ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 55
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 12 mai 1999
(Séance de 10 heures 30)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
puis de M. Jean-Paul Durieux, vice-président.
SOMMAIRE
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- Examen de la proposition de résolution de M. André Aschieri tendant à créer une commission denquête sur les dangers pour la santé des populations des amalgames dentaires à base de mercure et le contrôle de leur utilisation en France n° 1480 (M. Pascal Terrasse, rapporteur) .
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- Examen de la proposition de résolution de M. François Goulard visant à créer une commission denquête sur la Bibliothèque nationale de France n° 1493 (M. Patrick Bloche, rapporteur).
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- Examen de la proposition de loi de M. Edouard Balladur relative à lactionnariat des salariés n° 1513 (M. Jacques Kossowski, rapporteur)
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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Pascal Terrasse, la proposition de résolution de M. André Aschieri tendant à créer une commission denquête sur les dangers pour la santé des populations des amalgames dentaires à base de mercure et le contrôle de leur utilisation en France n° 1480.
M. Pascal Terrasse, rapporteur, a indiqué que selon le texte de la proposition, la création dune commission denquête permettrait, dune part, danalyser les possibles effets sur la santé du relargage, dans lorganisme, du mercure contenu dans les amalgames dentaires et dautre part, de veiller à lapplication des recommandations de limitation demploi des amalgames dentaires établies par le Conseil supérieur de lhygiène publique de France dans son avis du 19 mai 1998.
La recevabilité de la proposition de résolution doit sapprécier au regard des dispositions conjointes de larticle 6 de lordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de lAssemblée nationale.
La première condition de recevabilité est relative à la définition précise qui doit être donnée des faits pouvant donner lieu à enquête. En lespèce, la proposition de résolution apparaît suffisamment détaillée sur les dangers pour la santé publique que pourrait entraîner, selon certaines études scientifiques, lutilisation de mercure dans les amalgames. On peut donc considérer que cette condition est remplie.
La seconde condition, plus substantielle, concerne la mise en uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à lAssemblée nationale denquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre du 4 mai 1999 adressée à M. le Président de lAssemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, Garde des sceaux et ministre de la justice, a confirmé que les faits qui ont motivé le dépôt de la présente proposition de résolution ne font pas lobjet de poursuites judiciaires.
La proposition de résolution est donc parfaitement recevable.
Lopportunité de la création dune commission denquête est contestable dans la mesure où une telle commission ne semble pas être le meilleur moyen déclairer le Parlement sur ce problème.
De nombreuses études scientifiques présentent des résultats contradictoires sur les dangers pour la santé du phénomène de relargage du mercure contenu dans les amalgames dentaires.
Lamalgame dentaire ou « plombage » est un bio-matériau métallique constitué dun système métallique très complexe. Il est schématiquement composé dun alliage comprenant, pour lessentiel, de largent, de létain et du cuivre, auxquels sont parfois ajoutés, en quantité mineure, du zinc, du palladium ou de lindium. Cet alliage est « trituré » avec du mercure purifié, entrant à près de 50 % dans le poids du composé final. Linquiétude est née dune possible évolution de la structure dune telle prothèse au sein de la cavité buccale pouvant entraîner dans lorganisme un relargage du mercure, substance très toxique.
La controverse a débuté avec les études dune équipe canadienne dirigée par Murray Viny entre 1985 et 1990 qui estiment à 20 mg de mercure par jour pour douze amalgames le niveau dabsorption pulmonaire du mercure, alors que lOrganisation mondiale de la santé (OMS) fixe à un millionième de gramme par litre le maximum admissible dans leau de boisson. Des expérimentations ont été menées sur les animaux, en particulier sur des brebis ayant reçu douze plombages, et ont démontré la présence de mercure dans divers organes ainsi que dans leur ftus jusquà 9 mg par kilo dans les reins. Un rapport de lUniversité de Tübingen en Allemagne portant sur lanalyse déchantillons de salive prélevés sur des porteurs damalgames démontre par ailleurs quun bon tiers de ces sujets présente, dans leur salive, une teneur en mercure plus de cinquante fois supérieure au taux maximum fixé par lOMS pour leau potable.
