
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 66
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 23 septembre 1998
(Séance de 15 heures)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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Auditions, en présence de la presse, dans le cadre de la préparation de lexamen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 :
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M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil dadministration de la Caisse nationale dassurance maladie (CNAM) ...
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M. Jean-Pierre Davant, président de la Fédération nationale de la mutualité française
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil dadministration de la Caisse dassurance maladie (CNAM).
M. Jean-Marie Spaeth a tout dabord rappelé limportance quil accorde au travail du Parlement sur la protection sociale et la politique de santé en particulier. Lexamen de la troisième loi de financement de la sécurité sociale signifie que ce processus fait désormais partie de notre vie démocratique. Démocratie sociale et démocratie parlementaire non seulement ne sont pas antinomiques, mais peuvent désormais se renforcer à condition dinventer les bonnes articulations ou les bonnes passerelles.
La réforme constitutionnelle et les ordonnances de 1996 ont permis de sortir dune longue période au cours de laquelle le pouvoir politique et les partenaires sociaux au sein des caisses, ont consacré, sur les problèmes de la sécurité sociale et de son devenir, beaucoup plus dénergie à se neutraliser quà construire, en prenant appui sur des champs de compétence peu clairs et très émiettés.
Les conséquences en ont été labsence de pilotage global des évolutions nécessaires au sein du système de santé, les prélèvements supplémentaires pour les cotisants et un recul de la couverture sociale pour les assurés. Les séquelles se feront sentir pour tous durant quelques années encore à travers la contribution au remboursement de la dette sociale, quon peut qualifier « dimpôt de non-gestion passée ». Néanmoins, un coup darrêt a été donné à cette dérive grâce à la réforme de lassurance maladie. Il nous appartient, chacun à notre place, den tirer profit pour sortir notre système de santé dune situation qui a empiré au fil des années. Cest notamment le cas en matière de clarification des compétences entre lEtat et les caisses, ou de développement de la démarche contractuelle associant lEtat et les caisses nationales.
Le Parlement a compétence pour fixer les principaux objectifs et les grands arbitrages du budget de la sécurité sociale, en même temps que les lignes majeures de la politique de santé. Il est nécessaire dinsister sur une articulation efficiente entre les choix budgétaires et les options de politique de santé car cest là que le Parlement peut le mieux faire uvre utile et combler un vide dans le système de santé. La fixation des objectifs de dépenses conduit à placer sous tension les différents acteurs du système, caisses et professionnels de santé en particulier, et crée des incitations pour quensemble ils parviennent aux objectifs fixés. Seul le Parlement détient la légitimité suffisante pour déterminer le niveau des dépenses en sappuyant sur les expertises qui lui sont soumises. Ce schéma peut fonctionner durablement dès lors que, dannée en année, les objectifs financiers et budgétaires traduisent des choix politiques et reflètent lélaboration de priorités notamment sur le plan de la santé publique qui sous-tendent les arbitrages budgétaires, et que les parlementaires disposent dinformations de qualité. Lémergence de la politique de santé dont notre pays a besoin est à ce prix.
Contrairement à un discours convenu, la contrainte économique sur le système de santé nest nullement, dans ses formes actuelles en tout cas, synonyme de rationnement des soins. Elle implique, en revanche, une exigence de performance et de qualité pour un système de santé qui consomme plus de 10 % de la richesse nationale, ce qui en fait lun des plus coûteux au monde et en même temps lun de ceux où lévaluation des résultats reste, sinon inexistante, du moins sous développée.
Notre système doffre de santé a, par sédimentation successive de techniques de plus en plus pointues et de pratiques de plus en plus spécialisées, progressivement perdu de vue ce qui en fait la raison dêtre : la qualité du service rendu à la population. A partir du moment où loffre créait la demande, on a pu parfois négliger de sinterroger sur le besoin de soins, exprimé ou latent, faute de capacités financières, ou perdu dans un système dépourvu de coordination des soins. Or il sagit non seulement de rendre le système solvable, mais également, de satisfaire lintérêt collectif des demandeurs de soins, ce qui suppose la plus grande égalité possible daccès aux soins et à la prévention.
