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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 32

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 mars 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de Mme Michelle Demessine, secrétaire d’Etat au tourisme, sur le projet de loi modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques vacances (M. Gérard Terrier, rapporteur)

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– Examen, en troisième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, portant modification de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles - n° 1376 (M. Patrick Bloche, rapporteur)

5

- Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, rejetée par le Sénat, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans - n° 1375 (M. Maxime Gremetz, rapporteur).

7

– Examen de la proposition de résolution de M. Philippe Vasseur, visant à créer une commission d’enquête sur les conditions du cumul des missions de conception et de maîtrise d’oeuvre par les architectes des bâtiments de France (n° 1326) (M. Jean-Paul Bret, rapporteur)

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– Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Michelle Demessine, secrétaire d’Etat au tourisme, sur le projet de loi modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.

Le président Jean Le Garrec a souligné que le projet de loi sur les chèques vacances avait une grande portée sociale puisqu’il permettra notamment à plusieurs millions de salariés d’accéder à un dispositif qui a fait ses preuves depuis sa création en 1982.

Mme Michèle Demessine a rappelé tout d’abord que l’industrie touristique était l’une des industries nationales les plus dynamiques, notamment en matière de créations d’emplois. Les indicateurs économiques dans ce domaine ont battu des records en 1998, avec 70 millions de touristes sur le territoire national et 70 milliards de francs d’excédent commercial.

La politique du Gouvernement pour le tourisme est fondée sur trois axes : la mise en valeur économique, la volonté de répondre à une aspiration légitime des citoyens et le développement d’un secteur porteur de valeurs tels que la fraternité et l’amitié entre les peuples. Toutefois, près de 40 % des Français ne partent pas ou très peu en vacances. 35 % des foyers disposant d’un revenu inférieur à 6 000 francs par mois ne partent jamais en vacances et plus de la moitié des “ non partants ” appartiennent à un foyer dont les revenus mensuels ne dépassent pas 10 000 francs par mois. La loi sur la lutte contre les exclusions a rappelé le droit aux vacances pour tous : pour sa mise en oeuvre seront créées des bourses sociales et organisé le départ de jeunes défavorisés à l’étranger.

Il est également nécessaire de développer le tourisme social et associatif, secteur en difficulté, qui représente 75 000 emplois et 60 000 places d’hébergement. Des états généraux du tourisme social doivent se tenir en mai prochain.

La mise en place du chèque-vacances a été et demeure un véritable succès économique et social. Les 3 milliards de francs de chèques-vacances utilisés en 1997 ont généré 10 milliards de francs de consommation touristique dans les 130 000 entreprises prestataires agréées. Un million de salariés ont bénéficié de chèques-vacances, soit au total 4 millions de personnes qui ont ainsi pu partir en vacances.

Cependant, le dispositif des chèques-vacances est surtout appliqué dans les grandes entreprises et les organismes publics. Le projet de loi a donc comme principal objectif d’ouvrir aux 7,5 millions de salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés la possibilité d’accéder eux aussi aux chèques-vacances. En effet, ceux-ci y échappent pour deux raisons : d’une part, l’absence de comité d’entreprise - ce sont eux qui distribuent dans 85 % des cas les chèques-vacances - et d’autre part l’absence d’exonération des charges sociales pour les PME sur la contribution de l’employeur.

Pour remédier à cette situation, deux mesures sont prévues : d’une part, l’ouverture d’une voie nouvelle de distribution des chèques-vacances à travers les organismes paritaires de gestion d’activité sociale, d’autre part une exonération de charges sociales sur la contribution de l’employeur aux chèques-vacances en faveur des entreprises de moins de 50 salariés. Le projet de loi comporte également une disposition visant à étendre les chèques-vacances à deux catégories de salariés : les dockers et les marins-pêcheurs, et l’instauration d’un plafond de ressources fondé sur le revenu fiscal de référence, selon la formule désormais utilisée pour les allégements d’impôts sous conditions de revenus.

Il faut noter que par ailleurs le dispositif du chèque-vacances remplit une réelle mission sociale par l’intermédiaire de l’Agence nationale des chèques-vacances qui, en vertu de l’ordonnance de 1982, redistribue ses excédents de gestion aux populations les plus démunies grâce à des bourses de départ en vacances et participe à la rénovation du patrimoine touristique social. Ainsi, en 1998, 100 projets ont été mis en place pour un budget de 26 millions de francs.

