Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (2000-2001)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 février 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur le Sommet France-Afrique

- Compte rendu d'une mission au Congo-Brazzaville

3


8

Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, sur le Sommet France-Afrique

Evoquant le décès de Mme Louise Moreau, députée UDF des Alpes-Maritimes, le Président François Loncle a exprimé sa profonde tristesse. La Commission des Affaires étrangères comme l'Assemblée nationale perdent une parlementaire remarquable, une femme exceptionnelle et attachante que chacun avait plaisir à écouter. Grande résistante, qui avait rejoint Londres dès 1940, Mme Louise Moreau avait su s'engager. Elle participa ainsi à la création des Nations unies. Chacun gardera d'elle le souvenir d'une collègue dont la courtoisie et l'humour étaient à la hauteur de ses convictions et de son action politique.

M. Charles Josselin a tenu à s'associer à l'hommage rendu par la Commission à Louise Moreau.

S'agissant du Sommet France-Afrique, il a déclaré que les résultats ont été très satisfaisants, alors qu'on redoutait sa moindre fréquentation. Pour la première fois dans l'histoire, tous les Etats africains, à l'exception des Comores, étaient représentés, soit 52 Etats, dont 23 l'étaient par un chef d'Etat. C'est dire l'écho que rencontre cette relation privilégiée de la France avec l'Afrique sans que le Sommet Union européenne-Afrique, qui avait eu lieu au Caire, entre en contradiction avec ce lien. Les thèmes du Sommet France-Afrique « l'Afrique face au défi de la mondialisation » ont donné lieu à des débats qui ont porté sur la prévention des conflits et le maintien de la paix, la démocratie, la bonne gouvernance, les droits de l'Homme, l'aide publique au développement, la réduction de la dette, l'intégration régionale, les investissements, le respect de l'environnement, la lutte contre le Sida, et également les nouvelles technologies de l'information ou de la communication. Les dirigeants africains ont rejeté la mondialisation perçue comme un libéralisme sauvage, tout en aspirant à participer à ce mécanisme considéré comme inéluctable et dont la dynamique risquerait d'accroître la marginalisation de l'Afrique. Leur dénonciation parfois virulente de la globalisation s'accompagne d'une volonté très forte d'insertion.

A la fin du débat, le Président Abdelaziz Bouteflika, porteur des conclusions de la partie africaine, a souligné l'inadaptation des moyens qu'il s'agit de mettre en _uvre. A ce titre, il a demandé de nouveaux efforts en matière de réduction de la dette, le lancement d'actions concertées pour rendre les médicaments existants plus accessibles aux populations africaines, la négociation au sein de l'OMC d'un « round » sur le développement avant toute extension de cette organisation. La France a annoncé un nouvel effort en faveur de la réduction de la dette et une annulation de 100 % des créances commerciales éligibles à un traitement en Club de Paris. Le Président Jacques Chirac a rappelé les actions menées par la France en faveur de l'Afrique, notamment au niveau de l'Union européenne, disposée à offrir un accès libre aux produits en provenance des pays les moins avancés et la proposition française d'organiser une conférence internationale à la fin de l'année sur l'accès aux soins des malades du Sida.

Le Sommet a été précédé d'une conférence ministérielle où la relation France-Afrique a été replacée dans la problématique européenne. Les conclusions du Conseil de développement du 10 novembre 2000 ont été exposées car elles marquaient la refondation de la politique européenne de développement grâce à l'adoption d'une déclaration de politique commune qui devrait contribuer au renforcement de la cohérence de l'aide européenne.

M. Charles Josselin a ensuite évoqué la mort de Laurent-Désiré Kabila, qui avait été annoncée l'avant-veille du Sommet et confirmée durant le Sommet, même si certaines informations la donnaient pour certaine avant. Cet événement aura privé le Sommet de la présence de quelques chefs d'Etat comme MM. Mugabe et Sassou N'Guesso. Il était prévu que la situation en RDC soit examinée mais elle a été abordée en l'absence des principaux acteurs. Les rencontres bilatérales ont permis de réaffirmer le soutien de la France au processus de Lusaka ; le jeune Président Joseph Kabila a dit depuis partager cet objectif.