Les données médicales sur la toxicité du mercure inorganique dans lorganisme pour des expositions supérieures à cinquante microgrammes/m3 démontrent de manière indubitable que ces intoxications mercurielles peuvent provoquer des stomatites, des atteintes neurologiques portant essentiellement sur le système nerveux avec modification des fonctions supérieures (mémoire, concentration), des asthénies, céphalées et troubles de lhumeur. Par ailleurs, il est prouvé que la pose et la dépose damalgames, la mastication de gomme à mâcher, le bruxisme (grincement des dents) et à un degré moindre le brossage des dents peuvent aggraver le relargage du mercure présent dans les amalgames.
Cependant, des contre-études scientifiques démontrent que des erreurs de calculs provenant de fausses interprétations du volume dair, des quantités exhalées ou avalées et de la durée de la collecte auraient pu être commises et ont faussé les conclusions des études précitées. Les calculs sur lexpérimentation animale ont ainsi été repris dans une étude qui a montré quen réalité ces moutons présentaient une fonction rénale améliorée et que la baisse des « filtrations glomérulaires » provenait plus dune diminution de la prise alimentaire que de la présence damalgames. Dautres études plus fiables tenant compte, en particulier, de la physiologie de la respiration restent bien en-dessous des seuils minimaux fixés par lOMS.
LOMS a organisé, en mars 1997, une réunion dexperts internationaux. Ils ont considéré que lutilisation des matériaux courants de restauration, y compris lamalgame, est sûre et efficace et que lamalgame offre, en particulier, des avantages certains tels que dexcellentes propriétés physiques et un bon rapport coût-efficacité.
La Commission européenne a engagé des travaux sur ce thème dès 1995 et a communiqué au ministère de la santé un projet de rapport qui conclut qu'aucune donnée ne prouve que les amalgames dentaires feraient courir un risque inacceptable pour la santé de la population. Les niveaux de mercure trouvés dans les tissus, le sang et les urines des porteurs damalgames sont très inférieurs aux taux dalerte (taux de dépendance). Rien ne justifie donc la dépose des amalgames en dehors dun diagnostic confirmé dallergie à ce matériau.
Lavis du Conseil dhygiène publique de France du 19 mai 1998 relatif à lamalgame dentaire déclare ainsi que « la dose quotidienne absorbée est généralement inférieure à 5 microgrammes et que dune manière générale, lapport de mercure lié à lamalgame en bouche est insuffisant pour produire des effets pathologiques liés à la dose ». Les amalgames dentaires libèrent certes de faibles quantités de mercure mais celles-ci sont partiellement absorbées. Une seule pathologie savère liée aux amalgames avec la survenue, qualifiée dexceptionnelle, de réactions locales lichénoïdes, souvent associées à une allergie au mercure. Dans ces cas rares dallergies, la dépose des amalgames et leur remplacement par dautres matériaux entraînent dans 90 % des cas la disparition totale ou partielle des signes cliniques. Le Conseil dhygiène publique de France en conclut quen létat des données disponibles, étant donné lévaluation du rapport bénéfice-risque, « linterdiction des obturations à base damalgames ne se justifie pas, non plus que leur retrait systématique ».
De la même façon, dans le rapport du 9 novembre 1998 élaboré par sa commission denquête sur lamalgame, le conseil national de lOrdre des chirurgiens-dentistes considère que « lanalyse détaillée de la littérature scientifique ne montre pas pour (le mercure) deffets secondaires nocifs pour lorganisme humain à lexception de rares cas dallergies et de réactions locales de type lichénoïde ». En revanche, le rapport met également en évidence les sérieuses difficultés quil y aurait à vouloir utiliser dautres matériaux (résines composites, ciments, verre ionomère, composés hybrides, céramique et gallium) tant du point de vue économique que du fait dautres risques sanitaires potentiels (infection microbienne).
Un certain nombre de précautions sont préconisées par ces deux instances. Le secrétariat dEtat à la Santé a suivi ces recommandations. Lobjectif du ministère nest pas dinterdire les amalgames dentaires ou de recommander leur retrait mais de rappeler et de diffuser un certain nombre de précautions demploi.
