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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 octobre 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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– Audition, en présence de la presse, de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, sur les crédits de la ville


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– Avis ville pour 1999 (M. Roland Carraz, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, sur les crédits de la ville.

M. Claude Bartolone a rappelé que le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par le Premier ministre, avait assigné un nouvel horizon à la politique de la ville. Tirant le bilan de quinze ans de cette politique, il a souhaité qu’une nouvelle ambition pour les villes, où vivront bientôt huit Français sur dix, se dessine. Il convient de reconstruire, avec les habitants, des villes morcelées par trente ans d'urbanisme des grands ensembles et trente ans de crise. Repenser et bâtir la ville comme un territoire de mixité sociale et urbaine, un lieu d'échanges et de bien vivre, une ville faite pour l'homme est un des chantiers du XXIème siècle. L'enjeu consiste en outre à enrayer la montée de l'intolérance, à renouveler la confiance des citoyens à l'égard du projet démocratique et de l'action publique et à lutter contre l'abstention et l'extrémisme.

La crise urbaine est aussi marquée par la violence et l'insécurité dans les cités, dans les écoles, les transports et les centres commerciaux. On ne peut qu’être inquiet devant la montée des violences urbaines, aujourd'hui plus diffuses mais aussi plus fréquentes et plus dangereuses. Les incivilités et les délits commis par des enfants, des adolescents et de jeunes adultes ont un impact qui non seulement met en cause le droit à la sécurité de la population mais contribue aussi à une image négative qui rend plus difficile encore l'intégration des quartiers relégués dans la ville et l'insertion sociale et professionnelle de leurs habitants.

La politique de la ville doit aussi prendre en compte d’autres réalités, notamment celle de quartiers jeunes, en mouvement, riches d'initiatives et de solidarités, dont l'appétit d'intégration et la soif de reconnaissance sont, par exemple, apparus à l'occasion de la Coupe du monde de football.

Les réponses à ces différents enjeux passent nécessairement par une approche politique globale et de long terme, qui tire parti des potentiels et des volontés de chaque territoire.

Cet effort de longue haleine doit être engagé sans tarder, car si les frémissements de la croissance s'arrêtent à l'entrée des quartiers, le fossé entre les deux France s'élargira et l'idéal républicain laissera la place au communautarisme des ghettos. Ceci est d’autant plus vrai que cette population défavorisée peut comprendre qu’elle subit les effets d’une crise généralisée. En revanche, dès lors qu’apparaît une reprise de la croissance économique, que la télévision diffuse une image du bonheur par la consommation, les habitants des quartiers défavorisés admettent mal qu’une amélioration de la situation économique ne les touche pas.

Le Parlement a montré sa détermination en votant des textes aussi importants que les emplois-jeunes ou la loi exclusion. Le gouvernement a engagé des programmes majeurs comme les contrats locaux de sécurité, la réforme des ZEP ou la baisse de la TVA pour le logement social. Il convient maintenant de développer les mécanismes de concertation, de veiller à la coordination des acteurs sur le terrain et à l’égalité de tous devant les services publics.

L’Etat doit en particulier afficher sa détermination à assurer l’égalité devant le service public afin de garantir le respect des valeurs et principes républicains, sur tout le territoire et répondre ainsi aux principales préoccupations des habitants : l'éducation, la sécurité, l'emploi. Telles seront les priorités du gouvernement pour la période 1998-1999. La réalisation de ces objectifs passe par un développement de la déconcentration, notamment pour mieux assurer la coordination des administrations, par la décentralisation - il convient que les régions et les départements soient davantage associés à la mise en oeuvre de la politique de la ville et qu’un meilleur partage de la fiscalité locale soit établi - et par le développement d’une véritable démocratie. Il est important, par égard pour les populations, de veiller à ce que les annonces soient bien suivies d’effet. Les projets interrompus conduisent en effet les populations à ressentir un véritable sentiment d’abandon menant à la désespérance, à l’abstention, voire à l’extrémisme. Cela suppose une transformation profonde des pratiques publiques, afin de faire adhérer et participer les habitants aux projets qui les concernent, d'accepter leurs interpellations et de soutenir leurs initiatives.

