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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 mars 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

page

- Accord d'investissements entre la France et la République dominicaine (n° 2680) rapport

- Amendement à la Constitution de l'OIT (n° 2674) rapport

- Ratification de la convention n° 182 de l'OIT (n° 2815) rapport

3

4

6

- Convention de sécurité sociale France-Chili (n° 2812) rapport

- Entraide judiciaire en matière pénale France-Etats-Unis (n° 2813) rapport

9

11

- Traité d'extradition France-Etats-Unis (n° 2814) rapport

11

- Informations relatives à la Commission

14

Accord d'investissements entre la France et la République dominicaine

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Martine Aurillac , le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 2680).

Mme Martine Aurillac a indiqué que le projet de loi avait pour objet d'autoriser l'approbation d'un accord entre la France et la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. Cet accord est tout à fait classique, il est néanmoins intéressant car il concerne un pays qui connaît une forte croissance, de près de 8 % par an depuis 10 ans, et qui occupe une place centrale dans la zone Caraïbe. Il peut donc permettre de renforcer le partenariat entre la France et la République dominicaine, pays qui a connu ces dernières années une double évolution.

Tout d'abord, la vie politique dominicaine longtemps marquée par des régimes autoritaires s'est réellement démocratisée depuis 1996. La victoire du candidat de gauche, M. Hipolito Mejia aux élections présidentielles de mai 2000 a en outre permis un affermissement de la démocratie.

Sur le plan économique, la République dominicaine s'est engagée depuis le milieu des années 1990 dans un processus de modernisation de son économie dans le sens d'une plus grande ouverture et d'une désétatisation. L'adaptation de l'économie dominicaine a ainsi permis au pays de profiter de l'excellente conjoncture américaine des années 1990. En conséquence, la République dominicaine a connu à partir du milieu de la décennie 1990 une croissance record qui a dépassé 7 % par an entre 1996 et 1999. Le nouveau président, M. Mejia, en dépit d'une campagne axée sur la lutte contre la pauvreté, a rapidement fait le choix de mesures rigoureuses aptes à rassurer notamment les investisseurs internationaux.

Mme Martine Aurillac a ensuite fait le point sur les relations bilatérales entre la France et la République dominicaine. Du fait de sa position centrale dans la zone Caraïbe, Saint-Domingue est un partenaire incontournable pour la France, laquelle entend jouer un rôle dans cette région du monde où elle est présente par l'intermédiaire des départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane. Par ailleurs, partageant le territoire de l'île d'Hispaniola avec Haïti, la République dominicaine fait l'objet d'une attention particulière en raison des liens traditionnels entre la France et Haïti. En effet la question haïtienne reste très sensible en République dominicaine, laquelle subit une forte pression migratoire de son voisin occidental.

L'importance de la relation franco-dominicaine explique ainsi l'intégration de la République dominicaine en 2000 dans la zone de solidarité prioritaire. Membre des accords de Lomé depuis 1989, et des accords de Cotonou qui les ont remplacés depuis juin 2000, ses relations de coopération avec la France vont donc encore se développer, contribuant ainsi à renforcer notre présence dans la zone Caraïbe.

Les échanges commerciaux entre la France et la République dominicaine ont considérablement progressé ces dernières années, ils ont doublé entre 1995 et 1999 et ont encore augmenté substantiellement entre 1999 et 2000.

En ce qui concerne les investissements, les entreprises françaises sont traditionnellement peu présentes en République dominicaine, dont la politique de zones franches vise d'abord à attirer des entreprises d'origine américaine. Cependant, les entreprises françaises qui ont investi en République dominicaine, principalement dans les secteurs du tourisme (Club Méditerranée, Accor) et de l'agro-alimentaire (Sucden, groupe Bernard Hayot), ont contribué à l'importante hausse des flux d'investissements directs vers la République dominicaine en 1999. Par ailleurs, Orange, la filiale de France Télécom, a lancé en 2000 le quatrième réseau téléphonique mobile du pays.