Parmi ces précautions, on peut citer :
- lutilisation des amalgames dits « de nouvelle génération » qui doivent être utilisés sous un conditionnement en capsules pré-dosées. Cette recommandation présente un double intérêt : dune part, elle permet de réduire de façon conséquente les émissions de vapeur de mercure lors de la préparation de lamalgame car le conditionnement sous forme pré-dosée réduit la manipulation du mercure, dautre part les nouveaux amalgames libèrent moins de mercure car ils sont plus résistants à la corrosion. Un arrêté est en préparation dans cette optique ;
- lusage de techniques adhésives dans le cas de petites lésions ;
- la réalisation sous refroidissement et aspiration des opérations de fraisage et de polissage des amalgames afin de limiter la volatilisation du mercure lors de son utilisation ;
- la prudence dans la pose et la dépose damalgames pour les femmes enceintes ou allaitantes, la libération de mercure lors de ces opérations pouvant conduire à une exposition ftale dont les effets ne peuvent pas actuellement être définis ;
- larrêt de consommation fréquente de gomme à mâcher.
En outre, suite aux travaux et discussions évoqués précédemment, lAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé a été chargée de mettre au point une norme de dosage du mercure afin de réduire le phénomène de relargage de celui-ci. Des niveaux de sécurité au risque mercuriel des amalgames peuvent être définies par un test électrochimique. LAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé organise des essais inter-laboratoires pour élaborer ce test qui déterminera le niveau de sécurité des amalgames vis-à-vis du relargage du mercure. Les résultats de ces essais permettront didentifier les dispositifs dangereux qui pourront être interdits en application de larticle L. 793-5 du code de la santé publique.
De réelles mesures de précaution vont donc être mises en place.
En conclusion, malgré les controverses concernant lamalgame, aucun pays na interdit son utilisation. Mais certains pays ont recommandé de limiter lusage des amalgames pour les femmes enceintes, les jeunes enfants et les insuffisants rénaux (Allemagne, Suède, Canada
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Le problème posé par les amalgames dentaires est donc un problème sanitaire important mais ce nest pas une commission denquête qui pourra le résoudre. Une commission denquête na pas les capacités techniques dune telle expertise scientifique. En revanche, lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques serait à même de réaliser une telle expertise. En effet, selon larticle 6 ter de lordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, lOffice « a pour mission dinformer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, déclairer ses décisions. A cet effet, il recueille des informations, met en uvre des programmes détudes et procède à des évaluations. ». Il est donc tout à fait approprié pour faire procéder à un bilan de létat des connaissances en matière damalgames dentaires et formuler des recommandations sur leur usage.
Au bénéfice de lensemble de lensemble de ces observations, il convient de rejeter la proposition de résolution n° 1480.
Après lexposé du rapporteur, M. André Aschieri a tout dabord rappelé que lors de lexamen du projet de loi relatif à la sécurité sanitaire, il avait déposé un amendement tendant à ce que le contrôle des amalgames dentaires entre dans la compétence de lagence française de sécurité sanitaire des produits de santé davancer déjà dans létude de la question.
Il sest ensuite félicité de la qualité des informations fournies par le rapporteur. Il faut toutefois ajouter que dans certains pays les amalgames au mercure sont interdits. En outre, le Conseil supérieur de lhygiène public, si il na pas établi de dangers directs, a bien mis en avant les risques que ces amalgames pouvaient faire courir dans certains cas, par exemple aux femmes enceintes ou aux personnes souffrant dinsuffisance rénale, et a convenu que des précautions devaient être prises.
Cinquante plaintes relatives à ce sujet ont été déposées en France et la justice est également saisie en Allemagne pour mille cinq cent cas.
Le livret de lOrdre des chirurgiens-dentistes expose que des données concordantes confirment le passage du mercure vers les organes cibles de l'organisme et indiquent les précautions à prendre. Il serait souhaitable que la mise sur le marché des amalgames passe par la procédure de lautorisation ce qui nest pas le cas car ils ne sont pas considérés comme des médicaments. En effet, pour redonner confiance aux gens, il faut leur dire la vérité.