On peut également affirmer que permettre à lassurance maladie dêtre garante de la qualité et de lefficience des prestations fournies aux assurés sociaux constitue lun des acquis principaux de la réforme. Seule lassurance maladie est en situation de négocier des accords conventionnels avec les professionnels de santé en médecine de ville et de faire des conventions des outils de réorganisation du système de soins. Elle seule peut en outre développer des systèmes dinformation qui permettent de déceler déventuelles anomalies dans la distribution des prestations de soins. Les professions de santé et les structures de soins expriment des exigences légitimes quant aux moyens que la collectivité doit mettre à leur disposition. Elles ont aussi, collectivement et individuellement, des comptes à rendre à la population sur le coût et la qualité des prestations fournies.
Cest du reste le sens du travail dévaluation, dont lANAES est entre autres chargée. Le service médical doit également avoir un rôle important à jouer en particulier dans la diffusion de référentiels de bonnes pratiques et la vérification de leur respect. Ces référentiels représentent létat de lart médical face à une pathologie donnée que la pratique courante na pas toujours parfaitement assimilé.
Lexemple du diabète, qui touche environ 1 300 000 personnes, est significatif à cet égard. La prise en charge des malades fait intervenir à la fois des professionnels libéraux, des professions paramédicales, des associations et des services hospitaliers. Labsence de coordination donne lieu non seulement à une redondance de soins, et donc aboutit à un gaspillage, mais se solde également souvent par une absence de qualité. Il est essentiel de réduire les risques dhypertension inhérents à cette pathologie. Des démarches préventives sont nécessaires, comme léducation alimentaire, dont une étude allemande a montré quelles permettaient dès la deuxième année une réduction majeure des prescriptions de médicament anti-diabétiques.
Une nouvelle approche du système de santé consisterait dans cet exemple à diffuser des référentiels standardisés de prise en charge de cette pathologie, depuis sa prévention jusquau traitement des phases aiguës à partir desquels les professionnels pourraient sorganiser. Toutes les dimensions de leurs activités devraient être reconnues, avec pour corollaire une diversification du mode de rémunération aujourdhui uniquement axé autour de la réalisation dun acte de soins. Les économies entraînées par la diminution de la consommation médicamenteuse de cette population permettraient de financer les soins aussi indispensables que les examens du fond dil.
Au travers de cet exemple, chacun est concerné : la profession médicale comme les scientifiques pour que ces référentiels soient élaborés et validés, le Parlement pour permettre une diversification des modes de rémunérations des professionnels, les caisses et les syndicats médicaux pour les traduire dans leurs accords conventionnels, les professionnels pour sorganiser en réseaux, les patients pour adopter des comportements préventifs et le service médical des caisses pour évaluer le respect des référentiels.
Il est clair que les interventions du Parlement et de lassurance maladie, parce que leur légitimité est différente par nature, se situent dans des champs de compétence complémentaires. Létatisation aurait pour effet la confusion des rôles qui a été si longtemps le meilleur alibi de limmobilisme. La réforme a posé les fondations indispensables pour mener à bien la modernisation du système de santé, dune part, en donnant une vraie place au Parlement et en créant, dautre part, les instruments institutionnels dun dialogue permanent entre lEtat et les caisses : cest le rôle des conventions dobjectifs et de gestion Etat/caisses nationales de sécurité sociale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 que le Gouvernement a rendu public hier marque un tournant. Tout dabord, il confirme et lève toute ambiguïté sur la prise en compte de la dimension économique de la pratique médicale. Au-delà des clivages politiques traditionnels, il existe désormais un consensus sur le fait que les médecins, ordonnateurs de dépenses publiques, doivent prendre leur part de responsabilité, aux côtés des assurés sociaux et des financeurs. Cette responsabilité économique collective du corps médical, intrinsèquement liée à son pouvoir de décision en tant que prescripteur, se traduira par un mécanisme simplifié de revalorisation ou de contribution additionnelle de la profession. Il sagit dune simplification notoire du dispositif et surtout dune clarification. Désormais toute ambiguïté est en effet levée : cette responsabilité économique ne constitue aucunement un jugement de valeur sur les pratiques individuelles. Elle ne représente ni plus ni moins une sanction pour les professionnels de santé que les hausses de cotisations pour les assurés sociaux. Cette clarification va permettre de sortir dun faux débat délibérément entretenu par ceux qui refusent que le corps médical assume une partie des conséquences économiques de ses décisions médicales.
