ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
COMPTE RENDU N° 63
(Application de l'article 46 du Règlement)
12/03/95
Mardi 22 juin 1999
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Jean Le Garrec, président
SOMMAIRE
Examen du rapport dinformation de M. Gaëtan Gorce sur lapplication de la loi du 13 juin 1998 dorientation et dincitation relative à la réduction du temps de travail
Informations relatives à la commission
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La commission a examiné le deuxième rapport dinformation de M. Gaëtan Gorce sur lapplication de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 dorientation et dincitation relative à la réduction du temps de travail.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur, après avoir rappelé quun état des lieux des négociations relatives à la loi du 13 juin 1998 avait été établi à loccasion de la présentation dun premier rapport dinformation en mars 1999, a précisé que le présent rapport sinscrivait, quant à lui, dans la perspective de la seconde loi. Il a ensuite souligné les points suivants :
- La politique de lemploi du Gouvernement repose sur quatre outils : la relance de la croissance et de lactivité économique 620 000 emplois ont été créés depuis le mois de juin 1997 -, la création de près de 200 000 emplois-jeunes, les abattements de cotisations sociales patronales, enfin, la réduction du temps de travail. Celle-ci doit permettre un meilleur partage des gains de productivité en faveur de lemploi ; elle apparaît en outre comme lun des instruments majeurs de la relance de la négociation collective.
- La première loi na pas déçu les attentes. On dénombre aujourdhui environ 70 accords de branches et le nombre daccords dentreprise signés à la fin juin 1999 dépassera probablement les 6 000. A ce jour, ces accords sont signés, dans neuf cas sur dix, par la totalité des organisations syndicales présentes dans lentreprise. Ils représentent en effet des avancées sociales dans la mesure notamment où leur application naboutit pas, dans limmense majorité des cas, à des remises en cause des salaires.
- La réduction du temps de travail sest révélée réellement créatrice demplois depuis lentrée en vigueur de la première loi : plus de 70 000 emplois auront été créés ou préservés dici la fin du mois de juin 1999.
- La négociation collective doit aboutir à des accords équilibrés. A ce jour, lanalyse des accords montre que le scénario élaboré par les experts au moment du vote de la première loi sest vérifié : la réduction du temps de travail est financée par la modération salariale, les gains de productivité et les aides publiques.
Le rapporteur a ensuite présenté sa vision de la seconde loi.
Trois grands principes doivent présider à lélaboration de la seconde loi. Le premier est que la négociation doit être le pivot de la réduction du temps de travail. Le deuxième tient dans la nécessité de prévoir une période dadaptation après le 1er janvier 2000 pour celles des entreprises de plus de vingt salariés qui nauraient pas encore conclu daccords à cette date. En effet, certaines nauront pas finalisé voire entamé ces négociations qui nécessitent, pour aboutir à un accord, un délai de six à huit mois en moyenne. Le troisième principe consiste dans un meilleur encadrement des rythmes de travail par la loi.
En ce qui concerne laménagement des heures supplémentaires dans la période dadaptation, deux solutions peuvent être envisagées : soit le maintien du contingent à 130 heures par an, soit un système permettant de nimputer ces heures sur le contingent quà partir de la 37ème heure. Quel que soit le système retenu, il faut rappeler que le seuil de déclenchement de ces heures doit être la 36ème heure. Sagissant du taux de majoration devant sappliquer aux heures supplémentaires, il pourrait être opportun de le fixer à 10 ou 15 %, sachant que, pour les quatre premières heures, cette majoration pourrait être affectée à lUNEDIC ou au Fonds de réserve pour les retraites.
Les aides accordées par lEtat à la mise en uvre de la réduction du temps de travail doivent être conditionnées à la signature dun accord de réduction du temps de travail. De même, les exonérations de cotisations sociales patronales, réforme structurelle denvergure, dépendront de la conclusion daccords qui doivent mettre en uvre une réduction effective du temps de travail.
Il convient de garantir aux salariés payés au SMIC et bénéficiant des 35 heures le maintien et la revalorisation de leur rémunération afin de préserver leur pouvoir dachat.
La deuxième loi devrait par ailleurs sattacher à la protection de certains acquis conventionnels. Il faudra rappeler à ce sujet la définition protectrice du temps de travail effectif figurant dans la loi du 13 juin 1998. Il pourrait aussi savérer utile de fixer comme base de référence une durée horaire maximale sur lannée pouvant être évaluée à environ 1 600 heures.
La seconde loi pourrait de même fournir loccasion de simplifier, planifier et encadrer le recours aux modulations horaires. En outre, une attention particulière devrait être apportée aux délais de prévenance et aux maxima hebdomadaires, qui ne devraient pas excéder 44 heures en cas daccord de modulation.
Compte tenu des répercussions daccords de réduction du temps de travail, parfois dérogatoires, sur la vie des salariés, il semble nécessaire de sassurer de lassentiment des syndicats majoritaires ou des salariés au sein de lentreprise. Ainsi les accords devraient être signés par le ou les syndicat(s) majoritaire(s) au sein de lentreprise pour être validés.
