
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 2
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 6 octobre 1998
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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Audition, en présence de la presse, de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de lemploi et de la solidarité, sur les crédits de la ville
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Avis ville pour 1999 (M. Roland Carraz, rapporteur)
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de lemploi et de la solidarité, sur les crédits de la ville.
M. Claude Bartolone a rappelé que le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par le Premier ministre, avait assigné un nouvel horizon à la politique de la ville. Tirant le bilan de quinze ans de cette politique, il a souhaité quune nouvelle ambition pour les villes, où vivront bientôt huit Français sur dix, se dessine. Il convient de reconstruire, avec les habitants, des villes morcelées par trente ans d'urbanisme des grands ensembles et trente ans de crise. Repenser et bâtir la ville comme un territoire de mixité sociale et urbaine, un lieu d'échanges et de bien vivre, une ville faite pour l'homme est un des chantiers du XXIème siècle. L'enjeu consiste en outre à enrayer la montée de l'intolérance, à renouveler la confiance des citoyens à l'égard du projet démocratique et de l'action publique et à lutter contre l'abstention et l'extrémisme.
La crise urbaine est aussi marquée par la violence et l'insécurité dans les cités, dans les écoles, les transports et les centres commerciaux. On ne peut quêtre inquiet devant la montée des violences urbaines, aujourd'hui plus diffuses mais aussi plus fréquentes et plus dangereuses. Les incivilités et les délits commis par des enfants, des adolescents et de jeunes adultes ont un impact qui non seulement met en cause le droit à la sécurité de la population mais contribue aussi à une image négative qui rend plus difficile encore l'intégration des quartiers relégués dans la ville et l'insertion sociale et professionnelle de leurs habitants.
La politique de la ville doit aussi prendre en compte dautres réalités, notamment celle de quartiers jeunes, en mouvement, riches d'initiatives et de solidarités, dont l'appétit d'intégration et la soif de reconnaissance sont, par exemple, apparus à l'occasion de la Coupe du monde de football.
Les réponses à ces différents enjeux passent nécessairement par une approche politique globale et de long terme, qui tire parti des potentiels et des volontés de chaque territoire.
Cet effort de longue haleine doit être engagé sans tarder, car si les frémissements de la croissance s'arrêtent à l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira et l'idéal républicain laissera la place au communautarisme des ghettos. Ceci est dautant plus vrai que cette population défavorisée peut comprendre quelle subit les effets dune crise généralisée. En revanche, dès lors quapparaît une reprise de la croissance économique, que la télévision diffuse une image du bonheur par la consommation, les habitants des quartiers défavorisés admettent mal quune amélioration de la situation économique ne les touche pas.
Le Parlement a montré sa détermination en votant des textes aussi importants que les emplois-jeunes ou la loi exclusion. Le gouvernement a engagé des programmes majeurs comme les contrats locaux de sécurité, la réforme des ZEP ou la baisse de la TVA pour le logement social. Il convient maintenant de développer les mécanismes de concertation, de veiller à la coordination des acteurs sur le terrain et à légalité de tous devant les services publics.
LEtat doit en particulier afficher sa détermination à assurer légalité devant le service public afin de garantir le respect des valeurs et principes républicains, sur tout le territoire et répondre ainsi aux principales préoccupations des habitants : l'éducation, la sécurité, l'emploi. Telles seront les priorités du gouvernement pour la période 1998-1999. La réalisation de ces objectifs passe par un développement de la déconcentration, notamment pour mieux assurer la coordination des administrations, par la décentralisation - il convient que les régions et les départements soient davantage associés à la mise en oeuvre de la politique de la ville et quun meilleur partage de la fiscalité locale soit établi - et par le développement dune véritable démocratie. Il est important, par égard pour les populations, de veiller à ce que les annonces soient bien suivies deffet. Les projets interrompus conduisent en effet les populations à ressentir un véritable sentiment dabandon menant à la désespérance, à labstention, voire à lextrémisme. Cela suppose une transformation profonde des pratiques publiques, afin de faire adhérer et participer les habitants aux projets qui les concernent, d'accepter leurs interpellations et de soutenir leurs initiatives.