Ensuite, ce projet de loi conforte lassurance maladie et ses partenaires conventionnels dans la dynamique aujourdhui impulsée dans le sens dune réforme structurelle du système de santé. Il propose en particulier de légaliser le dispositif du médecin référent qui permet au patient de choisir un médecin généraliste favorisant la prise en charge globale de la santé des patients, instaurant ainsi une amorce de coordination des soins. Mais, plus avant, il propose de faire du cadre contractuel entre lassurance maladie et les professionnels de santé, linstrument privilégié de la modernisation, de linnovation de la distribution des soins de ville et des accompagnements nécessaires à ces évolutions. Toute initiative conventionnelle était jusqualors immanquablement sanctionnée par le conseil dEtat. Prochainement, les partenaires conventionnels pourront prendre en compte la santé de la population dans son acception globale, en reconnaissant que la santé et lactivité médicale recouvrent plusieurs dimensions, non seulement curative, mais également préventive, déducation sanitaire ou dévaluation des pratiques. Il sera possible de rémunérer les professionnels autrement quen se basant exclusivement sur le paiement à lacte des soins, en intégrant, pour une part, la rémunération des fonctions que les professionnels assurent au profit de la population et qui ne se traduisent pas nécessairement par des actes médicaux.
Cette loi permettra également davancer sur la voie de la coordination des soins. Cest là un enjeu essentiel car, comme dans tout autre secteur de lactivité économique, il ne suffit pas que chaque acteur soit performant pour que le système de santé soit performant. Il convient également que leur organisation et leur coordination soient performantes. Le cadre conventionnel permettra désormais de prôner la rencontre des différents professionnels au sein de réseaux de soins autour de certaines pathologies par exemple. De telles démarches nécessitent une implication forte des professionnels, cest pourquoi il est nécessaire de laisser, dans un cadre général défini au plan national, une large part aux initiatives locales.
Les mesures structurelles sur le système de santé passent également par une action sur la quantité doffreurs de soins. A aucun moment le critère des besoins de santé nest aujourdhui pris en compte dans lorganisation des études, dans la répartition des médecins entre les disciplines, sur le territoire ou dans les mécanismes de préretraites. Le projet de loi prévoit doffrir une possibilité de modulation des mécanismes de préretraites selon les disciplines et les zones géographiques. Il sagit dune étape importante souhaitée par la CNAMTS. Mais son usage ne sera vraiment pertinent quaprès lélaboration dune sorte de carte géographique de la médecine libérale. Une telle carte fondée sur les besoins de santé constituerait un instrument de choix au service dune action intelligente sur la démographie médicale.
Ces perspectives nouvelles de réorganisation du système nauront pas un effet immédiat. Il est donc prévu que le Gouvernement propose, au-delà du mécanisme de responsabilité collective économique annuel, des rendez-vous danalyses de dépenses en cours dannée et quil puisse prendre sans délai certaines mesures correctrices nécessaires.
Si le projet de loi comporte une dynamique conventionnelle nouvelle intéressante, il présente néanmoins quelques points faibles.
En particulier, pour que le cadre conventionnel soit fécond, il faut que les règles du jeu soient claires pour les négociateurs. Ceux-ci doivent donc connaître celles qui sappliqueront en cas déchec des négociateurs. Pour les médecins, ces règles sont le règlement conventionnel minimal dont on pourrait concevoir que son contenu soit stabilisé par le pouvoir législatif. De cette façon, les inconvénients, pour les médecins, dune décision des syndicats médicaux visant à rester hors du champ conventionnel, leur apparaîtraient clairement.
Le traitement des cancers féminins est un exemple qui illustre parfaitement les incohérences du système français de prévention et de santé publique. Toutes les instances scientifiques et médicales insistent sur le caractère prioritaire du dépistage, pour lequel il existe des moyens efficaces. Mais cette efficacité impose que les professionnels respectent un certain nombre de critères de qualité dans lorganisation et la pratique des actes. Le Gouvernement propose de généraliser à tout le territoire les programmes organisés de mise en uvre des critères de qualité aujourdhui développés dans quelques départements. Chacun pourrait sen réjouir, et pourtant, force est de constater que la méthode retenue nest pas satisfaisante. Les professionnels peuvent continuer, en dehors de ces programmes et de toutes les contraintes de qualité qui sy attachent, à multiplier ces mêmes actes. Le maintien de ce système inorganisé, sans garantie de qualité ni de conformité aux préconisations de la communauté scientifique nest plus acceptable. Il crée un gaspillage que ne peut plus soffrir le système de santé et dont les femmes apparaissent au demeurant comme les premières victimes. Il est de la compétence du pouvoir législatif de poser le principe selon lequel seuls certains professionnels agréés sur des critères de qualité, doivent être autorisés à pratiquer de tels actes, comme cela a déjà été fait pour la procréation médicalement assistée. Ce principe est dailleurs destiné à se développer en fonction de la technicité et de la difficulté de certains actes.
