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![]() ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES, COMPTE RENDU N° 27 (Application de l'article 46 du Règlement) Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président SOMMAIRE
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, le projet de loi créant le Conseil national des communes Compagnon de la Libération - n° 11. Le rapporteur a tout dabord indiqué que le présent projet de loi était le résultat dune réflexion engagée depuis plusieurs années par les Compagnons de la Libération, légitimement inquiets pour la pérennité de leur Ordre. Dès avril 1996, la chancellerie de lOrdre a communiqué un avant-projet de loi au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre de lépoque, M. Pierre Pasquini, qui a bien voulu accepter, à la demande du Président de la République, de mener à terme la présentation du projet de loi. Un projet de loi a ainsi été établi en novembre 1996 et déposé, au nom de M. Alain Juppé, Premier ministre, par MM. Pierre Pasquini et Jacques Toubon, garde des sceaux et ministre de la justice, à lAssemblée nationale le 16 avril 1997 (projet de loi n° 3500). Après la dissolution de lAssemblée nationale, le nouveau Gouvernement de M. Lionel Jospin a souhaité redéposer ce même projet en létat, ce qui a été fait le 19 juin 1997. De par son parcours, le présent projet de loi présente donc une caractéristique politique notable : il a été déposé à deux reprises à lAssemblée nationale dans les mêmes termes par le précédent et lactuel gouvernement, ce qui témoigne du consensus fort qui existe pour faire aboutir un projet devant permettre dassurer la pérennité des traditions et des valeurs de lOrdre de la Libération. Au-delà des clivages politiques du moment, ce texte répond à un souci qui doit rassembler tous les républicains qui souhaitent ne pas oublier les sacrifices que certains hommes et certaines femmes ont consentis, à partir de 1940, pour libérer la France de ses occupants. LAppel du 18 juin, qui visait à obtenir le ralliement de toutes les valeurs et de toutes les énergies françaises, annonce la création de lOrdre de la Libération. Dès juin 1940, il apparut en effet au chef de la France libre quil convenait de récompenser dune manière tout à fait originale le dévouement de ceux qui, bien peu nombreux au départ (environ un millier le 14 juillet 1940), avaient accepté de tout risquer pour participer à une aventure dont chacun ignorait en 1940 laboutissement. Le souhait du général de Gaulle devait se réaliser rapidement, puisque le 16 novembre 1940, à Brazzaville, capitale du Congo et de lAfrique équatoriale française, ralliée à la France libre, il signait lordonnance n° 7 créant lOrdre de la Libération. Aux termes de larticle 2 de lordonnance, linsigne unique de cet Ordre est la Croix de la Libération . Selon larticle 3, ladmission dans lOrdre de la Libération est prononcée par le chef des Français Libres. Il est intéressant de noter que, dans les premiers projets élaborés, lOrdre devait sappeler lOrdre de la Délivrance ; ses membres auraient ainsi pris le titre de Croisés de la Délivrance . Cette appellation de croisés témoigne bien de lidée qui se trouvait à lorigine de lOrdre : celle dune nouvelle chevalerie regroupant les serviteurs dune cause et dun idéal. Rapidement, le terme de croisés apparut cependant quelque peu emphatique et fut remplacé par le professeur René Cassin et ses collaborateurs par celui de Compagnons . Laspect premier de lOrdre de la Libération est élitaire. Le 3 décembre 1945, alors quon lui suggérait dallonger la liste des titulaires, le général de Gaulle déclara : On me propose des candidats qui, bien que très dignes et vaillants combattants, ne répondent pas aux conditions tout à fait exceptionnelles qui justifient laccession dans lOrdre . Le deuxième caractère de lOrdre est de nêtre pas, comme la croix de guerre, exclusivement militaire. Il accueille aussi des civils. LOrdre est également égalitaire : il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les titulaires ; il nadmet quune personnalité au-dessus des autres : celle du fondateur-initiateur. Le recrutement est limité dans le temps et les critères dadmission nécessairement stricts. Larticle premier de lordonnance de novembre 1940 précise que cet Ordre est destiné à récompenser les personnes ou les collectivités qui se sont signalées dans loeuvre de la libération de la France et de son Empire . Aucun critère dâge, de sexe, de grade, dorigine, ni même de nationalité, nest exigé. Ne comptent que la valeur et la qualité des services rendus. Lorsque, le 23 janvier 1946, est signé le décret portant quà cette date, il ne sera plus procédé à lattribution de la Croix de la Libération, le nombre des Compagnons sélevait à 1036. Parmi ceux-ci, 238 reçurent cet insigne à titre posthume. Il convient de distinguer trois catégories de Compagnons : - les personnes physiques qui représentent les Compagnons auxquels lopinion publique se réfère le plus spontanément ; - certaines unités combattantes, au nombre de dix-huit ; - enfin, cinq villes ou communes qui ont consenti des sacrifices tels en faveur de la Libération quelles devaient en être récompensées de manière spécifique. Les premières villes Compagnons furent Nantes, dès le 11 novembre 1941, puis Grenoble, en mai 1944 ; se sont par la suite ajoutés le village de Vassieux-en-Vercors, Paris et lîle de Sein. Lordonnance du 10 août 1945 portant organisation de lOrdre de la Libération a doté lOrdre de la personnalité morale et de lautonomie financière, ce qui se traduit notamment par lexistence dun budget annexe au ministère de la justice, qui assure la tutelle de lOrdre. Dans la loi de finances pour 1999, la subvention attribuée à lOrdre sest montée à plus de cinq millions de francs. Le premier personnage de lOrdre est son chancelier, qui est dépositaire du sceau de lOrdre et seul qualifié pour le représenter. Depuis 1978, le général darmée Jean Simon, Compagnon lui-même, occupe cette fonction. Il est choisi par le Conseil en son sein et proposé à la ratification du président de la République. La nomination est alors officialisée par décret. Cest le chancelier qui assure ladministration de lOrdre (qui comprend 13 personnes), du musée de lOrdre, ainsi que celle des services des médaillés de la Résistance. On peut relever la diversité des activités menées par lOrdre, qui organise les cérémonies commémoratives du 18 juin selon le plan fixé par le général de Gaulle, veille à la préservation du musée de lOrdre de la Libération et de la déportation, et assure le service de la médaille de la résistance française. Notons que cette distinction a été attribuée à 42 902 personnes, dont 19 000 à titre posthume, à dix-huit communes et au Territoire de la Nouvelle Calédonie, ainsi qu'à dix-sept autres entités (des régiments, des bateaux de guerre, deux communautés religieuses et un lycée). Lélément déclencheur de lapplicabilité du présent projet de la loi sera la diminution du nombre des compagnons à quatorze. 174 Compagnons de la Libération sont en vie aujourdhui. Leur âge moyen est de 83 ans. La date dentrée en vigueur de la loi est donc aléatoire, même si on peut supposer que la loi entrera en vigueur dans la décennie à venir. Le système proposé repose sur un conseil national regroupant les cinq communes compagnons. Larticle premier du projet de loi établit clairement que cet établissement public national à caractère administratif est créé en vue de succéder au Conseil de lOrdre de la Libération . Il demeure sous la tutelle du ministère de la justice, à linstar de lOrdre de la Libération qui, comme les autres Ordres nationaux, est rattaché à ce ministère et se voit affecté une ligne dans le budget de ce dernier. Le fait que la tutelle reste identique permettra également de pérenniser la valeur symbolique d'une décoration. Il faut insister sur le fait que lOrdre de la libération lui-même nest pas dissous par le projet de loi. Seul le Conseil de lOrdre est formellement appelé à disparaître. Larticle 2 définit les tâches qui reviendront à cette nouvelle instance : elle devra, non seulement, assurer la continuité des traditions de lOrdre de la Libération et porter témoignage de cet Ordre devant les générations futures, mais également, mettre en oeuvre toutes les initiatives jugées utiles dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel. Entreront, en outre, dans ses attributions trois tâches supplémentaires : la protection du musée déjà cité, lorganisation des cérémonies du 18 juin, et laide morale et matérielle à apporter aux veuves et aux enfants des Compagnons de la Libération. Dune manière générale, cest au Conseil national quincombera, à terme, le devoir de mémoire aujourdhui assumé par la chancellerie de lOrdre. Afin dassurer à ce futur établissement à la fois un caractère technique, symbolique et une caution historique, ce conseil national se composera, aux termes de larticle 3, de trois types de membres : - dun délégué national nommé par décret du chef de lEtat après avis des autres membres du conseil dadministration ; - des maires en exercice des cinq communes Compagnon ; - des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération. A terme, le conseil dadministration ne comportera plus que six membres : les cinq élus et le délégué national. Selon larticle 5 du projet, le conseil dadministration aura pour objet de fixer les orientations de létablissement public et darrêter ses programmes et pour fonction de voter le budget et dapprouver les comptes de létablissement. Le projet de loi prévoit, par ailleurs, linstitution centrale dun délégué national qui, dans le système envisagé, reprendrait notamment les fonctions actuellement dévolues au chancelier de lOrdre de la Libération. Aussi celui-ci présidera-t-il de manière continue le Conseil national, tâche quil partagera avec lun des cinq maires de commune Compagnons de la Libération. Ceux-ci en exerceront la co-présidence à tour de rôle pour une période dun an, comme cela est prévu dans larticle 4 du projet de loi. Le rôle du délégué national est précisé dans larticle 6 qui indique que