
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 34
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 10 mars 1999
(Séance de 16 heures 30)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
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Audition, en présence de la presse, de Mme Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité, sur le projet de loi portant création dune couverture maladie universelle n° 1419
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité, sur le projet de loi portant création dune couverture maladie universelle - n° 1419.
Mme Martine Aubry a souligné que lapport essentiel du projet consistait à mettre un terme à linadmissible injustice de linégalité devant la prévention et les soins, le niveau de revenu ne devant plus introduire de discrimination dans le domaine de la santé. Le droit à lassurance maladie est désormais garanti à tous.
Le renoncement aux soins et la dégradation de létat de santé aggravent les difficultés financières, psychologiques et familiales tout en contrariant le retour à lemploi. 30 % des personnes dont le revenu est inférieur à 3 000 francs par mois renoncent à des soins et lespérance de vie varie considérablement en fonction des critères socioprofessionnels. La réduction de linégalité devant laccès aux soins constitue un des axes majeurs de la politique de lutte contre les exclusions menée par le Gouvernement.
Le projet de loi prévoit que tout résident stable et régulier qui naurait pas de droits ouverts auprès dun régime de sécurité sociale bénéficiera, sur la seule justification de sa résidence régulière, des prestations du régime général.
Laffiliation est immédiate, ce nest quensuite que la caisse concernée recherche si la personne ne peut bénéficier de droits à un autre titre. Si elle ne relève daucun des critères traditionnels daffiliation, elle est maintenue au régime général, au titre de sa résidence.
Laffiliation est automatique, le demandeur devant produire sa carte didentité, ou, sil sagit dun étranger, sa carte de séjour.
Les droits aux prestations en nature sont ouverts dès le dépôt de la demande et leur continuité est garantie, le paiement de cotisations ne constituant plus un préliminaire à laccès aux soins. Les personnes affiliées à ce régime acquitteront une cotisation qui sera proportionnelle aux revenus. Le régime de lassurance personnelle sera supprimé et laccès aux soins facilité. Aujourdhui, 700 000 personnes nont pas accès à un régime de base obligatoire ; 550 000 dentre elles sont affiliées au régime de lassurance personnelle, régime complexe qui laisse subsister une population de 150 000 personnes ne bénéficiant daucune couverture sociale.
La couverture maladie universelle permettra, par exemple, à des jeunes en rupture de lien familial, dêtre titulaires dune carte de sécurité sociale propre, dès lâge de seize ans.
Le transfert des sommes actuellement consacrées par les divers acteurs concernés à la prise en charge des cotisations de lassurance personnelle assure à la caisse nationale dassurance maladie des travailleurs salariés (CNAM) la neutralité financière cette opération.
En outre, le projet ouvre un droit à la couverture complémentaire pour les 10 % de personnes les plus modestes de la population.
Garantir laffiliation à un régime de sécurité sociale, seul objectif du Gouvernement précédent, ne suffit pas pour autant à garantir laccès aux soins. Lassurance maladie laisse 25 % des dépenses de santé à la charge des ménages, alors que de nombreux pays européens garantissent un accès gratuit. Alors que 84 % de la population dispose dune couverture complémentaire prenant en charge le forfait hospitalier et le ticket modérateur, cette proportion tombe à 45 % dans la tranche des revenus inférieurs à 2 000 francs par mois.
Laide médicale gérée par les départements na pas résolu ces problèmes daccès aux soins. Les barèmes de ressources, lorsquils existent, sont trop restrictifs dans de nombreux départements ; certains dentre eux se limitent à lobligation légale de prise en charge des bénéficiaires du RMI. Il résulte de ces situations une inégalité de traitement sur lensemble du territoire dans le domaine de laide médicale.
Le projet ne va pas conduire à une étatisation mais tend à supprimer les inégalités de traitement liées aux lieux de résidence.
La couverture maladie universelle permettra à 6 millions de personnes de bénéficier dune couverture complémentaire sans condition de ressources. Les soins, comme le forfait hospitalier, seront pris en charge à 100 % et des remboursements adaptés seront mis en place pour les prothèses dentaires et loptique, sans facturation de dépassement. Afin de mettre un terme au problème de lavance de frais, les personnes aux revenus les plus modestes bénéficieront du tiers payant dans les deux régimes, obligatoire et complémentaire. Ce droit sera ouvert aux foyers dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 3 500 francs.