Enfin, Mme Martine Aurillac a souligné le caractère classique de la convention de protection des investissements. Cette dernière reprend les grands principes du droit international dont l'application permettra d'établir un cadre juridique sûr qui favorisera l'activité des entreprises françaises en République dominicaine à un moment où l'intérêt porté par les entreprises françaises pour ce pays est croissant, comme l'a montré la récente visite du MEDEF en février 2001.

M. Roland Blum a demandé quelle était la position du FMI et de la Banque mondiale sur la situation macro-économique de la République dominicaine, notamment sur la question de la dette.

Mme Martine Aurillac a répondu que les institutions financières internationales avaient apprécié la politique rigoureuse du prédécesseur de M. Mejia. Ce dernier ayant été élu en partie en réaction à l'augmentation de la pauvreté, certains ont pu craindre pour la stabilité macro-économique du pays. En réalité, les premières mesures prises par le nouveau président ont pleinement rassuré les institutions financières internationales.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2680).

Amendement à la Constitution de l'OIT

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Monique Collange, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 2674).

Mme Monique Collange s'est tout d'abord réjouie que l'occasion lui soit ainsi donnée de souligner le travail remarquable, insuffisamment connu du grand public, de l'Organisation internationale du travail. Le but de cette convention est de permettre à la Conférence de l'OIT d'abroger toute convention ayant perdu son objet ou n'apportant plus de contribution utile à l'accomplissement des objectifs de l'OIT. D'ores et déjà, l'OIT a fait connaître quelques-unes des conventions visées, comme la Convention n°28 sur la protection des dockers contre les accidents ou la Convention n°60 sur l'âge minimum pour les travaux non industriels. La France n'a ratifié aucune des conventions qui pourraient faire actuellement l'objet de cette future procédure d'abrogation.

M. Paul Dhaille a fait remarquer que cette convention ressemblait à une loi d'habilitation et a souhaité savoir comment le Parlement pourrait être informé des dispositions qui auront été prises et des conventions qui auront été abrogées.

M. Pierre Brana a demandé si, certaines conventions étant annulées du fait de l'entrée en vigueur de la présente convention, celles-ci devaient être présentées à nouveau devant le Parlement qui les a initialement ratifiées pour être annulées par celui-ci. En quelque sorte un Parlement doit-il "dératifier" une convention annulée ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille a regretté que par la présente convention l'OIT soit désormais souveraine pour décider de ce qui doit être abrogé. Elle devient ainsi un second Parlement à qui « carte blanche » est laissée. On peut alors se demander à quoi sert le Parlement français s'il autorise la ratification de conventions que la France a signées et qui sont ensuite annulées par l'OIT.

Même si la France n'a pas ratifié ces conventions, Mme Martine Aurillac a souligné l'importance de la question pour les pays qui les ont ratifiées et a estimé qu'il serait normal d'établir une liste comportant un état des conventions avant et après l'entrée en vigueur de la présente convention.

Mme Monique Collange a précisé que cette convention n'avait bien sûr pas pour objet de permettre une moindre protection des personnes mais d'instituer une procédure de toilettage des textes afin de favoriser leur application et leur adéquation aux réalités d'aujourd'hui. Tous les membres de l'OIT sont informés d'une abrogation. Un certain nombre de précautions sont prévues par le texte, notamment l'exigence d'une majorité des deux tiers.

M. François Rochebloine a jugé que même s'il s'agissait d'une sorte de toilettage, c'est une question d'importance.

M. Jean-Claude Lefort a fait remarquer que l'OIT fonctionnait selon le principe du consensus et que la présente convention, en introduisant une disposition à la majorité des deux tiers, dérogeait ainsi à cette règle de fonctionnement.

