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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 octobre 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la situation internationale,    puis en présence de M. Charles Josselin, ministre délégué chargé de la Coopération et de la    Francophonie, sur le budget de son ministère pour 2001



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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la situation internationale

M. Hubert Védrine s'est d'abord exprimé sur les sujets les plus récents de politique étrangère. Au Proche-Orient il espère qu'après l'escalade des derniers jours une certaine stabilisation va s'opérer à laquelle MM. Barak et Arafat ont chacun intérêt. Mais après ce qui s'est passé, la discussion sur le fond peut-elle reprendre ? De toute façon, il faut se garder de l'illusion que d'autres peuvent répondre à la place des Israéliens et des Palestiniens aux problèmes qui leur sont posés.

En Yougoslavie, nous vivons actuellement une période de transition ou de consolidation de la démocratie qui durera jusqu'aux élections de décembre prochain en Serbie. La façon dont seront réglés les principaux problèmes - avenir de Milosevic, relations avec le Monténégro et le Kosovo - reste incertaine.

M. Etienne Pinte a souligné la grande différence entre l'utilisation d'armes à feu par les Israéliens et de pierres par les Palestiniens. L'utilisation d'armes moins meurtrières par les Israéliens permettrait de rendre la situation moins explosive, car l'existence de morts et de blessés nourrit l'esprit de vengeance. Par ailleurs quelles sont les causes profondes de cet embrasement ?

M. François Léotard a estimé que le terme souvent employé de « provocation » pour qualifier l'initiative d'Ariel Sharon était dangereux et ne favorisait pas une issue pacifique aux événements. Il est clair que Sharon avait des préoccupations de politique intérieure, mais il reste que le libre accès aux édifices religieux ne lui a pas été assuré alors que l'esplanade des Mosquées est aussi le sommet du mont du Temple. La police israélienne au contraire a toujours permis le libre accès aux lieux saints.

M. Hubert Védrine a expliqué qu'il avait employé ce terme car il était celui qui lui paraissait correspondre le mieux à l'initiative politicienne d'Ariel Sharon au moment ou B. Netanyahu venait d'être blanchi par la justice israélienne. Il s'agit véritablement d'une provocation. Il était ainsi indispensable de signifier que les événements ne tenaient pas à une initiative de M. Barak, contrairement à ce que laissent entendre certains pays arabes. En outre, ne pas le dire, c'était alimenter la douleur chez les Palestiniens.

M. Pierre Brana a demandé des précisions sur la suspension de l'aide européenne à la suite de la décision de la Cour suprême ivoirienne de refuser deux des principales candidatures à l'élection présidentielle.

Il s'est également interrogé sur l'écart existant entre les programmes massifs d'aide extérieure de l'Europe et sa faible influence politique.

M. Hubert Védrine a indiqué que la suspension des financements en direction de la Côte d'Ivoire ne s'appliquait que pour les nouvelles aides, non pour celles qui ont déjà été décidées. Il faudra donc réétudier la situation après l'élection présidentielle dont la signification pourrait être relativisée par l'élimination de deux des principaux candidats.

En ce qui concerne le poids politique de l'Europe, il est difficile de transformer quinze positions distinctes en une position commune plus forte que l'expression de la seule « grave préoccupation » de l'Union européenne, même si une politique audacieuse a pu être mise en _uvre récemment dans le cas de la Yougoslavie. En revanche, il est beaucoup plus aisé de lever des fonds et de les distribuer. Le danger est alors que l'Europe se réduise à une sorte de Banque mondiale ou d'institution caritative. Pour les pays sans tradition de politique étrangère forte, il est tentant de répondre par des promesses chiffrées aux grands événements de politique étrangère, ce qui ne correspond pas nécessairement aux souhaits des intéressés. Par ailleurs, le système européen d'aide est peu performant, les délais de consommation des crédits sont souvent trop longs. Il est donc nécessaire, en collaboration avec Chris Patten de revoir entièrement l'ensemble de l'action extérieure de l'Union européenne.

M. Paul Dhaille a souhaité obtenir des informations sur l'évolution de la situation en Tchétchénie et a rappelé que le Conseil de l'Europe est la seule institution européenne à avoir pris des sanctions à l'encontre de la Russie puisque son droit de vote a été suspendu.

Concernant la crise yougoslave, la diplomatie russe a-t-elle joué un rôle quelconque conformément aux v_ux de la Douma russe ?

