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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 octobre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, président

puis de M. Jean-Bernard Raimond, vice-président,

SOMMAIRE

 

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-  Audition de M. Brunson McKinley, directeur général de l'organisation internationale
    pour les migrations


-  Examen pour avis des crédits des Affaires européennes pour 2001

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Audition de M. Brunson McKinley, directeur général de l'organisation internationale pour les migrations

Le Président François Loncle a accueilli M. Brunson McKinley, directeur général de l'organisation internationale pour les migrations (OIM) et lui a demandé de bien vouloir présenter les activités de son organisation.

Après avoir chaleureusement remercié la Commission des Affaires étrangères pour son invitation, M. Brunson McKinley a tout d'abord présenté l'OIM et ses activités en précisant que celle-ci s'occupe des migrations de toutes sortes et qu'il ne faut pas la confondre avec l'OMI, c'est-à-dire l'office des migrations internationales, qui est un organisme du gouvernement français.

L'OIM a son siège à Genève et existe depuis presque cinquante ans. Elle a été créée en même temps que le HCR, soit en 1951, pour faire face aux problèmes migratoires de l'Europe de cette époque, problèmes qui sont différents de ceux d'aujourd'hui. A l'époque, il y avait un excès de populations en Europe, les déplacés de la guerre ne pouvaient ou ne voulaient pas rentrer chez eux au début de la guerre froide. Il fallait faciliter les mouvements depuis l'Europe du Nord vers l'Australie ou l'Amérique du Sud. Aujourd'hui la typologie des choses a changé mais le dossier de la gestion des flux migratoires prend de plus en plus d'importance : maintenant c'est l'Europe qui est l'objectif des flux migratoires.

Il y a environ 150 millions de migrants dans le monde, ce qui représente 3 % de la population du globe. Beaucoup sont des "migrants économiques" qui veulent améliorer leurs conditions de vie et qui se dirigent vers les pays riches et prospères de l'Europe pour y trouver du travail. Ce qui rend la tâche de l'OIM plus difficile qu'avant.

La mission de l'OIM consiste à aider les gouvernements à gérer et maîtriser les flux migratoires qu'ils soient réguliers ou irréguliers, forcés ou volontaires, destinés à régler un problème de travail ou d'études, ou encore clandestins parfois. Ils représentent donc un véritable défi pour l'OIM.

Pendant longtemps la France a été un des principaux pays d'accueil des flux migratoires, surtout en provenance des pays francophones. Elle a été un des membres fondateurs de l'OIM en 1951, puis l'a quittée dans les années 1970 parce que la mission originelle avait été accomplie. En 1992, la France a réintégré l'OIM et depuis participe de plus en plus à ses activités.

L'OIM ajoute aux capacités de la France en matière de gestion des flux migratoires la dimension internationale, surtout là où l'office des migrations internationales n'est pas représenté, c'est-à-dire dans la partie non francophone du monde. Les dossiers à dimension internationale relèvent donc plus de l'OIM qui axe son orientation sur les services en faveur des migrants.

L'OIM compte 76 Etats membres et dispose de plus de 120 bureaux et missions dans le monde. Elle collabore avec les organisations internationales de l'ONU, comme le BIT, l'OMS, le HCR, sans faire partie du système onusien bien qu'elle fonctionne comme si elle en était membre. Elle organise également des missions dans des régions qui présentent un intérêt pour la France, comme le Maghreb, l'Afrique, l'Indochine, le Moyen-Orient ou encore les Balkans.

M. Brunson McKinley a ensuite souhaité présenter succinctement quelques actions mises en place par l'OIM ou à venir, dont certaines en collaboration avec la France.

Une collaboration étroite et réussie avec la France a été menée afin de garantir le retour des Kosovars dans leur province. L'OIM a également pratiqué l'enregistrement des Kosovars pour les prochaines élections au Kosovo. Plus généralement, elle est intervenue dans le soutien aux diasporas bosniaques et kosovares.