Les ambitions du Gouvernement ont un coût, que M. Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards par an pendant dix ans. Le projet de loi de finances pour 1999 propose d'entamer l'effort dès cette année, afin de témoigner de la volonté de l'Etat et préparer la montée en puissance des actions à partir de lan 2000. Ceci implique en outre un projet de loi sur lintercommunalité, une augmentation de la dotation de solidarité urbaine et une réforme des contingents daide sociale.
Lambition du ministère de la ville nest pas de faire à la place des autres, mais de faire ensemble. A cet égard les moyens dont il dispose ne représentent quune faible part de leffort national consacré à la politique de la ville qui bénéficie des interventions dautres ministères.
La politique de la ville, selon le mot de Jean-Pierre Chevènement, ne doit pas être lalibi de labsence de politiques ministérielles ou locales au profit des habitants des quartiers en difficulté. Son efficacité dépend des crédits en provenance de différents ministères, mais également de lUnion européenne et des collectivités locales.
Grâce à leur extrême souplesse sur le plan local et à leur caractère pluriannuel, les crédits spécifiques de la ville sont le ciment indispensable de milliers de projets portés chaque année par les acteurs de terrain. Ces projets devront à lavenir sinscrire dans une véritable logique de projet, au niveau des quartiers, des villes et des agglomérations et ne plus rester dans une logique de guichet, qui plus est tatillon. Les milieux associatifs se plaignent dailleurs à jute titre du retard avec lequel certaines subventions leur parviennent.
Laugmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis la création dun ministère de la ville, est le signal de la mobilisation générale. Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances est un symbole fort et le budget bénéficiera en outre de 485 millions de francs supplémentaires en provenance notamment du fonds daménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et des différents ministères contributeurs au fonds interministériel dintervention pour la ville (FIV).
Lannée 1999 ne sera donc pas une année de transition, mais une année dexpérimentations concrètes pour préparer une génération plus ambitieuse de contrats de ville (2000-2006) qui, conclus pour les mêmes périodes que les contrats de plan Etat-régions, permettront notamment de coordonner les différentes actions dans le domaine des grandes infrastructures et des transports.
Trois types de priorités sont retenus pour 1999.
Le premier volet sera lanimation de la nouvelle politique de la ville, en augmentation de 86 %. Un important effort de conception et danimation est nécessaire pour changer léchelle de la politique de la ville. Les capacités danimation, de formation, dingénierie et de recherche seront donc renforcées au sein de la délégation interministérielle à la ville (DIV), du conseil national des villes (CNV), du futur Institut pour la ville, ou encore des futurs centres de ressources régionaux dont la création sera encouragée. LInstitut pour la ville a vocation à devenir un lieu déchanges dexpériences et de points de vues entre les associations, les élus locaux et les divers acteurs de terrain. Il est temps, aujourdhui, daller au-delà de la phase des expérimentations pour laisser place à de véritables projets structurés.
Le volet principal sera le soutien des initiatives locales et des expérimentations. Lessentiel des moyens supplémentaires, en augmentation de 30 % en 1999, sera affecté au financement dactions menées dans le cadre des contrats de ville ou des grands projets urbains, conformément aux orientations décidées par le conseil interministériel du 30 juin dernier. Les actions concerneront prioritairement lemploi, la sécurité et léducation qui correspondent aux préoccupations majeures des habitants.
Il est à noter par ailleurs que :
- Les crédits dinvestissement accompagneront des opérations exemplaires de construction-démolition (et non de simples démolitions).
- Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenues, avant dêtre reprises à grande échelle dans les futurs contrats de ville. Il convient de souligner quaujourdhui près de 80 % de la politique de la ville se réalisent à un échelon décentralisé. Les diverses actions prévues dans le cadre de cette politique doivent sadapter localement et avec la plus grande souplesse, en fonction des habitudes et des pratiques qui se sont développées sur place.
- Une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs, facilitera le financement des investissements des communes impliquées dans un grand projet urbain.
- Les opérations ville-vie-vacances bénéficieront de crédits supplémentaires pour les territoires et les publics les plus en difficulté.