Enfin, il a souhaité savoir si la situation du Commandant Massoud en Afghanistan est réellement désespérée.

M. Hubert Védrine a répondu que la Tchétchénie connaît actuellement une accalmie due au fait que l'armée russe a repris le contrôle militaire de la situation. Sur le fond, rien n'a changé, il n'y a pas de dialogue politique, c'est-à-dire pas de début de solution. A cet effet, le Ministre a rappelé que la France a été le seul pays occidental à condamner les conséquences pour les populations civiles et à demander une solution politique. Beaucoup de pays ne veulent pas harceler la Russie avec cette question au moment où elle se trouve dans une période de transition. D'autres acceptent l'argumentation russe selon laquelle des combattants islamiques internationaux interviendraient dans ce conflit, escamotant ainsi sa dimension russo-tchétchène.

Dans la crise yougoslave, la diplomatie russe a suivi les événements.

Le Commandant Massoud est bien en difficulté puisqu'il a perdu le contrôle de la situation en ayant perdu la dernière ville qui lui servait de capitale. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il ne pourrait y avoir de retournement.

S'agissant des tensions israélo-palestiniennes, M. Valéry Giscard d'Estaing a précisé que la question de Jérusalem est la plus difficile, c'est bien pourquoi elle a toujours été laissée de côté. Il a souhaité savoir s'il existe une position française ou européenne sur le statut futur de Jérusalem. Par ailleurs, quels progrès peut-on attendre du conseil informel de Biarritz ?

Concernant le projet de constitution européenne, il a demandé au Ministre s'il envisageait une constitution pour les trente futurs membres de l'Union. Une enveloppe juridique commune à tous les Etats membres est-elle vraisemblable ?

Enfin, le Gouvernement envisage-t-il de faire précéder le Conseil européen de Nice par un débat parlementaire et un accord est-il acceptable pour la France si l'on maintient le principe d'un commissaire par Etat, soit à terme trente commissaires.

Le Président François Loncle a précisé que la Conférence des Présidents a décidé d'organiser deux séances de questions entièrement consacrées aux affaires européennes le 18 octobre, soit après le Conseil informel de Biarritz, et le 13 décembre, après le Conseil européen de Nice. Avant celui-ci, une réunion de l'Assemblée nationale, soit en séance publique, soit en commission élargie, n'a pas encore été confirmée.

Sur Jérusalem, M. Hubert Védrine a répondu que le Gouvernement n'a pas formalisé une position française étant donné la sensibilité du sujet. Le rôle de la France est d'aider les deux protagonistes à aller vers un résultat.

Le but du Conseil informel de Biarritz est de faire le bilan des premiers mois des discussions de la CIG, en soulignant que le moment des compromis créatifs arrive à grands pas. Les choses bougent mais aucun pays n'a encore annoncé les concessions qu'il serait prêt à faire. La France préconise une commission plafonnée en dessous de vingt commissaires ou au moins réorganisée de façon radicale avec une hiérarchisation claire. Aujourd'hui, il y a quasi unanimité des autres pays pour ne pas renoncer à leur commissaire respectif. Cependant, pour envisager la deuxième formule, c'est-à-dire la réorganisation de la Commission, il faudra avoir atteint les objectifs sur les autres questions. Les "quatre points" sont liés.

Le Ministre a précisé que l'idée d'une constitution européenne n'émane pas de lui. Si on entre dans ce débat, la question de son contenu se pose inévitablement. Beaucoup de questions se posent d'ailleurs. Par exemple, la constitution s'appliquerait-elle à tous les Etats-membres ou à un groupe pionnier ? Cette constitution aurait-elle pour objet de clarifier la subsidiarité comme le demandent les Länder allemands ou servirait-elle à faire le saut dans le fédéralisme ?

Un débat parlementaire sur les questions européennes n'aurait que des avantages. Des séances de questions spécialisées serviraient à informer le Parlement et un débat permettrait de donner une orientation.

M. Valéry Giscard d'Estaing a insisté sur le fait qu'entre les réponses à des questions après le conseil informel à Biarritz, qui seront informatives, et le choix des positions qui sera fait au Conseil européen de Nice, le Parlement devrait pouvoir émettre son avis.

M. Alain Juppé a invité les commissaires à participer à un colloque organisé avec la CDU à Berlin le 16 décembre prochain.