L'OIM participe également au programme lancé par le gouvernement et l'industrie allemands pour indemniser les victimes du nazisme que sont les travailleurs forcés. Le gouvernement allemand a chargé l'OIM de la responsabilité du programme pour de nombreux pays. La Pologne, la République tchèque par exemple sont des pays qui font eux-mêmes le nécessaire à ce niveau. En France, 5 000 personnes sont déjà entrées en contact avec l'OIM pour réclamer une indemnisation et 100 000 à 200 000 personnes seraient concernées par ce programme. L'un des intérêts de cette tâche réside dans le fait que parmi ces gens souvent âgés, certains ont été les "clients" de l'OIM à sa création.

Prochainement, l'OIM va débuter un projet de retour volontaire des clandestins du Pas-de-Calais en organisant notamment une campagne d'information à leur intention.

Par ailleurs, M. Brunson McKinley a déclaré qu'il doit se rendre aujourd'hui même à Dakar pour une conférence parrainée par la France sur les pays de l'Afrique de l'Ouest. De même, une conférence semblable à eu lieu il y a deux semaines à Tunis où certains projets ont été élaborés.

Enfin, il a souligné que la France a parrainé avec beaucoup de générosité l'arrivée sur son territoire il y a un mois de quelques douzaines d'enfants du Kosovo devant subir des interventions chirurgicales.

En conclusion, il a souhaité demander l'assistance de la France. Le statut de l'OIM en France reste toujours un peu incertain en partie du fait que l'OIM ne fait pas partie du système onusien. Ainsi la France a récemment ratifié la convention de 1947 sur les privilèges et immunités accordés à toutes les organisations de l'ONU mais pas à l'OIM. M. Brunson McKinley a demandé qu'une solution soit trouvée pour combler cette lacune.

Le Président François Loncle s'est félicité de ce que l'action de l'OIM soit ouverte en direction du monde francophone. Il s'est engagé, au nom de la Commission, à attirer l'attention des pouvoirs publics pour que soit trouvée une solution à la question de son statut. Il a noté que la prise en compte de ce genre de problème peut être longue à venir comme le montre la récente ratification de la convention sur les privilèges et immunités des institutions des Nations Unies, qui a pourtant été signée en 1947.

Mme Odette Trupin a souligné l'importance de l'insertion et de la formation des immigrés dans leur pays d'accueil et a demandé quelle est l'action de l'OIM en ce domaine.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a interrogé M. McKinley sur l'attitude à adopter face au problème des migrants mineurs qui se présentent aux frontières françaises, au nombre de 3 000 l'an dernier âgés de douze à seize ans, et qui souvent "disparaissent dans la nature" sans statut ni formation ou accompagnement.

M. Pierre Brana a demandé comment s'articule le travail de l'OIM avec celui du HCR. Où en est par ailleurs le rapatriement des réfugiés et déplacés bosniaques ? Quel jugement porte l'OIM sur les récents rapports démographiques faisant état d'un besoin d'immigration à destination de l'Europe vers 2050, afin de pallier les conséquences d'une faible natalité ? Enfin, l'OIM a-t-elle émis des recommandations sur les politiques d'asile, encore divergentes d'un pays à l'autre de l'Union européenne ?

M. Charles Ehrmann a tout d'abord félicité M. McKinley pour son excellente pratique du français et s'est inquiété des conséquences des faibles taux de natalité dans les pays européens sur la démographie. L'Europe se vide et il est plus difficile d'intégrer les nouveaux migrants car ils viennent d'horizons culturels différents. En outre, certains pays ont diminué le nombre des naturalisations ce qui accroît les difficultés d'intégration des nouveaux migrants. Il s'est enquis des moyens dont dispose l'OIM pour limiter le passage de clandestins aux frontières. Par ailleurs, serait-il possible de donner un statut aux migrants mineurs ? Compte tenu des problèmes à résoudre, les moyens de l'OIM restent très insuffisants et devraient être largement accrus.

Mme Marie-Hélène Aubert a évoqué la situation problématique des centres de rétention administratifs, notamment dans les zones aéroportuaires, qui offrent des conditions de traitement non conformes à la dignité humaine, provoquant bien des drames. Plusieurs ONG, dont la CIMADE, ne seraient plus autorisées à y intervenir. Comment l'OIM compte-t-elle réagir ? Peut-elle organiser son action en liaison avec les ONG ?