En conclusion, M. Jean-Marie Spaeth a rappelé limportance quil attache non seulement à préserver mais également à étendre lautonomie de gestion de lassurance maladie, souvent décrite de façon abusive sous langle des petites querelles de pouvoir. Il faut sinscrire en faux contre cette idée ; lautonomie est dabord une des conditions de lefficacité de son action en matière de régulation des soins de ville comme pour lanimation du réseau des caisses dassurance maladie. Lautonomie suppose de poursuivre dans la voie déjà engagée de lallégement de la tutelle de lEtat, vraisemblablement par de futures étapes législatives. Cette autonomie a un prix, qui consiste à rendre compte des résultats de son action dans la plus complète transparence, car le service public est dabord le service du public. Pour leur part, les dirigeants de lassurance maladie y sont prêts.
Le président Jean Le Garrec sest déclaré en accord avec lidée que la démocratie sociale et la démocratie politique nétaient en effet nullement antagonistes et a indiqué que jugeant nécessaire daméliorer lorganisation du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il ferait des propositions prochainement dans ce sens.
M. Claude Evin, rapporteur pour lassurance maladie et les accidents du travail, a présenté les observations suivantes :
- La récente annulation des conventions médicales montre en effet que le cadre législatif actuel ne permettait pas aux partenaires conventionnels de prendre des initiatives innovantes, par exemple sur lorganisation du système de soins ou sur le mode de rémunération des professionnels de santé. Il serait donc souhaitable que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des dispositions autorisant à engager des réformes structurelles par voie contractuelle.
- Concernant la démographie médicale, lidée dun conventionnement sélectif récemment avancé par le directeur de la CNAM est intéressante dans son principe. Sans aller jusque là, la conférence nationale de santé propose, dans le cadre de ses travaux sur le rééquilibrage des inégalités inter et intra régionales, « de développer des processus concertés avec les professionnels de santé comportant des incitations et de limites à linstallation dans des zones géographiques données et/ou face à des situations données ». Il serait donc intéressant de savoir si cette proposition pourrait être prise en compte dans le cadre des futures négociations conventionnelles.
- Les parties conventionnelles doivent être mieux informées des conséquences dun éventuel échec des négociations, ce qui suppose que le législateur fixe les principes directeurs du règlement conventionnel minimal applicable en pareil cas. Encore faut-il savoir ce que ces principes recouvrent exactement.
- La Conférence nationale de santé propose de systématiser un dépistage ciblé du diabète et de financer laccompagnement des malades. Certaines de ces mesures relèvent de la convention et dautres du législateur ; la question de lintégration de leur coût dans lONDAM doit être posée.
- Des progrès doivent être accomplis dans la voie de lagrément des pratiques professionnelles évoqué au cours de laudition de la matinée par les représentants de lANAES.
- Sur la question de la télétransmission des feuilles de soins, il serait souhaitable de connaître les contreparties qui ont été demandées aux médecins ayant reçu 9 000 F de subvention pour avoir signé un contrat relatif à linformatisation de leur cabinet, étant rappelé que pas moins de 54 % des médecins ont signé un tel contrat. La recommandation du comité central denquête sur le coût des services publics relative à la modulation de cette aide à linformatisation ne semblant pas avoir été mise en oeuvre jusquà présent, on peut se demander sil est encore possible de le faire.
En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a apporté les éléments suivants :
- Sagissant des recommandations de la Conférence nationale de santé, il convient de rappeler que cette instance regroupe exclusivement des professionnels de santé et que les caisses de sécurité sociale ny sont pas représentées. Compte tenu de la place que devraient prendre les politiques de santé publique, il serait peut-être souhaitable que le rôle et la composition de la Conférence soit élargis afin de favoriser une meilleure prise en compte des objectifs de santé publique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans la politique conventionnelle.
- Lannulation des conventions médicales est également imputable à un problème de représentativité des syndicats médicaux signataires, domaine dans lequel la CNAM na aucune prise. Il est dailleurs parfois difficile de comprendre lévolution dans le temps de la notion de représentativité, sachant que les syndicats en question vont participer aux prochaines négociations conventionnelles. Il faut faire preuve dimagination pour que les négociations conventionnelles ne se limitent pas au niveau national, mais se développent également au niveau régional et départemental. On pourrait ainsi concevoir quune convention nationale opposable soit complétée par des contrats conclus au plan local.