M. Georges Sarre a souhaité un débat sur l'Union européenne et demandé sur quelles bases le gouvernement français engagerait la discussion sur la CIG. Il s'est interrogé sur le statut juridique de la Charte des droits fondamentaux qui ne contient aucune mention de la laïcité et ne fait pas de différence entre les droits formels et les droits sociaux, ce qui ne va pas dans le sens d'une harmonisation du droit social. Est-elle contraignante sur le plan juridique ? Ne constitue-t-elle pas une dépossession des pouvoirs des parlements nationaux ?

M. Jacques Myard a estimé qu'on va vers un échec programmé du Sommet de Nice, que la Charte des droits fondamentaux est un mauvais texte, mal rédigé, qui fait double emploi avec la Convention européenne des droits de l'Homme et les autres conventions. Evoquant la visite du Ministre en République fédérale de Yougoslavie, il s'est demandé si le nouveau Président démocrate accepterait les propositions de la communauté internationale sur le Kosovo et si, en cas de refus, on utiliserait la force contre une démocratie.

Observant que, sur le Proche-Orient, on décrit des manières de combattre, on spécule sur les chances de la paix, M. Georges Hage a longuement cité un article paru dans un journal du soir où un rabbin évoquait le tort causé par l'Etat d'Israël au monde arabe. Il a souhaité connaître l'avis du Ministre sur cette analyse.

M. René Mangin a abordé la question des sanctions contre l'Autriche, qui n'ont pas empêché la propagation des idées de l'extrême-droite, comme en témoigne le score de 30% de l'extrême droite aux élections municipales d'Anvers ; il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur l'effet des sanctions.

Le Ministre des Affaires étrangères a répondu aux intervenants.

Les positions françaises sur la CIG sont connues : majorité qualifiée, restructuration de la Commission, repondération des droits de vote, assouplissement des coopérations renforcées.

La Charte des droits fondamentaux est une déclaration politique qui n'a pas de force juridique contraignante, c'est un compromis de bonne qualité. On ne peut donc pas s'inquiéter à la fois de la portée juridique de la Charte et de l'insuffisance des droits sociaux qu'elle reconnaît.

Selon lui, l'échec de Nice n'est pas programmé et il convient de se méfier des bilans pessimistes à mi-parcours de la présidence française. Entre Nice et Biarritz, il y aura un sursaut et la vraie négociation commencera.

C'est la résolution 1244 qui doit s'appliquer au Kosovo. Même les Etats-Unis ont indiqué être opposés à l'indépendance de la province et les Albanais du Kosovo sont obligés de tenir compte de l'environnement international, même si les plus radicaux peuvent le regretter.

Chaque fois qu'il y a de grandes tragédies au Proche-Orient, des personnalités savent trouver les mots qu'il faut, mais il serait souhaitable que MM. Arafat et Barak trouvent eux aussi, chacun de leur côté, les mots qu'il faut pour réduire la peur de l'autre.

Au sein de l'Union, il ne peut pas y avoir de dispositif totalement satisfaisant sur les sanctions, car il n'y a pas de réponse juridique appropriée. Une amélioration de l'article 7 sera cependant examinée dans le cadre de la CIG.

Audition de M. Hubert Védrine et M. Charles Josselin sur les crédits des Affaires étrangères pour 2001

M. Hubert Védrine a indiqué que le projet de budget pour 2001 confirme la stabilisation décidée l'an dernier par le Premier ministre des effectifs et des moyens de fonctionnement du ministère. Ces moyens seront préservés pour la deuxième année consécutive, dans un contexte de forte progression de l'engagement multilatéral de la France.

En termes bruts, le budget s'élèvera à un peu plus de 22 milliards de francs, ce qui représente une progression de 5,3 %. La progression est essentiellement due à l'augmentation des contributions obligatoires aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix. Si l'on fait abstraction de cet apport, les moyens de fonctionnement du ministère sont dans l'ensemble reconduits avec une progression de 40 millions.

Les effectifs du ministère resteront stables à 9471 emplois. Un ajustement interne a permis de dégager 10 postes qui pourront être consacrés au renforcement des sections de visas dans les consulats, et qui viendront s'ajouter aux 18 affectés cette année.

Ce budget, bien que trop limité puisqu'il ne s'élève qu'à 1,30 % du budget de l'Etat, permettra cependant de respecter les priorités engagées depuis trois ans. L'effort de modernisation concernant tous les aspects du ministère, commencé en 2000, se poursuivra dans les domaines de l'achèvement de la fusion des deux ministères, la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes et la poursuite de la rénovation immobilière. Mais l'action sera également renforcée dans deux autres directions. Tout d'abord le service aux usagers : le contact avec les usagers dans les consulats a été largement amélioré, et le site internet « conseils aux voyageurs » est un outil apprécié. La formation des diplomates doit être mise à niveau.