Mme Marie-Hélène Aubert s'est également interrogée sur l'absence de dispositif concret pour résoudre le grave problème du développement du trafic d'êtres humains et notamment de femmes venues des pays de l'Est ou d'Afrique, victimes de mauvais traitements et ne disposant d'aucun recours. L'Union européenne comme la France ne traitent pas ce problème et ne sanctionnent pas ce trafic.

Le Président François Loncle a indiqué à ce sujet que M. Jean-Marie Delarue, directeur au ministère de l'Intérieur, lui avait fait part de la situation décrite par Mme Marie-Hélène Aubert, en précisant que le trafic d'êtres humains rapporte le quart de celui des stupéfiants alors qu'il est sanctionné par des peines dix fois moins importantes que dans le cas des trafics de drogue.

Mme Monique Collange a demandé si l'OIM aurait pu aider de petites communes de sa circonscription rurale qui, l'an dernier, ont dû faire face à un afflux massif de réfugiés kosovars leur posant de sérieux problèmes d'hébergement et de scolarisation. Peut-on et doit-on envisager le retour de ces migrants ?

M. Brunson McKinley a répondu aux intervenants.

L'OIM est impliquée dans l'intégration et la formation des immigrants, mais plutôt avant qu'ils ne quittent leur pays d'origine, lorsqu'il s'agit d'une immigration planifiée comme celle en direction de l'Australie, par exemple. Elle apporte alors aux futurs migrants une formation concernant la langue, la civilisation et les coutumes du pays dans lequel ils vont se rendre. Lorsqu'il s'agit d'immigrants clandestins, c'est plutôt le pays de destination qui s'en charge à l'occasion d'une régularisation.

Le problème des migrants mineurs non accompagnés est très difficile. Ceux-ci sont souvent dépourvus de papiers et dissimulent leur nationalité ; ils sont parfois exploités ou envoyés pour établir une tête de pont qui sera suivie plus tard d'un regroupement familial. La meilleure solution est le retour volontaire même si elle n'est pas toujours facile à mettre en _uvre, car beaucoup viennent de pays très lointains.

L'assistance aux migrants en détresse est apportée par l'OIM, mais aussi en collaboration avec les Croix Rouge nationales et le Comité international de la Croix Rouge. Le HCR est un partenaire dans toutes les situations d'urgence, comme au Timor, au Kosovo ou en Bosnie. Les situations d'urgence ne représentent qu'un tiers des activités de l'OIM, c'est plutôt la vocation du HCR, avec qui l'OIM a néanmoins des accords pour le transport et l'acheminement de l'aide alimentaire, par exemple.

L'avenir de l'ex-Yougoslavie est ouvert. Il reste que la Serbie a une forte population de réfugiés qui s'y sont regroupés en quittant la Croatie, la Bosnie et le Kosovo. Il sera plus difficile d'organiser leur retour en Croatie ou en Bosnie. Il faut envisager pendant les cinq à dix ans à venir de séparer les populations même en cas de réintégration alors qu'auparavant l'ex-Yougoslavie était caractérisée par le cosmopolitisme et le mélange des cultures. Cependant, on peut protéger les droits de ceux qui reviennent. Une commission des biens immobiliers des déplacés a été créée ; elle fonctionne et protège leur droit de propriété afin de permettre la récupération ou l'échange des biens.

L'Europe aura-t-elle besoin de 50 millions de travailleurs supplémentaires ? Ce chiffre avancé par M. Chabi, éminent démographe, est controversé et peut-être exagéré. Le fondement de son analyse est exact car le vieillissement de la population européenne et la faiblesse de son taux de natalité ont des conséquences aux niveaux industriel et fiscal. Aussi faudra-t-il mettre en _uvre dans la prochaine décennie plus de programmes de migrations organisés pour une durée déterminée. Il en existe déjà quelques-uns notamment des programmes pour les Albanais et les Tunisiens en Italie qui doit faire face à des besoins irréguliers de travailleurs saisonniers.