Les ambitions du Gouvernement ont un coût, que M. Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards par an pendant dix ans. Le projet de loi de finances pour 1999 propose d'entamer l'effort dès cette année, afin de témoigner de la volonté de l'Etat et préparer la montée en puissance des actions à partir de l’an 2000. Ceci implique en outre un projet de loi sur l’intercommunalité, une augmentation de la dotation de solidarité urbaine et une réforme des contingents d’aide sociale.

L’ambition du ministère de la ville n’est pas de faire à la place des autres, mais de faire ensemble. A cet égard les moyens dont il dispose ne représentent qu’une faible part de l’effort national consacré à la politique de la ville qui bénéficie des interventions d’autres ministères.

La politique de la ville, selon le mot de Jean-Pierre Chevènement, ne doit pas être l’alibi de l’absence de politiques ministérielles ou locales au profit des habitants des quartiers en difficulté. Son efficacité dépend des crédits en provenance de différents ministères, mais également de l’Union européenne et des collectivités locales.

Grâce à leur extrême souplesse sur le plan local et à leur caractère pluriannuel, les crédits spécifiques de la ville sont le ciment indispensable de milliers de projets portés chaque année par les acteurs de terrain. Ces projets devront à l’avenir s’inscrire dans une véritable logique de projet, au niveau des quartiers, des villes et des agglomérations et ne plus rester dans une logique de guichet, qui plus est tatillon. Les milieux associatifs se plaignent d’ailleurs à jute titre du retard avec lequel certaines subventions leur parviennent.

L’augmentation de plus de 32 % des crédits spécifiques, sans précédent depuis la création d’un ministère de la ville, est le signal de la mobilisation générale. Le cap du milliard de francs dans le projet de loi de finances est un symbole fort et le budget bénéficiera en outre de 485 millions de francs supplémentaires en provenance notamment du fonds d’aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) et des différents ministères contributeurs au fonds interministériel d’intervention pour la ville (FIV).

L’année 1999 ne sera donc pas une année de transition, mais une année d’expérimentations concrètes pour préparer une génération plus ambitieuse de contrats de ville (2000-2006) qui, conclus pour les mêmes périodes que les contrats de plan Etat-régions, permettront notamment de coordonner les différentes actions dans le domaine des grandes infrastructures et des transports.

Trois types de priorités sont retenus pour 1999.

Le premier volet sera l’animation de la nouvelle politique de la ville, en augmentation de 86 %. Un important effort de conception et d’animation est nécessaire pour changer l’échelle de la politique de la ville. Les capacités d’animation, de formation, d’ingénierie et de recherche seront donc renforcées au sein de la délégation interministérielle à la ville (DIV), du conseil national des villes (CNV), du futur Institut pour la ville, ou encore des futurs centres de ressources régionaux dont la création sera encouragée. L’Institut pour la ville a vocation à devenir un lieu d’échanges d’expériences et de points de vues entre les associations, les élus locaux et les divers acteurs de terrain. Il est temps, aujourd’hui, d’aller au-delà de la phase des expérimentations pour laisser place à de véritables projets structurés.

Le volet principal sera le soutien des initiatives locales et des expérimentations. L’essentiel des moyens supplémentaires, en augmentation de 30 % en 1999, sera affecté au financement d’actions menées dans le cadre des contrats de ville ou des grands projets urbains, conformément aux orientations décidées par le conseil interministériel du 30 juin dernier. Les actions concerneront prioritairement l’emploi, la sécurité et l’éducation qui correspondent aux préoccupations majeures des habitants.

Il est à noter par ailleurs que :

- Les crédits d’investissement accompagneront des opérations exemplaires de construction-démolition (et non de simples démolitions).

- Les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement de nouvelles formes de participation des habitants seront également soutenues, avant d’être reprises à grande échelle dans les futurs contrats de ville. Il convient de souligner qu’aujourd’hui près de 80 % de la politique de la ville se réalisent à un échelon décentralisé. Les diverses actions prévues dans le cadre de cette politique doivent s’adapter localement et avec la plus grande souplesse, en fonction des habitudes et des pratiques qui se sont développées sur place.

- Une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs, facilitera le financement des investissements des communes impliquées dans un grand projet urbain.