- Une attention particulière sera apportée en 1999 aux seize sites pilotes de métropole et doutre-mer annoncés le 11 septembre dernier à Lille, ainsi quà tous ceux qui souhaitent aller plus loin et plus vite dans la mise en oeuvre de la nouvelle ambition pour les villes.
Les sites pilotes permettront en particulier dexpérimenter un nouveau cadre contractuel, simple et efficace, impliquant tous les acteurs locaux dans lélaboration et la mise en uvre dun projet de développement solidaire, adapté à lidentité de chaque territoire. Ce projet devra permettre de combiner des interventions de proximité sur les territoires jugés prioritaires, sans pour autant les stigmatiser, dans le cadre dune action intercommunale ou mettant en jeu lagglomération. Lexistence dune réelle volonté politique de coopération intercommunale a été déterminante dans le choix des sites pilotes, car on ne peut espérer désenclaver des quartiers et introduire plus de mixité sociale et urbaine si lon ne se donne pas les moyens dagir ensemble particulièrement en matière dhabitat, de développement économique ou de transports. Cest lun des enjeux principaux de la prochaine génération de contrats de ville.
Le troisième volet concernera légalité devant les services publics, pour laquelle des crédits en augmentation de 32 % permettront de dégager des moyens spécifiques. Une réflexion approfondie sera conduite dans les mois qui viennent, en partenariat avec les collectivités territoriales ou dautres prestataires comme la Poste, sur le nombre et la qualité des services publics en place dans les quartiers en difficulté. Il est aujourdhui nécessaire de favoriser leur modernisation.
Le « jaune budgétaire », qui retrace lensemble de leffort de lEtat en faveur de la politique de la ville, recense plus de 23 milliards de francs de concours divers consacrés à la ville en 1998. Cet effort sera porté en 1999 à 31 milliards de francs, lobjectif de 35 milliards de francs du rapport Sueur devant être atteint à mi-chemin des futurs contrats de ville.
En voici les composantes majeures :
- Limplication forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de près de 3 milliards en 1999. Elle concerne les emplois-jeunes, dont des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, qui seront essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté. Dautres mesures importantes contenues dans le projet de loi contre les exclusions ou dans le cadre de la relance des ZEP sont également à signaler.
- Le coût, important, des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU) atteindra 2,6 milliards de francs.
- Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, quil sagisse de ses interventions sur fonds dépargne ou sur fonds propres, seront en augmentation de près de 3 milliards de francs. Une convention avec lEtat fixera prochainement les priorités dutilisation du programme de renouvellement urbain qui passera de 150 à 300 millions de francs par an, et des deux enveloppes exceptionnelles de 10 milliards de francs pour trois ans, qui serviront aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.
- La sortie du pacte de stabilité a mis en évidence la nécessité de décentraliser davantage la politique de la ville. Laugmentation de 1 milliard de francs dès 1999 de la dotation de solidarité urbaine (DSU) permettra aux communes les plus pauvres, qui sont souvent celles qui ont le plus de charges, de mieux assumer leurs responsabilités et leurs ambitions en la matière.
Signe dune plus grande implication des communes, des départements et des régions dans la politique de la ville, la progression des crédits pour les contrats de ville actuels, dont 1999 sera la dernière année dexécution, est de lordre de 500 millions de francs.
Enfin, avec plus de 1 milliard de francs, la participation des fonds structurels européens est devenue une composante très importante de la politique de la ville. La réforme en cours de ces fonds doit être loccasion pour la France de promouvoir le principe dune intervention plus soutenue de lEurope en faveur des villes. Aux évolutions urbaines qui placent en effet nos voisins devant les mêmes défis, doivent correspondre souvent désormais des réponses plus fortes et concertées de la part de lUnion européenne. LEurope construira aussi sa légitimité en démontrant quelle améliore la vie quotidienne de millions de citoyens.