Même si cela doit passer par une autre procédure que la création dune commission denquête, il importe donc de faire toute la lumière sur cette question pour quon ne puisse pas ensuite reprocher aux responsables politiques de ne pas avoir agi à temps et pour tranquilliser la population. En effet pour redonner confiance aux gens, il faut leur dire la vérité.
M. Yves Bur a estimé quil serait inopportun de créer une commission denqupete sur chaque produit sanitaire faisant lobjet de controverse.
LAllemagne et la Suède sont à lorigine du questionnement actuel sur les amalgames dentaires contenant du mercure, sous linfluence du lobby des métaux précieux. Les dentistes concernés ont pris le problème au sérieux : le Conseil national de lOrdre des chirurgiens-dentistes a publié un fascicule contenant un certain nombre de précautions demploi et na pas conclu à une dangerosité particulière de ces produits. En réalité, les doses de mercure libérées sont huit fois inférieures au niveau considéré comme dangereux.
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a déclaré partager cette analyse et a indiqué que le port dun amalgame dentaire équivalait, en termes de quantités de mercure libéré dans lorganisme, à la consommation dun repas hebdomadaire de poisson.
M. Edouard Landrain a signalé que, pour autant quil existait, le problème de la dangerosité du port damalgames dentaires était surtout dordre électrique en raison des phénomènes délectrolyse, de niveau comparable au risque encouru lors de lutilisation de fours à micro-ondes ou de téléphones portables.
M. René Couanau sest exprimé également contre la multiplication des commissions denquêtes. Sur le sujet des amalgames, le Conseil de lOrdre des chirurgiens-dentistes ainsi que le Conseil dhygiène publique ont pris position.
Si le pouvoir politique, par le biais dune commission denquête, se substitue aux professionnels compétents, il prend le risque de les déresponsabiliser et de remettre en cause lexistence et le rôle des organismes techniques chargés détudier ce type de problème. Il convient donc que chacun reste dans son domaine de compétence.
Le président Jean Le Garrec a exprimé son accord avec MM. Yves Bur et René Couanau sur la nécessité duser avec mesure de la création de commissions denquêtes parlementaires. Il a indiqué que si la commission rejetait la proposition de résolution, il saisirait lOffice des choix scientifiques et technologiques.
M. André Aschieri a rappelé que le mercure ingéré aboutissait toujours dans le cerveau et, quà ce jour, aucune étude épidémiologique systématique navait été effectuée en France au sujet des amalgames dentaires.
Le rapporteur a estimé que si le sujet ne nécessitait pas la création dune commission denquête, des précautions demeuraient à prendre tant pour les patients que pour le praticien, comme la diffusion des amalgames pré-dosés. Il importe cependant de ne pas affoler la population, la dépose inconsidérée des amalgames présentant des risques certains.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.
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La commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de résolution de M. François Goulard visant à créer une commission denquête sur la Bibliothèque nationale de France n° 1493.
M. Patrick Bloche, rapporteur, a tout dabord rappelé que cette proposition reprenait les faits exposés dans le dernier rapport annuel de la Cour des comptes et dans celui réalisé en mars dernier par M. Albert Poirot, inspecteur général des bibliothèques.
Aucun argument ne soppose à la recevabilité de cette proposition qui concerne la gestion dun établissement public à propos duquel aucune procédure judiciaire nest en cours.
Les difficultés rencontrées par la BNF ne sont pas contestables, les faits sont bien connus. Le sujet a donné lieu à quinze rapports. Le principal problème a résidé dans la redéfinition tardive des missions de létablissement qui en a compliqué la construction.
Dès le 14 juillet 1988, date de lannonce du projet, il a donné lieu à discussion et à polémiques. Létablissement a connu trois tutelles successives et les travaux ont débuté avec retard. Le principal facteur de désordre dans la réalisation vient du revirement opéré sur la répartition des collections entre les sites Richelieu et Tolbiac initialement envisagée. Alors que le futur site François Mitterrand devait accueillir quatre millions dimprimés et de périodiques, la modification du projet conduit à en stocker trois fois plus sans que le bâtiment ait fait lobjet de modifications fondamentales.
Un second élément perturbateur tient à louverture de la bibliothèque au public. Ce nest quen octobre 1990 quil a été décidé dopérer une distinction entre les chercheurs et les lecteurs. Cette décision a provoqué une modification de lorganisation des bâtiments, de la conception des accès et de la circulation des documents.
