santé publique ne sopposaient pas, mais étaient au contraire complémentaires. Au sein de la conférence, le poids des corporatismes satténue et des consensus impossibles à réaliser il y a trois ans se créent.
En ce qui concerne lenveloppe nouvelle consacrée à la prévention, sa gestion devrait être pluripartite entre lARH, le comité permanent de la Conférence régionale de santé et dautres partenaires. Il semble souhaitable, enfin, quelle soit intégrée dans lobjectif national de dépenses dassurance maladie (ONDAM) afin dêtre soumise au contrôle du Parlement et ce, en dépit de sa spécificité.
M. François de Paillerets a déclaré retenir, pour sa part, comme quatrième thème prioritaire, les problèmes liés au vieillissement de la population qui doivent dès maintenant être pris à bras le corps.
M. Matthieu Méreau a préféré mettre en avant la promotion de la santé des enfants et des adolescents, thème mis en avant par la conférence en 1997.
Mme Catherine Génisson a observé que si le slogan « prescrire moins pour mieux soigner » était séduisant, la iatrogénie était moins le produit de la surprescription médicale, que des incompatibilités médicamenteuses et de gestes médicaux inappropriés.
M. François des Paillerets a fait remarquer queffectivement, un tiers des accidents iatrogéniques étaient évitables, dont ceux liés aux gestes médicaux, mais que les deux autres tiers, liés aux risques médicamenteux, ne létaient pas, ce que traduit la formule : « le risque zéro nexiste pas ».
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La commission a ensuite entendu M. Yves Matillon, directeur général de lAgence nationale daccréditation et dévaluation en santé (ANAES), accompagné de Mme Claudine Renou-Fages, secrétaire générale et du docteur Hervé Maisonneuve, directeur de lévaluation.
Le président Jean Le Garrec, rappelant que la commission avait entendu M. Matillon il y a un an, lui a demandé de faire le point sur lavancement des travaux de lANAES depuis cette date.
M. Yves Matillon a indiqué que, depuis sa précédente audition par la commission, le conseil scientifique de lAgence, divisé en deux sections, avait été mis en place en octobre 1997, et que, depuis lors, ce conseil scientifique et le conseil dadministration avaient effectué un travail très important. Lactivité de lAgence a notamment été marquée par la parution dun manuel daccréditation le plus léger de tous les manuels parus dans le monde édité au début du mois de septembre 1998, et qui est à lheure actuelle envoyé aux 3 700 établissements concernés. Leffectif théorique de 130 personnes employées par lAgence est en voie dêtre atteint, puisque celle-ci emploie aujourdhui 95 personnes.
Sagissant de lévaluation, lAgence a fait porter ses travaux sur les référentiels professionnels et les recommandations de bonne pratique. La production de 1997 a été diffusée tandis que des référentiels professionnels nouveaux étaient mis en chantier. Lévaluation concerne également les pratiques professionnelles, tant la pratique libérale que le secteur hospitalier. LAgence développe, en outre, une réflexion relative aux nouvelles technologies, qui savérera particulièrement efficace si elle contribue à une réforme des nomenclatures. Enfin, une approche médico-économique se développe. Il faut préciser que lévaluation porte exclusivement sur les pratiques professionnelles et ne sintéresse pas actuellement aux compétences individuelles. Ce chantier sera considérable, mais devra être engagé à terme.
Sagissant de laccréditation, la procédure qui sest mise en place depuis 1990 évolue lentement. Elle nécessite en effet une démarche partagée avec lensemble des professionnels et des établissements. Une brochure sur laccréditation a été tirée à 150 000 exemplaires.
La rédaction du manuel daccréditation a constitué la première étape du processus. La deuxième consiste dans le recrutement dexperts visiteurs. Après une présélection sur 2 560 candidats, 300 ont été soumis à sélection et 70 recrutés. Ces derniers suivent aujourdhui une formation. A partir du mois prochain, ils vont commencer leurs visites dans quarante établissements publics et privés, dont trois hôpitaux locaux, un hôpital militaire, un centre de recherche. Plus de deux cents établissements sétaient déclarés initialement intéressés et, suite à lédition du manuel, 120 ont confirmé vouloir entrer dans la démarche. Le bilan de létude des 40 établissements pionniers sera établi à la fin de cette année. En 1999, cette démarche pourrait toucher 2 à 300 établissements, avant dêtre généralisée.