En conclusion, M. Claude Bartolone a insisté sur limportance dune vaste mobilisation autour de lenjeu de la ville de demain, et sur la nécessité dy consacrer un effort financier plus important. Mais cette mobilisation ne doit pas conduire à tourner le dos au monde rural, à opposer les habitants des campagnes à ceux des villes. Cest à léquilibre global du territoire que doit concourir la politique de la ville, pour que les agglomérations urbaines, conçues comme des espaces de mixité urbaine, soient des moteurs de développement et de progrès social.
Le président Jean Le Garrec a formulé les observations suivantes :
- Lanalyse selon laquelle rien nest pire que le sentiment dabandon, surtout lorsque la situation générale du pays saméliore, est particulièrement pertinente.
- On peut sinterroger sur la participation du ministère de léducation nationale à la politique de la ville qui ne peut être quinterministérielle.
- La commission sera très attentive aux modalités de mise en uvre des programmes TRACE.
- Le projet de loi annoncé relatif à lhabitat et à lurbanisme témoigne de limportance des problèmes de logement, qui constituent la principale priorité de laction gouvernementale après lemploi. Il faudra en particulier veiller à ce que les architectes et les urbanistes soient étroitement associés aux opérations de constructions-démolitions qui ont été annoncées.
M. Roland Carraz, rapporteur pour avis des crédits de la ville, a souligné que les annonces faites par le ministre confirmaient que la mécanique de la politique de la ville est aujourdhui bien enclenchée. Après le discours de Villepinte et la présentation du rapport Sueur, la nomination dun ministre délégué, les mesures décidées lors du conseil interministériel des villes du 30 juin dernier et la réforme du Conseil national des villes témoignent de lampleur de laction engagée.
Les principales orientations présentées, qui consistent à garantir le pacte républicain sur tout le territoire, à renforcer la cohésion sociale dans les villes, à mobiliser autour dun projet collectif et à construire la démocratie dans nos villes doivent être approuvées. Les décisions déjà prises ou annoncées, comme la prorogation des contrats de ville ou les expérimentations prévues dans seize sites pilotes, vont dans le bon sens. La traduction en termes budgétaires de leffort engagé est particulièrement sensible puisque les crédits propres au ministère de la ville augmentent de 32 % pour atteindre le montant symbolique du milliard de francs et le total des crédits consacrés à la ville de 22 %. Lamélioration du financement des contrats de ville ainsi que laugmentation des crédits du Fonds social urbain (FSU), de modernisation des services publics de quartier et de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) doivent également être salués.
Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les observations suivantes :
- La sécurité est une préoccupation quotidienne des maires et constitue également une condition indispensable au retour de la démocratie dans les quartiers défavorisés, ce qui justifie des demandes deffectifs supplémentaires. De ce point de vue, la concertation en cours sur les modalités du redéploiement des effectifs respectifs de la police et de la gendarmerie doit se poursuivre. Il faut souligner que ce redéploiement na pas pour objectif unique de fermer des commissariats et quil devrait au contraire permettre den créer là où cela est particulièrement nécessaire.
- Limportance de lurbanisme commercial dans la vie des quartiers défavorisés doit être soulignée. LEtablissement public national daménagement et de restructuration des espaces commerciaux (EPARECA) constitue un instrument très important qui doit être doté de moyens à la hauteur des besoins constatés.
- La reconquête des villes par lEtat républicain suppose une meilleure présence des administrations de lEtat dans les quartiers défavorisés. Dans cette optique, des expériences pilotes de déconcentration administrative devraient être envisagées.
- Il serait utile dobtenir des précisions sur les modalités nouvelles délaboration et de mise en uvre des contrats de ville qui seront expérimentées dans les seize sites pilotes retenus.
- Si laugmentation de un milliard de francs de la dotation de solidarité urbaine (DSU) constitue un effort significatif qui doit être signalé, il convient de veiller à ce que les ressources nouvelles ainsi apportées aux communes concernées ne soient pas remises en cause par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).
- Les ressources des fonds structurels européens doivent pouvoir bénéficier non seulement aux campagnes mais aussi aux villes.
- Lévaluation de lefficacité des instruments de la politique de la ville en termes de créations demplois doit également prendre en compte les emplois dont ces instruments ont permis le maintien, notamment dans les zones franches.