Il a, dans un premier temps, été envisagé que le bâtiment reste totalement inaccessible pendant trois ans et demi. Limpatience des chercheurs a conduit à louvrir au public avant cette date. Le déménagement des fonds et le transfert des personnels ont révélé linadaptation du bâtiment. Le stockage dans les tours savère une lourde erreur, le personnel de service travaille dans des conditions de total inconfort, bref, le bâtiment nest pas conçu pour une bibliothèque fonctionnelle.
Sajoute à ces défauts de construction lerreur de conception du système informatique : on a choisi une centralisation qui, en cas dincident même mineur, conduit à sa totale paralysie.
Cependant, toutes ces difficultés ont trouvé des solutions adaptées et proportionnées. Par ailleurs, la BNF essaie de surmonter ses handicaps de départ.
Il faut noter que le dépassement dinvestissement des coûts est resté modéré, et que lenveloppe des coûts de fonctionnement est respectée, ceci en dépit de la dispersion des sites. Le succès rencontré par la BNF est réel : elle a délivré 11 000 cartes (contre 8 500 autrefois à Richelieu) et les salles ouvertes au grande public sont régulièrement saturées.
Enfin, il ne faut pas oublier lun des aspects les plus innovants de la BNP : le recours à la numérisation et les liens développés avec Internet
En conclusion le rapporteur a indiqué que les erreurs dorigine qui portaient sur laménagement des bâtiments, linformatisation ou les conditions de travail sont parfaitement connues ; les responsabilités des uns et des autres étant par ailleurs répertoriées dans les quinze rapports déjà publiés et les solutions à mettre en uvre identifiées, la création dune commission denquête sur la Bibliothèque nationale de France nest pas justifiée.
Après lexposé du rapporteur, M. Edouard Landrain a regretté que M. Biasini, alors ministre chargé des grands travaux nait pas exercé avec suffisamment defficacité la surveillance de la construction de cette uvre « pharaonique » dont on aurait pu faire léconomie et dont les défauts ainsi que linadaptation aux besoins avaient, dès lorigine, été dénoncés par un certain nombre de scientifiques. La mise en réseau des documents de la Bibliothèque, solution qui avait été également retenue alors en Grande-Bretagne est, en revanche, un élément positif. Il est vrai que toutes les données sont bien connues à travers les quinze rapports déjà établis et quune commission denquête ne simpose pas. Encore faudrait-il ne pas avoir la mémoire courte au sujet des responsables de ces erreurs.
M. Bernard Perrut a exposé quun grand nombre de citoyens sinterroge sur le fonctionnement de la Bibliothèque de France. Il appartient donc bien au Parlement dexercer son pouvoir de contrôle et den tirer les enseignements pour lavenir. Lanalyse faite par le rapport ne porte que sur les aspects techniques des dysfonctionnements de la Bibliothèque. Il faut, tout en étant conscient que la commission denquête ne saurait remédier aux problèmes dinformatisation, de classement des ouvrages ou de conditions de travail qui ne répondent pas aux besoins, déterminer les responsabilités de chacun.
M. Yves Nicolin a indiqué que la création de la BNF est lorigine dune situation ubuesque dont les contribuables ont fait les frais tout en portant préjudice à dautres réalisations qui étaient indispensables tant en province quà Paris. Il paraît curieux que si les lacunes et les malfaçons ont pu être mises en évidence, les responsabilités des concepteurs, notamment des architectes, nont toujours pas été déterminées, leur permettant ainsi de poursuivre leurs activités.
La commission denquête devrait permettre notamment détablir le coût du rattrapage des erreurs commises lors de la réalisation de la Bibliothèque. Il serait donc dommage de conclure trop rapidement au rejet de sa constitution.
En réponse, le rapporteur a rappelé que la création dune commission denquête ne pouvait se justifier que dans le cadre dune recherche spécifique en particulier pour lever des secrets ou déterminer de nouvelles responsabilités, ce que les quinze rapports déjà existants ont déjà en fait, tout en proposant des solutions aux problèmes posés par le fonctionnement de la Bibilothèque, largement répertoriés.
