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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 3

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 octobre 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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– Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, et de M. Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999



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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, et M. Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Mme Martine Aubry a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 était marqué par le retour à l’équilibre du régime général, après des déficits de 53 milliards de francs en 1996, de 33 milliards en 1997 et de 13 milliards en 1998. Ce retour à l’équilibre s’effectuera sans prélèvements nouveaux ni diminution des remboursements aux assurés. Ce sont davantage les mesures structurelles prises en 1998 - elles se traduisent par un gain de 21 milliards - que le retour à la croissance lequel apportera 6 milliards de recettes nouvelles, qui expliquent cette bonne situation.

Le retour à l’équilibre est néanmoins conditionné par une modération des dépenses de l’assurance maladie. Il est ainsi proposé d’augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 2,6 %, contre 2,27 % pour 1998. Ce nouvel objectif est cependant rigoureux car il s’applique aux objectifs de 1998 et non aux dépenses réalisées, qui ont connu d’importants dérapages imputables à certaines spécialités médicales. Il reste par ailleurs inférieur à la croissance générale de l’économie, qui devrait s’élever à 3,9 % en valeur.

Une évolution modérée des dépenses de santé est possible si l’on considère que la France consacre 9,8 % de sa richesse nationale à la santé, contre une moyenne de 8 % en Europe. Il conviendra par ailleurs de mener certaines réformes de fond en instituant une couverture maladie universelle, pour laquelle un projet de loi sera déposé dès l’automne, et en associant directement les assurés à la définition de la politique de santé, à travers les états généraux de la santé en particulier.

La réforme de notre système de soins, laquelle doit viser à l’utilisation optimale des ressources et à l’amélioration de la qualité des soins, repose sur la participation active des professionnels de santé, notamment au travers des systèmes conventionnels, et sur la poursuite des réformes structurelles.

Plusieurs de ces réformes ont été engagées depuis un an avec succès, au premier rang desquelles figure la relance de l’informatisation, jusqu’ici limitée à la télétransmission des feuilles de soins, mais qui aujourd’hui a été étendue à l’amélioration de la qualité des soins et des conditions d’exercice des professionnels avec la télémédecine, l’aide à la prescription ou encore la constitution de réseaux entre professionnels de santé. A la fin de ce mois, les premières applications débuteront. Une commission, à la fois médicale et éthique, permettra d’agréer les produits mis sur le réseau santé social (RSS).

S’agissant des médicaments, une politique de bon usage et de lutte contre la surconsommation a été engagée tandis que la renégociation des prix et des volumes des médicaments, classe par classe, a été entreprise sous l’égide du Comité du médicament, dans l’optique d’une plus grande cohérence des prix.

La politique de l’hôpital vise à une meilleure adaptation de l’offre hospitalière aux besoins de la population et s’appuie sur le développement de l’accréditation des établissements hospitaliers, qui débutera dès l’année prochaine. La recomposition du tissu hospitalier repose par ailleurs sur l’établissement de pôles de qualité technique et professionnelle dans chaque région et sur le maintien de services de proximité pour les maladies chroniques. La réduction des capacités excédentaires a été poursuivie avec la suppression de 2 900 lits d’hôpital.

La poursuite de ces réformes structurelles nécessite la transparence des statistiques sur les dépenses de santé. Le projet de loi prévoit ainsi la création d’un conseil pour la transparence des statistiques de l’assurance maladie. Pour favoriser l’auto-évaluation des pratiques médicales par les médecins eux-mêmes, le projet de loi propose d’élargir les missions des unions de médecins exerçant à titre libéral à l’évaluation des pratiques professionnelles des médecins, individuelles et collectives.

Il est également nécessaire de promouvoir l’émergence de nouveaux modes d’exercice de la médecine, en donnant une base légale aux réseaux de soins ainsi qu’aux filières organisées autour d’un médecin généraliste choisi par le patient.

Une action importante sera par ailleurs menée pour maîtriser la démographie médicale. Un récent accord signé avec les représentants des internes en médecine permettra de mettre en place des quotas par spécialité. Le projet de loi propose en outre de réformer le mécanisme d’incitation à la cessation anticipée d’activité des médecins (MICA), système devenu trop coûteux, en le recentrant sur les régions ou les spécialités excédentaires. Pour soutenir la modernisation et la qualité de la médecine de ville, il est proposé de créer, au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), un fond d’aide qui serait doté, pour 1999, de 500 millions de francs.

En ce qui concerne les médicaments, la renégociation des prix et des taux de remboursement, classe par classe, en fonction de l’efficacité médicale du produit, sera poursuivie. Le projet de loi propose de reconnaître aux pharmaciens le droit de substitution des médicaments à l’intérieur d’un même groupe générique, sauf opposition expresse du prescripteur. Les pharmaciens, avec lesquels un nouvel accord vient d’être signé sur le calcul de leurs marges, deviendront ainsi des acteurs réels de la politique de santé.

Dans l’attente des résultats de ces politiques structurelles, il est nécessaire de modifier le mécanisme de responsabilisation des prescripteurs. Le mécanisme proposé sera à la fois plus juste et plus simple que le système de reversement précédent puisqu’il sera proportionnel aux revenus des médecins et ne sera déclenché que si les dépenses dépassent de plus de 10 % l’objectif assigné aux médecins pour l’année.