En réponse, M. Claude Bartolone a apporté les éléments suivants :
- Les engagements forts pris par le Premier ministre lors de la réunion du Conseil interministériel des villes du 30 juin dernier ont permis de faire avancer nombre de dossiers. Léducation est une composante essentielle de lintégration dans les villes. Lorsquune famille se voit proposer un nouveau logement, elle tient compte des caractéristiques de celui-ci mais aussi des infrastructures et des écoles existant dans le quartier concerné. Même si le logement quelle occupe actuellement en centre ville est en très mauvais état, cette famille aura tendance à refuser le nouveau logement qui lui est proposé si elle a en quelque sorte le sentiment dêtre « assignée en résidence » dans le quartier correspondant. A cet égard, lécole constitue un pôle de peuplement. De plus, elle doit impérativement être un lieu de sécurité pour devenir un facteur de réussite. Dans cet esprit, les ministres de la ville et de léducation nationale travaillent ensemble sur la question des réseaux prioritaires déducation.
- La poursuite du développement des emplois jeunes et le programme TRACE doivent permettre de donner la chance à tous les jeunes de montrer leurs talents et dêtre acteurs et non plus spectateurs de leur propre vie. Ce nest quen gagnant la bataille de lemploi quil sera possible de revitaliser les villes. Pour la réalisation du programme TRACE en particulier, les conseils régionaux devront assumer leur responsabilité en matière de formation.
- En ce qui concerne lhabitat et lurbanisation, il sagit de revoir avec M. Louis Besson, ministre du logement, les dispositifs de la loi dorientation sur la ville. La rénovation urbaine doit être menée en dépassant le traditionnel anathème jeté sur les architectes et urbanistes.
- Sagissant de lurbanisme commercial, la priorité a été donnée au maintien des activités. A ce titre, lEPARECA, dont lobjectif est de restaurer la situation dun certain nombre de copropriétés commerciales et artisanales situées dans les aires dintervention de la politique de la ville quand il ny a pas de repreneur privé, est doté dun capital de 130 millions de francs et dune capacité demprunt identique. Il est dirigé par des personnes connaissant particulièrement bien les problèmes, avec M. Laurent Cathala comme président et Mme Brabant, déléguée interministérielle à la ville, comme vice-présidente.
- Concernant la reconquête des villes par la présence des services publics, il est important de favoriser les échanges entre quartiers en apportant des éléments de vie, comme lemploi et la culture. Linstallation dantennes de service public dans les quartiers défavorisés doit permettre de redynamiser ces échanges.
- Lobjectif des seize sites pilotes est de mener des expériences innovantes qui seront ensuite généralisées et consolidées. Il sagit à la fois de simplifier les procédures administratives, dassouplir les modes de financement pour les rendre plus opérationnels et de sortir de la logique des quartiers prioritaires.
- En ce qui concerne la DSU, un geste fort a été fait avec son augmentation dun milliard de francs. Cet effort significatif doit toutefois concerner toutes les communes. Il faut à tout prix éviter que certaines aient au bout du compte un solde négatif.
- Les fonds structurels européens contribuent significativement à la politique de la ville et il est très important dobtenir, dans le cadre des négociations communautaires, le maintien de leur montant.
- Il nest pas souhaitable de supprimer les zones franches urbaines car il est une mauvaise politique de changer doutils tous les trois ans. Lapproche économique de ces zones a permis dassocier de nouveaux acteurs à la politique de la ville, notamment les chambres consulaires. Quant à lestimation de la réalité et du coût des emplois créés dans ces zones, il faut attendre le rapport que les trois inspections générales : lIGAS, lIGF et lIGA doivent remettre à la fin du mois doctobre 1998.
M. Denis Jacquat a évoqué les points suivants :
- Il est impératif de favoriser la réussite de la politique de lemploi. Force est de constater que les CES sont embauchés pour des périodes de plus en plus courtes et que les renouvellements deviennent très difficiles. De même, il existe une sélection par les diplômes pour les emplois-jeunes. De ce fait, on ne donne pas toutes leurs chances aux jeunes les plus défavorisés.