En ce qui concerne les cadres, il conviendrait de limiter explicitement lusage du forfait tous horaires aux seuls cadres dirigeants.
Le législateur devrait être particulièrement vigilant sagissant du temps partiel afin notamment de prévenir le recours au temps partiel contraint. Une harmonisation des aides financières attribuées aux temps plein et aux temps partiel serait logique. La seconde loi pourrait permettre de mettre la définition française du temps partiel en conformité avec celle de la directive communautaire de décembre 1997.
Il serait bon daugmenter les aides financières attribuées aux entreprises faisant le choix dun passage aux 32 heures.
Enfin, il faudrait aller vers la reconnaissance dun véritable droit au repos. Concrètement, cela signifie que les accords devraient établir une distinction nette entre les temps travaillés et les temps pouvant être complètement consacrés à la vie personnelle.
Un débat a suivi lexposé du rapporteur.
M. François Goulard a observé que deux visions des relations du travail sopposaient : alors que le rapporteur considère quil faut encadrer toujours davantage celles-ci, lui-même propose au contraire douvrir davantage despaces de souplesse et de liberté. Il a ensuite fait les observations suivantes :
- On peut être perplexe devant certaines déclarations gouvernementales récentes. Ainsi, lannonce que, pendant un délai dun an, les heures supplémentaires seront très peu taxées paraît marquer une volonté de ne pas appliquer tout de suite les 35 heures ; si le Gouvernement était convaincu des effets de cette mesure sur lemploi, il nenvisagerait pas de mettre en place cette « année de grâce ».
- Les modalités de comptabilisation des emplois créés ne sont pas acceptables. Il est paradoxal dattribuer des effets à une loi qui ne sapplique pas encore. Ladministration du travail comptabilise seulement les déclarations demplois créés ou sauvegardés faites par les entreprises afin de bénéficier de subventions, sans prendre en compte les emplois supprimés.
- Il est regrettable quil nait pas été trouvé de solution technique satisfaisante au problème du SMIC. On peut craindre que les salariés à temps partiel sen trouvent pénalisés. Cest une source dinégalités inacceptables.
M. Yves Cochet sest félicité de ce que, depuis lentrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998, les négociateurs aient bénéficié de temps près dun an pour finaliser leurs accords. Ceux-ci sont dailleurs de bonne qualité dans la plupart des cas. Il appartient maintenant au Parlement de prendre sa part dans les débats en cours, y compris sur larchitecture générale du deuxième texte de loi en préparation.
Après avoir exprimé son accord avec les grands principes énoncés par le rapporteur, il a soulevé les points suivants :
- Si lapplication de la loi dès le 1er janvier 2000 est indispensable, la question dune période dadaptation se pose. A cette date, les règles du jeu seront connues depuis un an et demi.
- Pour laménagement du régime transitoire des heures supplémentaires, le législateur doit se prononcer sur trois éléments : le contingent, la majoration et les modalités de compensation de ces heures supplémentaires pour les salariés. Sur ce dernier point, la proposition du rapporteur denvisager un versement de la majoration des quatre premières heures supplémentaires à lUNEDIC est intéressante, même si on pourrait lui préférer un système de repos compensateur renforcé qui constituerait une forte incitation à lembauche.
- Il faut en effet définir dans la seconde loi un cadre juridique clair et stable : les 35 heures au 1er janvier 2000 constituent à cet égard, une règle particulièrement claire et simple. Elles nempêchent pas de sengager vers une formule de référence horaire annuelle, dailleurs envisagée par le rapporteur et étudiée par le ministère de lemploi et de la solidarité qui se fonde quant à lui sur un calcul de 1 575 heures par an et non de 1 600 heures.
- Les cadres sont légitimement inquiets sur le traitement qui leur sera réservé ; il conviendrait de faire un sort particulier dans la seconde loi aux cadres dirigeants, peu nombreux, tandis que, pour tous les autres, lobligation de décompte du temps de travail en heures subsisterait et serait réellement mise en pratique, avec pointeuses si nécessaire. Il faut tenter de banaliser le statut des cadres qui doivent être le plus possible traités à linstar des autres salariés.
En conclusion, M. Yves Cochet a approuvé lidée de simplification des systèmes de modulation, ainsi que celle dun droit au repos, qui nest pas sans rappeler le « droit à la paresse » revendiqué en son temps par Lafargue.
Mme Marie-Thérèse Boisseau a formulé les remarques suivantes :
- Il faut prendre en compte leffet négatif sur la création demplois des 35 heures. Certaines entreprises, inquiètes par la perspective de la généralisation des 35 heures, réduisent leurs effectifs. En réalité la loi a « mangé son pain blanc » en poussant à la réduction du temps de travail là où cela était le plus aisé.
- Dans la mesure où lanalyse des accords montre que le maintien quasiment systématique du niveau de salaire est assuré, la réduction du temps de travail devrait bien se traduire par un alourdissement du coût de celui-ci dans les entreprises, sachant que toutes ne peuvent en pratique réaliser des gains de productivité.