Le Président Eyadema a réuni les 17 pays membres du mécanisme de l'OUA pour la résolution et la prévention des conflits, lesquels ont condamné l'assassinat du Président Laurent-Désiré Kabila et appelé au respect du principe de l'inviolabilité des frontières et de l'intégrité territoriale. Un échange vif entre le ministre des Affaires étrangères rwandais et celui de RDC a eu pour sujet l'occupation d'une bonne moitié du territoire de la RDC. Le Président Chirac a condamné cette occupation inacceptable et le pillage des ressources de la RDC et a appelé à la mise en _uvre des accords de Lusaka, des résolutions du Conseil de Sécurité et au déploiement de la MONUC, indiquant que la France était favorable aux sanctions économiques contre ceux qui occupaient des pays étrangers.

En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, une rencontre des pays du Conseil de l'entente élargi au Gabon a décidé de la convocation le 25 janvier à Yamoussoukro des ministres chargés de la sécurité de la Côte d'Ivoire, du Burkina Faso et du Mali pour détendre les relations entre la Côte d'Ivoire et les Etats voisins. Le Président Chirac s'est employé à convaincre les pays de la région d'adresser un signe fort aux populations. Cette rencontre a montré la volonté des uns et des autres de calmer le jeu.

Ce Sommet a permis de vérifier que les Chefs d'Etat et de gouvernement africains portaient une appréciation positive du rôle de la France dans les enceintes internationales, qu'il s'agisse de l'Union européenne, du G7 ou des institutions de Bretton Woods. De très nombreuses rencontres bilatérales ont été organisées en marge de ce sommet.

Pendant ce Sommet, les médias auront surtout parlé de la situation de la RDC ; pas assez des débats de fond du Sommet, et peu ou pas évoqué les très nombreuses rencontres bilatérales qui sont la marque de ce type de réunion.

M. François Guillaume a souhaité savoir quelle était exactement la politique africaine de la France qui semble de plus en plus opaque. Va-t-elle être remplacée par une politique Union européenne-Afrique ? Concernant l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le Gouvernement français a certes condamné l'attentat mais quelle est la position à l'endroit du nouveau régime ? Les négociations commerciales multilatérales vont reprendre dans le cadre de l'OMC. Quelle sera alors la stratégie à l'endroit des pays en développement ? Depuis 50 ans, les annulations de la dette se succèdent, mais celle-ci se reconstitue toujours. Or, il existe d'autre méthodes consistant notamment à traiter le problème au fond. Le principe d'ouverture des marchés prôné en Europe est plein de contradictions. Ainsi, le Gouvernement français est en faveur de l'ouverture du marché européen du sucre aux pays les moins avancés mais défend un principe contraire sur la banane. Toutes ces contradictions donnent le sentiment que la France n'a pas de politique claire et procède en permanence par ajustements.

Abordant la situation en RDC, le Président François Loncle s'est dit préoccupé par la capacité de la communauté internationale, et notamment de la France, à stabiliser la région des Grands Lacs et à éviter que les pays alentour n'arrivent à déstabiliser et à piller la RDC. Il s'est demandé pour le compte de qui Laurent-Désiré Kabila avait été tué et s'est interrogé sur la succession monarchisante qui a été introduite, puisque c'est le fils de Laurent-Désiré Kabila qui lui a succédé.

M. Pierre Brana a remarqué qu'il y avait une « demande de France » importante de la part de nombre de pays africains non francophones, comme le Nigeria par exemple. A propos du Nigeria, il existerait un contentieux avec le Cameroun sur la presqu'île de Bakassi, riche en pétrole. Dispose-t-on d'informations sur ce sujet ? En outre, quels sont les commentaires sur le bilan officiel de la présence de l'Algérie au Sommet de Yaoundé puisqu'il y a peu encore, l'Algérie qualifiait ces sommets de colonialistes. Le Maroc étant également présent à ce sommet, la question du Sahara occidental a-t-elle été évoquée ? Moins d'un Etat africain sur deux ayant signé la convention internationale contre la torture, en a-t-il été question lors du Sommet de Yaoundé ?