Le président Jean Le Garrec sest interrogé sur le statut et le mode de recrutement des visiteurs et sur la manière dont lAgence jugeait le « palmarès » des hôpitaux, publié par la revue « Sciences et avenir » et faisant état dun risque de mortalité allant, selon les établissements, de 1 à 20.
M. Claude Evin, rapporteur pour lassurance maladie et les accidents du travail, a posé des questions sur la manière dont lévaluation était ressentie par les professionnels concernés, notamment les unions professionnelles, sur lévaluation des pratiques professionnelles confrontées aux techniques nouvelles, par exemple les prothèses. En effet, cette problématique nest pas résolue à lheure actuelle, et le développement de recommandations de bonnes pratiques pourrait faire évoluer les comportements en la matière. En ce qui concerne lévaluation des compétences des médecins, on note une absence de consensus mais il sagit dune mission quà terme, lANAES devrait assumer. Sagissant de laccréditation, si lon peut manifester une certaine impatience, il serait utile de pouvoir établir des éléments de comparaison avec les démarches menées à létranger.
En réponse, Mme Claudine Renou-Fages a indiqué que les experts visiteurs avaient le statut de collaborateurs temporaires de lAgence. Celle-ci sest adressée, par voie dappel doffres, à des professionnels ayant une expérience en établissement. La sélection aboutit ensuite au recrutement et à la signature de contrats de collaboration qui leur permet à la fois de bénéficier dune formation et de se rendre dans les établissements au rythme de quatre visites par an, tout en continuant leur activité professionnelle, réserve faite de six semaines dabsence. Lobjectif est daboutir au recrutement de 800 experts, mobilisables sur lannée. Le financement de leur activité se fera par le biais de la redevance daccréditation. Un décret est dailleurs en cours dexamen par le conseil dEtat.
M. Yves Matillon a souligné que la compétence de lAgence sétendait à la fois au secteur public et au secteur privé, et que les experts visiteurs venaient de lun et lautre secteurs.
En ce qui concerne la publication de larticle de la revue « Sciences et Avenir », deux remarques peuvent être formulées :
- dune part, il convient dassurer la transparence qui simpose en matière dévaluation des établissements de soins et des pratiques médicales ; lANAES a dailleurs prévu la participation des usagers dans les procédures délaboration du manuel daccréditation ;
- dautre part, il faut mettre en perspective les statistiques collectées concernant les pratiques médicales de manière à éviter les biais statistiques tenant par exemple aux populations (âges, publics....) traitées.
M. Hervé Maisonneuve a indiqué que le succès de la démarche dévaluation, devant déboucher finalement sur un changement des pratiques médicales, supposait une mise en uvre progressive et un minimum de temps. Il est clair que les incitations les plus efficaces visant à modifier ces pratiques sont dordre financier, mais celles-ci ne relèvent pas de lANAES. Dans léchelle de lefficacité viennent ensuite, dans lordre, laction des leaders dopinion notamment les sociétés savantes, les outils daide à la décision face au malade, laudit clinique des pratiques professionnelles individuelles ou des équipes médicales - moyen efficace mais difficile à mettre en uvre -, les visites médicales et la formation médicale continue (FMC), cette dernière ayant toutefois relativement peu dimpact. Actuellement, la politique dincitation à la modification des pratiques médicales définies par lANAES est mise en uvre par cinquante médecins libéraux et cinquante médecins hospitaliers dont chacun a pour mission de susciter lengagement dans cette démarche de cent à trois cents professionnels de santé.
M. Yves Matillon a souligné la difficulté de modifier les pratiques professionnelles et a insisté sur limportance dune action partenariale de lANAES avec les unions régionales des médecins libéraux (URML) pour diffuser les nombreux référentiels produits par lANAES et susciter progressivement des changements de comportement.
M. Claude Evin sest interrogé sur lefficacité de la publication au mois de mars 1997 de 243 références médicales opposables (RMO) sur 60 thèmes, ce nombre pouvant apparaître trop élevé, et a demandé comment la procédure des RMO était articulée avec la procédure daccréditation et dévaluation.
M. Yves Matillon a souligné lintérêt de la mise en uvre des RMO qui constituent un moyen dengager la démarche de modification des pratiques médicales et a estimé souhaitable de limiter le nombre de celles-ci afin den assurer la plus grande efficacité possible.