- Les opérations ville-vie-vacances bénéficieront de crédits supplémentaires pour les territoires et les publics les plus en difficulté.

- Une attention particulière sera apportée en 1999 aux seize sites pilotes de métropole et d’outre-mer annoncés le 11 septembre dernier à Lille, ainsi qu’à tous ceux qui souhaitent aller plus loin et plus vite dans la mise en oeuvre de la nouvelle ambition pour les villes.

Les sites pilotes permettront en particulier d’expérimenter un nouveau cadre contractuel, simple et efficace, impliquant tous les acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet de développement solidaire, adapté à l’identité de chaque territoire. Ce projet devra permettre de combiner des interventions de proximité sur les territoires jugés prioritaires, sans pour autant les stigmatiser, dans le cadre d’une action intercommunale ou mettant en jeu l’agglomération. L’existence d’une réelle volonté politique de coopération intercommunale a été déterminante dans le choix des sites pilotes, car on ne peut espérer désenclaver des quartiers et introduire plus de mixité sociale et urbaine si l’on ne se donne pas les moyens d’agir ensemble particulièrement en matière d’habitat, de développement économique ou de transports. C’est l’un des enjeux principaux de la prochaine génération de contrats de ville.

Le troisième volet concernera l’égalité devant les services publics, pour laquelle des crédits en augmentation de 32 % permettront de dégager des moyens spécifiques. Une réflexion approfondie sera conduite dans les mois qui viennent, en partenariat avec les collectivités territoriales ou d’autres prestataires comme la Poste, sur le nombre et la qualité des services publics en place dans les quartiers en difficulté. Il est aujourd’hui nécessaire de favoriser leur modernisation.

Le « jaune budgétaire », qui retrace l’ensemble de l’effort de l’Etat en faveur de la politique de la ville, recense plus de 23 milliards de francs de concours divers consacrés à la ville en 1998. Cet effort sera porté en 1999 à 31 milliards de francs, l’objectif de 35 milliards de francs du rapport Sueur devant être atteint à mi-chemin des futurs contrats de ville.

En voici les composantes majeures :

- L’implication forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de près de 3 milliards en 1999. Elle concerne les emplois-jeunes, dont des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, qui seront essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté. D’autres mesures importantes contenues dans le projet de loi contre les exclusions ou dans le cadre de la relance des ZEP sont également à signaler.

- Le coût, important, des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU) atteindra 2,6 milliards de francs.

- Les concours de la Caisse des dépôts et consignations, qu’il s’agisse de ses interventions sur fonds d’épargne ou sur fonds propres, seront en augmentation de près de 3 milliards de francs. Une convention avec l’Etat fixera prochainement les priorités d’utilisation du programme de renouvellement urbain qui passera de 150 à 300 millions de francs par an, et des deux enveloppes exceptionnelles de 10 milliards de francs pour trois ans, qui serviront aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

- La sortie du pacte de stabilité a mis en évidence la nécessité de décentraliser davantage la politique de la ville. L’augmentation de 1 milliard de francs dès 1999 de la dotation de solidarité urbaine (DSU) permettra aux communes les plus pauvres, qui sont souvent celles qui ont le plus de charges, de mieux assumer leurs responsabilités et leurs ambitions en la matière.

Signe d’une plus grande implication des communes, des départements et des régions dans la politique de la ville, la progression des crédits pour les contrats de ville actuels, dont 1999 sera la dernière année d’exécution, est de l’ordre de 500 millions de francs.

Enfin, avec plus de 1 milliard de francs, la participation des fonds structurels européens est devenue une composante très importante de la politique de la ville. La réforme en cours de ces fonds doit être l’occasion pour la France de promouvoir le principe d’une intervention plus soutenue de l’Europe en faveur des villes. Aux évolutions urbaines qui placent en effet nos voisins devant les mêmes défis, doivent correspondre souvent désormais des réponses plus fortes et concertées de la part de l’Union européenne. L’Europe construira aussi sa légitimité en démontrant qu’elle améliore la vie quotidienne de millions de citoyens.