Le Sénat a apporté au texte initial des modifications qui en ont bouleversé l’économie générale. Il a doublé le niveau du plafond de ressources nécessaire pour bénéficier du chèque-vacances, a étendu à toutes les entreprises l’exonération des charges sociales sur la contribution des employeurs, a limité le dialogue avec les partenaires sociaux à une simple consultation et non plus un accord d’entreprise, a élargi le champ d’application du dispositif aux non-salariés et enfin a modifié les missions de l’Agence nationale des chèques-vacances.

Après l’exposé de la ministre, M. Gérard Terrier, rapporteur, a formulé les observations suivantes :

- L’article premier du projet ne concerne que les personnes mentionnées aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 351-12 du code du travail, excluant ainsi du dispositif des chèques-vacances les agents contractuels de la fonction publique. Il est vrai que leur inclusion dans le système coûterait environ deux cents millions de francs mais une concertation entre les ministères concernés devrait permettre de corriger cette anomalie.

- Les retraités, n’ayant plus de lien avec l’entreprise, se voient, eux aussi, écartés du dispositif, alors qu’un conventionnement avec les organismes de retraite pourrait apporter une solution.

- S’il est nécessaire de développer les accords au sein des entreprises, le mandatement ne doit être qu’un dernier recours.

- Le niveau de l’épargne minimum nécessaire à l’accès aux chèques vacances devrait se situer à 2 % du salaire.

- L’ouverture du chèque-vacances sur l’Europe, sous condition de réciprocité, ne doit pas être oubliée. La loi pourrait y faire référence en renvoyant aux décrets les modalités pratiques.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a exprimé son accord avec la ministre sur le rôle économique du tourisme en France qui est le premier pays touristique au monde. Cependant, ce potentiel est mal exploité. Il faut développer les créations d’emploi, l’encadrement touristique demeurant insuffisant en France. Il convient d’alléger les charges des entreprises afin de favoriser l’embauche de jeunes de préférence à des mécanismes complexes tels que les chèques-vacances.

Mme Catherine Génisson a souligné que les chèques vacances constituaient une mesure de justice sociale et un moyen de favoriser le dialogue social dans l’entreprise. L’intérêt économique du projet de loi est également indéniable. Il est cependant regrettable que certains agents de la fonction publique soient exclus du dispositif.

M. Maxime Gremetz a demandé si les personnes en préretraite étaient concernées par le projet de loi.

M. Denis Jacquat a indiqué qu’il n’avait pas d’opposition formelle au projet.

Le président Jean Le Garrec a souligné l’apport du développement du tourisme de proximité à l’aménagement du territoire. Le dispositif du chèque-vacances n’est pas contradictoire avec un repyramidage des cotisations sociales favorisant l’emploi peu qualifié. Il est en effet regrettable cependant que certains agents contractuels de la fonction publique soient exclus du dispositif tels que les emplois-jeunes et les CES.

En réponse aux intervenants, Mme Michelle Demessine, secrétaire d’Etat au tourisme, a apporté les informations suivantes :

- La question de l’inclusion dans le dispositif des agents contractuels de la fonction publique fait actuellement l’objet de discussions entre les deux ministères concernés. Il apparaît possible d’inclure les emplois-jeunes et les CES dans le cadre d’une enveloppe budgétaire maîtrisée.

- A ce jour seules la Suisse et la France appliquent le dispositif des chèques-vacances et l’Italie, l’Espagne et le Portugal mènent une réflexion sur ce thème. Une perspective de développement est donc ouverte puisqu’il sera possible d’agréer des prestataires dans les pays européens correspondants dans le cadre de relations de réciprocité. Cette évolution ne devrait donc pas pénaliser l’économie touristique française. La possibilité de soumettre un dispositif de chèques-vacances européen à décret est actuellement à l’examen.