celui-ci a un travail de préparation et dexécution des délibérations du conseil dadministration et une fonction de représentation de létablissement devant la justice, en cas de besoin. En outre, toutes les décisions, dordre mineur ou relevant de la gestion quotidienne, qui ne relèvent pas de la compétence du conseil dadministration, seront de son ressort. Pour lexercice de ses missions, il bénéficiera de laide de plusieurs collaborateurs, et notamment dun secrétaire général, les autres collaborateurs devant appartenir à des corps de fonctionnaires, soit, de lEtat, soit, des collectivités locales. Selon larticle 7, le même délégué présidera la commission de la Médaille de la résistance française, décoration dont le Conseil national assurera le service. Il faut dailleurs se féliciter que lesprit de résistance qui a animé le fondateur de lOrdre de la Libération soit ainsi respecté par ce projet de loi. Larticle 8 détaille la nature des ressources budgétaires qui devront être attribuées au conseil national : celles-ci peuvent avoir deux origines : elles proviennent, soit, de crédits de lEtat sous forme de subventions inscrites au budget de létablissement public, soit, de dons et de legs émanant de personnes ou dinstitutions privées. Cette question des financements apparaît centrale. En effet, lune des raisons ayant motivé la création dun établissement public a été précisément la volonté de protéger lOrdre de la Libération contre déventuelles restrictions budgétaires. Ainsi rédigé, ce projet de loi doit contribuer à mettre lOrdre à labri de décisions hâtives dictées par la volonté de faire des économies. La contrepartie de la création dun établissement public est que celui-ci doit être, comme cest lusage, soumis au contrôle administratif et financier de lEtat, ainsi que le rappelle larticle 9. Enfin, larticle 10 fixe les modalités dentrée en application de la loi. * Après lexposé du rapporteur, M. Jean-Paul Durieux, président, a considéré que ce projet de loi était susceptible de rassembler tous les groupes politiques et que le devoir de mémoire sappliquait aussi bien à légard du fondateur de lOrdre de la Libération, le général de Gaulle, quà légard de ceux qui choisirent de le rejoindre dès 1940 et adoptèrent la cause de la France libre. Il a ensuite interrogé le rapporteur sur le statut des unités combattantes Compagnons de la Libération dans le projet de loi. Le rapporteur a indiqué quétant donné que les unités combattantes ne faisaient pas actuellement partie du Conseil de lOrdre, les auteurs du projet navaient pas jugé utile dintégrer ces unités, dont certaines sont aujourdhui dissoutes, dans la future organisation du Conseil national des communes Compagnon de la Libération . La commission est ensuite passée à lexamen des articles. Article premier - Création du Conseil national des communes Compagnon de la Libération La commission a adopté larticle premier sans modification. Article 2 - Missions du Conseil national des communes Compagnon de la Libération Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur, a présenté un amendement tendant à préciser dans le dernier alinéa de cet article que laide morale et matérielle susceptible dêtre apportée par le futur Conseil national des communes Compagnon de la Libération pouvait également venir en aide aux Compagnons eux-mêmes ainsi quaux médaillés de la résistance, et non pas uniquement à leurs familles et enfants. La commission a adopté cet amendement. Puis elle a adopté larticle ainsi modifié. Article 3 - Composition du conseil dadministration du Conseil national des communes Compagnon de la Libération Le rapporteur a présenté un amendement tendant à indiquer de manière explicite que le mandat du délégué national du Conseil national des communes Compagnons de la Libération est de quatre ans renouvelable plusieurs fois. En effet, dans sa version initiale, le projet prévoit quil sagit dun mandat renouvelable de quatre ans, sans apporter plus de précisions. La commission a adopté cet amendement. Puis elle a adopté cet article ainsi modifié. Elle a ensuite adopté sans modification les articles 4 - Présidence du Conseil national, 5 - Fonctions du conseil dadministration, 6 - Fonctions du délégué national, 7 - Service de la médaille de la Résistance française, 8 - Ressources du Conseil national et 9 - Contrôle du Conseil national. Article 10 - Entrée en vigueur de la loi Le rapporteur a présenté un amendement visant à rédiger de manière plus claire cet article afin de préparer au mieux le passage de lancien système au nouveau mécanisme. Cet amendement tend à indiquer que la loi entrera en vigueur dès que le nombre de titulaires de la Croix de la Libération sera inférieur à quinze, le décret du président de la République devant intervenir pour modifier le titre de chancelier de lOrdre de la Libération, qui devient délégué national du Conseil national des communes Compagnon de la Libération . La commission a adopté cet amendement. Larticle 10 a été ainsi rédigé. La commission a adopté le projet de loi à lunanimité. © Assemblée nationale |