Le risque deffet de seuil est écarté par les mesures suivantes :
- les droits à la couverture complémentaire sont ouverts pendant un an, quelle que soit lévolution du revenu des bénéficiaires pendant la période de référence ;
- les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) qui viendraient à dépasser le seuil de revenus et qui auront choisi une mutuelle ou une assurance, verront leurs droits à la couverture complémentaire prolongés dun an à un tarif préférentiel ;
- les fonds daction sociale des caisses, soulagés par la mise en place de la CMU, notamment ceux des CPAM, pourront intervenir pour les personnes dont les ressources sont supérieures au barème, mais qui rencontreraient des problèmes particuliers.
La mise en uvre de la couverture maladie universelle naggrave pas le déficit de la sécurité sociale, le coût de la couverture complémentaire étant pris en charge par lEtat. Par ailleurs, le dépistage et le traitement rapide des pathologies, évitant souvent des traitement hospitaliers coûteux, conduisent à une économie. De toute façon, ce nest pas en privant de soins les plus démunis, qui consomment en moyenne 10 % de moins que le reste de la population, que lon résoudra le problème du déficit de lassurance maladie.
Sagissant de la gestion de la prestation, le choix dun système mixte est justifié par plusieurs considérations, au premier rang desquelles se trouve lintérêt des bénéficiaires. Il est apparu plus efficace de permettre leur inscription aussi bien auprès de la CPAM que des sociétés dassurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance afin de ne pas courir le risque dune carence dans lapplication de la loi en cas dengagement insuffisant de ces dernières ou dune rupture dadhésion. Cette formule mixte est à la fois la plus simple et la plus souple, la CPAM pouvant compenser, le cas échéant, la défaillance des autres acteurs de la protection complémentaire. Si inversement les mutuelles et les assurances sengagent pleinement, il sera envisageable de revenir au scénario de la couverture partenariale qui avait la préférence du Gouvernement.
La CMU nintroduit aucune modulation des remboursements en fonction des revenus. Cette prestation de solidarité, dont le coût est évalué à environ 9 milliards de francs, sera financée par un fonds dEtat. Ce fonds sera abondé par une contribution des organismes de protection complémentaire au taux de 1,75 % de leur chiffre daffaires santé et, pour le solde, par une dotation de lEtat, à qui seront transférées les sommes actuellement consacrées par les départements à laide médicale complémentaire.
Après avoir rendu hommage au travail considérable de réflexion et de négociation mené par M. Jean-Claude Boulard dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le Gouvernement, la ministre a conclu que cette loi ne visait pas à développer lassistance mais tout simplement à mettre fin à une situation sociale inacceptable en cette fin de XXe siècle.
Le président Jean Le Garrec a souligné que ce projet de loi participait dune accentuation de la politique de prévention, que la formule mixte retenue pour la gestion de la prestation était, à ses yeux, la meilleure et que la bonne application de la loi nécessiterait une grande mobilisation des acteurs sociaux ainsi que des CPAM.
M. Jean-Claude Boulard, rapporteur, a tout dabord souhaité que ce projet puisse rassembler lensemble des parlementaires, au-delà de la majorité. Il a ensuite fait état dune lettre que lui a adressé Mme Pierre Laroque, soulignant que le projet sinscrivait dans la filiation de loeuvre du père de la sécurité sociale. Loption ouverte aux usagers nintroduit pas de concurrence entre les deux systèmes mais traduit en réalité la diversité des personnes susceptibles de souscrire à ce dispositif.
En réponse, la ministre, après avoir rappelé les autres éléments de la politique du Gouvernement pour la santé des plus démunis, tels que les hôpitaux hors les murs et la généralisation des permanences daccès aux soins (PAS) dans les grands hôpitaux, a estimé que ce projet devait en effet rassembler tous les groupes et sest déclarée ouverte sur les différents points en débat dès lors que lobjectif dassurer un accès simple à la santé est respecté.
M Yves Bur, après avoir indiqué que personne ne pouvait rester insensible au sort des 6 millions de Français en situation de santé insatisfaisante, a rappelé que M. Jaques Barrot, alors quil était ministre des affaires sociales avait déjà souhaité mettre en place une assurance maladie universelle. Il serait inexact de prétendre que le système fonctionne mal, car les départements assurent déjà une aide médicale dans de bonnes conditions et il nest pas sûr que les 150 000 personnes non bénéficiaires de la sécurité sociale qui vont passer dun système de proximité à un système géré par les CPAM seront ainsi mieux traités. Dans ce nouveau système il y a un risque que lassurance maladie et les mutuelles deviennent des exécutants du ministère.
