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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 29 avril 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen des propositions de loi de :

- Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie – n° 1515

- M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs – n° 1503 rectifiée

- M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie – n° 1353

- M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs – n° 1514

- M. Jean-Louis Debré tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement – n° 1560

(Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné, sur le rapport de Mme Gilberte Marin-Moskovitz, les propositions de loi de :

- Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie – n° 1515,

- M. Jean-Jacques Denis tendant à favoriser le développement des soins palliatifs – n° 1503 rectifiée,

- M. Bernard Perrut tendant à créer un congé d’accompagnement des personnes en fin de vie – n° 1353,

- de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs - n° 1514,

- et de M. Jean-Louis Debré, tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l’accompagnement – n° 1560.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que ce débat était organisé dans le cadre de la matinée réservée à un ordre du jour fixé par le groupe RCV. La proposition de loi rédigée par Mme Gilberte Marin-Moskovitz servira donc de base à la discussion mais lui seront jointes pour son examen en commission les propositions de loi de MM. Jean-Jacques Denis, Bernard Perrut, Roger-Gérard Schwartzenberg et Jean-Louis Debré. Il a rappelé l’intérêt des travaux menés sur le même sujet par le Sénat, dans sa proposition de loi n° 105 adoptée, à l’initiative de M. Lucien Neuwirth, le 7 avril 1999 et a annoncé qu’il proposera, avec Mme Gilberte Marin-Moskovitz, la reprise, par voie d’amendements, de certaines des dispositions adoptées par celui-ci.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur, a tout d’abord souligné combien la douleur et la mort constituent des sujets difficiles. La douleur a longtemps été considérée comme salvatrice, elle est encore parfois niée, par exemple chez les enfants et les personnes âgées. La mort était autrefois plus familière ; aujourd’hui on tend à la « déléguer » : on meurt de plus en plus à l’hôpital et en maison de retraite et plus souvent seul. L’évolution des conditions d’existence et les progrès de la médecine ont en effet modifié radicalement la fin de vie.

Les soins palliatifs se sont développés essentiellement à l’initiative de bénévoles ou d’actions isolées. Malgré les progrès que constituent le rapport Delbecque, l’initiative de M. Claude Evin en faveur de la reconnaissance des droits des patients ou le plan triennal de lutte contre la douleur mis en place par le Gouvernement en janvier 1998, l’évolution reste trop lente et disparate selon les régions.

La fin de la vie est au centre des préoccupations des Français ; il est donc normal que le Parlement ait pris plusieurs initiatives sur ce sujet. De ce point de vue, la proposition de loi du Sénat adoptée à l’initiative de M. Lucien Neuwirth doit être saluée et certaines de ses dispositions méritent d’être reprises par voie d’amendements.

Après l’exposé du rapporteur, M. Bernard Perrut a regretté que la commission ne consacre pas davantage de temps à l’examen d’un sujet aussi fondamental et que le Gouvernement n’ait pas lui-même présenté un projet de loi, conformément aux annonces faites par le ministre. On peut se réjouir des initiatives d’origine parlementaire et saluer notamment celle de M. Lucien Neuwirth. Si beaucoup reste à faire pour développer les unités et les équipes mobiles de soins palliatifs deux points essentiels doivent être soulignés : la nécessité de soutenir et renforcer le travail des bénévoles et celle de créer un congé d’accompagnement en faveur des proches des malades.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a estimé que la question des soins palliatifs relevait de l’éthique et de la conscience, ce qui explique l’absence de clivages politiques en la matière Il est d’ailleurs naturel que les parlementaires exercent leur droit d’initiative sur un tel sujet qui concerne tous les citoyens.

Il est essentiel de mettre l’accent sur la notion de « droit aux soins palliatifs », s’insérant dans les droits plus généraux du malade qui incluent le droit au soulagement de la douleur et le droit à une fin digne. Aujourd’hui, il s’agit d’un droit formel, et non d’un droit réel : seul 1 % des personnes qui meurent ont accès aux unités de soins palliatifs. L’insuffisance de celles-ci résulte notamment de l’absence d’une enveloppe spécifique dans les dotations hospitalières.