- En ce qui concerne la démographie médicale, il serait souhaitable de sappuyer sur une carte des besoins sanitaires tenant compte des situations particulières, par exemple géographiques, pour déterminer loffre de soins la plus pertinente, pour mettre en place déventuelles formules de préretraites ou dincitation à limplantation et pour organiser le troisième cycle des études médicales, étant souligné que lorientation des spécialistes ne doit pas être faite en fonction des seuls besoins des hôpitaux, mais également en prenant en considération ceux de la population.
Lopposition entre médecine générale et médecine spécialisée est dailleurs stérile et il conviendrait que la médecine générale puisse être choisie pour son intérêt propre et non pas par défaut.
- Le conventionnement sélectif pourrait constituer une source de gâchis dans la mesure où il aboutirait en pratique à empêcher certains jeunes médecins ayant effectué des études longues et coûteuses dexercer leur profession. En revanche, il faudrait pouvoir faire preuve de plus de souplesse, notamment en organisant des passerelles entre les disciplines. La carte des besoins sanitaires déjà évoquée pourrait également devenir un instrument dorientation et de sélection se fondant sur le critère de la qualité et non sur celui du nombre, étant rappelé quaujourdhui, la pratique de certains actes sont déjà réservés à des médecins titulaires dun agrément spécifique.
- En cas dabsence de convention, le règlement conventionnel minimal devrait au moins prévoir, conformément à la proposition du conseil dadministration de la CNAM, une répartition par moitié de la charge des cotisations sociales, sachant que les caisses financent aujourdhui les deux tiers de ces cotisations et les médecins le tiers restant.
A la demande du président Jean Le Garrec, M. Jean-Marie Spaeth a confirmé que le montant annuel moyen des cotisations actuellement prises en charge par les caisses était de lordre de 62 000 F. Il a ensuite souligné quun éventuel échec des négociations conventionnelles devrait également entraîner la cessation du financement de la formation continue des médecins et quon pouvait sinterroger en pareil cas sur lopportunité de maintenir le secteur II.
En revanche, il ne paraît pas opportun que le règlement minimum comporte linstitution dun tiers obligatoire. Le système du tiers-payant ne doit pas être une sanction pour les médecins, mais un mode normal de relations entre les caisses et les assurés.
M. Claude Evin a estimé, pour sa part, que les parlementaires devaient naturellement, se préoccuper des assurés sociaux, en premier lieu. Cest à ce titre que le tiers payant pourrait être imposé en cas dabsence de convention.
Poursuivant ses réponses, M. Jean-Marie Spaeth a constaté que les travaux de lANAES pourraient être plus rapides. En particulier, alors que la Caisse finance lANAES, elle met beaucoup de temps à obtenir la publication par lagence des références positives comme celles demandées en juin 1997 sur lhypertension et le diabète, qui permettent, sans contrainte, dobtenir un consensus des professionnels.
Sagissant de la télétransmission des feuilles de soins électroniques, la plupart des médecins ont bénéficié de laide à léquipement, mais un nombre important dentre eux ne sont pas encore équipés. Le système daides est maintenant achevé et les sommes du Formel non utilisées ont été transférées au dispositif de préretraites (MICA). Les médecins qui en ont bénéficié doivent sengager, neuf mois après la distribution des cartes, à transmettre leurs prescriptions par télétransmission. Si dans ce délai de neuf mois 90 % du total des actes nétaient pas télétransmis, laide devrait faire lobjet dun remboursement.
M. Jean-Luc Préel a posé des questions sur les rapports entre la CNAM et le Gouvernement, en particulier sur lautonomie de gestion dont dispose la Caisse. Est-il légitime que le Gouvernement intervienne, comme il la fait vis-à-vis des radiologues, et, dans le cadre dune telle intervention, quel est alors le rôle de la CNAM ? Une union nationale des caisses pourrait-elle être mise en place et, dune manière plus générale, comment assurer la coordination nationale des politiques menées ? Comment doit-on apprécier les sanctions collectives et la politique de maîtrise collective des dépenses ? Quels sont les frais de gestion de la CNAM ? Quelle appréciation peut-on porter sur la mise en place de réseaux et de filières ? Quelle est la fiabilité des chiffres diffusés par la CNAM et comment assurer un suivi plus régulier de linformation sur les dépenses de santé ?