Il est aujourd’hui indispensable de mieux prendre en compte la réalité des maladies professionnelles lesquelles doivent faire l’objet d’une réparation améliorée. D’ailleurs, le barème d’invalidité sera rendu opposable aux caisses de sécurité sociale.

En ce qui concerne la politique familiale, une large négociation a eu lieu avec les organisations familiales et professionnelles, à la suite de laquelle il est proposé de substituer une réduction de l’avantage fiscal apporté par le quotient familial à la mise sous condition de ressources des allocations familiales. En 1998, l’octroi des allocations familiales a été soumis à une telle condition dans le souci d’introduire davantage de justice dans le système d’aides aux familles. Celui-ci, devenu plus redistributif, devrait permettre le retour à l’universalité de ces allocations. Dans la cadre d’une politique familiale plus équitable, le droit à ces allocations a été ouvert pour tous les jeunes dépourvus de revenu propre jusqu’à l’âge de 20 ans. De même, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) est destinée à tous les enfants, même si la famille ne reçoit pas de prestations familiales.

Un deuxième objectif de cette politique consiste à faciliter le vie quotidienne des familles afin de permettre la meilleure articulation possible entre vie familiale et vie professionnelle. Le fonds d’action sociale de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) sera abondé d’une somme de un milliard de francs à cet effet. Le troisième axe de cette politique consiste à aider les parents à remplir le rôle éducatif qui leur échoit. Il convient de faciliter leur participation à la vie scolaire des enfants, et, en lien étroit avec la CNAF, de développer un réseau d’écoute et d’appui à leur attention. Des lieux de rencontre entre les parents et les enfants en difficultés doivent être aménagés dans ce cadre.

Dans le domaine de l’assurance vieillesse, le Gouvernement oeuvre à la consolidation des régimes de retraite par répartition. La méthode retenue pour aborder l’avenir des retraites peut être résumée en trois mots : diagnostic, dialogue et décision.

La phase des diagnostics que doit établir le Commissariat au Plan, portant sur les taux et les niveaux des retraites, a déjà débuté. Un large dialogue devra ensuite s’ouvrir afin de réfléchir, de façon collective, à l’évolution souhaitable des retraites dans un avenir proche. Il est certain que les systèmes de retraite par répartition doivent être préservés car ils sont les seuls à garantir les nécessaires liens de solidarité entre les générations. D’ailleurs la question des retraites ne va pas sans susciter quelques inquiétudes au sein de la population ; il convient donc d’y apporter des réponses claires et satisfaisantes. A cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a prévu la création d’un fonds de réserve, doté initialement de 2 milliards de francs, ce qui représente un montant très limité qui sera augmenté par la suite.

En 1999, les retraités doivent être mieux associés aux fruits de la croissance retrouvée. Il est ainsi proposé de revaloriser les pensions comme les prix, soit de 1,2 %, alors que l’application de la loi de 1993 n’aurait pas conduit à un tel résultat.

La réforme du financement de la sécurité sociale doit être poursuivie. Avec la loi de financement pour 1998, une réforme d’ampleur a été réalisée par le transfert des cotisations d’assurance maladie vers la CSG. Cette mesure, qui a contribué au soutien de la consommation et de la croissance, a permis de mettre en place un système de financement plus juste et en même temps plus sûr pour la sécurité sociale, parce qu’assis sur une base plus large. Il s’agit là d’une première étape : le Gouvernement souhaite en effet mener une réforme des cotisations patronales afin d’assurer un financement du système plus équitable et plus favorable à l’emploi. En aucun cas, cette réforme ne devra aboutir à un prélèvement supplémentaire sur les ménages ou à une augmentation globale des charges des entreprises. Une concertation a été engagée avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles et sera poursuivie afin de définir précisément les orientations et les modalités de cette réforme.

En conclusion, il faut réaffirmer avec force les principes qui fondent le dispositif de la protection sociale, qui ne doit pas être conçue comme un simple mécanisme de sauvegarde contre les risques, mais doit constituer un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale. L’ensemble du système serait menacé si la sécurité sociale continuait à « vivre à crédit ». Assurer son équilibre financier représente à cet égard la meilleure garantie pour la pérennité du système. Ce souci de maintenir les bases de notre sécurité sociale signifie, entre autres, que les fonds de pension ne se substitueront en aucun cas au régime par répartition et que les assurances privées ne remplaceront pas l’assurance maladie.

Le président Jean Le Garrec a formulé deux souhaits :

- A la suite du rapport de M. Jean-Claude Boulard sur la couverture maladie universelle, le Gouvernement a annoncé qu’un projet de loi serait déposé devant le Parlement à l’automne. Il conviendrait que ce projet soit discuté à l’Assemblée nationale dès le premier trimestre de 1999.