Par ailleurs, il conviendra de suivre l’application de la future loi : dans ce but, on pourrait envisager la création d’une délégation parlementaire commune aux deux assemblées disposant des prérogatives des commissions d’enquête, qui serait chargée d’informer celles-ci sur le développement des soins palliatifs et l’amélioration des conditions de fin de vie et à laquelle il pourrait être demandé de remettre un rapport avant le 30 juin 2000 sur l’état des droits des maladies en fin de vie.

M. Renaud Muselier a indiqué que la question des soins palliatifs constituait un réel débat de société auquel il convenait d’apporter une réponse digne en le distinguant des débats sur l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie. Il est nécessaire en particulier de prévoir l’introduction des soins palliatifs dans la carte sanitaire et une prise en charge des frais de formation, de développer les soins palliatifs dans tous les établissements de santé, médico-sociaux ainsi que dans les centres de lutte contre le cancer, d’élargir les missions de l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) et de créer un congé d’accompagnement.

M. Jean-Jacques Denis a estimé que la Représentation nationale se trouvait en présence d’un débat qui transcende les clivages politiques. Il existe une situation d’urgence au vu du relatif retard de la France dans ce domaine. Le Gouvernement a débloqué des crédits budgétaires au cours de l’année passée mais il reste nécessaire de pérenniser ces efforts par la loi. La proposition de loi déposée par Mme Marin-Moskovitz et celle dont il est l’auteur développent la même approche en faveur, en particulier, de la formation des bénévoles, de la création d’un congé d’accompagnement et du respect des droits des malades au moyen de la recherche d’un consentement libre et éclairé.

Les travaux sur les soins palliatifs engagés parallèlement par l’Assemblée nationale et le Sénat devraient permettre de trouver de nombreux points d’accord et de consensus. Cependant ce texte ne doit pas traiter de l’euthanasie, ce débat ayant été engagé par le secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale au sein d’un groupe de travail.

Mme Christine Boutin a souligné l’accord unanime recueilli au Sénat par la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth. Elle a déploré que la question des soins palliatifs ne soit abordée que sous le seul angle de l’hospitalisation et exprimé le souhait de voir développée la place de la famille dans ce domaine, à travers l’extension des soins palliatifs à domicile. Par ailleurs, il est nécessaire de développer en France un véritable enseignement sur le traitement de la douleur. Enfin, on ne peut parler de dignité devant la mort, l’homme étant digne par nature, quel que soit son état de santé.

M. Pascal Terrasse a indiqué que le développement des soins palliatifs doit concerner tous les âges de la vie. Il a souligné la nécessité de prévoir un financement important des unités de soins palliatifs en mettant, notamment, en place une fongibilité des enveloppes sanitaires en faveur des établissements médico-sociaux qui manquent cruellement de moyens pour satisfaire la demande. Aujourd’hui, quand 90 % des personnes décèdent à l’hôpital, ou en institution, il faut s’interroger sur le rôle des familles dans l’accompagnement en fin de vie et ne pas écarter la question de l’euthanasie.

M. Jean-Michel Dubernard a rappelé qu’il convenait d’une part de développer des solutions hors milieu hospitalier où le nombre de lits consacrés aux soins palliatifs est insuffisant. La question des bénévoles pose par ailleurs un problème concret puisqu’il n’est pas psychologiquement possible d’accompagner plus de cinq ou six personnes. Il a estimé que la notion de soins palliatifs et d’accompagnement devait être intégrée dans le contexte plus large du droit des malades. Tout doit être entrepris pour rechercher une synthèse des différentes propositions de loi qui puisse recueillir l’unanimité de la Représentation nationale, en dehors de toute polémique.

Mme Odette Trupin a formulé les remarques suivantes :

- les discussions devant la commission sont la preuve de l’importance de ce débat qui reçoit un vif écho au sein de la population ;

- la question des soins palliatifs recouvre en réalité plusieurs enjeux éthiques : celui de la conception d’une vie forcément mortelle, celui de l’exigence relationnelle du malade, acteur de sa vie et de sa maladie à côté de l’équipe médicale, qui conserve toute sa responsabilité, et de la famille qui doit être consultée mais aussi accompagnée, et celui du respect qui doit être porté à une mort dans la dignité en liaison avec la recherche d’une médecine plus humaine.