Le droit d'asile est un dossier important. Pendant plus de cinquante ans l'Europe s'est efforcée de le traiter de façon généreuse. Tous les migrants irréguliers disposent d'une possibilité de demander l'asile mais les politiques en la matière divergent d'un pays à l'autre. Il conviendrait de les harmoniser et de mettre en _uvre des politiques de migration efficaces.

M. Brunson McKinley a reconnu que l'assimilation des populations récemment installées pouvait poser des difficultés plus grandes que celles posées par les populations immigrées accueillies dans le passé. Une certaine identité de civilisation, de religion ou de race permettait alors une intégration relativement facile et rapide. La situation n'est plus la même aujourd'hui avec des populations qui ont parfois des coutumes très différentes. Cela pose de vrais problèmes à court terme mais qui ne sont pas forcément insolubles : aux Etats-Unis par exemple, les immigrés asiatiques de la première génération ne se sont absolument pas assimilés, alors que leurs enfants vont à l'école, y réussissent très bien et sont aujourd'hui intégrés dans la société américaine, même s'ils ont tendance à rester ensemble. Peut-être y aura-t-il une véritable assimilation à la troisième génération ?

L'OIM n'est pas directement impliquée dans la question des centres de rétention qui relèvent des législations nationales. Elle devrait d'ailleurs peut-être s'y intéresser davantage afin de favoriser l'installation de centres où les individus soient traités humainement et dignement, comme dans les centres de réception des immigrés expulsés des Etats-Unis que l'OIM a créés au Salvador.

En revanche, l'OIM est profondément impliquée dans la lutte contre la traite des femmes et des enfants dans un but d'exploitation sexuelle, en étroite collaboration avec les ONG, comme par exemple le Comité contre l'esclavage moderne en France. Ce phénomène concerne plus de 700 000 personnes dans le monde, dont 300 000 en Europe, issues le plus souvent d'Europe de l'est. L'action de l'OIM consiste tout d'abord en des campagnes d'information afin d'alerter quant aux risques et dangers de cette traite. En outre, l'OIM vient en assistance aux victimes, les aidant à rentrer dans leurs pays d'origine dans les meilleures conditions.

En ce qui concerne la situation des réfugiés en provenance du Kosovo, il faut savoir que s'il y a toujours des problèmes dans cette région, l'évolution est bien plus favorable que ce que l'on aurait pu craindre : M. Bernard Kouchner accomplit un excellent travail dans ce qui est l'une des missions les plus difficiles de la diplomatie internationale. La victoire du président Vojislav Kostunica en Yougoslavie devrait permettre une nouvelle approche. Les conditions de vie aujourd'hui au Kosovo sont meilleures que dans le reste de la Serbie, même si elles restent moins bonnes qu'avant la guerre, ce qui pourrait expliquer que les Kosovars installés en France choisissent en grande partie d'y rester dans l'immédiat.

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Examen pour avis des crédits des Affaires européennes pour 2001

Mme Marie-Hélène Aubert a d'abord précisé que le projet de budget communautaire pour 2001 était le deuxième inscrit dans le cadre financier pluriannuel adopté par le Conseil européen réuni à Berlin les 24 et 25 mars 1999. Ce cadre résulte de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999, par lequel les trois institutions de l'Union intervenant en matière budgétaire ont décidé une programmation sur sept ans, comportant un plafond pour les recettes de l'Union fixé à 1,27 % du PNB communautaire, et, corrélativement, un plafond pour les dépenses.

Cette contrainte imposée aux exercices budgétaires suivants a été considérée comme souhaitable au regard des efforts de rigueur conduits par les Etats membres au plan national.

Le projet de budget 2001 diffère peu du précédent. Il est essentiellement redistributif : 47 % des dépenses seront consacrées à la politique agricole commune, 34 % à la politique régionale, tandis que les politiques internes et les actions extérieures, limitées aux alentours de 5 % du budget, continueront de faire l'effet de parents pauvres. Pourtant, tant l'actualité internationale que les nouvelles missions attribuées à la construction européenne contribuent à solliciter amplement le budget des Quinze.