- Il est nécessaire de mettre en place un système de prélèvements plus juste en matière de cotisations patronales. Cette orientation apparaît dans le rapport annexé au projet de loi, mais il faut que l’examen du projet lui-même soit l’occasion de définir les modalités précises et concrètes d’une réforme dont le calendrier doit être, dès à présent, déterminé.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, a fait les remarques suivantes :

- Le basculement des cotisations de l’assurance maladie vers la CSG en 1998 a contribué au redressement des comptes de la sécurité sociale. Ceux-ci accusaient un déficit de 53 milliards de francs en 1996, qui devrait être ramené à zéro pour 1999. Cette réforme a cependant créé certaines injustices. Ainsi les handicapés ont-ils perdu du pouvoir d’achat avec le basculement des cotisations vers la CSG en 1998, ce qui ne paraît pas équitable, alors même que la réforme elle-même paraît fondée sur des principes justes.

- La réforme des cotisations patronales a été promise en 1997 et devait être amorcée dès le projet de loi de financement pour 1999. Certes, cette question est complexe et suppose que soient organisées des négociations entre partenaires sociaux mais il y a urgence. Le Gouvernement doit donner des assurances que la réforme n’attendra pas encore trop longtemps. Les propositions du rapport de M. Edmond Malinvaud ne sont pas entièrement convaincantes : il explique à juste titre qu’il n’est pas possible de transférer totalement l’assiette de la masse salariale sur la valeur ajoutée. En revanche un transfert partiel peut être envisageable.

- Le fonds de réserve pour les retraites a été doté d’un montant symbolique de 2 milliards de francs. Cependant, il convient dès à présent de réfléchir à des pistes de financement ultérieures. De ce point de vue, il est nécessaire de débattre de la pérennisation des systèmes de financements des retraites.

- Il est alarmant de noter une recrudescence des accidents du travail sur la période récente.

M. Claude Evin, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, a souligné que la ministre n’avait fourni aucune indication quant aux quatre enveloppes découlant de l’ONDAM. Ces informations constituent pourtant des données essentielles. En outre, il convient de s’interroger sur l’opportunité de créer une cinquième enveloppe de santé publique et sur le caractère non fongible des différentes enveloppes.

Concernant les conventions médicales, qui constituent le pivot du système de la médecine ambulatoire, il faut insister sur la responsabilité des partenaires conventionnels et il est donc très positif d’élargir le champ du système conventionnel.

Quant aux médicaments, la substitution, désormais possible grâce au développement des génériques, ne saurait à elle seule faire office de mécanisme de régulation. La négociation avec le Comité économique du médicament peut s’avérer utile pour modérer le prix de certains médicaments, mais elle ne constitue pas en tant que tel un outil adéquat et suffisant pour réguler l’évolution des dépenses. De plus, la baisse des prix ne représente pas nécessairement un élément positif du point de vue du positionnement des produits français sur le marché mondial.

M. Claude Evin a ensuite interrogé la ministre sur la politique de distribution des médicaments, l’exercice privé au sein de l’hôpital public, les relations entre l’Assistance publique et l’Agence régionale de l’hospitalisation d’Ile-de-France.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse, après avoir souligné que la constitution d’un fonds de réserve était la mesure la plus marquante du projet de loi dans le domaine de l’assurance vieillesse, a estimé que les modalités retenues pour la mettre en oeuvre restaient imprécises. Il convient donc de s’interroger sur :

- la pérennisation du fonds de réserve ;

- l’intégration de ce fonds au sein du fonds de solidarité vieillesse (FSV), étant souligné qu’il serait préférable d’en prévoir une gestion strictement paritaire sur le modèle des régimes de retraite complémentaire obligatoire des salariés ;

- la nature des recettes qui lui seront ultérieurement affectées et la possibilité, envisagée par le ministre de l’économie et des finances, d’affecter à ce fonds des sommes dégagées par la réforme des caisses d’épargne ou des recettes de privatisation ;

- la possibilité de créer une surcotisation dont le produit serait versé au fonds de réserve ;

- la compatibilité de la création du fonds avec celle d’un troisième étage de retraites fonctionnant en capitalisation, et les intentions du Gouvernement à ce propos ;

- les modalités d’utilisation des réserves constituées au sein du fonds ;

- l’opportunité de prévoir d’autres mesures d’ajustement si le fonds de réserve ne permet pas à lui seul de faire face au déséquilibre démographique de la branche vieillesse, qui se produira à partir de 2005 ;

- la date de parution des textes réformant la tarification des établissements pour personnes âgées ;

- les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la fixation d’un barème minimal de la prestation sociale dépendance (PSD) en établissements, étant précisé que les éléments d’information attendus sur le niveau de la tarification de la PSD en établissements dans les différents départements doivent être aujourd’hui disponibles ;

- l'opportunité de mieux prendre en charge la dépendance en créant un nouveau risque au sein de la sécurité sociale et en finançant les dépenses correspondantes par une cotisation spécifique ;

- le règlement du problème des lits d’hébergement pour personnes âgées autorisés mais non financés, étant rappelé qu’il a été annoncé à plusieurs reprises que cette question serait résolue à brève échéance, ce qui n’est pas le cas, et qu’il faut financer cette action en fonction des priorités qui ont été établies ;

- le principe des reversements collectifs, auquel il s’est déclaré avoir toujours été opposé car il ne permet pas de distinguer les médecins vertueux de ceux qui ne le sont pas, ce qui ne contribue pas à clarifier les responsabilités ;

- le nombre de médecins et le changement du « numerus clausus », le système devant être apprécié en fonction du risque de voir des médecins partir de plus en plus tard à la retraite.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la branche famille, a souligné que le contenu du « volet famille » du projet de loi reflétait largement les décisions prises dans le cadre de la dernière conférence annuelle de la famille, avec l’accord des partenaires intéressés. Les mesures en cause constituent donc la première étape d’une opération de rénovation de la politique familiale, qui doit être plus juste, et mieux adaptée à la situation réelle des familles.