M. Bernard Accoyer a regretté la politique de temporisation coupable du Gouvernement dans la nécessaire mise en oeuvre de la réforme de 1996 dont laccréditation représentait un axe majeur. En dépit dun accord de principe sur la politique daccréditation et sur la nécessité daméliorer la qualité des soins, depuis un an et demi, il est à craindre que les retards qui se sont accumulés auront des conséquences néfastes sur létat de santé de la population. De plus, le risque apparaît que laccréditation des établissements et des services se transforme en une accréditation des seuls établissements alors que cest laccréditation des centres de décision, cest-à-dire des services, qui doit être privilégiée. En outre, il serait souhaitable que lévaluation des médecins libéraux soit mise en uvre rapidement sous réserve de réunir les moyens nécessaires pour une politique de formation professionnelle continue (FMC) des médecins efficace. Enfin, il serait opportun que lANAES se mobilise sur plusieurs thèmes prioritaires : le financement des pathologies nouvelles, les nouveaux médicaments et les problèmes liés à lallongement de la vie.
M. Denis Jacquat sest interrogé sur les sanctions pouvant être prises à la suite dune appréciation négative dans le cadre dune procédure daccréditation, en liaison avec les agences régionales dhospitalisation (ARH) et les DRASS. Il sest enquis des moyens permettant dassurer la publicité des comptes rendus auprès des usagers.
M. Pierre Hellier a estimé que, si un certain temps était nécessaire pour mettre en place les outils de laccréditation et de lévaluation, il convenait dorénavant de passer à la pahse de lapplication et a demandé dans quel délai tous les établissements hospitaliers auraient fait lobjet de la procédure daccréditation.
Mme Catherine Génisson, après avoir souligné limportance du rôle que peuvent jouer les usagers pour faire évoluer les pratiques médicales et sortir dune évaluation purement professionnelle, a demandé des précisions concernant le profil professionnel des visiteurs experts pour laccréditation et les conditions de leur intervention dans les établissements.
M. Claude Evin a tenu à souligner que le retard pris par lANAES était dû non au gouvernement actuel mais au précédent qui na publié les décrets nécessaires quau printemps 1997, alors que la création de lANAES était prévue par lordonnance du 24 avril 1996. De surcroît, le choix pour lANAES du statut détablissement public administratif choix fait par le gouvernement Juppé et non remis en cause par son successeur explique certainement la lourdeur du système. Toutes les expériences étrangères montrent quil ne sagit pas là de la bonne formule.
En réponse, M. Yves Matillon a donné les précisions suivantes :
- Le manuel daccréditation a demandé trois ans de travail. LANAES a développé de manière considérable ses relations avec les structures daccréditation étrangères pour pouvoir pleinement bénéficier de leurs expériences.
- La démarche première de lANAES a consisté à ne pas opposer accréditation des services et accréditation des établissements, en choisissant la voie médiane de lévaluation de lactivité. Cette démarche pourra être poursuivie pour parvenir, à terme, à une évaluation des pratiques professionnelles.
- Le rapport daccréditation a comme premier objectif daider létablissement dans le cadre de la contractualisation avec lAgence régionale de lhospitalisation. Il est également destiné à être accessible au public.
- Les visites daccréditation sont réalisées par trois ou quatre experts-visiteurs par établissement. Il sagit le plus souvent dun directeur détablissement, dun médecin et dun autre professionnel médical.
- LANAES ne se livre pas à lévaluation des médicaments qui relève des compétences de lAgence du médicament. En revanche, elle procède à lévaluation du coût des pathologies et à celle, très importante, des nouvelles technologies. Pour ce dernier domaine, le principal problème consiste dans labsence de lien entre lévaluation et les décisions en matière de nomenclature et de prise en charge des soins.
- En 1999, trois cents établissements feront lobjet daccréditation. A partir de lan 2000, lobjectif de lANAES est datteindre 750 à 800 établissements par an. En Grande-Bretagne, quarante établissements sont évalués, mais lagence ne compte que quarante agents. Au Canada, le rythme est très rapide, comme aux Etats-Unis qui bénéficient de près dun siècle dexpérience dans ce domaine. En France, le problème nest pas laugmentation des moyens mais plutôt lévolution des mentalités car la procédure daccréditation est inédite.
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