Le Président Jean Le Garrec, après s’être félicité que la France ait innové en matière de chèque-vacances, puisque d’autres pays européens, tels que l’Italie, l’Espagne et le Portugal, ont aujourd’hui décidé de mettre en place un système de chèques-vacances sur le modèle français, a noté que plus de 130 000 prestataires étaient aujourd’hui enregistrés contre quelques centaines au moment de la mise en place du dispositif en 1982.

Poursuivant ses réponses, Mme Michelle Demessine, après avoir rappelé que la montée en charge des chèques-vacances datait des cinq dernières années, a insisté sur le caractère cohérent de sa politique destinée à favoriser le développement du tourisme en mettant l’accent sur la nécessité de développer l’emploi et le rôle social des activités touristiques. Un milliard de francs utilisés pour les chèques-vacances équivaut à environ 1 200 emplois. Il faut noter, en outre, que l’action du ministère en faveur de l’emploi s’est axée récemment autour de l’amélioration des conditions de vie et de l’emploi des travailleurs saisonniers. Dans un contexte actuel de forte incitation à la réduction du temps de travail, il convient de permettre aux salariés qui, grâce aux accords 35 heures, disposent de davantage de temps libéré, de pouvoir développer des activités touristiques grâce au système des chèques-vacances. En leur absence, les inégalités entre les salariés risqueraient de se creuser en fonction de leur niveau de rémunérations.

***

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Patrick Bloche, le projet de loi, modifié par le Sénat en troisième lecture, portant modification de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles - n° 1376.

M. Patrick Bloche, rapporteur, a tout d’abord rappelé que ce projet de loi participait de l’engagement pris par le Gouvernement, lors de la signature des accords Cabanes en 1997 sur le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacles, de rénover le statut juridique des artistes et techniciens du spectacle afin de tenir compte des difficultés spécifiques liées à ce type de métier. Interrogée le 9 février dernier par M. Jean-Jacques Filleul sur cette question des intermittents du spectacles, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture, a rappelé les avancées obtenues sur ce dossier, en concertation avec la ministre chargée de l’emploi, avec la généralisation du contrat à durée déterminée dit “ d’usage ” et la mise en place d’un guichet unique en matière de cotisations sociales et a réaffirmé l’importance de la rénovation de l’ordonnance de 1945 sur les entrepreneurs de spectacles.

Tel est l’objet de ce projet de loi qui, après un examen anormalement long au Parlement depuis son dépôt à l’Assemblée nationale en septembre 1997, revient aujourd’hui devant la commission pour une troisième lecture. Ce texte étant indispensable à la rénovation du régime juridique des entreprises de spectacle et la question de l’assurance chômage des intermittents étant à nouveau d’actualité puisque ce régime, prorogé le 20 janvier 1999 jusqu’au 31 décembre de cette année, va à nouveau être soumis à discussion, il convient d’adopter définitivement ce projet de loi en se prononçant sur un texte conforme à celui voté par le Sénat en deuxième lecture.

Deux modifications ont été introduites par le Sénat et doivent faire l’objet d’une approbation par l’Assemblée nationale.

A l’article 12, un amendement de coordination avec l’article 113 de la loi de finances pour 1999 autorisant les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d’une fiscalité propre à exonérer totalement de taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles auxquelles elles souhaitent apporter un soutien tout particulier, alors que le présent article limitait cette possibilité d’exonération à 50 %, a été adopté sur proposition du Gouvernement.

A l’article 4, le Sénat a par ailleurs adopté un amendement qui précise que les contrats passés entre un entrepreneur de spectacles non établi en France et non titulaire d’un titre jugé équivalent à la licence et un entrepreneur de spectacles détenteur d’une licence correspondant à l’une des trois catégories sont des contrats de prestation de services au sens de l’article L. 341-5 du code du travail.