Les crédits d'équipement subissent une réduction importante de 148 millions : ils sont établis à 250 millions. Cette réduction correspond en fait à un retour à la situation antérieure après le pic lié à la construction de l'ambassade à Berlin.

Le Ministre a indiqué qu'il souhaitait à l'avenir réduire la part excessive prise par les recrutés locaux par rapport à l'ensemble du personnel, développer les programmes de sécurité ainsi que les actions dans les domaines de la coopération internationale et du développement.

M. Charles Josselin, ministre délégué chargé de la Coopération et de la Francophonie, a présenté les moyens de la coopération internationale et du développement dans le projet de loi de finances de 2001. Ce projet met à disposition de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID) 9,285 milliards de francs, soit 42 % du budget du ministère des Affaires étrangères. Les moyens dévolus à la coopération internationale et à l'aide au développement au sein de ce département ministériel sont maintenus ce qui signifie 160 000 élèves dans 270 établissements de l'Agence pour l'Enseignement du Française à l'Etranger (AEFE), 22 221 étudiants et stagiaires étrangers en France, boursiers du gouvernement français, 150 établissements culturels et 220 alliances françaises dans le monde entier, où chaque année 370 000 étrangers apprennent le français, 27 centres de recherche, 130 missions archéologiques, un "portefeuille" de 503 projets dans les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP), financés soit sur le fonds d'actions à la coopération (FAC) soit sur le fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui a pris sa succession depuis le 1er janvier 2000, et la présence sur le terrain de plus de 2000 "assistants techniques" et 400 à 500 coopérants militaires présents dans certains pays.

En principe les parts respectives des dépenses consacrées au développement et à la coopération avec l'Afrique sont consolidées et procèdent du souci de maintenir l'effort de la France en matière d'aide publique au développement (APD). Les autorisations de programme du FSP (chapitre 6891) croissent légèrement tandis que les autorisations de programme de titre VI versées à l'Agence Française de Développement (AFD), opérateur-pivot de la coopération française 1140 millions de francs (sur le chapitre 68.93) sont sensiblement accrues, en raison des missions nouvelles confiées à l'Agence dans les secteurs de la santé et de l'éducation.

Dans les crédits d'intervention de titre IV, la part consacrée à la coopération technique et au développement est consolidée et les enveloppes dévolues globalement aux pays africains seront reconduites.

L'aide au développement doit pour mieux faire face aux enjeux et défis auxquels elle est confrontée, être axée sur d'une part la réussite de la participation française à l'initiative "pays pauvres très endettés" qui mobilisera des fonds très importants et d'autre part la lutte contre la pandémie du SIDA comme en témoigne la création du Fonds de solidarité thérapeutique à l'initiative de la France. En outre l'accent sera mis sur les thématiques essentielles que sont la promotion de l'Etat de droit, de la démocratie, de la bonne gouvernance (une importante rencontre sur ces thèmes aura lieu à Bamako en novembre prochain), la décentralisation, le développement durable et l'appui à l'intégration régionale notamment sur le plan économique.

Les crédits de la coopération internationale sont un outil privilégié pour défendre la place et l'identité de la France sur la scène internationale. Outre les efforts faits en matière de coopération au développement, les crédits de la DGCID permettront d'assurer la continuité de la politique de coopération culturelle. Les infléchissements remarquables en 2001 seront la poursuite de l'effort de promotion de l'offre de formations supérieures en France, la réponse appropriée aux situations de sortie de crise, en particulier dans les Balkans et en Algérie (où a été entreprise la réouverture progressive du lycée d'Alger et de plusieurs établissements culturels), l'amélioration de la qualité de notre présence culturelle dans les grands pays développés, la poursuite des efforts pour accompagner la préparation des pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne et la volonté d'amélioration des positions technologiques et scientifiques de la France dans les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine.

La réforme du dispositif français de coopération internationale, près de deux ans après sa mise en chantier, a permis la fusion des deux administrations concernées dans des conditions satisfaisantes. En moins de deux ans d'existence, la DGCID s'est appliquée à mener à bien la fusion complète des instruments de gestion issus des deux structures et le rapprochement des logiques de coopération et développement avec celle de la coopération culturelle, scientifique et technique en faisant en sorte qu'elles se fertilisent mutuellement.