- La préoccupation de sécurité poursuivie par la politique de la ville doit sappuyer sur deux volets : la prévention tout dabord avec une augmentation nécessaire du nombre de travailleurs sociaux, la répression ensuite avec le problème que pose la faiblesse des peines infligées aux jeunes mineurs délinquants et particulièrement aux multirécidivistes.
- Il serait souhaitable de clarifier les concepts en ce qui concerne la partie éducative de la politique de la ville, car on ne comprend pas toujours bien pourquoi les zones sensibles ne sont pas classées en zones déducation prioritaire.
- En ce qui concerne les opérations de démolition-reconstruction, on est passé du quantitatif dans les années 60 au qualitatif aujourdhui. Il serait donc souhaitable daccorder un bonus financier aux collectivités locales qui mettent effectivement en uvre les trois volets de la politique de la ville, à savoir emploi, sécurité et éducation.
- Les zones franches urbaines ont au moins permis de maintenir les emplois existants et il faut donc apprécier leur efficacité sur la durée.
M. Edouard Landrain après avoir rappelé au ministre que son prédécesseur disposait de crédits dans les domaines culturels et sportifs, sest étonné de ne pas retrouver dans la liste générale des crédits qui lui sont délégués ceux des ministères de la culture et de la jeunesse et des sports.
M. Maurice Leroy, après sêtre félicité que laction du ministre de la ville sinscrive dans la continuité de celle de ces prédécesseurs, a fait les observations suivantes :
- En matière de sécurité, un redéploiement consistant dune manière générale à réaffecter dans des quartiers difficiles des policiers en fin de carrière venant de secteurs tranquilles nest pas une solution. Il convient de recruter des policiers formés et motivés à ces actions.
- Sagissant des contrats de ville, le délai de versement des subventions aux associations continue de les placer dans des situation dextrême précarité, une partie des sommes versées étant consacrée au paiement des agios dus aux retards. La reconnaissance du rôle, fondamental, de maillage des quartiers quassument les associations implique le respect du principe posé par le pacte de relance pour la ville : 3 mois de contractualisation, 3 ans de financement.
- La création dun Institut sur la ville est une bonne mesure si elle permet le regroupement de réflexions et détudes éparpillées et cloisonnées, afin de doter la politique de la ville dune boîte à outils identique à celle qui a conduit au succès de laménagement urbain à New-York.
- Il est impératif que les départements qui gèrent le RMI, laction sociale, le Fonds de solidarité logement et une partie des actions en matière déducation soient associés à la politique de la ville.
- Lintervention publique doit pouvoir être harmonisée afin de tendre au « guichet unique » que préconisait Hubert Dubedout.
- Les sous-préfets chargés de la ville doivent disposer dun véritable pouvoir dans leurs secteur, et non le partager avec les secrétaires généraux des préfectures et les directions départementales de léquipement (DDE).
M. Jean-Claude Mignon après sêtre interrogé sur les critères de sélection des sites pilotes, a fait part des réflexions suivantes :
- En matière de projets urbains, lincitation publique continue de porter sur les réhabilitations des bâtiments ce qui semble contradictoire avec le programme de « reconstruction-démolition » présenté comme avec lobjectif de « dédensification » des quartiers.
- Il existe un grand contraste entre les programmes des ministres et linertie de leurs administrations ; les délais intervenant entre la programmation des actions et leur réalisation effective sont beaucoup trop longs ;
- 98 % de la population scolaire participe aux programmes daménagement du temps scolaire, les engagements du ministère de la jeunesse et des sports dans lorganisation du temps extra-scolaire doivent donc être tenus ;
- La mise en place des contrats locaux de sécurité ne doit pas empêcher les communes non contractantes de bénéficier du droit à la sécurité.
Mme Yvette Benayoun-Nakache après sêtre réjouie du succès du « Mondial » qui se traduit par un afflux dinscriptions auprès des association sportives, a souhaité quelles puissent bénéficier de moyens financiers à la hauteur de leurs nouveaux besoins.
M. Yves Rome sest félicité de la mise en place du programme de « reconstruction-démolition » qui est la traduction, pour la ville, dune politique sinscrivant dans la durée.