Mme Marie-Hélène Aubert a fait observer que la société civile avait tenté de faire entendre sa voix lors du Sommet France-Afrique puisque des associations ont voulu se réunir, manifester, mais ont été sévèrement réprimées. Elle a regretté que les représentants français n'aient pas donné un signe d'écoute à ces associations qui s'organisent. Elle a cité le cas de M. François-Xavier Verschave, président de l'association française « Survie », contre qui les Présidents africains Biya, Déby et N'Guesso ont porté plainte pour le délit d'« offense à chef d'Etat étranger ». L'accusé sera condamné quasi automatiquement ; or, il n'a fait que décrire ce que d'autres ont décrit avant, c'est-à-dire les turpitudes de certains dirigeants africains. Elle a souhaité savoir si la question de la rente pétrolière avait été abordée lors du Sommet de Yaoundé, car celle-ci pose beaucoup de problèmes dans le sens où elle alimente les conflits, favorise la corruption galopante, mais ne participe pas au développement des pays eux-mêmes.

A la suite de la mission d'information qu'il a conduite au Congo-Brazzaville, M. Gérard Charasse a fait part des inquiétudes exprimées par le Président Sassou N'Guesso quant aux conséquences pour son pays de la situation en RDC, tout en regrettant de ne pas être associé au processus de négociations de paix. Il a également souligné la très forte demande des Congolais pour une coopération plus intensive dans le domaine de l'éducation et de la formation.

M. Jacques Myard a estimé qu'il y avait beaucoup de nostalgie dans la voix de M. Charles Josselin, parce qu'on a sabordé la politique africaine de la France, en faveur de celle de l'Union européenne, mais aussi parce que les moyens ont tragiquement diminué et que la présence humaine part en lambeaux en raison de la diminution de la coopération dite de substitution. Ce sera le chant du cygne si une action offensive n'est pas entreprise en lieu et place des slogans éculés d'un gauchisme rétrograde. S'agissant des luttes d'influence en Afrique, il a regretté l'écran de fumée qu'a constitué le Sommet de Yaoundé. Il est certain qu'il existe une lutte d'influence géostratégique sur ces malheureux pays ; or, la France était le seul défenseur de l'Afrique.

M. Charles Josselin a répondu aux intervenants.

Il a rappelé que la politique africaine faisait désormais l'objet d'un débat parlementaire annuel et il a repris les deux mots utilisés par M. Hubert Védrine pour qualifier le nouveau dialogue entre la France et l'Afrique : fidélité et ouverture. La fidélité, c'est maintenir une préférence pour les pays liés à la France par l'Histoire ; l'ouverture, c'est répondre au désir de France qui s'exprime dans toute l'Afrique et non plus seulement en Afrique francophone, par exemple en provenance du Mozambique, de la Namibie, de l'Ethiopie et de l'Angola. La réunification des Affaires étrangères et de la Coopération dans un seul ministère avait pour ambition de mettre un terme à ce que certains ont appelé une diplomatie parallèle. Entretenir des relations privilégiées avec certains pays ne veut pas dire entretenir des relations exclusives : ils peuvent, comme nous, dialoguer avec d'autres partenaires.

Au-delà du dialogue bilatéral, la question du développement renvoie à des négociations multilatérales au sein desquelles la France souhaite faire entendre sa voix pour que l'on prenne en compte la dimension sociale et que l'on ne se laisse pas dominer par la dictature des indicateurs économiques.

L'Union européenne a développé une politique spécifique en matière de développement à travers les accords de Lomé et a mis en place un instrument financier : le Fonds européen de développement auquel la France participe pour plus de 24%. Au vu de certaines inefficacités et lourdeurs de procédures, une réflexion a été lancée depuis deux ans sur les moyens de privilégier une meilleure concertation entre l'Union européenne et les pays concernés afin que les décisions soient désormais prises au plus près du terrain.

L'annulation de la dette a concerné tout autant les dettes bilatérales que multilatérales, ce qui est nouveau. La France, qui a d'ores et déjà contribué à un allégement à hauteur de 10 milliards d'euros, devrait supporter encore un effort équivalent. Cette politique de désendettement doit être liée à celle de la lutte contre la pauvreté : c'est la raison pour laquelle la France propose un contrat de désendettement-développement. Il est évident que si l'on veut éviter la reconstitution de la dette, il conviendra de privilégier les dons par rapport aux prêts. Le problème principal concerne le niveau de l'investissement en Afrique qui ne représente que 1,4% de l'investissement mondial alors que ce continent regroupe 12% de la population mondiale. Des efforts doivent y être accomplis qui privilégient la sécurité juridique, fiscale et fiduciaire.