Le travail interministériel est devenu une réalité grâce au Comité interministériel de la Coopération Internationale et de Développement (CICID), et la réforme du FAC est effectuée, un décret publié récemment définit les modalités de mise en _uvre du FSP, clarifiant son mode de fonctionnement. Il en est de même pour le fonctionnement de l'AFD, opérateur-pivot de la coopération française, qui est aujourd'hui en mesure de remplir pleinement ce rôle. Passer du "champ" à la ZSP n'était pas un changement de dimension mais un changement de nature dans la coopération, cette mutation a été bien comprise et est en train de réussir (qu'il s'agisse des pays du Maghreb, du Vietnam, du Laos et du Cambodge ou encore des Territoires palestiniens ou du Liban). Des accords-cadres de partenariat ont commencé à être signés et la logique de coopération évolue en profondeur. La coopération internationale de la France commence à être plus visible, premier indice d'une démarche plus stratégique et plus à l'écoute.

M. Pierre Brana a regretté que le budget du ministère n'ait pas été augmenté pour atteindre 1,5 % du budget de l'Etat, ce qui correspondrait mieux à l'importance de son action. Il a interrogé le Ministre sur l'état des négociations concernant l'obligation de visas à laquelle sont soumis les ressortissants roumains et bulgares, ce qui fait toujours l'objet de protestations de la part de leurs représentants politiques lorsqu'ils viennent en France.

M. Hubert Védrine a répondu que cette question relève de la compétence des partenaires de Schengen, et que les négociations sont en cours dans ce cadre, et qu'elles devraient aboutir à une solution favorable.

M. Pierre Brana a estimé que l'aide au développement devrait respecter un certain nombre de critères liés au respect de la démocratie et de l'Etat de droit, certains pays faisant beaucoup plus d'efforts à cet égard que d'autres. Y a-t-il une inflexion en ce sens ?

M. Georges Hage a regretté que la France ne consacre que 0,32 % de son PIB à l'aide publique au développement, alors qu'elle s'est engagée à aller vers une proportion de 0,7 %.

M. Jean-Yves Gateaud a observé qu'une critique revient toujours de la part des personnes auditionnées sur la question de l'aide au développement : presque toutes estiment que celle-ci n'atteint pas la masse critique nécessaire pour jouer un rôle. Peut-on améliorer les efforts de coordination avec les autres donateurs ? Comment mieux définir la notion de zone de solidarité prioritaire ? Enfin, la notion de co-développement a beaucoup évolué et connaît différentes approches économiques, sociales et autres. Elle devrait être mieux définie. Comment lui donner un contenu en matière de migrations internationales, afin que celles-ci soient alternées et ne soient plus définitives ?

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial du budget des Affaires étrangères au nom de la Commission des Finances, a estimé que le budget des Affaires étrangères aurait pu être pire, car auparavant, il était en baisse constante. Ce n'est pas un budget prioritaire, mais il a cessé de se dégrader, et l'action du Parlement n'a pas été inutile à cet égard, puisque c'est grâce à lui que les fonds de concours pour l'utilisation du droit de chancellerie ont été pérennisés et intégrés au budget et que, pour la première fois, les crédits affectés à la francophonie sont transparents et lisibles.

Il a fait les observations suivantes : le solde des emplois diminue (- 4) même si le redéploiement permet de passer de moins 4 à plus 14 et il convient d'accroître le recrutement ; l'enseignement du français à l'étranger a un avenir et nécessite un effort budgétaire, car de nombreux pays européens institutionnalisent l'apprentissage d'une deuxième langue vivante ; les crédits de paiement pour investissement sont en baisse de 22%, or, même si la construction de l'ambassade de France à Berlin est terminée, des besoins importants ne sont pas satisfaits, entre autres, la construction d'un lycée français à Damas ; les contributions volontaires augmentent fortement : 15 milliards de francs supplémentaires hors opérations de maintien de la paix, mais un effort supplémentaire doit être fait en faveur du PNUD ; l'aide au développement et à la coopération passe de 10 milliards de francs à 9,7 milliards, diminuant de 3%, ce qui est d'autant plus regrettable que lors du débat sur la coopération, chacun s'accordait à demander un effort supplémentaire ; des problèmes de change se poseront et nécessiteront des ajustements, car le budget a été établi sur la base d'un cours du dollars à 6,57, nettement en-dessous de la réalité.