On peut donc affirmer que le public est largement informé de ces difficultés. Par ailleurs, au plan des dépenses publiques, un certain nombre de procédures contre les entreprises responsables de surcoûts font lobjet de poursuites judiciaires qui devraient permettre den récupérer une partie.
La création dune commission denquête apparaît moins utile, dans ces conditions quun suivi régulier du dossier à loccasion de lexamen de la loi de finances.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.
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La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jacques Kossowski, la proposition de loi de M. Edouard Balladur relative à lactionnariat des salariés n° 1513
M. Jacques Kossowski, rapporteur, a tout dabord rappelé que lidée de lactionnariat des salariés sinscrit dans la droite ligne des thèses développées par le général de Gaulle qui militait pour une étroite association entre le capital et le travail afin détablir en France un véritable « capitalisme populaire ».
Diverses dispositions ont été prises durant ces quarante dernières années qui ont visé à instituer la participation et lintéressement des salariés.
Lordonnance de 1967 a encouragé la mise en place de plans dépargne dentreprise favorisant lépargne individuelle et salariale. Ce texte sera ensuite modernisé par une autre ordonnance en 1986.
La loi du 31 décembre 1970 a introduit le mécanisme des options de souscriptions dactions grâce auquel des salariés, en pratique essentiellement des cadres, peuvent souscrire ou acheter des actions de la société qui les emploie dans des conditions avantageuses.
La loi du 27 décembre 1973 a eu essentiellement pour objet doffrir aux salariés lachat, à des conditions avantageuses, dactions de leur société, en bourse ou à loccasion dune augmentation de capital.
Mais lactionnariat des salariés a pris un véritable essor durant les premières privatisations de 1986 à 1988. Celles-ci ont constitué une étape essentielle dans le processus dassociation liant des Français modestes aux fruits de léconomie. De nombreux salariés ont exprimé alors une forte volonté dêtre associés au capital de leur entreprise et ont massivement répondu à loffre qui leur réservait 10 % des titres mis sur le marché et leur proposait un rabais attrayant de 20 %. Ainsi, aujourdhui 75% des salariés des groupes privatisés sont encore aujourdhui actionnaires de la société où ils travaillent. Cest un succès incontestable quaucun Gouvernement na souhaité remettre en cause. Bien au contraire, lactionnariat populaire est devenu une véritable composante de notre économie.
Le Gouvernement actuel a intégré cette donnée puisquil vient de faire, dans le cadre de la procédure de privatisation, une offre dune taille considérable aux salariés du Crédit Lyonnais en leur réservant 2,5 à 3 milliards de francs pour une opération estimée globalement à 50 ou 60 milliards de francs.
Il est aujourdhui important de franchir une nouvelle étape dans le développement de lactionnariat salarié pour deux raisons essentielles.
Premièrement, ce type dactionnariat répond à une vraie attente dont la preuve est lessor sans précédent quil connaît depuis 1990. Cet essor résulte évidemment dune cause structurelle liée à laccroissement de lépargne salariale qui a atteint quelque 230 milliards de francs fin 1998. Mais lactionnariat salarié est désormais une réalité incontournable. 500 000 salariés sont aujourdhui actionnaires de leur entreprise et 20 000 entreprises ont des salariés actionnaires.
Dans une étude récente, la COB montre que la poursuite de la progression de lépargne salariale ne sexplique pas seulement par la remarquable tenue du marché des actions en 1998 et par limportance des opérations de privatisations intervenues cette même année, mais aussi par le succès croissant, au sein des entreprises et auprès des salariés, des mécanismes de lépargne salariale et de lactionnariat salarié. Un sondage paru récemment dans Les Echos fait apparaître que 85 % des employés du Crédit Lyonnais veulent devenir actionnaires de leur entreprise.
Deuxièmement, il faut franchir une nouvelle étape dans le développement de lactionnariat salarié afin que tous les employés se voient ouvrir la possibilité de devenir actionnaire. Les « stock-options » sont ciblées au profit des seuls cadres alors quil est important de pouvoir associer au capital de lentreprise des actionnaires « plus modestes ». Cest ainsi que lon construira le « capitalisme populaire ».