En conclusion, M. Claude Bartolone a insisté sur l’importance d’une vaste mobilisation autour de l’enjeu de la ville de demain, et sur la nécessité d’y consacrer un effort financier plus important. Mais cette mobilisation ne doit pas conduire à tourner le dos au monde rural, à opposer les habitants des campagnes à ceux des villes. C’est à l’équilibre global du territoire que doit concourir la politique de la ville, pour que les agglomérations urbaines, conçues comme des espaces de mixité urbaine, soient des moteurs de développement et de progrès social.

Le président Jean Le Garrec a formulé les observations suivantes :

- L’analyse selon laquelle rien n’est pire que le sentiment d’abandon, surtout lorsque la situation générale du pays s’améliore, est particulièrement pertinente.

- On peut s’interroger sur la participation du ministère de l’éducation nationale à la politique de la ville qui ne peut être qu’interministérielle.

- La commission sera très attentive aux modalités de mise en œuvre des programmes TRACE.

- Le projet de loi annoncé relatif à l’habitat et à l’urbanisme témoigne de l’importance des problèmes de logement, qui constituent la principale priorité de l’action gouvernementale après l’emploi. Il faudra en particulier veiller à ce que les architectes et les urbanistes soient étroitement associés aux opérations de constructions-démolitions qui ont été annoncées.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis des crédits de la ville, a souligné que les annonces faites par le ministre confirmaient que la mécanique de la politique de la ville est aujourd’hui bien enclenchée. Après le discours de Villepinte et la présentation du rapport Sueur, la nomination d’un ministre délégué, les mesures décidées lors du conseil interministériel des villes du 30 juin dernier et la réforme du Conseil national des villes témoignent de l’ampleur de l’action engagée.

Les principales orientations présentées, qui consistent à garantir le pacte républicain sur tout le territoire, à renforcer la cohésion sociale dans les villes, à mobiliser autour d’un projet collectif et à construire la démocratie dans nos villes doivent être approuvées. Les décisions déjà prises ou annoncées, comme la prorogation des contrats de ville ou les expérimentations prévues dans seize sites pilotes, vont dans le bon sens. La traduction en termes budgétaires de l’effort engagé est particulièrement sensible puisque les crédits propres au ministère de la ville augmentent de 32 % pour atteindre le montant symbolique du milliard de francs et le total des crédits consacrés à la ville de 22 %. L’amélioration du financement des contrats de ville ainsi que l’augmentation des crédits du Fonds social urbain (FSU), de modernisation des services publics de quartier et de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) doivent également être salués.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les observations suivantes :

- La sécurité est une préoccupation quotidienne des maires et constitue également une condition indispensable au retour de la démocratie dans les quartiers défavorisés, ce qui justifie des demandes d’effectifs supplémentaires. De ce point de vue, la concertation en cours sur les modalités du redéploiement des effectifs respectifs de la police et de la gendarmerie doit se poursuivre. Il faut souligner que ce redéploiement n’a pas pour objectif unique de fermer des commissariats et qu’il devrait au contraire permettre d’en créer là où cela est particulièrement nécessaire.

- L’importance de l’urbanisme commercial dans la vie des quartiers défavorisés doit être soulignée. L’Etablissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (EPARECA) constitue un instrument très important qui doit être doté de moyens à la hauteur des besoins constatés.

- La reconquête des villes par l’Etat républicain suppose une meilleure présence des administrations de l’Etat dans les quartiers défavorisés. Dans cette optique, des expériences pilotes de déconcentration administrative devraient être envisagées.

- Il serait utile d’obtenir des précisions sur les modalités nouvelles d’élaboration et de mise en œuvre des contrats de ville qui seront expérimentées dans les seize sites pilotes retenus.

- Si l’augmentation de un milliard de francs de la dotation de solidarité urbaine (DSU) constitue un effort significatif qui doit être signalé, il convient de veiller à ce que les ressources nouvelles ainsi apportées aux communes concernées ne soient pas remises en cause par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

- Les ressources des fonds structurels européens doivent pouvoir bénéficier non seulement aux campagnes mais aussi aux villes.

- L’évaluation de l’efficacité des instruments de la politique de la ville en termes de créations d’emplois doit également prendre en compte les emplois dont ces instruments ont permis le maintien, notamment dans les zones franches.