En ce qui concerne le commerce mondial, les pays en développement avaient exprimé leur opposition à des procédures auxquelles ils n'avaient pas été associés. La France s'est fait leur avocat, arguant que le concept de libre-échange n'était rien d'autre qu'une escroquerie s'il n'était pas adapté aux réalités économiques. Elle a encouragé fortement l'intégration régionale comme étape préparatoire à une intégration plus large. La question se pose de la cohérence des diverses politiques européennes entre elles, notamment de la politique agricole et de celle de l'environnement. Il conviendra également d'éviter les doubles discours concernant notamment l'ouverture et la fermeture des marchés. M. Charles Josselin a souligné que le Gouvernement français était le seul à avoir envoyé des ministres à la fois à Davos et à Porto Alegre.

En ce qui concerne l'attentat qui a coûté la vie à Laurent-Désiré Kabila, ni les causes ni les commanditaires n'ont été clairement identifiés. Les rumeurs les plus diverses ont circulé mettant en cause tantôt des pays de la région tantôt certains compagnons d'armes. Bien évidemment, la France -comme du reste les chefs d'Etat africains- a condamné cet assassinat qui ne doit pas être considéré comme un mode de transmission du pouvoir. Pour l'avenir, la France renvoie aux accords de Lusaka signés en juillet 1999 qui prévoient notamment le retrait des forces militaires, la mise en place d'une force de maintien de la paix composée de 500 observateurs et la reprise du dialogue entre les différentes factions congolaises. Un facilitateur a été nommé en la personne de M. Masiré, l'ancien Président du Botswana. M. Joseph Kabila a déjà eu des contacts, jugés positifs, avec M. Masiré et M. Paul Kagamé, le Président du Rwanda.

La France a exprimé son intérêt pour l'organisation d'une grande conférence internationale réunissant tous les pays africains sur le thème du développement et de la sécurité. Elle soutient le processus d'Arusha, animé par Nelson Mandela, concernant le Burundi. Notre coopération avec les pays de la région est réduite en raison de la situation politique. Elle se limite à une coopération civile qui transite pour l'essentiel par des ONG et est tournée vers la société civile.

Le Président Bouteflika semble avoir compris les intentions de la France et ne parle plus de relations colonialistes. L'Algérie n'appartient pas formellement à la francophonie mais on peut espérer qu'elle viendra néanmoins au prochain sommet de Beyrouth.

Il est vrai qu'il existe un conflit entre le Nigeria et le Cameroun concernant l'île de Bakassi. Le Cameroun a porté l'affaire devant la Cour internationale de justice de La Haye et le Nigeria s'est dit prêt à un arrangement. La France souhaite que ces deux pays dialoguent et s'entendent entre eux.

Le Ministre a précisé, qu'à sa connaissance, il n'avait pas été question du Sahara occidental lors du Sommet France-Afrique. Le principe d'un référendum est acquis, il ne reste plus qu'à déterminer qui y participera.

M. Charles Josselin a expliqué qu'il n'avait aucun état d'âme dans la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre, dont il mesure la difficulté mais aussi l'intérêt. Il a souligné que la France reste de très loin le pays qui a les relations les plus nombreuses et les plus étroites avec les pays africains ; elle est celui qui les comprend le mieux et les appuie le plus.

Il arrive que la France interrompe des coopérations avec certains pays en partenariat avec les autres pays européens. Cela ne signifie pas que la France n'a plus de marge de man_uvre car quand cela arrive, c'est bien souvent sur demande de la France, dont le point de vue prévaut généralement quand il s'agit de l'Afrique. Mais si la France n'avait pas changé sa relation avec l'Afrique, un phénomène de rejet se serait alors manifesté.