Dans cette optique, certaines des mesures du projet pourraient encore être affinées. Ainsi les modalités retenues pour étendre l’allocation de rentrée scolaire au premier enfant risquent de créer certains effets de seuil et présentent l’inconvénient de ne pas prévoir de modulation du montant de l’allocation en fonction de l’âge de l’enfant. De même, il convient de s’interroger sur le problème de la majoration pour âge pour les titulaires du RMI. Par ailleurs, les conditions d’attribution de l’allocation pour jeune enfant (APJE) courte et de revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations (BMAF) pourraient être améliorées.

Du point de vue de la vie quotidienne, les efforts menés pour favoriser l’accès des familles au logement sont positifs. Des améliorations sont également possibles en matière de simplifications administratives. La politique de soutien aux parents doit être poursuivie en partenariat avec la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), étant rappelé qu’un milliard de francs supplémentaire a été dégagé pour financer les actions collectives de cette caisse. Des ressources nouvelles devront être abondées par les collectivités locales, avec lesquelles il conviendra de poursuivre le développement des schémas locaux d’accueil de la petite enfance.

M. Jean-Luc Préel a posé des questions sur :

- le réalisme des prévisions de recettes qui sont fondées sur une hypothèse de croissance de la masse salariale de 4,6 % ;

- la compensation des exonérations de charges prévues par la loi relative aux trente-cinq heures ;

- la répartition géographique des dotations issues de l’ONDAM et en particulier de l’enveloppe hospitalière ;

- l’opportunité de reconnaître à la CNAM une réelle autonomie dans un cadre conventionnel ;

- la contradiction d’une politique affirmant vouloir responsabiliser les médecins, tout en prévoyant un système de sanctions fondé sur un reversement collectif.

M. Pascal Terrasse a tout d’abord observé que le système de retraites par répartition était le seul système à même de garantir la solidarité entre les générations et avait l’avantage de ne pas être soumis aux aléas des marchés financiers alors que des inquiétudes se font jour quant à son avenir. Il a ensuite souhaité que le débat général sur les retraites prévu en 1999 soit ouvert aux associations de retraités et étendu aux problèmes des personnes âgées, puis a posé des questions sur :

- l’évolution des pensions de retraites et de leur pouvoir d’achat ;

- l’arrivée à échéance de l’ordonnance du 30 mai 1982 relative au cumul emploi-retraite et les intentions du Gouvernement à ce sujet ;

- les difficultés que soulève l’instauration d’une enveloppe opposable pour les établissements sociaux et médico-sociaux qui dépendent de financements départementaux.

M. Jean-Pierre Foucher a souhaité savoir comment seraient pris en compte dans la répartition du taux de croissance de l’ONDAM différents éléments venant peser sur la médecine de ville, et plus particulièrement la hausse des dépenses de médicaments, qui sera très certainement supérieure à 2,6 %. La question du remboursement de nouveaux médicaments, apparus sur le marché et correspondant à un besoin, qui a été résolue par la négative s’agissant du Viagra, se reposera inévitablement. L’apparition sur le marché de produits innovants, plus chers, représente un défi pour les dépenses de santé ; en outre, les dépenses de médecine de ville peuvent être accrues du fait d’un simple transfert d’autres secteurs, par exemple des frais pouvant être pris en charge par l’hôpital.

Mme Jacqueline Fraysse a considéré que le système de financement de la protection sociale souffrait avant tout d’un problème de recettes et qu’il était tout à fait regrettable que la loi de financement pour 1999 soit uniquement axée sur l’équilibre des régimes et la réduction des dépenses. Il conviendrait, en fait, de partir des besoins de santé publique pour ensuite définir les besoins de financement et enfin les moyens d’obtenir ces financements.

Il est préoccupant de constater que la loi de financement ne comprend aucune mesure sur l’assiette des cotisations, qui devrait pourtant être étendue et rééquilibrée. Il n’est, notamment, pas acceptable que la ministre refuse toute augmentation des prélèvements sur les entreprises alors qu’une extension de l’assiette à leurs placements financiers permettrait d’augmenter le volume des financements disponibles, sans pour autant porter atteinte à l’emploi. Enfin, les politiques d’exonération de charges sociales, déjà expérimentées, ont montré leurs limites.

M. Bernard Accoyer a posé des questions sur :

- le caractère peu sérieux de la somme de 2 milliards de francs prévue pour l’abondement du fonds de réserve des retraites, alors que des centaines de milliards de francs seront nécessaires pour assurer l’équilibre des régimes ;

- la possibilité, pour le Gouvernement, de lever les gages sur des amendements parlementaires relatifs à l’épargne-retraite ;

- les conséquences pour les dépenses de médecine de ville de la mise en place de lettres-clés flottantes sur l’ONDAM, qui logiquement en fin d’exercice devrait être identique à l’ONDAM voté ;

- le mauvais climat régnant actuellement dans les hôpitaux publics, dont les personnels sont inquiets et démotivés.