M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et léquilibre général, a constaté que lannulation de deux conventions par le Conseil dEtat consistait plus à inviter le législateur à légiférer quà rejeter le contenu concret du dispositif conventionnel.
Il a ensuite posé des questions sur :
- lopportunité de permettre à la CNAM de ne pas conventionner dans un secteur ou une aire géographique donnée, ce qui aurait pour effet dinciter les médecins les moins qualifiés à se tourner vers le secteur de la prévention, comme semble le réclamer une organisation syndicale ;
- léventualité de supprimer la possibilité de délégation au premier franc à une assurance privée.
M. Denis Jacquat, rapporteur pour la branche vieillesse, sest interrogé sur :
- la possibilité dindividualiser les sanctions contre les médecins, le principe de responsabilité collective étant inacceptable ;
- la fiabilité des chiffres avancés sagissant des radiologues, la lettre Z englobant aussi dautres spécialités ;
- laugmentation du « numerus clausus » des étudiants en médecine ;
- le rôle de lhôpital dans le déficit ;
- lavenir des mutuelles étudiantes régionales ;
- le désarroi des médecins confronté au choix du matériel informatique nécessaire à la télétransmission des feuilles de soins électroniques ;
- la possibilité de mettre en place un système de choix de la caisse daffiliation au niveau national.
M. Patrick Devedjian a posé des questions sur :
- la démographie médicale et la révision du « numerus clausus » ;
- les techniques de déconventionnement qui pourraient être envisagées ;
- la nécessité de mieux assurer la transparence de lAssistance publique-Hôpitaux de Paris et la participation de celle-ci et des CHU à la politique hospitalière du Gouvernement ;
- la rigidité des enveloppes médecine libérale-hôpitaux et la possibilité de transférer des sommes dune enveloppe à une autre.
M. Jean-Pierre Foucher, après sêtre inquiété de la remise en question du paiement à lacte, a posé des questions sur le remboursement des vaccinations et la mise en place de la carte Sesam Vitale.
M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, a posé des questions sur lagrément des professionnels en matière de prévention et sur le débat entre compétence et proximité, sur le sort du carnet de santé, sur lamélioration de la condition des généralistes - dont le rôle éminent sera, selon lui, consacré le jour où sa consultation sera payée autant ou plus que celle du spécialiste -, sur lautonomie de la CNAM par rapport au Gouvernement, sur les problèmes posés par lexistence de lettres-clés insuffisamment spécifiques, comme le montre la situation actuelle des radiologues.
M. Bernard Accoyer, après avoir souligné que lhôpital représentait le poste principal de dépenses de lassurance maladie, sest inquiété du mode de calcul de lobjectif national de dépenses dassurances maladie (ONDAM) : le Gouvernement annonce un taux de progression de 2,6 % calculé par rapport à lobjectif voté et non pas lobjectif réalisé, ce qui aboutirait à un résultat négatif pour certaines composantes de lONDAM.
Il a ensuite posé des questions sur :
- la fiabilité des statistiques de lassurance-maladie dont les évolutions semblent parfois liées à des fluctuations dans la saisie des feuilles maladie ;
- sur les difficultés de mise en place de la télétransmission dans les cabinets médicaux, que la CNAM prétend généraliser alors quen Bretagne, elle nest pas encore réalisée ;
- et sur le « numerus clausus ».
En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a donné les éléments suivants :
- Dans les années 60 et 70, nous avons bénéficié dun développement massif de loffre de soins, du fait de la solvabilisation des assurés. Quand les dépenses augmentaient trop, on ne se préoccupait pas de loffre des soins mais on diminuait le ticket modérateur en pensant que les assurés feraient pression sur les médecins comme sil existait des relations égalitaires entre lassuré et le médecin. La réforme de 1996 a introduit la notion de responsabilité économique du prescripteur. Individuellement, à de rares exceptions, les médecins font leur travail. La responsabilité professionnelle est individuelle, mais la responsabilité économique est collective. Il nest pas possible de mettre en place un système de reversement fondé sur le respect dune bonne pratique quen réalité on ne sait pas définir.
- La prévention et léducation sanitaire sont parties intégrantes de la pratique médicale. Pourtant, le système de santé français, trop orienté vers les actions curatives et caractérisé par un cloisonnement excessif entre les activités, ne rend pas aisé le développement de ces pratiques. La revalorisation des pratiques médicales et, partant, du prix des consultations, passe donc également par une meilleure prise en compte de lacte intellectuel, dont relèvent la prévention et léducation sanitaire, alors que le système actuel ne se réfère quaux seules prescriptions.
