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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 60

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 3 juin 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

puis de M. Jean-Michel Dubernard, vice-président

SOMMAIRE

 

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· Examen, en application de l’article 88, des amendements au projet de loi modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances (M. Gérard Terrier, rapporteur).

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· Examen du projet de loi portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l’actualisation et à l’adaptation du droit applicable outre-mer – n° 1173 rectifié (M. Daniel Marsin, rapporteur)

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· Examen pour avis de la proposition de loi, rejetée par le Sénat en deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité – n° 1587 (M. Patrick Bloche, rapporteur).

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en application de l’article 88 du Règlement, sur le rapport de M. Gérard Terrier, les amendements au projet de loi modifiant l’ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.

La commission a rejeté l’amendement n° 1 du Gouvernement visant à établir la co-tutelle du ministère de l’économie et des finances et du ministère chargé du tourisme sur l’agence nationale des chèques-vacances, le rapporteur ayant observé qu’aucun élément nouveau ne plaidait en faveur de cet amendement déjà rejeté lors des deux premières lectures.

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La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Daniel Marsin, le projet de loi portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l’actualisation et à l’adaptation du droit applicable outre-mer – n° 1173 rectifié.

Le rapporteur a observé que, s’il est fréquent de recourir à la procédure des ordonnances, prévue par l’article 38 de la Constitution, pour définir le régime juridique applicable outre-mer, la loi d’habilitation du 6 mars 1998 avait un champ d’application inhabituel puisqu’elle couvrait dix-sept domaines et s’appliquait à l’ensemble des collectivités territoriales d’outre-mer. Compte tenu de ce particularisme, la ratification des ordonnances prises en vertu de cette loi a donné lieu au dépôt de quatre projets de loi distincts dont l’un est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et porte sur trois ordonnances.

Examinant la régularité de ces trois textes, le rapporteur a précisé que les délais fixés par la loi d’habilitation, tant pour la publication des ordonnances que pour le dépôt des projets de loi de ratification, ont été respectés et que la consultation des collectivités d’outre-mer est allée plus loin que ce qui est prévu par l’article 74 de la Constitution : alors que celui-ci impose seulement la consultation des assemblées des territoires d’outre-mer, la loi du 6 mars 1998 a également prescrit de recueillir l’avis des conseils généraux et régionaux des départements d’outre-mer et des collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.

Si l’on s’attache à leur contenu, les trois ordonnances ont une portée variable.

L’ordonnance du 2 septembre 1998 concerne seulement la Nouvelle-Calédonie et porte sur un point spécifique. Il s’agit d’autoriser sur ce territoire la greffe de cornées et le prélèvement de reins, ce qui suppose d’introduire dans son système juridique les dispositions pertinentes du code de la santé publique (loi du 29 juillet 1994 sur le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain). La base juridique de cette ordonnance se trouve dans la disposition de la loi d’habilitation relative au droit civil.

Une deuxième ordonnance, du 20 août 1998, porte sur les affaires sanitaires et sociales. Elle concerne les départements d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour les départements d’outre-mer, elle donne une base légale à la majoration des tarifs des produits sanguins et des médicaments remboursables. Elle permet également l’affiliation des travailleurs non salariés non agricoles de Saint-Pierre-et-Miquelon à un régime de retraite complémentaire obligatoire. Enfin, elle autorise la mise en place d’un système de coordination des régimes de protection sociale de métropole et de Nouvelle-Calédonie.

L’ordonnance du 24 juin  1998, enfin, porte sur le droit du travail.

En ce qui concerne la Polynésie française, l’adaptation et la modernisation du droit applicable doivent se concilier avec le partage des compétences entre l’Etat et le territoire opéré par le statut d’autonomie de 1996. Les dispositions de l’ordonnance couvrent des domaines très variés et concernent notamment l’hygiène et la sécurité du travail, l’aménagement du temps de travail, l’application des conventions collectives, le travail intérimaire, les comités d’entreprise et le droit syndical, les modalités de rupture du contrat de travail. Il s’agit le plus souvent de régler des questions sur lesquelles existait en Polynésie un vide juridique et de mettre à niveau le droit polynésien, en le rapprochant des règles en vigueur dans les départements.

Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, l’adaptation du droit est de moindre ampleur, mais touche des domaines voisins. Enfin, diverses dispositions de l’ordonnance s’appliquent aux départements d’outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En conclusion, le rapporteur a estimé que la procédure des ordonnances est positive, car elle permet une adaptation du droit dans des domaines techniques, sans dépossession complète du Parlement, qui est appelé à intervenir lors de la ratification. Les textes que l’Assemblée nationale est appelée à approuver respectent les compétences des autorités locales et vont dans le sens de l’égalité entre les citoyens de la République.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier : Ratification des ordonnances

La commission a rejeté l’amendement n° 1 de M. Michel Buillard tendant à exclure du champ d’application de ce projet de loi le titre premier de l’ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998, relatif à l’actualisation et à l’adaptation du droit du travail en Polynésie française.

La commission a adopté l’article premier sans modification.

Article 2 : Rectification de l’ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998 (article 40 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986)

La commission a rejeté l’amendement n° 2 de suppression de M. Michel Buillard, amendement de conséquence de l’amendement n° 1 précédemment rejeté.

La commission a adopté l’article 2 sans modification.

Articles additionnels après l’article 2 : Rectifications de l’ordonnance n°98-522 du 24 juin 1998

- Article L. 141-4 du code du travail applicable à Mayotte

La commission a adopté un amendement n° 5 du Gouvernement corrigeant une erreur matérielle dans l’ordonnance du 24 juin 1998.

- Article 20 de l’ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985

La commission a adopté l’amendement n° 4 du Gouvernement visant à mettre fin à la confusion faite dans certaines dispositions de l’ordonnance du 24 juin 1998 entre les assemblées locales de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et entre les textes de droit du travail applicables à ces deux territoires.

Articles 31 et 32 de l’ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985

La commission a adopté l’amendement n° 5 du Gouvernement visant à procéder à une rectification du même type que celle opérée par l’amendement n° 4.

La commission a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de loi, rejetée par le Sénat en deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité – n° 1587.

M. Patrick Bloche, rapporteur, a rappelé que l’adoption d’une question préalable par le Sénat faisait de nouveau porter la discussion sur le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Il a cependant souhaité apporter des éléments de réponse aux arguments développés par le Sénat dans sa motion de procédure.

Le mariage constituerait une institution menacée. Tel n’est pas l’esprit du texte, le mariage reste une institution de référence, fondatrice, mais qui doit prendre en compte l’évolution de la société et des modes de vie. Le législateur doit savoir faire œuvre de création juridique.

Le texte menacerait également la filiation. On ne peut négliger le fait que cinq millions d’enfants (dont 52 % de premiers enfants) sont déjà issus de couples hors mariage.

Le PACS constitue effectivement une création juridique, or toutes les critiques formulées à son encontre le sont au travers du prisme du mariage ou du concubinage. C’est un contrat qui suppose la prise d’un engagement de stabilité et de continuité.

S’agissant des conditions d’examen du texte, on ne peut que se réjouir que la deuxième lecture ait permis un examen moins polémique de la proposition de loi. Par ailleurs la critique fréquemment faite sur le rôle insuffisant des experts lors de son élaboration est contredite par l’ancienneté du débat public qui remonte à huit ans et dans lequel les spécialistes et les juristes qui l’ont souhaité ont pu prendre toute leur place. Enfin, il arrive un moment où l’inflation des groupes de travail par ce qu’elle montre d’incapacité à résoudre un problème devient risible. Or, les questions soulevées méritent une réponse nette du législateur qui ne saurait l’attendre des juges et des experts.