Sur la question des droits de l'Homme, l'action portée par les ONG est souvent très utile en Afrique, mais il faut distinguer entre celles qui sont honorables et les autres, parfois touchées aussi par la corruption. Prendre en compte le phénomène de l'influence grandissante des ONG est cependant un impératif, même si les combats qu'elles mènent ne sont pas toujours justifiés et les informations qu'elles diffusent pas toujours vérifiées. En ce qui concerne le cas particulier des manifestations organisées pendant le Sommet de Yaoundé, M. Charles Josselin s'était dit prêt à rencontrer qui le souhaiterait, il a seulement reçu une lettre du Comité des Chrétiens contre la torture avec lequel il était tout à fait disposé à parler. Les manifestations qui ont eu lieu étaient illégales, des interventions des forces de l'ordre ont effectivement eu lieu, mais elles ont été -semble-t-il- proportionnées et aucune violence caractérisée ne lui a été jusqu'à présent signalée.

Les droits de l'Homme sont devenus un sujet central de discussion dans les rencontres entre chefs d'Etat, au même titre que la lutte contre la corruption, mentionnée dans l'accord de Cotonou, mais pas dans les conventions de Lomé. De même la lutte contre le blanchiment d'argent ou la lutte contre le trafic d'armes sont des thèmes omniprésents.

Au Congo-Brazzaville, l'aide de la France augmente de nouveau après une période où l'insécurité empêchait la mise en _uvre des projets de coopération. Dans le même temps, la France tente amicalement d'influer sur le Président Sassou N'Guesso afin qu'il relance au plus vite le processus démocratique, nécessaire pour une reprise plus complète de l'aide publique au développement. Globalement, on peut se féliciter de l'amélioration de la situation dans le pays, révélée par exemple par la remise en marche du chemin de fer entre Brazzaville et Pointe Noire.

Compte rendu d'une mission au Congo-Brazzaville

M. Gérard Charasse a rappelé que le Congo-Brazzaville est sorti en décembre 1999 d'une période quasi ininterrompue de guerre civile commencée en 1993, ce qui a incité la Commission des Affaires étrangères à envoyer une mission d'information dans ce pays. Cette délégation, qu'il présidait, était également composée de Mme Monique Collange et de M. Michel Terrot ; elle s'est rendue au Congo entre le 11 et le 15 décembre 2000 où elle a eu, à Brazzaville et à Pointe Noire, un programme particulièrement riche avec des personnalités politiques de tous les horizons, dont le Président de la République Denis Sassou N'Guesso, des représentants de la société civile et des milieux économiques...

La délégation a pu constater que la situation sécuritaire est stabilisée suite aux accords de Brazzaville de décembre 1999 signés sous l'égide du Président Bongo du Gabon avec les rebelles armés de l'intérieur. Aujourd'hui, la majorité des factions est démobilisée, des dizaines de milliers d'armes ont été récoltées, même si beaucoup restent cachées, la vie quotidienne a retrouvé une certaine normalité et de nombreux projets de reconstruction sont mis en _uvre.

Dans ce contexte, la France a voulu avoir un rôle équilibré, qui ne soit ni de l'ingérence, ni de l'indifférence. Elle a ainsi plaidé la cause du Congo auprès des institutions financières internationales et de nos partenaires européens. Dans le même temps, il est très difficile de satisfaire les attentes presque illimitées des Congolais à l'égard de la France.

M. Gérard Charasse a estimé que le retour à une véritable démocratie sera difficile. Un point d'achoppement réside dans la question du retour ou non de l'ancien président Lissouba et de l'ancien Premier ministre Kolelas. Chacun a en effet une conception différente du « dialogue national sans exclusive ». Il reste que ces débats sur l'organisation des élections et le partage du pouvoir sont omniprésents, ce qui contraste avec l'absence presque totale de vision à long terme du développement et des questions économiques.

Enfin, la situation régionale, notamment en RDC, est un sujet d'inquiétude particulièrement grand au Congo-Brazzaville, lequel se sait concerné directement par ses conséquences, tout en se sentant exclu des tentatives de mise en place d'un processus de paix.

Mme Monique Collange a souligné l'amitié particulièrement forte que ressentent les Congolais pour la France et les Français. Elle a également ressenti une prise de conscience de la nécessité d'organiser rapidement des élections, mais une certaine inquiétude sur les conséquences de la mise en _uvre d'un processus électoral. En effet, les membres de la classe politique semblent avant tout préoccupés par le partage du pouvoir et peu concernés par le sort de leur peuple. Il en résulte que la guerre civile pourrait repartir à n'importe quel moment.