Mme Catherine Génisson a souligné l’importance du développement des soins palliatifs à domicile avec la même exigence de qualité que celle que l’on entend donner à ces soins dans les hôpitaux.

Le président Jean Le Garrec, après avoir observé que l’examen d’un texte dans des délais relativement brefs ne réduisait pas, pour autant, l’importance de celui-ci, a rappelé que les travaux du Sénat en la matière seront pris en compte en dehors de tout esprit de polémique. Le présent débat n’occulte pas celui sur l’ensemble des droits du malade qui doit se poursuivre avant de trouver une traduction législative. Les questions autour de la mort dans la dignité, actuellement étudiées dans le cadre d’un groupe de travail créé par le secrétariat d’Etat à la santé, ne doivent pas être mélangées avec celle des soins palliatifs.

Enfin, pour veiller à l’application de la future loi, la nomination par la commission d’un rapporteur chargé d’en assurer le suivi serait préférable à la création d’une délégation parlementaire.

Le rapporteur a indiqué que le développement des soins palliatifs devrait rendre moins urgent l’adoption d’une législation sur la question d’une mort dans la dignité et qu’en tout cas, il était important de ne pas confondre les deux débats.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a remarqué que s’il était extrêmement difficile de parler de l’euthanasie, il était également difficile de s’en abstenir par une autocensure qui n’honorerait pas le Parlement. L’existence d’un groupe de travail gouvernemental sur cette question n’exclut pas que soit mené au Parlement une réflexion sur les problèmes que la loi sur les soins palliatifs laissera nécessairement subsister.

La commission a ensuite procédé à l’examen des articles de la proposition de loi de Mme Gilberte Marin-Moskovitz tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie – n° 1515.

Article premier : Définition des soins palliatifs et accès à ces soins

La commission a examiné un amendement de rédaction globale de M. Renaud Muselier reprenant l’article 1er du texte adopté par le Sénat et précisant notamment que les soins palliatifs et d’accompagnement prennent en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle de la personne et de son entourage.

M. Renaud Muselier a souligné que même s’il était difficile de fixer la frontière entre soins curatifs et soins palliatifs, il fallait inscrire dans la loi une définition de ces derniers. La définition proposée s’inspire des travaux de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. En outre, il faut affirmer que ces soins ne s’adressent pas seulement aux malades en phase terminale mais à tous ceux pour lesquels le pronostic vital est en jeu.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que la proposition de loi avait fait le choix d’inscrire les différentes définitions dans le code de la santé publique et que cet amendement pourrait donc être revu sous forme de sous-amendements aux propositions du rapporteur sur le sujet.

Après que le rapporteur a indiqué qu’elle trouvait que la définition proposée était insuffisante et que les notions de souffrance psychologique, sociale et spirituelle, relevant du domaine privé, ne lui paraissaient pas devoir figurer dans un texte de loi, la commission a rejeté cet amendement.

Article L. 1-1 nouveau du code de la santé publique : Droit aux soins palliatifs

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à affirmer que toute personne malade et tout usager du système de santé a des droits.

Le rapporteur a précisé qu’il importait d’affirmer que tout usager du système de santé avait des droits reconnus par la loi et que ceci devait être inscrit en tête du code de la santé publique afin de souligner que l’homme doit être au cœur des priorités de la santé publique.

M. Jean-Claude Boulard s’est interrogé sur la portée exacte de cette affirmation et a souligné qu’il risquait d’en résulter une restriction dans la conception des droits de l’homme. Ceux-ci sont reconnus aux hommes en tant que personnes humaines et pas seulement en tant que malades.

Mme Christine Boutin a observé que cet ajout n’avait pas grande signification et, en outre, affirmait des droits sans pour autant parler de devoirs.