En ce qui concerne le volet complémentaire dassurance, il va de soi que les personnes concernées iront vers le dispositif le plus simple, cest-à-dire vers les CPAM plutôt que vers une mutuelle. Deux points particuliers méritent débat : le principe dune participation, même modeste, des personnes concernées et les effets de seuils, qui devront être compensés par les collectivités locales.
Mme Jacqueline Fraysse, après avoir souligné le geste important de solidarité que constitue ce projet de loi, a considéré que lobjectif essentiel devait rester de procurer à chacun un emploi afin quil puisse bénéficier dune affiliation normale à la sécurité sociale. Le développement des soins en amont et de la prévention permettra également déviter des drames humains et de limiter le coût supporté par la sécurité sociale.
Elle a ensuite posé des questions sur :
- la raison de la différence entre le niveau de plafond requis pour bénéficier de la CMU et le seuil de pauvreté, fixé à 3 800 F ;
- le maintien des contingents communaux daide médicale et la modification éventuelle des critères de leur calcul ;
- les moyens dont disposeront les CPAM pour instruire les nouveaux dossiers ;
- la place des assurances dans la gestion du volet complémentaire santé et les garde-fous prévus pour éviter une santé à deux vitesses ;
- la prise en charge des frais dentaires et doptique ;
- la nécessité détendre le tiers-payant et de réformer le forfait hospitalier qui est très lourd pour beaucoup de familles ;
- lavance de frais pour les jeunes de 16 à 18 ans en situation de rupture familiale ;
- les moyens daider les étudiants à faible niveau de ressources qui seront exclus de la CMU mais ne pourront accéder à une assurance complémentaire.
M. Denis Jacquat, après avoir indiqué que le groupe Démocratie libérale était daccord avec lobjectif du projet de loi, a évoqué les problèmes suivants :
- la fixation dun seuil différent du seuil de pauvreté, qui aboutit à exclure deux millions de personnes du bénéfice de la protection complémentaire ;
- la mise en place dun système daide en fonction du revenu pour les personnes ne bénéficiant pas de lavance de frais pour éviter leffet de seuil ;
- lintervention différenciée des départements pour limiter les effets de seuil, qui risque dentraîner une application non uniforme de la loi pour tous les citoyens ;
- lexistence dun phénomène de concurrence entre organismes pour la gestion du système complémentaire ;
- le choix de lâge de 16 ans pour pouvoir bénéficier du statut dayant-droit autonome ;
- la constitutionnalité des dispositions diverses dordre sanitaire et social ajoutées dans le projet de loi et susceptibles de constituer autant de « cavaliers législatifs ».
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia sest interrogée sur lévaluation à 1 500 F du montant annuel des dépenses des bénéficiaires de la CMU qui ne paraît pas réaliste dès lors quil y aurait une intervention chirurgicale et sur le risque daugmentation brutale de leurs dépenses de soins lors de leur entrée dans le dispositif. Elle a ensuite souhaité avoir des précisions sur le financement du fonds, en particulier en cas de dépassement des neuf milliards de francs annoncés.
Mme Gilberte Marin-Moskovitz sest félicitée du dépôt de ce projet de loi qui constitue une nouvelle victoire contre lexclusion en permettant à tous les Français daccéder aux soins selon les mêmes principes et de façon égalitaire sur lensemble du territoire. Ce projet répond à une nécessité et ne devrait pas entraîner dabus comme le montre lexpérience des cartes de santé dans certains départements. Cette expérience souligne par ailleurs le besoin impératif daccompagner les personnes qui bénéficieront de la CMU afin de leur expliquer létendue de leurs droits.
Mme Odette Grzegrzulka a souhaité obtenir des précisions sur la condition de domiciliation qui devra être remplie par les personnes sans domicile fixe pour pouvoir bénéficier de la CMU au regard des difficultés posées en particulier à Paris par cette exigence de domiciliation. Elle a ensuite observé que la diminution, sans modulation par département, de la dotation globale de décentralisation allait avoir lieu sans avoir obtenu lassurance que ceux-ci feront tous un effort suffisant pour « lisser » leffet de seuil, effet dautant plus redoutable quil se cumule avec dautres effets de seuil. Il conviendrait donc de sinterroger sur une progressivité des fonds remontant des départements vers lEtat en fonction des efforts consentis par chaque département.