M. Marcel Rogemont a signalé que les administrateurs des organismes sociaux avaient le sentiment de ne pas être suffisamment pris en considération et consultés par la Gouvernement lors de la préparation de la loi de financement.

M. Yves Bur a dénoncé l’étatisation croissante de la gestion de l’assurance maladie. Les actions d’urgence décidées en juillet ont vidé en grande partie de leur sens les accords conventionnels, rendant ainsi impossible la réalisation de l’objectif de responsabilisation des prescripteurs que cherchait à atteindre le plan Juppé.

Il s’est par ailleurs interrogé sur les condition de passage aux trente-cinq heures dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux.

M. Jean-Paul Bacquet a formulé les observations suivantes :

- Pour assurer la réduction des dépenses de médecine de ville, le Gouvernement se réserve le droit de modifier les lettres-clés en cours d’année, après réunion avec les praticiens concernés, au bout de quatre mois puis de huit mois. Il semblerait préférable de laisser aux partenaires conventionnels cette responsabilité.

- Alors que le projet de loi de financement prévoit que les unions de médecins pourront pratiquer une évaluation des pratiques médicales, il serait souhaitable de réserver cette compétence aux médecins en exercice, chacun pour leur spécialité : les généralistes évaluant les généralistes, les spécialistes évaluant les spécialistes.

- Il est peu raisonnable de prévoir un accroissement de 6 % du « numerus clausus » alors que le besoin de médecins supplémentaires ne se fera pas sentir avant 2006.

- Le droit de substitution accordé aux pharmaciens est jugé pénalisant par le médecin dont la prescription peut se voir remise en cause par le pharmacien devant le patient. Pour encourager l’informatisation des cabinets médicaux, on pourrait envisager que tout médecin en possession d’un logiciel agréé sur les génériques ne se verrait pas appliquer le droit de substitution.

- Il serait opportun de prévoir une adhésion automatique aux conventions médicales, tout en prévoyant une adhésion volontaire à des clauses dérogatoires.

Mme Catherine Génisson a souligné qu’il était impossible de contraindre les étudiants en médecine à s’orienter vers certaines spécialités, même s’il est, à la limite, envisageable de les dissuader de se diriger vers diverses disciplines. La solution réelle au problème de la pénurie de certains spécialistes tels que les anesthésistes est une révision du statut des praticiens hospitaliers.

M. Edouard Landrain a souligné que si en matière d’informatisation, les médecins sont aidés, les professions paramédicales ne le sont pas et qu’une extension des aides est souhaitable.

Il paraît en outre indispensable de mieux assurer le rapprochement entre les hôpitaux publics et le secteur privé. Le fonctionnement des hôpitaux publics n’intègre pas suffisamment d’éléments novateurs de gestion, inspirés du secteur privé. S’il le fait, les chambres régionales des comptes et les agences d’hospitalisation régionales formulent alors des reproches, ce qui n’est pas satisfaisant.

M. Maxime Gremetz a considéré qu’il fallait reconnaître l’existence de besoins de santé nouveaux qui impliquent de mettre à la disposition du système de santé des ressources supplémentaires. Dès lors, la question de l’assiette des cotisations patronales doit être posée sans plus tarder. Les réponses actuellement données par la ministre sur cette question ne paraissent pas satisfaisantes. Il est prévu de modifier la structure de ces cotisations à prélèvements constants, or il convient de frapper davantage les revenus financiers et ceux du capital. De même, le fait que le fonds pour les retraites pourrait être abondé grâce aux recettes des privatisations semble pour le moins surprenant. En l’état, le projet de loi n’est donc pas satisfaisant.

M. Pierre Hellier a posé des questions sur la maîtrise médicalisée des dépenses, la représentativité des syndicats participant à la négociation conventionnelle et sur le « numerus clausus ».

En réponse aux intervenants, Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, a apporté les précisions suivantes :

- L’instauration d’une couverture maladie universelle concerne d’abord 150 000 à 200 000 personnes qui demeurent dépourvues de couverture de base, qu’il s’agisse par exemple de jeunes, de personnes revenant de l’étranger ou de femmes et d’enfants abandonnés. Au-delà, le Gouvernement entend également mener une réflexion sur la gratuité des soins aux personnes dont les ressources sont inférieures ou égales au RMI, voire à celles dont les revenus se situent dans une fourchette comprise entre le RMI et le minimum vieillesse, et qui ont aujourd’hui des difficultés à acquitter le ticket modérateur ou le forfait hospitalier qui reste à leur charge. Le rapport de M. Jean-Claude Boulard ouvre à cet égard des perspectives intéressantes. Si la loi prévoit déjà la gratuité des soins pour les titulaires du RMI, elle est en pratique appliquée de manière assez disparate, certains départements allant plus loin que leurs obligations légales tandis que d’autres adoptent des attitudes restrictives, consistant par exemple à limiter le niveau de prise en charge par famille ou à invoquer une possibilité de rattachement au régime général. Pour les revenus situés entre le minimum vieillesse et le RMI, il n’est pas exclu de demander une contribution modeste aux intéressés, car il est normal que tous les citoyens participent, en fonction de leurs possibilités, au financement de leur couverture sociale.