Cette disposition reprend assez largement le contenu d’un amendement présenté par le rapporteur en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et destiné à préciser la nature des contrats passés entre un entrepreneur de spectacles étranger et un entrepreneur de spectacles établi en France. Lorsqu’il organise la venue en France d’une formation étrangère normalement constituée, telle qu’un orchestre ou un ballet, un entrepreneur de spectacles ne devient pas automatiquement l’employeur de chaque artiste étranger régulièrement salarié par cette formation. Cela est notamment le cas pour de très nombreux festivals en France. Or, l’application de la présomption de salariat établie par l’article L. 762-1 du code du travail, dès lors qu’un contrat est passé avec un artiste ou un groupe d’artistes étrangers, peut aboutir à ce que l’entrepreneur français soit tenu au paiement en France de charges sociales pour ces artistes. Pour éviter ces charges financières indues, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait donc, en juin dernier, adopté un amendement précisant que, dans le cadre du contrat passé avec l’entrepreneur de spectacles étranger, l’entrepreneur de spectacles titulaire d’une licence pouvait agir soit en qualité d’employeur, soit en qualité de prestataire de services. Cet amendement avait cependant été retiré en séance après que la ministre avait donné l’assurance qu’une circulaire rédigée en collaboration avec les services du ministère du travail serait adressées aux URSSAF et au GRISS (groupement des institutions sociales du spectacle) sur ce sujet.

Cette circulaire n’ayant toujours pas été prise au moment de l’examen du texte en seconde lecture au Sénat, soit six mois après la déclaration de Mme Catherine Trautmann, celui-ci a souhaité, sur l’initiative de M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, régler le problème par la loi. La nature de contrat d’entreprise conféré aux contrat passés entre un entrepreneur de spectacle français détenteur d’une licence et un entrepreneur de spectacles étranger exclut toute application extensive de la présomption de salariat entre l’entrepreneur français et les membres d’un groupement artistique étranger (orchestre, corps de ballet) venus temporairement se produire en France.

Même si la solution retenue pourrait sans doute être encore améliorée (puisqu’elle ne prend pas en compte les cas où l’entrepreneur pourrait être considéré comme l’employeur effectif), il ne serait pas opportun de rallonger encore l’examen de ce texte par le Parlement, le Gouvernement ayant par ailleurs donné son accord pour un avis conforme.

En conclusion, le rapporteur a donc proposé à la commission d’adopter sans modification le texte voté par le Sénat.

Après l’exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a estimé que le problème soulevé par le projet méritait effectivement de faire l’objet d’un traitement rapide.

M. Edouard Landrain, après s’être interrogé sur la pratique qui consiste pour des organisateurs français de spectacles à faire venir de façon régulière des troupes d’artistes de pays étrangers pour bénéficier de coûts plus faibles que ceux des artistes français, a demandé si, dans le cadre de la réciprocité au niveau européen, les troupes d’artistes français pouvaient également bénéficier d’un traitement privilégié à l’étranger.

Le rapporteur a rappelé que la puissance publique n’avait pas à intervenir dans les modalités d’un accord liant deux parties privées et organisant une prestation de services. La question posée renvoie néanmoins à un problème d’importance, c’est à dire à la tendance actuelle à faire appel en France, pour l’organisation de spectacles, à des formations artistiques (de pays de l’Est notamment) pratiquant une sorte de “ dumping ” pour la tarification de leurs prestations. Toutefois, le projet de loi n’a pas pour objectif de traiter de cette question.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles restant en discussion.

Article 4 (art. 4 de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles) - Délivrance et retrait de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 12 (art. 1464 A du code général des impôts) - Coordination.

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi sans modification.

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La commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Maxime Gremetz, la proposition de loi, rejetée par le Sénat, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans - n° 1375.

M. Maxime Gremetz, rapporteur, a rappelé que l’Assemblée nationale a, lors de la séance du 10 décembre 1998 réservée à l’ordre du jour fixé par les groupes politiques, adopté la proposition de loi présentée par les membres du groupe communiste et apparentés tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale diffère toutefois sensiblement de la rédaction initiale de la proposition de loi. Celle-ci comportait en effet quatre séries de dispositions visant à :

- instaurer le droit à la retraite à taux plein, sans condition d'âge, pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse ;

-  proroger et étendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) à tout salarié, sans condition d'âge, totalisant quarante annuités de cotisations vieillesse ;

- étendre la “ contribution Delalande ” pour améliorer la protection des salariés de plus de cinquante ans contre les licenciements ;

- instaurer une contribution sur les revenus financiers affectée à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

Le débat de première lecture a permis de montrer la cohérence de ces propositions et leur faisabilité financière. A la lumière des informations excessivement alarmistes subtilement distillées par le Commissariat général du Plan sur l’avenir des retraites et de la prorogation pour un an et de l’extension a minima de l’ARPE, on regrettera d’autant plus vivement que les articles de la proposition de loi portant sur ces sujets et proposant des avancées sociales favorables à l’emploi aient été déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution.

Dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, la proposition de loi vise à corriger deux failles du dispositif de la “ contribution Delalande ” ayant pour objet de réduire le risque de licenciement des salariés de plus de cinquante ans qui ont été exploitées par des entreprises pour éviter d’acquitter la contribution. A cet effet, la proposition de loi étend le champ d’application de la “ contribution Delalande ” en y assujettissant les ruptures de contrats de travail des salariés de plus de cinquante ans en cas d’adhésion à une convention de conversion (article premier) ou de refus de bénéficier d’une préretraite totale (article 2). L’article 3 prévoit en outre l’application de ces extensions aux ruptures de contrats de travail intervenues à compter du 1er janvier 1999.

On rappellera que le taux de la “ contribution Delalande ” a été majoré par un décret du 28 décembre 1998. Cette mesure vise à rééquilibrer le coût des diverses “ mesures d’âge ”. Toutefois, les entreprises de moins de cinquante salariés restent assujetties au barème antérieur. Les entreprises de vingt salariés continuent à être exonérées de la contribution pour la première rupture de contrat de travail d’un salarié âgé d’au moins cinquante ans dans une période de douze mois. Demeurent en outre exclus du champ d’application de la contribution, comme précédemment, les salariés qui, lors de leur embauche intervenue après le 9 juin 1992, étaient âgés de plus de cinquante ans et inscrits depuis plus de trois ans comme demandeurs d’emplois.

Le Sénat a, le 9 février 1999, en supprimant les trois articles du texte, rejeté la proposition de loi, contre l’avis du Gouvernement.

On soulignera le caractère paradoxal de la position défendue par M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui a reconnu en séance publique que des abus existent - “ Votre rapporteur ne nie pas que peuvent se produire çà et là des abus chez certains employeurs peu scrupuleux ” - mais a refusé les moyens de les combattre.

Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale fait le même constat mais propose, lui, de combattre les abus afin de mieux protéger les salariés de plus de cinquante ans contre le licenciement.

L’ensemble du texte ayant été rejeté par le Sénat, l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur le texte précédemment adopté par elle.

En conséquence, le rapporteur propose de maintenir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Après l’exposé du rapporteur, Mme Hélène Mignon a indiqué que les dispositions prévues par la proposition de loi n’ont pas pour objet de stigmatiser l’ensemble des chefs d’entreprise mais simplement de corriger deux failles du dispositif de la “ contribution Delalande ”. Elles constituent des mesures de moralisation visant à protéger contre le risque de licenciement les salariés de plus de cinquante ans qui ont contribué pendant de nombreuses années au développement économique

La commission est ensuite passée à l’examen des articles de la proposition de loi.

En application du deuxième alinéa de l’article 109 du Règlement, elle a délibéré sur le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture avant la décision de rejet du Sénat.

La commission a adopté l’article premier (article L. 321-13 du code du travail) : Assujettissement à la “ contribution Delalande ” des ruptures de contrats de travail des salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à une convention de conversion et l’article 2 (article L. 321-1-13 du code du travail) : Assujettissement à la “ contribution Delalande ” des licenciements de salariés ayant refusé de bénéficier d'une préretraite ASFNE sans modification.

Article 3 : Date d'application des articles 2 et 3

La commission a examiné un amendement de M. Bruno Bourg-Broc visant à prévoir l’application des articles premier et 2 aux ruptures de contrat de travail intervenant à compter de la date de publication de la loi.

M. Bruno Bourg-Broc a indiqué qu’il convenait de respecter le principe général de non-rétroactivité de la loi et d’éviter les problèmes pratiques d’application qui pourraient se poser en cas d’application rétroactive.

Le rapporteur a considéré que l’application des articles premier et 2 au 1er janvier 1999 est une mesure de précaution nécessaire visant à éviter le contournement des nouvelles dispositions avant la promulgation de la loi et s’est opposé à l’amendement.