- En ce qui concerne le conventionnement et le déconventionnement, il est très difficile davancer en labsence dune connaissance précise des besoins de santé dans notre pays. Il convient donc dabord délaborer une carte des besoins en santé publique avant denvisager de limiter le nombre des entrées à luniversité et de définir des systèmes de passerelles entre spécialités.
- La CNAM était tout à fait prête à assurer la réorientation de 400 médecins vers la médecine du travail ; elle avait dégagé les postes et les crédits correspondants. Si lopération na pas pu se faire, cest en raison de lopposition de la faculté de médecine, contre laquelle la CNAM est impuissante.
- Au sujet de la nomenclature des actes médicaux et des lettres-clés, le système actuel nest en effet pas satisfaisant. Il doit être révisé mais larbitrage entre les professionnels est difficile à faire. Ainsi, grâce au progrès technologique, limagerie médicale a fait des progrès considérables et si son utilisation est génératrice de coûts supplémentaires, elle permet également de limiter le recours aux explorations invasives. Des arbitrages devront cependant être faits entre les différentes techniques si lon ne veut pas assister à un empilement des examens, et ces choix ne pourront pas être effectués par les seuls professionnels.
- Le cadre législatif actuel ne permettait pas une modification des tarifs médicaux en cours dannée, y compris en cas daccord conventionnel. Ce nest que parce que les conventions ont été annulées que le gouvernement a pu modifier unilatéralement certains tarifs. Le projet de loi de financement pour 1999 revient sur ce blocage en permettant des ajustements infra-annuels.
- Il nest pas dans lintention de la CNAM de supprimer le paiement à lacte, mais de faciliter dautres modes de rémunération, ce qui serait une façon daccroître son autonomie.
- Dans le cadre des délégations de gestion, la CNAM ne rembourse que les dépenses réelles.
- Les frais de gestion de la CNAM peuvent être évalués à environ 5 % de son budget.
- En ce qui concerne laugmentation de lONDAM pour 1999, il serait inacceptable quelle soit calculée sur les objectifs 1998 et non sur les résultats effectifs.
- La fongibilité des enveloppes financières na dintérêt et ne sera efficace que si elle est réalisée sur la base de pathologies comme le diabète ou de projets médicaux.
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La commission a ensuite entendu M. Jean-Pierre Davant, président de la Fédération nationale de la mutualité française.
M. Jean-Pierre Davant a tout dabord considéré que son audition devant la commission consacrait le rôle spécifique que peut jouer la Mutualité française dans lévolution positive du système de santé publique. La Fédération nationale de la mutualité française a depuis de nombreuses années fait savoir quelle souhaitait voir adopter une approche globale de la politique de santé ainsi quun certain nombre de réformes structurelles. Les annonces effectuées par Mme Martine Aubry devant la commission des comptes de la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne les médicaments génériques et le droit de substitution, sont donc tout à fait satisfaisantes.
Chaque année, 10 à 11 % de la richesse nationale, soit 850 milliards de francs, sont consacrés en France à la satisfaction des besoins de santé, soit par le biais des impôts, de la CSG et des cotisations sociales, soit à travers les systèmes de protection complémentaire (mutuelles, organismes de prévoyance), soit enfin par des dépenses directes des particuliers. Pour la Mutualité française, il convient donc de savoir si lutilisation qui est faite de cet investissement national est de nature à satisfaire les besoins sanitaires des Français. Cest là, la question fondamentale, bien plus que celle de léquilibre des comptes de lassurance maladie, qui ne permet pas de régler les problèmes structurels du système de soin et de fixer des objectifs à long terme.
Le basculement quasi total du financement de lassurance maladie sur la CSG est une excellente mesure mais demeure le problème des cotisations patronales. Le système qui a été bâti à la Libération reposait sur des cotisations assises sur la masse salariale qui pouvait, à juste titre, être considérée comme réellement représentative de la richesse. Non seulement ce nest plus le cas, mais cest un processus qui tend à détruire lemploi. La réforme des cotisations patronales est donc nécessaire et constituerait un rééquilibrage entre les personnes physiques et les personnes morales.