En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :
- Ce projet nopère aucune modification de frontières, ni en terme de gestion, ni en terme de financement, entre les caisses et les organismes complémentaires. Tous les départements avaient délégué la gestion de laide médicale gratuite aux caisses primaires dassurance maladie (CPAM) qui continueront donc à exercer une tâche quelles assuraient déjà. Pour autant, leur travail nen sera pas considérablement alourdi, dune part parce que louverture dun dossier CMU sera extrêmement simple et, dautre part, parce que la télétransmission des feuilles de soins électroniques aux caisses, mis en place par le système Sésam-Vitale, va alléger leurs autres tâches de gestion et libérer des agents.
- Les bénéficiaires de la CMU seront tout autant aptes que les autres à choisir lorganisme qui assurera leur couverture complémentaire. Il nest pas sûr quils se tourneront inévitablement vers la CPAM pour la gestion de leur couverture complémentaire. Dabord parce quun grand nombre dorganismes seront à même de les guider dans leur choix, ensuite parce que les bénéficiaires devraient être sensibles au fait quà la sortie de la CMU, pour une période dun an, il leur sera possible de prolonger leur adhésion à un régime complémentaire à un tarif préférentiel.
- Il est vrai que les départements ont fait des efforts plus ou moins importants en matière daide médicale. Sur 72 départements étudiés, 39 ont appliqué strictement la loi, cest-à-dire ont retenu comme seuil dattribution celui du RMI, 25 ont fixé ce seuil entre le RMI et 3 500 F et seulement 8 ont retenu un seuil supérieur ou égal à 3 500 F. Choisir de faire remonter vers lEtat les sommes affectées à laide médicale en 1997 diminuées de 5 % présente lavantage déviter douvrir un débat complexe sur la modulation. En effet, parmi les départements qui ont fait les efforts les plus importants, certains étaient en mesure dy procéder parce quils comptaient le moins de personnes en difficulté et inversement. La règle des 5 % permet en réalité dassurer une certaine solidarité entre les départements riches et pauvres. Elle évite davoir à accroître la part des départements qui en étaient restés à lapplication stricte de la loi simplement parce quils comptaient un nombre considérable de personnes relevant de laide médicale gratuite. Il faut dailleurs signaler que ce système a été approuvé par lAssemblée des présidents de conseils généraux (APCG).
- La fixation dun seuil entraîne en elle-même des effets critiquables. Le seuil de pauvreté, souvent invoqué, donne lieu, en réalité, à des évaluations variables selon les organismes : 3 500 F pour lINSEE, 3 800 F selon les statistiques internationales, 3 200 F pour le Haut comité de la santé publique.
Les seuils fixés par la loi pour lattribution de laide médicale gratuite aboutissaient à en faire bénéficier 1,4 million de personnes, 2 millions en réalité, en raison de majorations des seuils opérés par certains départements. La CMU concernera 6 millions de personnes. Augmenter le seuil retenu de 200 à 300 F conduirait à étendre le dispositif à 2 millions de personnes supplémentaires pour un coût de 2 à 3 milliards de francs.
La compensation des effets de seuils pourra en revanche être opérée par les caisses de sécurité sociale et les collectivités locales grâce aux sommes précédemment affectées à des dépenses de santé qui seront prises en charge par la CMU. En effet, la CMU allégera les charges des fonds daction sociale des caisses : 650 millions de francs sont distribués par les fonds daction sanitaire et sociale des CPAM et 240 millions de francs par les fonds daction sociale des caisses dallocations familiales. De même, les départements vont conserver les personnels affectés auparavant à la gestion de laide médicale ainsi que 5 % des sommes qui y étaient consacrées en 1997. Sy ajoute la part des 12 milliards de francs des contingents communaux daide sociale versés au titre de laide médicale, cest-à-dire 1,5 milliard. Cette question est cependant encore en discussion entre le ministre de lintérieur, lAPCG et les représentants des maires. Au total, ce seront donc trois à quatre milliards de francs, auparavant consacrés à laide médicale, qui seront disponibles et pourront être consacrés, au moins en partie, par les caisses et les collectivités territoriales à des dépenses daide sociale en direction des personnes se situant au-dessus du seuil retenu et se trouvant pourtant dans une situation personnelle difficile.
- La prise en charge des dépenses de soins des bénéficiaires de la CMU se fera automatiquement, quelle que soit la structure où ces soins sont prodigués : hôpital, centre de soins, médecin.