M. Bernard Accoyer a dénoncé une disposition de caractère incantatoire qui n’ajoute rien aux droits fondamentaux.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a observé qu’il n’était pas toujours inutile de procéder à certaines proclamations et qu’il était essentiel de parler d’un malade comme d’une personne disposant de droits et non comme simplement d’un corps.

Le rapporteur a retiré l’amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur et de M. Jean-Jacques Denis précisant que toute personne, « quel que soit son âge », a accès aux soins palliatifs.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur, a expliqué qu’il s’agissait de garantir que les soins palliatifs soient également accessibles aux enfants.

Mme Christine Boutin s’est opposée à l’amendement en rappelant que l’enfant est une personne.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que cet amendement n’était pas juridiquement acceptable car il risquait d’entraîner une réduction du concept de personne qui, comme tout concept fondamental du droit, n’a pas besoin d’être précisé.

Les deux amendements ont été retirés par leurs auteurs.

La commission a examiné en discussion commune :

- un amendement de Mme Muguette Jacquaint substituant à l’expression « maladie grave » l’expression « maladie mettant en jeu le pronostic vital »,

- un amendement du rapporteur précisant la notion de maladie grave par le fait qu’elle ne répond plus de manière satisfaisante aux thérapeutiques curatives.

Mme Christine Boutin s’est opposée à l’amendement de Mme Muguette Jacquaint en rappelant que les soins palliatifs n’étaient pas exclusivement réservés aux malades en fin de vie. Les méthodes qu’ils mettent en œuvre peuvent être utilisées même si le pronostic vital n’est pas en jeu.

Mme Catherine Génisson a considéré que la définition retenue par cet amendement ne convenait pas car il existe des pathologies comprenant un risque vital qui ne nécessitent pas de soins palliatifs.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que la notion de gravité se suffisait à elle-même.

M. Alfred Recours a rappelé qu’il existait actuellement un consensus sur la notion de soins palliatifs et que toute précision risquait d’entraîner plus de problèmes que d’éclaircissements.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a précisé qu’il existait des maladies graves, comme la tuberculose, qui, normalement, ne nécessite pas de soins palliatifs et s’est interrogé sur le degré de précision juridique de la notion de « maladie grave », terminologie quelque peu littéraire.

M. Georges Hage, se déclarant convaincu par les arguments développés, a retiré l’amendement de Mme Muguette Jacquaint.

Le rapporteur, après avoir rappelé que son amendement tendait à faire la synthèse entre les définitions des soins palliatifs proposées par les différentes propositions de loi, l’a retiré.

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que l’accès à des soins palliatifs est un droit, M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Mme Christine Boutin s’étant déclarés favorables à cet amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que toute personne atteinte d’une maladie grave a également accès à des soins d’accompagnement.

Le rapporteur a fait valoir que les soins palliatifs ne sont pas limités à des seuls actes techniques, mais peuvent également comprendre des soins d’accompagnement de proximité de nature à soutenir psychologiquement la personne malade.

M. Bernard Perrut a considéré que cet ajout rejoignait les dispositions de la circulaire du 26 août 1986 qui intègre un volet d’accompagnement psychologique dans la définition des soins palliatifs. Cette disposition permettra d’approfondir la réflexion sur l’attitude à adopter envers les personnes en fin de vie.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a fait observer que l’accompagnement ne relevait pas de soins, comme peut le laisser penser l’actuelle rédaction de l’amendement.

M. Jean-Jacques Denis a également considéré que s’il était important de faire figurer la notion d’accompagnement dans le texte, il ne fallait pas la confondre avec celle de soins.

Après que le rapporteur ait accepté une modification proposée par le président Jean Le Garrec pour prévoir que la personne a droit à des soins palliatifs et à un accompagnement et non à des soins d’accompagnement, la commission a adopté l’amendement ainsi modifié.

Article L. 1-2 nouveau du code de la santé publique : Définition des soins palliatifs

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que les soins palliatifs visent à sauvegarder le sens de la dignité de la personne malade et le respect qui lui est dû.

M. Jean-Claude Boulard a considéré que cet amendement était une source d’ambiguïté car il semble laisser penser que c’est à la personne malade de garder le sens de la dignité. Quant au respect qui lui est dû, c’est une notion qui est comprise dans la définition juridique retenue pour le concept général de « dignité de la personne humaine ».