M. René Couanau après avoir fait part de sa volonté de nuancer les appréciations très positives portées sur le programme daction du ministre de la ville a souhaité que soit précisés les axes de la redynamisation des sites pilotes retenus en matière de contrat de ville et la coordination des périmètres daction.
Il a ensuite fait part des réflexions suivantes :
- Sagissant des contrats de ville, ils supposent le respect des engagements de lEtat qui y est partie, en particulier pour les zones déducation prioritaires. Ils doivent également enrichir les contrats de plan Etat-régions, or lexpérience de la région Bretagne, qui possède un réseau de villes conséquent, ne montre pas un travail quelconque dans ce sens.
- Les contrats locaux de sécurité supposent, eux aussi, des engagements réciproques de lEtat comme des communes. Leur intérêt est donc limité si lapport de lEtat est faible.
- Larticulation du développement des emplois-jeunes et de la politique de la ville nest pas satisfaisante. En effet, créés dans des secteurs non couverts par les recrutements habituels demplois locaux, ils ne sadressent pas aux jeunes peu qualifiés. Il conviendrait de modifier la réglementation afin dautoriser les collectivités locales à recruter et à former durablement des jeunes sur des emplois traditionnels.
Mme Dominique Gillot sest félicité que M. Claude Bartolone souhaite faire participer lensemble des habitants, en fonction de leurs spécificités et de leur particularités, à la vie et à lévolution de leur commune. Dans cette logique, les parents constituent un ensemble dhabitants à particularité forte. Leur rôle nest pas toujours facile en milieu urbain, et tout particulièrement dans des environnements défavorisés et des quartiers en difficulté. La politique de la ville, dans son volet éducatif et préventif, participe très clairement de la politique familiale rénovée développée en juin dernier par le Premier ministre devant la conférence nationale de la famille. Il serait donc intéressant de connaître les mesures spécifiquement destinées à la famille et aux parents qui seront mises en oeuvre par le ministère de la ville.
M. Michel Pajon a formulé les observations suivantes :
- Lemploi, léducation et le maintien des services publics dans les quartiers en difficulté sont très certainement des enjeux et des objectifs importants, mais celui de la sécurité doit primer sur tout le reste car un climat permanent de violence et dinsécurité réduit à néant toute action sociale mise en uvre par ailleurs. Il est donc absolument nécessaire que la justice trouve rapidement un mode de réponse adapté à ce problème.
- En ce qui concerne laction de lEPARECA, il existe de très nombreux cas où ils suffirait de quelques mesures et actions ponctuelles pour éviter de tomber dans une situation de « ghetto commercial ». Bien souvent cependant, en raison des modalités complexes de propriété des lieux et des locaux, comme par exemple pour les centre commerciaux situés sur des dalles, les travaux dentretien ne sont pas réalisés et les commerçants finissent par fermer boutique ou bien par céder leur place à des communautés plus résistantes.
- Si lintercommunalité peut avoir un intérêt sur différents sujets, en raison notamment de sa flexibilité, elle reste relativement inopérante en matière de logement social, les intérêts des villes et des quartiers étant trop spécifiques pour autoriser des coopérations volontaires entre collectivités et une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire. LEtat doit donc simpliquer directement pour faire en sorte que les logements sociaux ne soient plus construits là où il y en existe déjà et que la mixité de lhabitat soit préservée ou restaurée. Les élus locaux doivent par ailleurs se voir reconnu le pouvoir dattribution des logements afin de ne plus orienter des familles particulièrement difficiles vers des habitats comportant déjà un certain nombre de cas sociaux.
En réponse aux différents intervenants, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de lemploi et de la solidarité, a donné les informations suivantes :
- Lemploi est un élément essentiel de la politique de la ville et demeure la première préoccupation du Gouvernement. La question du niveau de sélection des emplois-jeunes est particulièrement importante et lon doit se féliciter que le taux dembauche de jeunes de niveau inférieur au bac soit passé de 27 % en début dannée à 31 % aujourdhui. Le fait que les embauches par les collectivités locales commencent à se multiplier nest dailleurs par étranger à cette amélioration, car les autorités locales ont bien à lesprit cette préoccupation. Instruction a, en tout cas, été donnée aux préfets afin daccroître leur vigilance sur cette question.