En ce qui concerne l'action de la France, l'Ambassadeur de France fait un travail remarquable qui lui vaut une certaine popularité. Il est à souhaiter que la France développe sa coopération dans le secteur éducatif qui manque cruellement d'enseignants.

M. Michel Terrot s'est déclaré tout à fait d'accord avec le compte rendu de M. Gérard Charasse. Il a également apprécié le dynamisme de l'Ambassadeur de France dans une région difficile. Il s'est félicité que la France n'ait pas attendu le retour à un régime parfaitement démocratique pour s'intéresser de nouveau au Congo-Brazzaville. En effet, il était indispensable de ne pas favoriser un retour de la guerre civile en se montrant trop exigeant en matière de critères démocratiques. D'ailleurs, on note qu'au Congo, les milieux proches de l'opposition ne sont pas pressés de retourner rapidement aux urnes.

Il a aussi insisté sur la nécessité d'assurer un suivi des demandes suscitées dans ce type de missions en matière de coopération parlementaire. Les attentes sont en effet très fortes et il faudrait réfléchir sur la meilleure manière d'y répondre.

Enfin, il a souligné l'émotion ressentie dans ce pays en raison de son attachement à la France. Le Congo a été la première colonie à rejoindre la France libre, d'ailleurs la personnalité du Général de Gaulle est très ancrée dans la population. De tous les pays d'Afrique, le Congo est probablement celui qui a gardé les liens les plus proches avec la France.

Le Président François Loncle a fait remarquer que depuis plusieurs années la coopération parlementaire s'est beaucoup développée, d'abord en direction des pays d'Europe centrale et orientale, mais aussi vers l'Afrique, avec par exemple en 1998 l'envoi de matériel au Togo et la formation de fonctionnaires parlementaires de ce pays. Mais il est effectivement important de développer cette coopération.

M. Pierre Brana a rappelé que le Président Lissouba avait déclaré que le Président N'Guesso avait gagé les ressources pétrolières du pays jusqu'en 2002 et que réciproquement ce dernier avait accusé le premier de les avoir hypothéquées jusqu'en 2006. Qu'en est-il en vérité ?

Le Ministre de la Défense congolais a prétendu que tous les mercenaires avaient quitté le pays mais il semblerait, selon certaines informations, que ceux-ci se sont regroupés dans le nord du pays. Là encore, la mission a-t-elle obtenu des informations complémentaires ?

Le Président François Loncle a demandé si la fin de la guerre civile avait entraîné le retour des réfugiés qui avaient quitté le pays et dont certains s'étaient installés en France. Il a souhaité connaître l'opinion du Président Sassou N'Guesso sur les conflits qui agitent la région des Grands lacs.

M. Gérard Charasse a précisé qu'une des difficultés de la coopération parlementaire avec le Congo est que son Parlement, le Conseil national de transition, est un organe nommé, ce qui lui vaut par exemple de ne pas être reconnu par l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

La délégation a évoqué la question du pétrole gagé sans obtenir d'éléments vraiment nouveaux. Mais ce genre de problèmes ne doit pas faire oublier que la ressource en pétrole est limitée et qu'il est d'abord indispensable d'utiliser à bon escient les revenus qu'elle procure.

Sur la question des mercenaires, principalement angolais et rwandais, il semble qu'il en reste effectivement encore, même s'il y a une controverse sur leur nombre, d'autant que certains auraient obtenu la nationalité congolaise.

Avant même la fin de la guerre civile, beaucoup d'hommes politiques réfugiés en France ou ailleurs sont rentrés au Congo. Ce mouvement s'est accéléré depuis la signature des accords de Brazzaville, même s'il ne concerne pas encore les opposants les plus résolus au Président Sassou.

Face à la situation régionale, le Président Sassou est très inquiet car il est réaliste et donc conscient des conséquences possibles sur son pays d'un éclatement de la RDC. Il possède cependant l'avantage d'avoir des liens avec tous les protagonistes du conflit, de disposer d'une certaine ancienneté et d'un véritable sens politique, ce qui devrait donc lui permettre de jouer un rôle dans les tentatives de règlement de la crise de la RDC.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du rapport d'information.

_______

● Congo

● Coopération


© Assemblée nationale