Le rapporteur ayant approuvé cette argumentation, l’amendement a été retiré par son auteur.

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Jacques Denis précisant que le soutien à l’entourage de la personne malade relève à part entière de la mission des soins palliatifs.

La commission a examiné un amendement du rapporteur transférant la disposition qui précise que la personne malade peut s’opposer à toute investigation thérapeutique dans un nouvel article L. 1-3 dans le code de la santé publique, distinct de celui portant définition des soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué que cette rédaction avait pour conséquence que le droit d’opposition s’appliquait à tous les malades et non pas seulement aux personnes ayant accès aux soins palliatifs.

Mme Catherine Génisson a fait observer que cette disposition existait d’ores et déjà dans le code de la santé publique et qu’il était donc préférable de la maintenir dans la définition des soins palliatifs afin de lui donner plus de force.

Le rapporteur a proposé de réserver l’amendement jusqu’à ce que la présence de cette disposition dans le code de la santé publique soit vérifiée et a retiré son amendement en vue d’un éventuel examen au cours de la réunion que tiendra la commission en application de l’article 88 du Règlement.

Après l’article 1er

La commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Denis visant à créer un titre II dans le Livre préliminaire du Code de la santé public, relatif au consentement et à introduire dans ce titre quatre articles L. 1-6 à L. 1-9 posant le principe de consentement de la personne malade à tout acte médical.

M. Jean-Claude Boulard a suggéré à son auteur de le retirer afin de ne pas engager un débat, certes essentiel, mais portant sur un thème dépassant largement l’objet de la proposition de loi.

Mme Christine Boutin, après avoir jugé l’amendement d’un grand intérêt, a indiqué que si son auteur le retirait, elle le reprendrait à son compte.

M. Bernard Accoyer s’est déclaré défavorable à l’adoption de cet amendement qui, bien que posant un problème majeur, serait lourd de conséquences et impliquerait des modifications allant au-delà de l’objet de la proposition de loi.

Le rapporteur après avoir déclaré son attachement à la notion d’autonomie de la personne malade, a néanmoins relevé le caractère trop large de l’amendement qui vise tout acte médical et non pas uniquement les actes de soins palliatifs.

Mme Christine Boutin, après avoir regretté que de nombreux sujets importants étaient souvent écartés sous prétexte qu’ils ne s’inséraient pas dans les textes de loi présentés, a rappelé que, lors des discussions sur les lois relatives à la bioéthique, la question du consentement des personnes avait été traitée. Selon la loi, le consentement est réputé acquis notamment en matière de dons d’organes après la mort , à moins que la personne intéressée n’ait, de son vivant, signifié qu’elle s’y opposait. Elle a donc suggéré de sous-amender l’amendement de M. Denis pour substituer à l’expression trop extensive de « tout acte médical » celle d’ « acte de soins palliatifs ».

Après que le président Jean Le Garrec s’est déclaré en défaveur de l’adoption de cet amendement, au motif que le thème n’entre dans le champ de la proposition de loi en discussion, la commission a rejeté l’amendement.

Article additionnel après l’article 1er : Prise en compte des soins palliatifs dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire

La commission a examiné deux amendements identiques de M. Renaud Muselier et de Mme Muguette Jacquaint visant à prendre en compte les soins palliatifs dans la carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire.

M. Renaud Muselier a estimé que les soins palliatifs n’étaient pas suffisamment pris en compte car ils ne bénéficient pas de traitement à part dans le cadre de la carte sanitaire. De nombreux projets intéressants ne sont pas mis en œuvre car ils n’obtiennent pas l’autorisation nécessaire.

Mme Catherine Génisson, après s’être déclarée en faveur de cet amendement, a noté que cela ne devrait pas avoir pour effet de diminuer ou de défavoriser les soins palliatifs pratiqués à domicile.