En réponse, M. Claude Bartolone a apporté les éléments suivants :

- Les engagements forts pris par le Premier ministre lors de la réunion du Conseil interministériel des villes du 30 juin dernier ont permis de faire avancer nombre de dossiers. L’éducation est une composante essentielle de l’intégration dans les villes. Lorsqu’une famille se voit proposer un nouveau logement, elle tient compte des caractéristiques de celui-ci mais aussi des infrastructures et des écoles existant dans le quartier concerné. Même si le logement qu’elle occupe actuellement en centre ville est en très mauvais état, cette famille aura tendance à refuser le nouveau logement qui lui est proposé si elle a en quelque sorte le sentiment d’être « assignée en résidence » dans le quartier correspondant. A cet égard, l’école constitue un pôle de peuplement. De plus, elle doit impérativement être un lieu de sécurité pour devenir un facteur de réussite. Dans cet esprit, les ministres de la ville et de l’éducation nationale travaillent ensemble sur la question des réseaux prioritaires d’éducation.

- La poursuite du développement des emplois jeunes et le programme TRACE doivent permettre de donner la chance à tous les jeunes de montrer leurs talents et d’être acteurs et non plus spectateurs de leur propre vie. Ce n’est qu’en gagnant la bataille de l’emploi qu’il sera possible de revitaliser les villes. Pour la réalisation du programme TRACE en particulier, les conseils régionaux devront assumer leur responsabilité en matière de formation.

- En ce qui concerne l’habitat et l’urbanisation, il s’agit de revoir avec M. Louis Besson, ministre du logement, les dispositifs de la loi d’orientation sur la ville. La rénovation urbaine doit être menée en dépassant le traditionnel anathème jeté sur les architectes et urbanistes.

- S’agissant de l’urbanisme commercial, la priorité a été donnée au maintien des activités. A ce titre, l’EPARECA, dont l’objectif est de restaurer la situation d’un certain nombre de copropriétés commerciales et artisanales situées dans les aires d’intervention de la politique de la ville quand il n’y a pas de repreneur privé, est doté d’un capital de 130 millions de francs et d’une capacité d’emprunt identique. Il est dirigé par des personnes connaissant particulièrement bien les problèmes, avec M. Laurent Cathala comme président et Mme Brabant, déléguée interministérielle à la ville, comme vice-présidente.

- Concernant la reconquête des villes par la présence des services publics, il est important de favoriser les échanges entre quartiers en apportant des éléments de vie, comme l’emploi et la culture. L’installation d’antennes de service public dans les quartiers défavorisés doit permettre de redynamiser ces échanges.

- L’objectif des seize sites pilotes est de mener des expériences innovantes qui seront ensuite généralisées et consolidées. Il s’agit à la fois de simplifier les procédures administratives, d’assouplir les modes de financement pour les rendre plus opérationnels et de sortir de la logique des quartiers prioritaires.

- En ce qui concerne la DSU, un geste fort a été fait avec son augmentation d’un milliard de francs. Cet effort significatif doit toutefois concerner toutes les communes. Il faut à tout prix éviter que certaines aient au bout du compte un solde négatif.

- Les fonds structurels européens contribuent significativement à la politique de la ville et il est très important d’obtenir, dans le cadre des négociations communautaires, le maintien de leur montant.

- Il n’est pas souhaitable de supprimer les zones franches urbaines car il est une mauvaise politique de changer d’outils tous les trois ans. L’approche économique de ces zones a permis d’associer de nouveaux acteurs à la politique de la ville, notamment les chambres consulaires. Quant à l’estimation de la réalité et du coût des emplois créés dans ces zones, il faut attendre le rapport que les trois inspections générales : l’IGAS, l’IGF et l’IGA doivent remettre à la fin du mois d’octobre 1998.

M. Denis Jacquat a évoqué les points suivants :

- Il est impératif de favoriser la réussite de la politique de l’emploi. Force est de constater que les CES sont embauchés pour des périodes de plus en plus courtes et que les renouvellements deviennent très difficiles. De même, il existe une sélection par les diplômes pour les emplois-jeunes. De ce fait, on ne donne pas toutes leurs chances aux jeunes les plus défavorisés.