Concernant loffre de soins, quatre mesures essentielles doivent être adoptées :
- linformatisation, sans laquelle aucune modernisation de notre système de santé ne peut être envisagée, tant sur le plan de la transparence des coûts que sur celui de la qualité des soins ;
- la coordination des soins, quil sagisse des spécialisations des praticiens, de la coordination sanitaire et sociale ou de lexpérimentation des filières ;
- la promotion dune qualité égale des soins dispensés par les hôpitaux ; laffirmation selon laquelle il convient de fermer les petits établissements est sans fondement. Dans les grands centres hospitaliers, il existe aussi des services inutiles. Toutefois, sil est indispensable, avant toute décision, dêtre mieux informé sur lactivité réelle des hôpitaux, quils soient publics ou privés, il convient dagir rapidement car il nest pas possible de laisser ouverts ceux qui pourraient mettre en danger la vie des gens.
Le président Jean Le Garrec sétant demandé si il ny avait pas tout de même un lien fort entre la recherche de léquilibre des comptes et lallocation optimale des ressources, M. Jean-Pierre Davant a indiqué quil ne convenait pas de prendre en compte seulement lassurance maladie, dont la couverture sera assurée à hauteur de 673 milliards de francs, mais lensemble des dépenses de santé dont le montant dépasse 857 milliards. Or, si lon peut tenter de maîtriser par ajustements les dépenses des premières, les problèmes de santé publique ne seront pas réglés pour autant.
M. Claude Evin, rapporteur pour lassurance maladie et les accidents du travail, a souligné quil était primordial que le président dun organisme complémentaire affirme limportance de prendre en compte les dépenses de santé à la fois obligatoires et complémentaires et a souhaité savoir où en étaient les projets de la Mutualité française en matière de filières et de réseaux.
En réponse, M. Jean-Pierre Davant a indiqué que la Mutualité a passé un accord dans une soixantaine de départements avec les médecins généralistes. Ce projet de réseau concernait la coordination des soins, lutilisation privilégiée de médicaments génériques et lextension du secteur 1. Cet accord est devenu caduc avec lannulation des conventions médicales.
M. Bernard Accoyer a demandé lavis du président de la Mutualité sur :
- déventuelles exceptions à la compensation par lEtat des exonérations de cotisations ;
- le projet de couverture maladie universelle ;
- la concurrence dans le secteur de la couverture santé complémentaire ;
- le problème de lassiette des cotisations patronales et lidée de faire porter limpôt sur la distribution plutôt que sur la production ;
- et laugmentation tendancielle des dépenses de santé liée au vieillissement de la population qui induit des « dépenses de jeunesse et de vigueur ».
En réponse, M. Jean-Pierre Davant a apporté les précisions suivantes :
- LEtat, dans la mesure où il sest engagé à compenser les exonérations de cotisations, ne peut que respecter ses obligations dans un souci de bonne gestion.
- Il est clair que la Mutualité française avait préconisé une assurance maladie universelle unifiant les règles des régimes spécifiques et non un système où cohabitent des régimes spécifiques avec des transferts financiers entre eux.
- La concurrence dans le domaine de la couverture complémentaire existe, mais elle doit être impérativement régulée. Lexemple suivant ne doit pas se reproduire : un organisme bancaire de lEst a proposé à certains de ses clients une complémentaire santé ; leur critère de sélection a été la modicité des dépenses par rapport aux cotisations payées, la banque utilisant ses fichiers pour vérifier le montant des remboursements. Une des mutuelles de lEst sest ainsi plainte davoir perdu une soixantaine de clients parmi les plus jeunes. Sans un système de régulation, la concurrence mène donc à la sélection du risque. Ceci est dautant plus grave que la couverture complémentaire est particulièrement nécessaire en France, puisque le taux de remboursement de lassurance maladie obligatoire, de 52 %, est le plus bas dEurope.
- En ce qui concerne les cotisations patronales, la Mutualité est ouverte au débat et prête à faire des propositions novatrices. Il est à noter que les cotisations sont intégrées dans le prix de vente des produits : elles ne pèsent donc pas sur les employeurs. Il ne faut pas oublier ce point dans le débat actuel sur lassiette des cotisations sociales.
- Enfin, en matière de dépenses de santé, il est vrai que la tendance est à la hausse. En fait, cette question introduit le problème majeur de lévaluation. Par exemple, le Viagra peut être un médicament dans certains cas, alors que dans dautres, il sagit dune dépense de confort. Lobjectif premier doit être déviter des gaspillages qui sélèvent à 100 milliards de francs, selon le directeur général de la CNAM. Ubu est encore roi dans le domaine de la santé.
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