La définition proposée par le Sénat de la notion de concubinage, en première lecture, ne pouvait être jugée qu’insuffisante. Le PACS conserve toute son utilité, le concubinage restant une union de fait. Il est souhaitable, en outre, sur ce point également, d’en rester en deuxième lecture à la définition proposée par l’Assemblée nationale, la constatation du concubinage étant en effet préférable à l’attestation.

Après l’exposé du rapporteur, M. Jean-François Mattéi s’est, lui aussi, réjoui du climat plus serein qui a entouré la deuxième lecture mais a, cependant, regretté qu’une proposition de loi modifiant profondément notre société n’ait pas fait l’objet d’une commission spéciale permettant d’associer tous les députés et, en se donnant du temps, de rapprocher les points de vue. La méthode employée n’a pas été la bonne. Il serait bon que les rapporteurs et présidents de commissions saisies aient l’honnêteté de le reconnaître.

Mme Christine Boutin a déclaré que les conditions particulières d’examen du texte en deuxième lecture ne se prêtaient guère à un affrontement. Cependant il ne faudrait pas assimiler l’attitude des opposants au texte à une moindre pugnacité. La deuxième lecture avait d’ailleurs donné lieu au dépôt de nombreux amendements dont beaucoup pourraient être repris lors de la présente lecture.

M. Germain Gengenwin, rappelant que le rapporteur avait marqué son refus d’un gouvernement des juges et des experts, a évoqué les effets des décisions judiciaires en matière de divorce, dont les parlementaires ont souvent à connaître. Alors que les enfants sont déjà déstabilisés par le divorce de leurs parents, le PACS va entraîner une dislocation accrue de la société. On ne peut se borner à dire que le PACS serait conforme à l’esprit du temps, alors qu’il risque de provoquer de profonds dégâts dans la société française. Il n’est en outre pas bon de supprimer du mariage tout aspect religieux, présent dans le christianisme mais aussi dans les autres religions.

M. Jean-Paul Durieux, vice-président, a noté qu’une approche des problèmes le plus en amont possible est à rechercher pour les travaux parlementaires et qu’une maturation des solutions n’est jamais du temps perdu.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a formulé les observations suivantes :

- Dans ce débat, chacun apporte sa propre vision de la société ; même si nous sommes dans un Etat laïc, l’objet du PACS n’est pas de renforcer les institutions laïques en France.

- En matière de divorce, les juges interviennent de par leur fonction, ils n’ont pas, en revanche, à se substituer au législateur, qui tire du suffrage universel sa légitimité.

- Le PACS a une dimension sociale, qui justifie la saisine pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a d’ailleurs voté des amendements renforçant cet aspect de la proposition de loi. Le PACS tend à contractualiser la solidarité entre deux personnes qui choisissent d’organiser leur vie commune autour d’un ensemble de droits et d’obligations. C’est pourquoi il n’est pas souhaitable de l’abandonner au profit du concubinage, qui demeure une union de fait. Concubinage et PACS ne sont pas exclusifs, puisque le concubinage n’équivaut pas à un engagement contractuel global enregistré par une autorité administrative, alors que le PACS crée un lien social entre deux personnes.

- Le texte sur lequel l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer est celui qu’elle a adopté en deuxième lecture, sans modifications. Dans ces conditions, si les amendements déposés en nouvelle lecture sont identiques à ceux qui ont été examinés en deuxième lecture, il serait opportun que leurs auteurs opèrent une certaine sélection afin de faire mieux apparaître les clivages essentiels.

- Il est exact qu’il y a eu un changement de climat d’une lecture à l’autre, cela tient en partie au fait que les thèmes du débat ont évolué.

- La proposition d’une commission spéciale n’a jamais été formulée avant l’automne 1998, période où le PACS a fait l’objet de polémiques, alors que ce projet figure depuis longtemps dans le débat public et parlementaire, puisque la première proposition de loi sur le contrat d’union sociale remonte à 1992. Si cette proposition est importante, notamment pour les couples homosexuels, l’ampleur du débat qu’elle a suscité reste, cependant, un peu inattendue.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l’adoption sans modification de la proposition de loi n° 1587.


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