M. Jean-Jacques Denis a relevé que la carte sanitaire et les SROS ne semblaient pas prendre en compte les équipes mobiles.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a noté que le contenu de l’amendement présenté correspondait à celui de l’article 4 de la proposition qu’il a lui-même présentée, ce qui témoigne des convergences fortes existant sur certains sujets d’importance.

Mme Christine Boutin a considéré que cet amendement, qui devait faire l’objet d’une lecture globale, ne nuisait en rien aux soins palliatifs à domicile. L’offre de soins palliatifs comprend en effet les soins exercés à domicile.

Le rapporteur, après s’être déclarée favorable à une partie de l’amendement, a exprimé sa crainte que l’inscription des soins palliatifs dans la carte sanitaire ne débouche, le cas échéant, sur une diminution des lits dans d’autres structures.

La commission a adopté les amendements.

Article additionnel après l’article 1er : Reconnaissance des soins palliatifs comme discipline hospitalière

La commission a examine deux amendements identiques de Mme Muguette Jacquaint et de M. Renaud Muselier visant à reconnaître les soins palliatifs comme une discipline hospitalière à part entière.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz après avoir noté la nécessité absolue de développer la formation des personnels ayant vocation à pratiquer des soins palliatifs, s’est déclarée défavorable à l’adoption de cet amendement. Il faut former tous les personnels soignants aux soins palliatifs et non spécialiser une certaine catégorie de personnel.

M. Jean-Jacques Denis a considéré que si les soins palliatifs devaient être de façon croissante l’apanage de certains personnels de plus en plus spécialisés, la formation aurait tendance à devenir de plus en plus lourde à gérer et de plus en plus longue. Les diplômes importent moins en la matière que les qualités humaines des soignants concernés.

Mme Christine Boutin a insisté sur l’importance de la formation des personnels médicaux ayant à pratiquer des soins palliatifs.

M. Bernard Accoyer a souhaité que les soins palliatifs soient mieux identifiés comme discipline et donnent lieu à des formations spécifiques. Certains professionnels de santé de même que les personnels bénévoles ou d’associations ne sont pas correctement préparés en effet à prodiguer ce type de soins et à affronter et réagir de façon adéquate à la douleur et à l’angoisse des malades à l’approche de la mort.

Mme Odette Trupin s’est prononcée en défaveur de cet amendement qui aboutirait à isoler de façon inefficace les personnels destinés à pratiquer des soins palliatifs par rapport au reste de leurs collègues.

M. Renaud Muselier a rappelé que la discipline des soins palliatifs existait dans les faits et que l’amendement n’aboutirait aucunement à en entraver le développement.

La commission a adopté les deux amendements.

Article additionnel après l’article 1er : Modes de rémunération particuliers

La commission a examiné en discussion commune deux amendements ayant le même objet, l’un du rapporteur, l’autre de M. Renaud Muselier, prévoyant la fixation de modes de rémunération particuliers pour l’exercice des professionnels de santé à titre libéral ou pour les salariés de centres de santé lorsqu’ils interviennent à domicile pour délivrer des soins palliatifs.

Le rapporteur a précisé que son amendement, cosigné par le président Jean Le Garrec, reprenait l’article 6 de la proposition de loi adoptée par le Sénat en modifiant le deuxième alinéa pour prévoir que les conventions entre les professionnels ou les centres de santé et l’assurance maladie doivent être conformes à une convention type établie par décret en Conseil d’Etat.

M. Bernard Perrut s’est interrogé sur la question du niveau de rémunération des infirmières en cas de paiement à l’acte. M. Renaud Muselier a précisé que le paiement se ferait sur la base d’un forfait global.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur, ce qui a rendu sans objet l’amendement de M. Renaud Muselier, identique au texte du Sénat.

Article additionnel après l’article 1er : Prise en compte des soins palliatifs par le PMSI

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier prévoyant la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement avant le 31 décembre 1999 portant sur la prise en compte des soins palliatifs par le programme de médicalisation du système d’information (PMSI).

M. Renaud Muselier a insisté sur le fait que le PMSI favorise actuellement l’acharnement thérapeutique en valorisant les actes techniques sophistiqués et en ne codifiant pas de manière spécifique les soins palliatifs.