La commission a rejeté l’amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Bruno Bourg-Broc visant à prévoir l’application des articles premier et 2 aux ruptures de contrat de travail dont la procédure a été engagée à compter du 1er janvier 1999.

La commission a adopté l'article 3 sans modification.

La commission n'a pas modifié le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

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La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Bret, la proposition de résolution de M. Philippe Vasseur visant à créer une commission d’enquête sur les conditions du cumul des missions de conception et de maîtrise d’œuvre par les architectes des bâtiments de France - n° 1326.

M. Jean-Paul Bret, rapporteur, a rappelé les quatre questions posées par l’auteur de la proposition qui juge très opaque l’exercice, à titre individuel et sous forme libérale, de missions de conception et de maîtrise d’œuvre par les architectes des bâtiments de France, agents de l’Etat. Il s’agit principalement de:

- savoir si l’architecte des bâtiments de France a officiellement obtenu l’autorisation préalable de percevoir des honoraires à titre libéral ;

- prendre connaissance du rapport sur la base duquel le ministre de tutelle a accordé une dérogation pour cumul dans l’aire géographique de la compétence du fonctionnaire ;

- connaître les sanctions administratives et les poursuites judiciaires dont les architectes des bâtiments de France sont passibles en cas d’“ oubli ” de cette demande d’autorisation ;

- savoir comment un élu ou un citoyen peut prendre connaissance de la déclaration annuelle que l’architecte des bâtiments de France doit obligatoirement adresser à son ministre de tutelle, mentionnant le montant net des rémunérations qu’il a reçues au titre de ses activités libérales.

Si la présente proposition de résolution est recevable au regard des dispositions conjointes de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, il convient d’examiner l’opportunité de créer une commission d’enquête sur ce sujet.

La profession d’architecte des Bâtiments de France compte aujourd’hui cent quatre-vingts personnes, soit un à trois postes par département et prend en charge 40 000 monuments classés ou inscrits et une centaine de secteurs sauvegardés. Ces fonctionnaires de catégorie A remplissent un rôle d’expertise technique essentiel en matière de préservation du patrimoine monumental, architectural et urbain.

L’article 14 de la loi du n° 77-2 du 3 janvier 1977 relative à l’architecture prévoit explicitement que les architectes fonctionnaires ou salariés de l’Etat peuvent être autorisés à exercer, indépendamment de leur activité régalienne et sans que puisse être mise en cause leur indépendance d’agents publics, des missions de conception et de maîtrise d’œuvre pour le compte d’autres collectivités publiques ou au profit de personnes privées. Ce système, qui déroge clairement au principe fondamental de l’interdiction de cumuler un emploi public et un emploi privé, est destiné à pallier les défaillances du secteur privé local en matière de maîtrise d’œuvre spécialisée dans la restauration du patrimoine.

Le décret du 27 février 1984 précise que les architectes des bâtiments de France ne peuvent pas exécuter de telles missions “ sauf autorisation du ministre donnée dans les conditions prévues ” par le décret n° 81-420 du 27 avril 1981 relatif au cumul des missions de conception et de maîtrise d’œuvre par certaines catégories d’architectes fonctionnaires ou salariés de l’Etat ou des collectivités locales. Il s’agit donc clairement d’un régime dérogatoire dont plusieurs actes réglementaires définissent les conditions d’autorisation et les limites du cumul d’activités.

Tout architecte des bâtiments de France souhaitant effectuer une mission à titre libéral doit recevoir l’autorisation écrite de son autorité hiérarchique. Les demandes d’autorisation sont transmises au préfet par le chef du service départemental de l’architecture et du patrimoine (SDAP) qui les adresse, assorties d’un avis motivé, au ministre chargé de l’architecture, c’est à dire, aujourd’hui, le ministre de la culture, qui statue. S’il s’agit d’un édifice protégé au titre des monuments historiques, l’avis du directeur régional des affaires culturelles doit également être recueilli.

Par ailleurs, le décret du 27 avril 1981 interdit en principe aux architectes des bâtiments de France d’effectuer, au titre du cumul, une mission de conception et de maîtrise d’œuvre dans l’aire géographique de leur compétence administrative, ceci afin d’éviter qu’ils ne soient à la fois juges et parties. Il est cependant possible de déroger à ce principe lorsque la mission projetée est directement liée aux qualifications particulières requises pour l’exercice de la fonction d’architecte des bâtiments de France. Dans ce cas cependant, la demande d’autorisation doit être accompagnée d’un rapport spécial qui précise les qualifications nécessaires justifiant la dérogation.