- Lâge de seize ans a été choisi car il sagit de lâge où lon devient assuré social, selon le code de la sécurité sociale et de lâge de la fin de lobligation scolaire selon le code du travail.
- Le régime spécifique des étudiants est maintenu, pour la couverture de base, au sein du régime général. Les étudiants qui remplissent les critères posés dans la loi pourront bénéficier de la couverture complémentaire de la CMU.
- Pour ce qui est des dépenses doptique, de prothèses dentaires et de dispositifs médicaux, il est prévu daller au-delà du ticket modérateur dans le remboursement. Déjà, dans le système actuel, des mutuelles et des assurances négocient des prix bas avec les fabricants.
- Lextension du tiers-payant à lensemble de la population, même si certains professionnels de santé ny semblent pas favorables, serait une mesure positive.
- La concurrence entre les assurances et les mutuelles ne devrait pas exister dans la pratique dans la mesure où les assurances, les mutuelles et les institutions de prévoyance ne pourront pas choisir ou refuser les assurés. Si concurrence il y a, elle ira dans le sens dune amélioration du service rendu aux assurés notamment sous la forme de bilans de santé gratuits ou de mesures de prévention.
- Sagissant du titre IV du projet de loi, il sagit de mesures de santé publique et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel concernant les cavaliers législatifs ne sapplique quaux amendements.
- Il na pas de risque de forte augmentation des dépenses de soins par les futurs bénéficiaires de la CMU ; les statistiques montrent que les personnes les plus modestes dépensent en moyenne 10 % de moins que les autres en matière de santé. On peut sattendre toutefois à une augmentation conjoncturelle de ces dépenses lors de lentrée dans le dispositif du fait dune mise à niveau.
- Avec la loi de lutte contre les exclusions, les « sans domicile fixe » peuvent être effectivement domiciliés par une association, ce qui facilitera beaucoup la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle.
M. Pascal Terrasse a souligné que les deux principes fondamentaux du projet de loi étaient la dispense de lavance des frais et la non sélection des personnes et des risques, deux principes quil conviendrait de généraliser à lensemble des bénéficiaires du régime général. Il a ensuite posé des questions sur :
- la nécessité dune véritable politique de promotion de la santé, notion insuffisamment mise en avant dans le projet de loi ;
- le problème de lappréciation des ressources : une personne bénéficiant dune allocation du fonds national de solidarité et dune allocation de logement sera-t-elle considérée en dessous du plafond de ressources ?
- la possibilité de faire participer financièrement, même symboliquement, les bénéficiaires afin de préparer leur sortie du dispositif.
M. Maxime Gremetz a formulé les observations suivantes :
- Le rétablissement de légalité entre les départements sera particulièrement délicat à réaliser. Il est clair quun département, comme la Seine-Saint-Denis par exemple, subira un prélèvement relativement plus lourd que les Hauts-de-Seine.
- Il semble difficile de garantir laide médicale aux personnes en situation irrégulière dans la mesure où leur interlocuteur sera le représentant de lEtat lui-même chargé de veiller aux règles en matière dimmigration clandestine.
- Il sera nécessaire daller à la rencontre des 150 000 personnes non affiliées actuellement qui sont des personnes en situation de grande exclusion.
M. Alain Veyret, après avoir considéré que la couverture maladie universelle ne relevait pas de lassistanat mais permettait de restaurer le droit à la protection sociale tel quil avait été conçu en 1944 par le Conseil national de la résistance, a souhaité que le projet de loi prenne également en compte le cas des personnes atteintes de pathologies lourdes entraînant des arrêts de travail de longue durée. Pour les plus défavorisés, par exemple, les titulaires de CES, lindemnité journalière trop faible versée dans ce cas par lassurance chômage devrait être révisée pour éviter les situations de précarité.
Par ailleurs, il existe de nombreuses personnes qui, bien que bénéficiant dun revenu supérieur au plafond de 3 500 francs, sont objectivement des exclues. Selon le projet de loi, elles ne pourront pas bénéficier de la CMU. Pour atténuer cet effet de seuil, il serait souhaitable que lEtat leur attribue, pour leur couverture complémentaire, une aide à la mutualisation proportionnelle à leur revenu.
M. Marcel Rogemont a évoqué le cas des petites mutuelles, de collectivités locales notamment, qui ne réunissent que quelques milliers dadhérents. La contribution de 1,75 % qui serait exigée delles pour participer à la CMU risque de peser lourdement sur leur équilibre. Il serait donc souhaitable de prévoir une taxation différenciée en leur faveur.