La proposition de loi poursuit donc deux objectifs : un objectif social et un objectif économique.
Dune part, ce texte initie une nouvelle organisation de lentreprise reposant sur un partenariat. Il rompt avec le traditionnel antagonisme entre le capital et le travail et favorise aussi une alliance dintérêts mutuels entre le chef dentreprise et lensemble des salariés. Ces derniers deviennent des « associés » et non plus de simples employés. Il faut souligner que le dispositif proposé est ouvert à tous les salariés qui le souhaitent.
Ce dispositif introduit également un peu plus de démocratie dans lentreprise. Certes, avec seulement 5 % des actions nouvellement émises, il sagit dun pas modeste mais qui ouvrira la voie à dautres développements plus ambitieux.
Il peut aussi favoriser une épargne de long terme et, pourquoi pas, un complément de retraite facultatif. Face aux importantes difficultés que vont connaître les régimes de retraites dans les décennies à venir, un complément pourrait ainsi être ouvert aux salariés sils le souhaitent et lintroduction dune part de capitalisation individuelle permettrait de dépasser le débat récurrent entre retraite par répartition et par capitalisation.
Dautre part, cette proposition de loi poursuit un objectif économique de responsabilisation des salariés. Quand ces derniers deviennent actionnaires, ils sont plus impliqués dans la stratégie et les résultats de leur entreprise. Leur « intérêt » rejoint celui de la société où ils travaillent pour que la profitabilité soit la plus élevée possible. Permettre aux salariés daccéder aux produits financiers dégagés par lentreprise ne peut que produire une saine émulation et une motivation nouvelle aux conséquences positives sur les résultats et lefficacité économique de lentreprise. Le partage du profit est donc un moteur pour la croissance et bien sûr pour lemploi.
Enfin, dernier avantage sur le plan économique lactionnariat des salariés permet une meilleure stabilité du capital, élément important dans le cadre actuel de la mondialisation des marchés financiers. Un actionnariat salarié fort, peut permettre la constitution dun pôle de résistance national contre déventuels raids étrangers inamicaux.
Il est donc proposé, par larticle 1er de cette proposition de loi, que 5 % des actions nouvellement émises lors dune augmentation de capital soient offertes aux salariés de lentreprise à un prix qui devra être inférieur de 50 % au prix démission.
Ce régime est obligatoire pour les sociétés cotées en bourse. Ce caractère volontariste du texte est important. En effet, il apparaît normal que la très grande majorité des salariés puissent avoir accès à cette offre et non seulement quelques uns.
Ce régime est en revanche facultatif pour les sociétés non cotées afin de ne pas prendre un risque de déstabilisation dans lhypothèse où elles nauraient pas forcément une assise financière suffisante. Cependant, si lassemblée générale en émet le souhait, ce type de société pourra également faire bénéficier son personnel de cette offre préférentielle.
Pour ce qui est des salariés, le régime est relativement souple, réservant leur choix puisquil ne crée aucune obligation de répondre favorablement à cette offre.
Deux limites sont toutefois posées par le texte : dune part, la valeur des actions proposées ne pourra excéder 100 000 francs, ce qui est déjà un plafond conséquent. Il convient de proposer un dispositif suffisamment intéressant fiscalement, pour rencontrer un écho favorable auprès des salariés les plus modestes tout en ne constituant pas une opportunité trop séduisante pour les personnels dencadrement bénéficiant déjà des stocks options. Dautre part, les salariés actionnaires devront garder au moins trois ans leurs titres. Il sagit là de veiller à la stabilité du capital tout en ne créant pas une contrainte trop forte pour les salariés.
En conclusion, il faut insister sur lactualité dune telle proposition de loi. De plus en plus dentreprises multiplient les initiatives dans ce domaine, il serait paradoxal que les responsables politiques naccompagnent pas cette démarche positive. Il est du devoir de lAssemblée nationale dêtre en phase avec la réalité économique et de répondre favorablement à lattente de nombreux salariés. Au-delà des clivages politiques, il est difficile dêtre opposé à la philosophie générale de ce texte.