M. Jean-Jacques Denis a jugé effectivement que l’hôpital était en retard s’agissant de la prise en compte des soins palliatifs dans le codage des actes.

Après que le rapporteur et M. Bernard Accoyer ont fait part de leur accord sur ce dispositif, le président Jean Le Garrec a considéré que la pratique de l’acharnement thérapeutique conduit à bafouer le droit à la dignité et que l’adoption de cet amendement engagerait le Gouvernement à rechercher des solutions afin que le PMSI ne favorise plus de telles pratiques.

La commission a adopté cet amendement.

Article 2 (Article L. 710-3-1 du code de la santé publique) : Elargissement à l’ensemble des établissements de santé publics et privés et des établissements médico-sociaux de la mission de délivrer des soins palliatifs

La commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l’article 2 (Article L. 312 du code de la santé publique) : Centres de lutte contre le cancer

La commission a adopté trois amendements identiques du rapporteur, de Mme Muguette Jacquaint et de M. Renaud Muselier étendant les missions des centres de lutte contre le cancer à la délivrance des soins palliatifs.

Article additionnel après l’article 2 (Article L. 791-2 du code de la santé publique) : Compétence de l’ANAES en matière de soins palliatifs

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur, cosigné par le président Jean Le Garrec, et de Mme Muguette Jacquaint confiant à l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) l’élaboration de normes de qualité et d’évaluation en matière de soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué qu’il s’agissait d’étendre les missions de l’ANAES aux soins palliatifs. Cette extension a été prévue à juste titre par le Sénat à l’article 9 la proposition de loi de M. Lucien Neuwirth.

Mme Catherine Génisson a indiqué que la mise en place d’une évaluation des soins palliatifs rendait d’autant plus nécessaire la définition d’une discipline spécifique.

La commission a adopté ces amendements.

Article 3 : Statut des bénévoles et conditions d’intervention des associations

La commission a examiné un amendement de M. Renaud Muselier prévoyant la prise en charge forfaitaire des dépenses engagées pour la formation et la coordination de l’action des bénévoles par les organismes d’assurance maladie, et un amendement de M. Bernard Perrut prévoyant le remboursement de ces dépenses par les mêmes organismes aux associations qu’ils agréent.

M. Bernard Perrut a souligné que cet amendement tendait à permettre aux bénévoles de mieux remplir leur rôle, qui est fondamental et qui contraste avec le niveau insuffisant de la formation qu’ils reçoivent. Il permettra en outre d’assurer de meilleurs liens avec l’ensemble des réseaux de soins.

M. Jean-Claude Boulard a observé que cet amendement était contraire à l’article 40 de la Constitution, puisqu’il ouvre un droit au remboursement intégral sans limite.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg a indiqué que l’amendement ne concernait que les dépenses de formation et de coordination des bénévoles, ce qui représente des dépenses modérées.

M. Bernard Accoyer s’est déclaré favorable à la prise en charge de ces dépenses mais a souhaité que les associations soient agréées.

Le rapporteur a souligné que la notion de bénévolat demeurait liée à celle de gratuité ; plutôt qu’un remboursement, il serait beaucoup plus judicieux que les collectivités locales ou les fonds d’action sociale des caisses d’assurance maladie versent des subventions de fonctionnement aux associations qui œuvrent dans ce domaine. La prise en charge par les organismes d’assurance maladie ne se justifie pas réellement et risquerait par ailleurs de créer un précédent pour d’autres soins et d’autres associations. Tout en attirant l’attention sur cette question au moment du débat, il convient de rejeter les amendements.

Le président Jean Le Garrec, après avoir indiqué qu’il n’entendait pas, dans le cadre des matinées réservées aux groupes parlementaires, faire usage de l’article 40 de la Constitution, d’autant que cet amendement est la reprise de l’article 4 du texte adopté par le Sénat, a souligné la pertinence des arguments du rapporteur.

La commission a rejeté les amendements et adopté l’article 3 sans modification.