- Il convient en effet de faire attention à lutilisation des contrats emploi-solidarité (CES) car le risque existe de voir apparaître une population « condamnée » aux CES à répétition.
- Laccélération du programme des « maisons de la justice et du droit » devrait contribuer à lamélioration de la prise en charge de la délinquance.
- Les contrats de ville sont destinés en priorité à sortir dune logique de zones dites « sensibles », et donc identifiées comme à risque par les habitants, pour entrer dans une démarche de projet et de responsabilité partagée de lEtat, des collectivités locales et des habitants.
- Si le ministère souhaite que les démolitions de logements sociaux soient précédées dune concertation entre offices de HLM et communes voisines, cest avant tout pour éviter que léviction de populations jugées difficiles soit organisée par le biais dune démolition sauvage, qui conduit à les installer sur un autre territoire et permet ensuite de reconstruire des logements que lon propose à dautre personnes moins « marquées ». Pour évaluer la nécessité et les conséquences dune démolition, il convient de tenir compte de toutes les données disponibles et de prendre en compte chaque situation y compris le fait que certains ensembles doivent effectivement être démolis car plus personne ne veut y habiter afin de parvenir à une meilleure répartition géographique des logements sociaux et une préservation de la mixité de lhabitat.
- Certains effets pervers des zones franches urbaines (ZFU) doivent être pris en compte : limplantation des entreprises dans ces zones peut être fictive, être consécutive à une délocalisation ou bien le prétexte à un développement de leurs activités en dehors de la zone franche.
- Sagissant des relations entre la politique de la ville et le sport, une initiative commune des deux ministères devrait prochainement permettre de prolonger lesprit de la Coupe du monde dans certains quartiers notamment. La participation financière du ministère de la Jeunesse et des sports à la politique de la ville sélève à 44 millions de francs, consacrés essentiellement aux contrats de ville, et à 33 millions pour le FIV. Celle du ministère de la culture est respectivement de 42 et 60 millions, auxquels sajoutent 92 millions destinés à des actions spécifiques.
- Concernant les contrats locaux de sécurité, il nest nullement question de pénaliser celles des villes qui ne sen doteront pas. En revanche, celles qui sengageront dans ce cadre devront mener une réflexion indispensable relative aux heures dintervention des forces de police. Ces équipes doivent être davantage mobilisées durant les périodes où les délits et actes de délinquance ont le plus de chance de se produire dun point de vue statistique.
- Il est certain que la politique de la ville devrait davantage associer les départements. Le cas des Hauts-de-Seine doit être salué comme une expérience exemplaire.
- Sagissant des sous-préfets de ville, il convient de mieux définir à lavenir leur profil et de conduire une réflexion relative à la durée doccupation dans ce type de poste. Ceux-ci ont vocation à devenir des éléments importants de coordination des actions de lEtat en matière de politique de la ville.
- Il est indispensable de mieux lier la signature des contrats de ville à celle des contrats de plan Etat-région.
- Il convient de ne pas culpabiliser les parents en difficulté, qui doivent être aidés dans leur rôle éducatif. A titre dexemple, le programme mis en place dans les écoles de Tourcoing et tendant à favoriser les liens entre lécole et les parents a permis dobserver une diminution de labsentéisme, du nombre dactes dincivilité et un investissement accru des parents dans le suivi scolaire de leurs enfants. Pour conforter les parents dans leur responsabilité éducative, il est prévu, par convention avec la DIV et différentes associations familiales, dont la Fédération des écoles des parents et lUNAF, de créer un réseau dassociations daide aux parents.
- En ce qui concerne le financement, la mutualisation des financements publics permettrait de ne pas trop « flécher » les crédits et ainsi de dépenser la totalité des enveloppes. Toutefois, ce dispositif devrait saccompagner dune évaluation systématique tous les deux ou trois ans.
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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à ladoption des crédits de la ville et de lintégration pour 1999.
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