M. Jean Michel Dubernard a formulé des observations sur :
- la nécessité de ne pas passer sous silence laction des prédécesseurs de la ministre, en particulier M. Xavier Emmanuelli, qui ont permis daboutir au présent projet de loi ;
- le risque que la mise en concurrence des caisses et des organismes et institutions complémentaires ne conduise à une situation comparable à celle existant aux Etats Unis pour les HMO, à savoir un nivellement par le bas des prestations offertes ;
- lincompatibilité du dispositif prévu à larticle 20 du projet avec les règles européennes en matière de libre prestation de services, le système proposé ne relevant ni de la contribution, ni de laide sociale mais constituant un régime dexception assez discutable ;
- le risque dincitation au contournement des règles du droit du travail et à la banalisation du travail clandestin ;
- le rôle des mutuelles étudiantes dans le dispositif de la CMU alors que 95 % des étudiants ont un revenu inférieur au seuil retenu de 3 500 francs par mois.
M. Edouard Landrain a posé des questions sur :
- les sécurités envisagées pour éviter les dérapages de la contribution des départements et des communes au financement de la CMU ;
- lopportunité dune contribution, même modique, des bénéficiaires au financement du système ;
- les actions spécifiques envisagées en matière dinformation sur la CMU et de prévention en matière de santé, notamment en milieu scolaire.
En réponse aux intervenants, la ministre a donné les indications suivantes :
- Le calcul des ressources prises en considération pour déterminer le droit à la CMU se fera comme pour les autres minima sociaux, cest-à-dire en tenant compte des seuls revenus permanents ; les allocations exceptionnelles, comme lallocation de rentrée scolaire, ne seront donc pas prises en compte.
- Léventualité dune contribution personnelle a été longuement étudiée avant dêtre abandonnée. A priori, il semblait possible voire souhaitable de prévoir une contribution minimale de lordre de 30 francs par foyer et par mois. Mais se posait alors la question des conséquences dun non-paiement. Fallait-il suspendre le bénéfice de la CMU ? Ou bien engager des poursuites ? Pour de si petites sommes, aucune poursuite naurait jamais été engagée. La contrevenance se serait donc retrouvée, de facto, impunie et le principe même de la contribution, dépourvu de sens. En tout état de cause, une telle contribution serait totalement antinomique avec le souhait, manifesté par certains, de relever le plafond.
- Pour atténuer leffet de seuil, le texte prévoit de faire bénéficier les personnes qui sortiront du dispositif de la CMU, pendant un an, dun tarif préférentiel pour la poursuite de leur affiliation à un régime complémentaire.
- La prise en compte des dépenses de santé réelles pour les dépenses des départements est apparue comme plus juste que la référence au pourcentage de population concernée, car cela aurait conduit à renforcer la contribution des départements les plus pauvres ou ayant une forte proportion de personnes démunies.
- Linformation sur la CMU devra être diffusée le plus largement possible, dans les caisse dassurance maladie, les collectivités locales et les lieux de soins, mais également dans toutes les structures fréquentées par les personnes en difficulté.
- Lévolution de la contribution des départements sera indexée sur laugmentation de la dotation générale de décentralisation ; il ny a donc pas de risque de dérapage.
- Les petites mutuelles sont tout à fait prêtes à sengager dans la CMU car elles y retrouvent les missions fondatrices de la mutualité. Leur proximité à légard des populations concernées leur permettra sûrement de jouer un rôle positif.
- La mise en concurrence des différents organismes dassurance complémentaire ne se fera pas au prix dun nivellement par le bas puisque la loi fixera le niveau minimal de prestations exigé. Au contraire, la concurrence jouera vers le haut par loffre de services complémentaires de promotion de la santé et de prévention que proposeront les organismes complémentaires.
- La lutte contre le travail clandestin est une préoccupation constante du Gouvernement. Depuis dix ans, le nombre de procès verbaux est en constante augmentation. Une récente circulaire adressée aux inspecteurs du travail poursuit les efforts engagés en faveur dun contrôle accru.
- Les étrangers en situation irrégulière sont aujourdhui pris en charge par laide médicale départementale accordée sous condition de revenu. Le projet de loi se contente de transformer cette aide en une aide médicale de lEtat mais ne modifie pas le dispositif.
- De lavis des différents experts consultés, il ny a pas dincompatibilité entre le projet de loi et les règles européennes en matière de libre prestation de service.
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