L'Union mène aujourd'hui quatre grands desseins à la fois : réaliser l'élargissement, contribuer à la stabilisation dans les Balkans occidentaux, conduire un partenariat ambitieux avec les pays de la Méditerranée et, enfin, poursuivre son aide traditionnelle en direction des pays les plus pauvres. L'année dernière, le budget a pu être contenu dans le cadre financier pluriannuel au moyen de redéploiements et grâce à l'utilisation de l'instrument de flexibilité de 200 millions d'euros. Cet instrument devra certainement entrer en jeu cette année encore, notamment pour la raison que l'évolution de la situation politique en République fédérale de Yougoslavie appellera une réponse européenne, et il faut s'en féliciter.

Le projet de budget traduit donc un immobilisme certain, qui correspond peut-être à l'immobilisme politique général que l'on peut constater en suivant le déroulement de la Conférence intergouvernementale.

Le projet de budget adopté par le Conseil de l'Union le 20 juillet dernier s'établit à 95,8 milliards d'euros en crédits d'engagement et 92,5 milliards d'euros en crédits de paiement. Il traduit, par rapport au budget initial 2 000, une progression de 2,7 % pour la première catégorie de crédits et une progression de 3,5 % pour la seconde.

La contribution française inscrite à l'article 28 du projet de loi de finances s'élève à 99,5 milliards de francs en prévision de prélèvement sur recettes, montant correspondant à 6,1 % des recettes fiscales nettes de notre pays.

La France est un pays structurellement contributeur net, contribuant pour 16,8 % au financement du budget communautaire, et le deuxième contributeur en volume derrière l'Allemagne, qui finance 25% du budget communautaire. Le solde budgétaire calculé pour l'année 1998 place la France en position de cinquième contributeur net derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Italie.

Mais notre pays se situe en deuxième position des bénéficiaires des politiques communautaires, recevant 14,7% de l'ensemble des crédits derrière l'Espagne, qui en reçoit 15,2 % de ces crédits. La France devrait rester le premier bénéficiaire de la Politique agricole commune (PAC) réformée sur l'ensemble de la période 2000-2006, et le premier bénéficiaire de la politique de développement rural, recevant 17,5% de l'enveloppe consacrée à cette politique.

Il serait souhaitable que la position de la France évolue : au lieu de s'accrocher au maintien de la PAC, politique de plus en plus coûteuse alors que ce secteur régresse en termes d'emploi, notre pays devrait proposer de nouvelles initiatives pour la faire évoluer, avant d'attendre qu'elle ne soit totalement remise en cause par d'autres pays. On sait par ailleurs qu'elle suscite des inquiétudes quant à l'environnement et à la sécurité alimentaire.

Le Conseil a exprimé sa priorité à la reconstruction dans les Balkans occidentaux. L'an dernier, le financement de l'aide au Kosovo avait constitué une pierre d'achoppement lors de la discussion du budget 2000. Le problème avait été résolu par des redéploiements. Cette année encore, il existe une divergence de vue entre les institutions quant à l'enveloppe qui doit être affectée à cette région. Les propositions de la Commission n'ont pas été suivies, et le Conseil a décidé l'affectation d'une enveloppe de 614 millions d'euros en crédits d'engagement pour 2001, ce qui représente une augmentation de 30%, formellement, mais une stabilité si l'on considère que 672 millions d'euros ont été engagés en 2000 grâce au recours à l'instrument de flexibilité.

Mme Marie-Hélène Aubert a souligné que la mise en _uvre de l'aide au Kosovo par l'Agence européenne pour la reconstruction avait été très efficace, et beaucoup plus rapide que dans tout autre programme communautaire.