Ces possibilités d’exercer une maîtrise d’œuvre à titre libéral n’ont été remises en cause ni par la réforme du statut des architectes des bâtiments de France opérée en 1993, ni par le transfert de la direction de l’architecture du ministère de l’équipement au ministère de la culture en 1996. La seule modification introduite concerne les primes versées aux architectes des bâtiments de France, dont le montant est modulé, depuis 1996, en fonction des rémunérations perçues au titre du cumul.

Il convient toutefois d’examiner la pratique née de ce régime dérogatoire.

En 1998, quarante architectes des bâtiments de France ont bénéficié d’autorisation de cumul pour un total de 139 opérations et pour un montant net moyen d’honoraires de 44 000 francs par agent, les cas de cumul important se limitant en fait à une quinzaine de départements.

Statistiquement, la situation est donc loin d’être scandaleuse, mais il faut reconnaître que certaines dérives ont été constatées depuis une vingtaine d’années.

En effet, sous la tutelle du ministère de l’équipement, l’exercice sans autorisation préalable, à titre libéral, de missions de conception et de maîtrise d’œuvre par les architectes des bâtiments de France s’est développé. De plus, les demandes d’autorisation a priori qui étaient bien été transmises par le préfet comportaient rarement les informations et la motivation exigées par les textes, en particulier lorsqu’il s’agissait de demander une autorisation spéciale pour une mission dans l’aire de compétence géographique de l’architecte.

Pleinement conscient de ces dysfonctionnements et ces dérives, le ministère de la culture souhaite aujourd’hui rétablir une application rigoureuse des dispositions réglementaires actuellement existantes et préparer une évolution de la réglementation afin de garantir une pratique du cumul totalement transparente.

Dans cet esprit, dès 1996, le système d’autorisation systématique au cas par cas des missions de maîtrise d’œuvre en exercice libéral a été rétabli et des instructions ont été données aux préfets afin que leur avis joint au dossier soit motivé et argumenté. Par ailleurs, en 1997, l’Inspection de l’architecture et du patrimoine sur la maîtrise d’œuvre libérale et sa compatibilité avec les missions de service public remplies par les architectes des bâtiments de France a réalisé un premier rapport. Des rapports ponctuels sur les situations de cumul ont également été demandés à chaque service départemental de l’architecture et du patrimoine. Enfin, un rapport de l’Inspection générale des services des affaires culturelles portant sur ce même sujet a été remis à Mme la ministre le 1er mars 1999 et présente un certain nombre de propositions afin de garantir une plus grande transparence de cette pratique et un respect total des principes d’indépendance et de probité.

En conséquence, le rapporteur s’est déclaré défavorable à la création d’une commission d’enquête. Les conditions dans lesquelles les architectes des bâtiments de France peuvent être autorisés à cumuler des missions de conception et de maîtrise d’œuvre à titre libéral avec leurs activités régaliennes sont clairement établies par le droit et cette pratique, si elle doit demeurer exceptionnelle, recèle une utilité certaine pour la protection et la valorisation du patrimoine. Il ne faut donc pas l’interdire, mais être beaucoup plus rigoureux dans les modalités d’autorisation. Par ailleurs, la plupart des questions posées par l’auteur de la proposition peuvent recevoir une réponse immédiate.

S’agissant des documents prouvant que l’architecte des bâtiments de France a officiellement obtenu l’autorisation préalable de percevoir des honoraires à titre libéral ou la dérogation pour cumul dans son aire géographique de compétence, il convient de rappeler que les dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs s’appliquent : ces documents sont donc communicables aux tiers.