Au total, la réforme concerne 4 à 5 millions de personnes et son coût est aujourd’hui estimé à 5 milliards de francs, dont la moitié pourrait être prise en charge par l’Etat. Les négociations menées avec l’assemblée des présidents de conseils généraux sont avancées et des discussions seront prochainement ouvertes avec les mutuelles et les sociétés d’assurances pour examiner les modalités de la couverture complémentaire qui pourrait s’ajouter à la couverture universelle. Il est donc envisageable de déposer un projet de loi dans les semaines qui viennent et, dans ce cas, le Premier ministre voudra certainement en faire une priorité pour l’ordre du jour du premier trimestre 1999.

- Le Gouvernement a clairement affiché, dans le rapport annexé au projet de loi, sa volonté de réformer les cotisations patronales. L’absence dans le projet de loi de dispositions législatives poursuivant cet objectif s’explique notamment par la nécessité de poursuivre la concertation après que le rapport de M. Malinvaud a montré l’inopportunité d’un transfert total de l’assiette des salaires sur une assiette tirée de la valeur ajoutée. Il importe de préciser que le Gouvernement n’a pas l’intention d’étendre l’exonération des charges sociales sur les bas salaires dans les proportions suggérées par le rapport Malinvaud, en raison du risque d’élargissement de la trappe à bas salaires que comporterait une telle augmentation. On soulignera également que si l’hypothèse d’un transfert total de l’assiette des cotisations sur la valeur ajoutée est désormais écartée, il n’en va pas de même d’un transfert partiel. Parmi les pistes à étudier figure celle d’un élargissement de l’assiette, combiné avec un allégement des charges pesant sur les bas salaires, l’objectif étant d’opérer un transfert de charges des entreprises de main d’œuvre vers les entreprises plus capitalistiques, sans augmentation globale des charges des entreprises. Cet objectif est aujourd’hui très largement partagé, de nombreux rapports émanant notamment d’organisations internationales ayant montré que le poids des charges qui pèse sur les salaires français est excessif. Il y a donc plusieurs scénarios possibles. Si, à l’issue des consultations actuellement engagées, un consensus se dégage, il sera possible au Gouvernement de déposer un projet dans les plus brefs délais.

Le Gouvernement a décidé d’assurer cette réforme à niveau de prélèvement constant, sur les particuliers comme sur les entreprises, parce qu’il est apparu que l’on pouvait parvenir en France à équilibrer les comptes de l’assurance maladie sans augmenter les cotisations mais en rationalisant un certain nombre de dépenses, comme par exemple sur les médicaments ou encore en tirant les conséquences des évolutions des pratiques médicales pour fixer le nombre de lits dans les établissements hospitaliers.

- Il est faux de dire que les handicapés ont été, dans l’ensemble, pénalisés par la substitution entre la CSG et la cotisation d’assurance maladie des salariés, puisque l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est exonérée de CSG ; seuls certains titulaires de pension d’invalidité, imposables à l’impôt sur le revenu ont pu être affectés par cette substitution ; il n’y a aucune raison pour qu’une personne qui perçoit une pension d’invalidité, et le cas échéant d’autres revenus importants, soit exonérée de CSG.

- En créant un fonds de réserve pour les retraites le Gouvernement veut affirmer sa volonté de garantir les régimes de retraite par répartition. Le premier abondement du nouveau fonds de 2 milliards de francs pour 1999 peut paraître symbolique ; il a cependant pour objet d’afficher clairement le principe selon lequel des excédents dégagés dans l’avenir par les régimes de sécurité sociale seront versés à ce fonds de réserve. En outre, celui-ci pourrait être financé par d’autres sources, comme des sommes provenant des caisses d’épargne. Ce système devra être géré de manière collective selon des modalités - gestion confiée aux partenaires sociaux, gestion par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ou autre solution - qui seront définies après une large concertation au vu des conclusions du rapport du Commissariat général au plan. Il est possible d’envisager, à titre de complément à la répartition, un système de retraite par capitalisation à condition qu’il soit équitable, à la différence de la loi relative à l’épargne retraite qui favorisait, en fait, les cadres.

Le problème des régimes de retraite ne peut être réglé par une simple augmentation des cotisations. Il convient, après une concertation approfondie, de définir des mesures structurelles. Une surcotisation ne pourrait être décidée que dans le cadre de ces mesures.

- La répartition de l’ONDAM de 630 milliards de francs pour 1999 entre la médecine de ville - spécialistes et généralistes -, les établissements hospitaliers et le secteur médico-social sera décidée après avis du conseil d’administration de la CNAM. Par respect pour cette procédure de concertation, le Gouvernement ne peut donc, pour l’instant, annoncer de chiffres, en particulier de « taux directeur » hospitalier. Dès qu’elle sera achevée, ces chiffres seront communiqués au Parlement. On ne peut pas à la fois accuser le Gouvernement d’étatiser la gestion de la Sécurité sociale et de consulter réellement la CNAM.

- La création d’un fonds d’aide à la qualité des soins doté de 500 millions de francs, constitue une innovation importante qui permettra d’accompagner la politique conventionnelle et d’impliquer davantage les professionnels de santé dans l’amélioration de la qualité des soins. Elle est donc une réponse aux préoccupations exprimées à travers la demande de création d’une cinquième enveloppe.