- La préoccupation de sécurité poursuivie par la politique de la ville doit s’appuyer sur deux volets : la prévention tout d’abord avec une augmentation nécessaire du nombre de travailleurs sociaux, la répression ensuite avec le problème que pose la faiblesse des peines infligées aux jeunes mineurs délinquants et particulièrement aux multirécidivistes.

- Il serait souhaitable de clarifier les concepts en ce qui concerne la partie éducative de la politique de la ville, car on ne comprend pas toujours bien pourquoi les zones sensibles ne sont pas classées en zones d’éducation prioritaire.

- En ce qui concerne les opérations de démolition-reconstruction, on est passé du quantitatif dans les années 60 au qualitatif aujourd’hui. Il serait donc souhaitable d’accorder un bonus financier aux collectivités locales qui mettent effectivement en œuvre les trois volets de la politique de la ville, à savoir emploi, sécurité et éducation.

- Les zones franches urbaines ont au moins permis de maintenir les emplois existants et il faut donc apprécier leur efficacité sur la durée.

M. Edouard Landrain après avoir rappelé au ministre que son prédécesseur disposait de crédits dans les domaines culturels et sportifs, s’est étonné de ne pas retrouver dans la liste générale des crédits qui lui sont délégués ceux des ministères de la culture et de la jeunesse et des sports.

M. Maurice Leroy, après s’être félicité que l’action du ministre de la ville s’inscrive dans la continuité de celle de ces prédécesseurs, a fait les observations suivantes :

- En matière de sécurité, un redéploiement consistant d’une manière générale à réaffecter dans des quartiers difficiles des policiers en fin de carrière venant de secteurs tranquilles n’est pas une solution. Il convient de recruter des policiers formés et motivés à ces actions.

- S’agissant des contrats de ville, le délai de versement des subventions aux associations continue de les placer dans des situation d’extrême précarité, une partie des sommes versées étant consacrée au paiement des agios dus aux retards. La reconnaissance du rôle, fondamental, de maillage des quartiers qu’assument les associations implique le respect du principe posé par le pacte de relance pour la ville : 3 mois de contractualisation, 3 ans de financement.

- La création d’un Institut sur la ville est une bonne mesure si elle permet le regroupement de réflexions et d’études éparpillées et cloisonnées, afin de doter la politique de la ville d’une boîte à outils identique à celle qui a conduit au succès de l’aménagement urbain à New-York.

- Il est impératif que les départements qui gèrent le RMI, l’action sociale, le Fonds de solidarité logement et une partie des actions en matière d’éducation soient associés à la politique de la ville.

- L’intervention publique doit pouvoir être harmonisée afin de tendre au « guichet unique » que préconisait Hubert Dubedout.

- Les sous-préfets chargés de la ville doivent disposer d’un véritable pouvoir dans leurs secteur, et non le partager avec les secrétaires généraux des préfectures et les directions départementales de l’équipement (DDE).

M. Jean-Claude Mignon après s’être interrogé sur les critères de sélection des sites pilotes, a fait part des réflexions suivantes :

- En matière de projets urbains, l’incitation publique continue de porter sur les réhabilitations des bâtiments ce qui semble contradictoire avec le programme de « reconstruction-démolition » présenté comme avec l’objectif de « dédensification » des quartiers.

- Il existe un grand contraste entre les programmes des ministres et l’inertie de leurs administrations ; les délais intervenant entre la programmation des actions et leur réalisation effective sont beaucoup trop longs ;

- 98 % de la population scolaire participe aux programmes d’aménagement du temps scolaire, les engagements du ministère de la jeunesse et des sports dans l’organisation du temps extra-scolaire doivent donc être tenus ;

- La mise en place des contrats locaux de sécurité ne doit pas empêcher les communes non contractantes de bénéficier du droit à la sécurité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache après s’être réjouie du succès du « Mondial » qui se traduit par un afflux d’inscriptions auprès des association sportives, a souhaité qu’elles puissent bénéficier de moyens financiers à la hauteur de leurs nouveaux besoins.

M. Yves Rome s’est félicité de la mise en place du programme de « reconstruction-démolition » qui est la traduction, pour la ville, d’une politique s’inscrivant dans la durée.