En ce qui concerne les sanctions encourues par un architecte des bâtiments de France lorsqu’il a pris en charge un chantier à titre libéral sans autorisation préalable, des sanctions administratives sont prononcées pour faute si, après examen du dossier, le cumul n’apparaît pas justifié. De plus, les actes effectués par l’architecte des bâtiments de France dans le cadre de sa mission de maîtrise d’œuvre exercée à titre libéral sont susceptibles de faire l’objet de poursuites devant le juge pénal. Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur la compatibilité de certaines dispositions du nouveau code pénal, comme l’article 432-11-2°, qui réprime le trafic d’influence ou l’article 432-12, relatif à la prise illégale d’intérêts avec toute mission de maîtrise d’œuvre exercée dans l’aire de compétence géographique de l’architecte des bâtiments de France.

Enfin, la déclaration des rémunérations perçues à titre libéral que tout architecte des bâtiments de France doit adresser chaque année à son administration est soumise au même régime de confidentialité que les déclarations fiscales ; protégés par le secret professionnel tel qu’il est défini à l’article 226-13 du code pénal, ces documents, qui contiennent des informations nominatives, ne sont pas communicables aux tiers.

Au bénéfice de l’ensemble de ces observations, le rapporteur a proposé de rejeter la proposition de résolution.

Après l’exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a souligné la pertinence de l’initiative prise par M. Philippe Vasseur compte tenu de la réalité et de la complexité des problèmes abordés et s’est félicité de la qualité des réponses apportées par le rapporteur. Des éléments complémentaires figurent dans le rapport d’étape du ministère qui est tenu à la disposition des membres de la commission.

M. Edouard Landrain a fait valoir que la proposition de M. Philippe Vasseur présentait l’avantage de soulever la question des prérogatives des architectes des bâtiments de France qui apparaissent en effet souvent exorbitantes et peuvent même donner lieu à des pratiques délictueuses. Des questions semblables se posent d’ailleurs pour les pouvoirs des architectes en chef des monuments historiques. La création d’une commission d’enquête permettrait au Parlement d’exercer pleinement ses compétences et de formuler des propositions adéquates.

M. René Couanau a souligné son accord avec le président quant à l’intérêt du sujet abordé par la proposition de résolution même s’il aurait sans doute été préférable d’envisager l’ensemble des conditions de fonctionnement du service des architectes des bâtiments de France. La situation des quelques architectes exerçant une activité libérale a un retentissement très négatif dans l’opinion d’autant que ces architectes apparaissent souvent comme tout puissants et que les possibilités de recours contre leurs décisions sont extrêmement réduites. Deux solutions paraissent, dès lors, envisageables : soit l’interdiction de tout cumul, critiquable dans la mesure où il existe des cas où celui-ci se justifie et qu’il permet, en outre, aux architectes des bâtiments de France de pratiquer leur art et donc d’améliorer leurs compétences, soit la publication de l’autorisation ministérielle qui permet à l’architecte d’exercer une activité libérale dans l’aire géographique de sa compétence. Dans un deuxième temps, si les abus perdurent, il serait même envisageable que soient publiées les rémunérations ainsi acquises.

Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné la nécessité de mener une réflexion d’ensemble sur la profession d’architecte, a proposé d’interroger la ministre sur l’opportunité de publier les autorisations de dérogation.

Le rapporteur a insisté sur ce que la création d’une commission d’enquête aurait de disproportionné au regard du problème examiné et a souligné la volonté ministérielle d’aller dans le sens d’une application plus rigoureuse de la réglementation et même de ne délivrer les autorisations de cumul que dans des cas tout à fait exceptionnels. Le rapport d’étape propose d’ailleurs que soient déconcentrés au préfet du département le pouvoir de délivrer les autorisations et que soit organisée une plus grande publicité des opérations afin de susciter d’autres candidatures que celles des architectes des bâtiments de France.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

Informations relatives à la Commission

La commission a nommé :

M. Jean-Paul Bret, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’innovation et la recherche ;

M. François Goulard, rapporteur sur la proposition de loi de M. Dominique Bussereau visant à protéger les droits des usagers, à améliorer le dialogue social et à assurer la continuité dans les services publics - n° 1404 ;

M. Patrick Leroy, rapporteur sur sa proposition de loi relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux - n° 1394.

La commission a désigné M. Bruno Bourg-Broc comme candidat à la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

La commission a décidé de créer un groupe de travail sur le statut des clubs sportifs professionnels qui sera présidé par M. Jean-Claude Beauchaud.


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