- L’annulation par le Conseil d’Etat de certaines dispositions de la convention nationale des médecins généralistes a rendu nécessaire la précision législative prévue par l’article 17 du projet de loi visant à donner une base légale aux dispositions relatives au médecin référent. Ce même article vise également à mieux assurer la constitution de réseaux.

- Etant rappelé que certains médicaments génériques sont 30 à 35 % moins chers que les médicaments princeps équivalents, il est bien clair que le droit de substitution donné aux pharmaciens ne peut constituer une politique du médicament. Celle-ci doit prendre en compte une double logique de santé publique et économique. Il ne s’agit pas forcément de rechercher les prix des médicaments les plus bas. Le maintien de certains prix élevés a toutefois permis à de petits laboratoires de se maintenir en vie, ce qui a eu un effet négatif sur l’innovation et la recherche et sur le dynamisme d’ensemble de l’industrie pharmaceutique. La volonté du Gouvernement est de sortir du malthusianisme en matière de politique du médicament. Cette volonté est d’ailleurs bien comprise par le syndicat national de l’industrie pharmaceutique (SNIP) et les laboratoires.

- En ce qui concerne les inégalités entre les dotations hospitalières régionales, il convient, sur la base des conclusions de la Conférence nationale de santé et en prenant en compte les besoins de la population, d’affecter les moyens de manière à corriger de manière très sensible, dès l’année prochaine, les forts écarts persistants.

- La PSD a fait l’objet de critiques en raison, d’une part, des atermoiements qui ont présidé à sa mise en œuvre et, d’autre part, des inégalités entre départements qui en ont résulté, même si sur ce point des progrès ont été observés ces derniers mois. Un bilan actualisé de la mise en œuvre de la PSD sera présenté devant la commission générale de gérontologie. Etant donné l’allongement de la durée de la vie et l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées, la vieillesse ne nécessite pas dans tous les cas une prise en charge par la solidarité nationale. Celle-ci doit, seulement lorsque c’est nécessaire, prendre en compte l’état de dépendance réel de la personne. A cet égard, il n’est pas acceptable que certaines personnes âgées de plus de soixante-dix ans ayant des revenus importants bénéficient automatiquement d’une exonération de cotisations sociales pour les aides à domicile qu’elles emploient. La réforme à laquelle le Gouvernement réfléchit devra prendre en compte deux critères : la dépendance physique et la dépendance financière de la personne âgée. Il faut tout de même reconnaître que le dispositif de la PSD présente l’intérêt de prévoir l’appréciation de la dépendance.

La mise en place de la nouvelle tarification des établissements est le préalable à la fixation des montants minima de PSD. Le décret sur la tarification et le prix de journée, qui a fait l’objet d’une vaste concertation et qui sera fondé sur les dépenses réelles de médicalisation, devrait être publié prochainement.

En ce qui concerne les conséquences de la mise en œuvre de la PSD dans les établissements médico-sociaux, un financement pour 7 000 lits supplémentaires avait été prévu. La demande atteint aujourd’hui 11 000 lits et si il semble difficile d’aller jusque là en 1999, mais le maximum sera fait pour respecter les engagements pris.

- Un article du prochain texte portant diverses dispositions d’ordre social donnera une base légale aux schémas locaux de développement pour l’accueil de la petite enfance, étant toutefois observé que ceux-ci peuvent déjà être mis en place avec l’aide de la CNAF.

- Le Gouvernement est d’accord pour étudier la possibilité de moduler l’allocation de rentrée scolaire (ARS) selon l’âge de l’enfant et de réexaminer les conditions de versement en cas de défaillance de parents d’enfants commettant des actes de délinquance. Plusieurs autres réflexions sur la politique familiale sont engagées concernant l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant, la définition d’un dispositif d’aide adapté aux besoins des jeunes adultes et la recherche d’une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

- En ce qui concerne les prévision d’accroissement de la masse salariale pour 1999, le chiffre de 4 % a été établi en regard des créations d’emplois constatées en 1998 et attendues pour l’année prochaine et ne semble pas du tout irréaliste.

- Les personnes âgées auront bien entendu leur place dans le débat sur les retraites. Pour préparer l’année mondiale des personnes âgées organisé par l’ONU en 1999, quatre groupes de travail ont été mis en place afin de réfléchir aux problèmes spécifiques de ces personnes en matière de solidarité, de santé, de famille et d’habitat.

- En ce qui concerne le cumul emploi-retraite, il est prévu de prolonger d’un an la réglementation contenue dans l’ordonnance de 1982, dans l’attente du débat général sur les retraites qui aura lieu en 1999.

- Le contrôle de l’évolution des dépenses médicales en cours d’année au quatrième et au huitième mois devrait éviter une constatation trop tardive des éventuels dérapages et permettre d’engager à temps les négociations avec les professionnels concernés, la clause de sauvegarde n’intervenant que comme mesure ultime et les décisions prises pouvant être, par exemple, la baisse de la lettre-clef.