Mais elle a déploré que la priorité en faveur de cette région entraîne une diminution de toutes les autres actions extérieures d'environ 9%, ce qui est particulièrement regrettable en ce qui concerne la politique constructive que doit mener l'Union en direction des pays de la Méditerranée. Les retards et les lenteurs constatés dans la gestion des programmes Meda sont connus, et il faut souhaiter que les nouvelles procédures adoptées récemment, comme les efforts de réorganisation de la Commission européenne, puissent apporter une amélioration décisive. Néanmoins, ces défauts ne doivent pas être un prétexte pour diminuer les dotations des programmes.

Enfin, le Rapporteur a évoqué les politiques internes. Elle a critiqué l'inadéquation des financements prévus au projet de budget avec les grandes ambitions et déclarations d'intention proclamées par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, ou les autres représentants des Etats membres, lors du Conseil européen de Lisbonne par exemple. Les crédits affectés à la recherche et aux politiques de l'emploi restent marginaux.

Les crédits consacrés au développement des réseaux transeuropéens sont totalement insuffisants. L'Union doit développer rapidement des réseaux ferroviaires répondant à une logique de complémentarité et d'intermodalité, et les efforts d'accompagnement financier sont loin d'avoir un impact décisif. L'Union a pris des engagements en vue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto : ces engagements, même s'ils sont faibles, vont plus loin que ceux pris par les Etats-Unis par exemple. Mais les Etats membres ne semblent pas avoir la volonté de traduire ces engagements en politiques lisibles et efficaces : une véritable politique des grands réseaux en constituerait une.

En conclusion Mme Marie-Hélène Aubert a proposé d'adopter le prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget communautaire, mais en déplorant dans le présent avis la faiblesse de ce budget et son inaptitude à répondre aux grands enjeux de la politique extérieure de l'Union et au développement des politiques internes les plus indispensables.

M. Charles Ehrmann a rappelé que l'Allemagne et les Pays-Bas estimaient que la part du budget européen consacrée à la politique agricole commune, soit 47%, était trop élevée, ce qui pose problème à la France.

Il a déploré que l'Union européenne se préoccupe plus de la situation dans les Balkans que de la montée de l'islamisme dans les pays méditerranéens. Il a souligné que pour l'Europe du Sud-Est, la liaison Lyon-Turin était d'une importance capitale et s'est demandé comment on pouvait élargir l'Union sans moyens financiers supplémentaires et sans procéder aux réformes nécessaires. Il s'est montré dubitatif sur l'intérêt porté par les Français à l'aide au développement.

M. Jean-Yves Gateaud a estimé que les Français s'intéressaient à l'aide au développement et qu'ils en comprenaient les enjeux à long terme.

M. Pierre Brana a partagé les craintes de Mme Marie-Hélène Aubert sur la politique d'aide au développement car, pour faire face à ses obligations, l'Union devra redéployer ces aides alors que la hausse du pétrole aggrave encore la situation des pays en voie de développement. L'aide apportée par l'Union européenne aux Balkans risque de se faire au détriment des pays du Sud.

Il a souhaité que la faiblesse du budget ne nuise pas aux opérations de démantèlement des centrales nucléaires dangereuses des pays de l'Est, qui restent une menace permanente.

M. Jean-Bernard Raimond a félicité le Rapporteur pour avoir insisté sur le fossé entre les moyens et les enjeux, qui sont immenses, car, depuis dix ans, le monde a changé dans un sens favorable malgré les crises. Ainsi, il y a dix ou onze ans, les centrales nucléaires potentiellement dangereuses existaient, mais on n'en parlait pas et l'on ne pouvait pas intervenir pour les sécuriser. L'évolution dans les Balkans entraîne des coûts pour l'Union mais elle facilitera la coopération dans de nombreux domaines.

Mme Marie-Hélène Aubert a souligné la nécessité impérative pour l'Union européenne d'amplifier massivement son aide au développement dans toutes ses dimensions afin d'éviter une déflagration générale. Même M. James Wolfensohn, le Directeur général de la Banque mondiale, ne cesse de dénoncer l'indifférence et l'irresponsabilité des Occidentaux face à la pauvreté et à la misère qui sévit dans de nombreuses régions du monde, et qui représente une menace que l'on ne veut pas prendre en considération.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 28 du projet de loi de finances pour 2001.

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