- On peut sinterroger sur la signification du « droit au repos » évoqué par le rapporteur et sur la possibilité même de quantifier et dappréhender concrètement une telle notion.
M. Yves Rome, après avoir souligné lintérêt du rapport qui esquisse des pistes pour rendre plus efficace la réduction du temps de travail, a indiqué que le contingent de 130 heures apparaissait suffisant pour aborder le passage aux 35 heures et que sa maîtrise pouvait être laissée aux partenaires sociaux.
Il a ensuite observé que la majoration de 10 % à partir de la 36ème heure pourrait aussi avoir pour objectif de désinciter les salariés à multiplier les heures supplémentaires, ceci afin déviter que celles-ci freinent les créations demplois.
Le président Jean Le Garrec a tout dabord observé que, si la réalité des chiffres pouvait donner lieu à des discussions infinies, pour autant, il ne fallait pas surestimer limpact de leffet daubaine, si réel soit-il, et que, sur le terrain, le frein à la création demplois qui résulterait de la perspective du passage aux 35 heures apparaissait peu vérifié.
Lobjectif poursuivi par la loi est de réduire le temps de travail en créant des emplois sans que cette dynamique sopère au détriment des entreprises. Trois catégories peuvent être distinguées à cet égard : les entreprises ayant conscience de lintérêt que peut présenter pour elles la réduction du temps de travail, les entreprises hésitantes quil faut convaincre de négocier, et les entreprises repliées sur elles-mêmes que lon ne peut ignorer. La phase dadaptation apparaît à ce titre incontournable ; un délai savère en effet nécessaire pour procéder aux ajustements inévitables entre le moment de la conclusion dune négociation et celui auquel lemployeur procède réellement à des embauches.
Enfin, la question de lapplication de la réduction du temps de travail à lencadrement laisse subsister des problèmes réels même si les cadres ont de plus en plus tendance à se considérer comme des salariés « ordinaires ».
Mme Catherine Génisson, sappuyant sur le rapport quelle vient de rendre au Gouvernement sur légalité professionnelle entre les hommes et les femmes a rappelé que la seconde loi sur les 35 heures devrait être loccasion de repenser lorganisation du temps de travail des cadres. Il existe dabord un problème de définition du cadre, la notion de cadre en France étant trop large. De plus, lorganisation actuelle du travail reste pénalisante pour les femmes cadres qui ne parviennent pas à articuler correctement leur vie familiale et leur vie professionnelle.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :
- La période dadaptation ne saurait être considérée comme une période de report de lapplication de la loi dans la mesure où, dès le 1er janvier 2000, la durée légale du travail sera fixée à 35 heures. La période dadaptation envisagée intervient dans un contexte radicalement nouveau, puisque à cette date, lobligation de passer aux 35 heures va se substituer à la phase purement incitative. Le caractère instable du cadre juridique actuel a pu susciter des réactions dattente de la part de certaines entreprises et explique en partie que beaucoup naient pas encore conclu daccords.
- La création demplois liée à la réduction du temps de travail est incontestable. Le fait de réduire le temps de travail rend presque mécaniquement, au moins pour partie, indispensable de recourir à des recrutements.
La notion de droit au repos qui, plus quune formule, répond à des réalités et des dérives quil convient de combattre pour le bien-être et le respect des salariés. Il faut ainsi lutter contre la remise en cause inadmissible de certains temps de repos. Ainsi certains salariés sont de façon croissante et parfois injustifiée conduits à travailler à leur domicile ; en outre, le repos du dimanche a tendance à nêtre pas toujours respecté.
Informations relatives à la commission
La commission a nommé les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
- Relations culturelles internationales et francophonie M. Patrick Bloche
EMPLOI et SOLIDARITÉ
- Action sociale M. Francis Hammel
- Santé M. Jean-Pierre Foucher
- Travail et emploi M. Jean-Claude Boulard
- Formation professionnelle M. Patrick Malavieille
- Ville M. Roland Carraz
ANCIENS COMBATTANTS M. Maxime Gremetz
CULTURE ET COMMUNICATION
- Communication M. Didier Mathus
- Culture M. Bruno Bourg-Broc
EDUCATION NATIONALE, RECHERCHE et TECHNOLOGIE
- Enseignement scolaire M. Yves Durand
- Enseignement supérieur Mme Geneviève Perrin-Gaillard
- Recherche M. Jean-Michel Dubernard
JEUNESSE ET SPORTS M. Alain Néri
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La commission a ensuite nommé le rapporteur et les membres dune mission dinformation sur la réforme de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales :
M. Pascal Terrasse, rapporteur
Mme Roselyne Bachelot-Narquin
M. Yves Bur
Mme Paulette Guinchard-Kunstler
M. Francis Hammel
Mme Gilberte Marin-Moskovitz
Mme Hélène Mignon
M. René Dutin
M. Bernard Perrut
M. Philippe Vuilque a été nommé rapporteur dinformation sur le statut des métiers de lanimation.
© Assemblée nationale
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