Après lexposé du rapporteur, Mme Nicole Bricq a tout dabord observé que la référence faite par le rapporteur au général de Gaulle, fervent partisan de la participation, simposait mais quil ne fallait pas oublier que lui-même avait déclaré que le capitalisme était une « infirmité morale ».
Les résultats de la participation restent faibles en France puisque si quatre millions dactifs possèdent des actions, seulement 3 % des salariés possèdent des actions de leur propre entreprise.
Même si, comme la souligné le rapporteur, la nécessité de développer lactionnariat est évidente, le mécanisme élaboré par la proposition de loi de M. Edouard Balladur est inadapté et inopportun. En effet, il sagit dune approche très rudimentaire de la participation puisque le mécanisme prévu est automatique alors que la participation demande justement une certaine souplesse propre à recueillir ladhésion des salariés. On cherche, en réalité, à travers cette proposition de loi à faire adhérer les salariés à la philosophie des actionnaires majoritaires.
De plus, la proposition de loi rend loffre dactions dépendante des augmentations de capital alors quon constate au contraire que les sociétés procèdent aujourdhui souvent au rachat de leurs propres actions.
La réforme des stock options nest pas abordée alors quelle est nécessaire et devrait porter tant sur le plan de la transparence que de la fiscalité et des prélèvements sociaux.
Enfin, la place des salariés dans les entreprises nest pas traitée dans cette proposition de loi, alors que Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, est en train délaborer une réforme importante du droit des sociétés qui prendra en compte cette préoccupation.
En outre, un certain nombre darguments plus techniques vont dans le sens dun rejet de la proposition de loi.
Le caractère général et automatique du dispositif ne permet pas de prendre en compte la diversité des entreprises. Les critères dattribution des actions semblent être le fait des seuls dirigeants des entreprises. Surtout cette proposition de loi présente le grave défaut de favoriser un certain type de salariés en raison des conditions de loffre des actions : délai dachat dun mois, plafond de 100 000 francs, avantage fiscal dont le montant est proportionnel au niveau de revenus et, surtout, absence de mécanisme dabondement par lemployeur qui est pourtant un des principes essentiels de la participation. Cette proposition de loi ne sadressera pas aux salariés les plus modestes.
Il faut sopposer à la proposition de loi de M. Edouard Balladur pour lensemble de ses défauts, tant techniques que de fond. Une telle réforme ne peut pas, en effet, être traitée de cette manière par un texte qui sapparente à un trompe lil. Il convient donc que la commission suspende ses travaux avant de passer à lexamen des articles et ne présente pas de conclusions.
Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a indiqué que le texte sinscrivait bien dans lesprit de la participation telle quelle avait été conçue par ses fondateurs dès lors quil était justement proposé douvrir une partie du capital à lensemble des salariés. Il serait par ailleurs curieux que le Gouvernement qui procède à des privatisations interdise dans le même temps, en sopposant à cette proposition de loi, que le plus grand nombre de salariés puisse accéder au capital de leur entreprise.
Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi visait à mettre en place un dispositif dont lensemble des salariés pourrait profiter. Il constitue une avancée sociale pour ces derniers et une possibilité nouvelle offerte aux entreprises. Lexemple du groupe Vivendi, où les salariés ont pu obtenir des financements à taux zéro pour lachat de leurs actions témoigne que laccès à lactionnariat nest pas nécessairement réservé aux seuls salariés qui en auraient les moyens. Enfin lactionnariat salarial peut constituer un moyen de stabilisation du capital.
Le président Jean Le Garrec a tout dabord relevé que la proposition de loi sinscrivait dans la volonté, affirmée notamment par les gaullistes de gauche comme M. René Capitant ou M. Louis Vallon, de développer une forme de capitalisme populaire en France. Cependant, il est sans doute hasardeux de prétendre que son adoption permettrait de réduire lantagonisme entre le capital et le travail et quune véritable démocratie pourrait ainsi sinstaurer au sein de lentreprise. Pour autant, lexamen de cette proposition permet dengager le débat sur lequel des réflexions sont en cours.
Le président Jean Le Garrec a soumis à la commission la proposition présentée par Mme Nicole Bricq de ne pas engager la discussion des articles de la proposition de loi et donc de suspendre les travaux de la commission.
La commission a décidé de suspendre lexamen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.
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