M. Jacques Myard a fermement critiqué le projet de budget. De 0,55% d'APD, on passe à 0,30%, car on a privilégié l'aide multilatérale, dont la gestion est opaque et renforce la toute-puissance du ministère des finances, au lieu d'accroître un outil direct sur lequel on peut jouer.

M. Charles Josselin a répondu aux différents intervenants.

La baisse de l'APD est un dossier récurrent qui mérite des précisions. Le chiffre de 0,32% cité par M. Georges Hage ne peut être confirmé. Le fait de sortir des TOM a certes provoqué une baisse statistique connue mais le vrai chiffre est de 0,39%. Cependant, cette baisse ne nous fera pas perdre notre rang. L'Allemagne est à 0,26%, la Grande-Bretagne à 0,23%. Seul le Japon parmi les pays du G7 est au-dessus avec 0,35%. Les Etats-Unis sont à 0,10%. Les pays du Nord de l'Europe sont bien placés : 1% pour la Norvège, entre 0,7 et 1% pour le Danemark et la Hollande. Mais, en valeur absolue, cela ne représente pas les mêmes masses et les structures des budgets sont peu comparables.

Il a convenu qu'il faut mieux utiliser les crédits, imaginer d'autres modes de coopération et utiliser la société civile.

En ce qui concerne les documents pays que le ministère met en place, il a regretté qu'il n'y ait pas de culture d'évaluation véritable, mais le ministère poursuit ses efforts pour essayer de la faire vivre.

Répondant à M. Jean-Yves Gateaud, M. Charles Josselin a rappelé que le besoin d'une meilleure coordination de l'APD doit être plus recherché. La Commission européenne a proposé un plan d'action qui intègre des coordinations sur le terrain entre les postes diplomatiques par exemple. Le partage du travail s'effectue entre les uns et les autres. Le plus important est de savoir mieux dépenser les fonds européens de développement. 9,5 milliards de francs de reliquat sur les fonds précédents, c'est trop important.

Il a reconnu que la ZSP est trop large. Il a précisé que le pays au monde qui reçoit le plus d'investissements privés venant d'ailleurs est les Etats-Unis, qui investissent surtout en Chine. Il faut sécuriser l'investissement sinon il ne viendra pas. Pratiquement toute l'Afrique a été intégrée en partie pour sortir du champ du pré carré francophone.

On pouvait craindre que l'Extrême-Orient ne bénéficie d'arbitrages défavorables. En ce qui concerne l'Afrique, il est intervenu pour inverser la tendance. S'agissant du co-développement, M. Philippe Barret a été nommé ce jour délégué interministériel aux migrations internationales et au co-développement. La réorientation de la politique de co-développement doit prévaloir. Elle n'est pas le retour des sans-papiers et consiste à mener une politique de développement centrée sur des zones de migration en impliquant les migrants avec plus d'échanges que de retours.

L'APD a atteint 0,66% au moment de la dévaluation du franc CFA. Son augmentation correspondait alors à un appui à l'économie africaine qui a connu un redressement entre 1998 et 1999, bien que les problèmes politiques et de sécurité empêchent le développement de projets et la consommation des crédits.

Quatre emplois budgétaires ont été supprimés, mais dix emplois ont pu être dégagés et vont être affectés aux services des visas, grâce à une harmonisation des imputations budgétaires.

Faire du français la deuxième langue vivante correspond à la stratégie du Gouvernement, mais il faut bien plus de moyens au français qu'à l'anglais pour s'imposer.

Si les crédits d'investissements sont en baisse, les autorisations de programmes atteignent 451,5 millions de francs, ce qui permet d'engager les programmes de construction. La France a choisi de réajuster ses contributions obligatoires et de les payer contrairement aux Etats-Unis, malgré les pressions de l'administration Clinton sur le Congrès.

La France s'efforce d'accroître son influence sur le PNUD en augmentant ses contributions qui, depuis 1994, avaient diminué et n'étaient pas à la hauteur de celles de ses partenaires européens. Elle poursuivra cet effort. Le HCR et le PNUD sont les deux agences des Nations Unies considérées comme prioritaires. L'aide bilatérale correspond aux trois-quarts des crédits et constitue les moyens normaux de la coopération française, même si on a fait de l'action multilatérale notre priorité. Le temps n'est plus où la France ne coopérait qu'avec le pré carré africain. Sa présence doit s'affirmer au sein du FMI, en coordination avec l'Union européenne.

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