Article additionnel après l’article 3 (Articles L. 225-15 à L. 225-19 nouveaux du code du travail) : Congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie

La commission a examiné en discussion commune dix amendements : un du rapporteur, six amendements de Mme Muguette Jacquaint, un amendement de M. Bernard Perrut, un amendement de M. Jean-Jacques Denis et un amendement de M. Renaud Muselier, visant à créer un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Le rapporteur a indiqué qu’elle proposait de mettre en place un congé non rémunéré permettant à un salarié de suspendre ou de réduire son activité professionnelle pour accompagner un proche pendant la phase palliative et terminale de sa vie. Ce congé est ouvert à tout salarié, quelque soit la taille de son entreprise et son ancienneté. Il prend fin automatiquement à l’issue d’une période maximale de trois mois ou trois jours après le décès de la personne accompagnée et peut être transformé en période d’activité à temps partiel avec l’accord de l’employeur.

Un délai de prévenance de quinze jours est prévu pour informer l’employeur mais une situation d’urgence peut permettre de déroger à cette règle. Un certificat médical, attestant que la personne accompagnée fait l’objet de soins palliatifs devra être envoyé à l’employeur avec la demande de congé. A l’issue de celui-ci, le salarié doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

M. Bernard Perrut s’est déclaré favorable à la réduction du délai de prévenance proposée par le rapporteur ainsi qu’à la possibilité de transformer le congé en temps partiel, solution souvent préférable d’un point de vue psychologique. Il a considéré que la différence essentielle entre les amendements concernait la durée maximale du congé retenue. Une durée de deux mois semble la plus adéquate, compte tenu de l’effet négatif pour les entreprises en terme de remplacement.

Mme Catherine Génisson a préféré se référer à une période de trois mois qui permet de prendre en compte la quasi-totalité des situations, quitte à ce que soit recherché avec l’employeur un accord à l’amiable pour le prolonger si nécessaire.

Le rapporteur a rappelé que son amendement prévoyait une durée de trois mois, modulable en cas de temps partiel.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la position du rapporteur semblait la plus appropriée compte tenu des contraintes pesant sur les entreprises.

En réponse à une question de M. Renaud Muselier sur la durée du délai de prévenance de l’employeur en cas d’urgence, le rapporteur a indiqué qu’au vu d’un certificat médical le congé d’accompagnement pourrait être immédiatement acquis.

M. Bernard Perrut ayant indiqué qu’il est indispensable de prévoir un dispositif spécifique pour les fonctionnaires civils et militaires, ainsi que le prévoit sa proposition de loi, le rapporteur a indiqué être d’accord sur le principe et s’est engagée à présenter des amendements en ce sens à l’occasion de la séance que la commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

M. Jean-Jacques Denis s’est interrogé sur la souplesse du dispositif et sur les conditions du retour à l’emploi du salarié en fin de congé. Il a également regretté l’absence de toute rémunération.

Le président Jean Le Garrec et le rapporteur ont considéré qu’il était préférable, dans un premier temps, d’instaurer un congé non rémunéré, ce qui constitue déjà un progrès considérable.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur. En conséquence, les neuf autres amendements sont devenus sans objet.

Article 4 : Rapport sur le développement des soins palliatifs

La commission a examiné un amendement de rédaction globale du rapporteur, cosigné par le président Jean Le Garrec, reprenant l’article 11 du texte adopté par le Sénat et confiant au Haut comité de santé publique l’élaboration d’un rapport annuel sur le développement des soins palliatifs.

Le rapporteur a indiqué que, par souci d’efficacité, il était préférable que le rapport établissant chaque année le bilan des soins palliatifs dans notre pays soit inclus dans le rapport du Haut Comité de santé publique à la Conférence nationale de santé transmis chaque année au Parlement avant l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que le prévoit l’article L. 766 du code de la santé publique.

Après que M. Roger-Gérard Schwartzenberg s’est interrogé sur la pertinence des termes d’état des lieux des soins palliatifs figurant dans l’amendement, le président Jean Le Garrec a indiqué qu’il était souhaitable de reprendre la rédaction du Sénat.

La commission a adopté cet amendement.

L’article 4 a été ainsi rédigé.

Article 5 : Compensation des dépenses nouvelles résultant de la loi

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.


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