M. René Couanau après avoir fait part de sa volonté de nuancer les appréciations très positives portées sur le programme d’action du ministre de la ville a souhaité que soit précisés les axes de la redynamisation des sites pilotes retenus en matière de contrat de ville et la coordination des périmètres d’action.

Il a ensuite fait part des réflexions suivantes :

- S’agissant des contrats de ville, ils supposent le respect des engagements de l’Etat qui y est partie, en particulier pour les zones d’éducation prioritaires. Ils doivent également enrichir les contrats de plan Etat-régions, or l’expérience de la région Bretagne, qui possède un réseau de villes conséquent, ne montre pas un travail quelconque dans ce sens.

- Les contrats locaux de sécurité supposent, eux aussi, des engagements réciproques de l’Etat comme des communes. Leur intérêt est donc limité si l’apport de l’Etat est faible.

- L’articulation du développement des emplois-jeunes et de la politique de la ville n’est pas satisfaisante. En effet, créés dans des secteurs non couverts par les recrutements habituels d’emplois locaux, ils ne s’adressent pas aux jeunes peu qualifiés. Il conviendrait de modifier la réglementation afin d’autoriser les collectivités locales à recruter et à former durablement des jeunes sur des emplois traditionnels.

Mme Dominique Gillot s’est félicité que M. Claude Bartolone souhaite faire participer l’ensemble des habitants, en fonction de leurs spécificités et de leur particularités, à la vie et à l’évolution de leur commune. Dans cette logique, les parents constituent un ensemble d’habitants à particularité forte. Leur rôle n’est pas toujours facile en milieu urbain, et tout particulièrement dans des environnements défavorisés et des quartiers en difficulté. La politique de la ville, dans son volet éducatif et préventif, participe très clairement de la politique familiale rénovée développée en juin dernier par le Premier ministre devant la conférence nationale de la famille. Il serait donc intéressant de connaître les mesures spécifiquement destinées à la famille et aux parents qui seront mises en oeuvre par le ministère de la ville.

M. Michel Pajon a formulé les observations suivantes :

- L’emploi, l’éducation et le maintien des services publics dans les quartiers en difficulté sont très certainement des enjeux et des objectifs importants, mais celui de la sécurité doit primer sur tout le reste car un climat permanent de violence et d’insécurité réduit à néant toute action sociale mise en œuvre par ailleurs. Il est donc absolument nécessaire que la justice trouve rapidement un mode de réponse adapté à ce problème.

- En ce qui concerne l’action de l’EPARECA, il existe de très nombreux cas où ils suffirait de quelques mesures et actions ponctuelles pour éviter de tomber dans une situation de « ghetto commercial ». Bien souvent cependant, en raison des modalités complexes de propriété des lieux et des locaux, comme par exemple pour les centre commerciaux situés sur des dalles, les travaux d’entretien ne sont pas réalisés et les commerçants finissent par fermer boutique ou bien par céder leur place à des communautés plus résistantes.

- Si l’intercommunalité peut avoir un intérêt sur différents sujets, en raison notamment de sa flexibilité, elle reste relativement inopérante en matière de logement social, les intérêts des villes et des quartiers étant trop spécifiques pour autoriser des coopérations volontaires entre collectivités et une répartition équilibrée des logements sociaux sur le territoire. L’Etat doit donc s’impliquer directement pour faire en sorte que les logements sociaux ne soient plus construits là où il y en existe déjà et que la mixité de l’habitat soit préservée ou restaurée. Les élus locaux doivent par ailleurs se voir reconnu le pouvoir d’attribution des logements afin de ne plus orienter des familles particulièrement difficiles vers des habitats comportant déjà un certain nombre de cas sociaux.

En réponse aux différents intervenants, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité, a donné les informations suivantes :

- L’emploi est un élément essentiel de la politique de la ville et demeure la première préoccupation du Gouvernement. La question du niveau de sélection des emplois-jeunes est particulièrement importante et l’on doit se féliciter que le taux d’embauche de jeunes de niveau inférieur au bac soit passé de 27 % en début d’année à 31 % aujourd’hui. Le fait que les embauches par les collectivités locales commencent à se multiplier n’est d’ailleurs par étranger à cette amélioration, car les autorités locales ont bien à l’esprit cette préoccupation. Instruction a, en tout cas, été donnée aux préfets afin d’accroître leur vigilance sur cette question.