- Il est inexact de dire que dans les hôpitaux les personnels sont démobilisés. Ils comprennent très bien la nécessité de revoir l’organisation hospitalière en fonction des besoins de la population. Après la revalorisation des fins de carrière des aides soignantes, les discussions continuent avec le personnel soignant dont on connaît la compétence et le dévouement. On doit à leur disponibilité les actions de prévention en dehors de l’hôpital, le réseau établi avec les médecins de ville et une meilleure articulation avec le secteur privé.

- Les interventions de l’Etat en juin et juillet ont pour origine l’arrêt du Conseil d’Etat retirant toute base légale aux conventions passées avec les syndicats professionnels de médecins et la croissance accélérée de certaines dépenses, conduisant à des hausses, pour les actes de radiologie, de 11 % depuis le début de l’année. Il est du reste regrettable que, contrairement aux kinésithérapeutes, aux biologistes ou aux fabricants de matériel médical, les radiologues - qui ne sont certainement pas les plus mal lotis -n’aient pas souhaité engager de négociations.

- L’évaluation des pratiques médicales, sous le contrôle de la CNAM, a pour objectif de lutter contre les dérives marginales. Elle sera effectuée par le corps médical lui-même, afin de distinguer les éventuelles mauvaises pratiques des traitements atypiques, mais fondées médicalement. Il importe, par conséquent de renforcer le rôle des unions régionales de médecins.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé, a donné les informations suivantes :

- Le ministère de la santé a engagé, depuis seize mois, avec le ministre de l’éducation nationale, une réflexion sur la réforme des études médicales. S’agissant de l’internat, il convient de rompre avec un système, unique en Europe, qui sélectionne des généralistes par l’échec, tout en étant incapable de répondre à des besoins urgents d’anesthésistes ou de psychiatres. Il faut, pour les deuxièmes et troisièmes cycles, trouver un nouvel équilibre entre les formations universitaires et hospitalières.

- Le « numerus clausus » a été en effet modifié cette année puisque le nombre d’entrées dans les études médicales a été porté à 3 800 cette année. Le nombre de médecins hospitaliers demeure insuffisant, ce qui est d’autant plus préoccupant qu’une période de dix ans est nécessaire pour assurer leur formation. Il est fréquent que durant les horaires nocturnes, les seuls médecins présents dans les hôpitaux soient des médecins étrangers, qui acceptent de travailler dans des conditions parfois difficiles. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’augmenter de façon inconsidérée le nombre de médecins, mais au contraire de calculer de manière précise le nombre réellement nécessaire.

- Le fait d’obliger des étudiants à choisir une discipline qu’ils ne souhaitent pas pratiquer n’est pas envisageable. Mais en revanche, il est indispensable de leur faire prendre conscience de l’existence de certaines contraintes. La pratique d’une profession libérale n’implique pas que des droits. Les étudiants qui souhaiteraient s’orienter vers une discipline particulière, dans un contexte de surnombre dans ce secteur, devront nécessairement en tirer les conséquences. La poursuite de la tendance actuelle rend prévisible, en 2005, la disparition des anesthésistes et des psychiatres hospitaliers. Elle menace directement l’existence des hôpitaux. Après la revalorisation des carrières des aides soignantes qui était une priorité, il importe donc de se tourner vers le corps médical. Il conviendrait, en particulier, d’envisager un statut des urgentistes, dont les conditions de travail sont éprouvantes.

- Des études faites aux Etats-Unis tendent à montrer que lorsque l’on dépense 100 000 dollars dans un hôpital américain pour soigner une personne atteinte du SIDA, le traitement par des trithérapies pratiquées en ville ne s’élèverait qu’à 23 000 dollars environ. Si ce type d’études n’a pas été mené en France, il apparaît que leurs conclusions ne seraient en rien différentes. Si les trithérapies constituent aujourd’hui des dépenses supplémentaires, à terme, leur utilisation représente une économie importante pour le système de santé. Il est donc incontestable que les nouveaux médicaments entraînent, dans un premier temps, directement ou indirectement - ce sera le cas des examens complémentaires en cas de prescription du Viagra - une augmentation des dépenses.

- La procédure de substitution laisse intacte la liberté de prescription du médecin, qui aura la possibilité d’indiquer sur son ordonnance la mention « non substituable », lorsqu’il le jugera nécessaire.

- La représentativité syndicale des syndicats de médecins est reconnue au-delà de 5 % ; les conventions seront donc négociées par tous les syndicats. Il ne faut pas oublier que le Conseil d’Etat s’est basé sur les chiffres de 1995. Depuis, certains syndicats ont pu renforcer leurs effectifs.

- Le mode de reversement retenu en cas de dépassement de l’objectif pénalise certes le médecin « vertueux », c’est-à-dire celui qui n’a pas dépassé l’objectif national. Toutefois il est impossible de mettre sur pied un système individualisé.

En conclusion, M. Bernard Kouchner a indiqué que la préparation des états généraux de la santé donnerait lieu à un débat national, initié par un questionnaire adressé à tous les Français, et des conférences de citoyens, où des jurys, à l’instar de ce qui s’est fait pour les organismes génétiquement modifiés, auront avec l’aide logistique des pouvoirs publics et l’appui éventuel d’experts, à se prononcer sur les grands axes de l’élaboration de la politique de santé.


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