- Il convient en effet de faire attention à l’utilisation des contrats emploi-solidarité (CES) car le risque existe de voir apparaître une population « condamnée » aux CES à répétition.

- L’accélération du programme des « maisons de la justice et du droit » devrait contribuer à l’amélioration de la prise en charge de la délinquance.

- Les contrats de ville sont destinés en priorité à sortir d’une logique de zones dites « sensibles », et donc identifiées comme à risque par les habitants, pour entrer dans une démarche de projet et de responsabilité partagée de l’Etat, des collectivités locales et des habitants.

- Si le ministère souhaite que les démolitions de logements sociaux soient précédées d’une concertation entre offices de HLM et communes voisines, c’est avant tout pour éviter que l’éviction de populations jugées difficiles soit organisée par le biais d’une démolition sauvage, qui conduit à les installer sur un autre territoire et permet ensuite de reconstruire des logements que l’on propose à d’autre personnes moins « marquées ». Pour évaluer la nécessité et les conséquences d’une démolition, il convient de tenir compte de toutes les données disponibles et de prendre en compte chaque situation – y compris le fait que certains ensembles doivent effectivement être démolis car plus personne ne veut y habiter – afin de parvenir à une meilleure répartition géographique des logements sociaux et une préservation de la mixité de l’habitat.

- Certains effets pervers des zones franches urbaines (ZFU) doivent être pris en compte : l’implantation des entreprises dans ces zones peut être fictive, être consécutive à une délocalisation ou bien le prétexte à un développement de leurs activités en dehors de la zone franche.

- S’agissant des relations entre la politique de la ville et le sport, une initiative commune des deux ministères devrait prochainement permettre de prolonger l’esprit de la Coupe du monde dans certains quartiers notamment. La participation financière du ministère de la Jeunesse et des sports à la politique de la ville s’élève à 44 millions de francs, consacrés essentiellement aux contrats de ville, et à 33 millions pour le FIV. Celle du ministère de la culture est respectivement de 42 et 60 millions, auxquels s’ajoutent 92 millions destinés à des actions spécifiques.

- Concernant les contrats locaux de sécurité, il n’est nullement question de pénaliser celles des villes qui ne s’en doteront pas. En revanche, celles qui s’engageront dans ce cadre devront mener une réflexion indispensable relative aux heures d’intervention des forces de police. Ces équipes doivent être davantage mobilisées durant les périodes où les délits et actes de délinquance ont le plus de chance de se produire d’un point de vue statistique.

- Il est certain que la politique de la ville devrait davantage associer les départements. Le cas des Hauts-de-Seine doit être salué comme une expérience exemplaire.

- S’agissant des sous-préfets de ville, il convient de mieux définir à l’avenir leur profil et de conduire une réflexion relative à la durée d’occupation dans ce type de poste. Ceux-ci ont vocation à devenir des éléments importants de coordination des actions de l’Etat en matière de politique de la ville.

- Il est indispensable de mieux lier la signature des contrats de ville à celle des contrats de plan Etat-région.

- Il convient de ne pas culpabiliser les parents en difficulté, qui doivent être aidés dans leur rôle éducatif. A titre d’exemple, le programme mis en place dans les écoles de Tourcoing et tendant à favoriser les liens entre l’école et les parents a permis d’observer une diminution de l’absentéisme, du nombre d’actes d’incivilité et un investissement accru des parents dans le suivi scolaire de leurs enfants. Pour conforter les parents dans leur responsabilité éducative, il est prévu, par convention avec la DIV et différentes associations familiales, dont la Fédération des écoles des parents et l’UNAF, de créer un réseau d’associations d’aide aux parents.

- En ce qui concerne le financement, la mutualisation des financements publics permettrait de ne pas trop « flécher » les crédits et ainsi de dépenser la totalité des enveloppes. Toutefois, ce dispositif devrait s’accompagner d’une évaluation systématique tous les deux ou trois ans.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la ville et de l’intégration pour 1999.


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