Le Président François Loncle a observé que cette disposition n'était pas de nature institutionnelle ou constitutionnelle mais a reconnu néanmoins qu'il fallait attirer l'attention du Gouvernement sur les inquiétudes formulées par les membres de la Commission des Affaires étrangères et qui prouvent leur vigilance.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2674).

Ratification de la convention n° 182 de l'OIT

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Monique Collange, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (n° 2815).

Mme Monique Collange a indiqué que le Bureau international du travail estimait à quelque 250 millions les enfants de 5 à 14 ans qui, dans les seuls pays en développement, se livrent à une activité économique. Pour 120 millions d'entre eux, il s'agit d'un travail à temps plein. Le reste combine le travail avec l'école ou avec d'autres activités non économiques.

En chiffres absolus, sur l'ensemble des enfants travaillant dans le monde, 61 % vivent en Asie, le continent le plus peuplé du monde, contre 32 % en Afrique et 7 % en Amérique Latine. Proportionnellement, c'est l'Afrique qui connaît le taux le plus élevé de participation des enfants à l'activité économique : avec 41 % de l'ensemble des enfants de 5 à 14 ans, contre 22 % en Asie et 17 % en Amérique Latine.

L'exploitation des enfants dans la prostitution et la production de matériel pornographique est très pratiquée en Asie et s'est étendue en Afrique, en Amérique latine et dans les pays occidentaux.

L'exploitation domestique des enfants semble également atteindre aujourd'hui les pays développés et concerne le plus souvent des jeunes filles, acheminées depuis leur pays d'origine et qui entrent en France avec des papiers falsifiés ou inscrites sur le passeport de la famille ou de la personne chargée de les emmener en France.

La Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990 a mis l'accent sur la dignité humaine fondamentale de tous les enfants et protège leurs droits fondamentaux, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

La Convention n° 138 oblige les Etats qui la ratifient à fixer un âge minimal d'admission à l'emploi et à s'engager à poursuivre une politique nationale d'élévation progressive de cet âge minimal de manière à permettre aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental.

La Convention n° 138 de l'OIT laissant aux législations nationales le soin de mettre en _uvre l'interdiction du travail des enfants, de nombreux pays ont édicté des règles contraignantes mais l'écart entre pays développés et pays en développement est saisissant au niveau de l'édiction de normes comme de leur application.

Si la Convention n° 138 de l'OIT reste le fondement de toute action nationale et internationale en faveur de l'abolition complète du travail des enfants, la présente Convention n° 182 vise à obtenir le plus rapidement possible l'élimination de ses formes les plus intolérables par une approche réaliste du phénomène et un mécanisme d'aide et de suivi.

Aux termes de l'article 2 de la Convention n° 182, tous les enfants âgés de moins de 18 ans doivent être dispensés des pires formes de travail auxquelles ils pourraient être soumis. Les pires formes de travail des enfants sont définies de façon exhaustive par l'article 3, qui est celui qui a donné lieu aux débats les plus difficiles. Ces formes sont :

- toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés ;

- l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution ;

- les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant.

L'article premier de la Convention n° 182 oblige les membres de l'OIT qui la ratifient à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes de travail des enfants. Sur ce point, la Convention n° 182 est nettement plus contraignante que la Convention n° 138 qui fixe un objectif difficile à atteindre car il concerne le travail des enfants quel qu'il soit.

L'application de la Convention repose sur le mécanisme habituel de l'OIT, à savoir la remise par les Etats parties de rapports d'application examinés par une commission d'experts indépendants et, le cas échéant, une dénonciation devant l'ensemble des membres de l'OIT.

63 pays ont ratifié la convention n° 182, parmi lesquels on compte des pays industrialisés tels que le Canada, les Etats-Unis, la Suisse et presque tous les pays membres de l'Union, mais aussi l'Afrique du Sud, le Brésil, la République centrafricaine, le Chili, l'Equateur, le Ghana, l'Indonésie, la Malaisie, le Mali, le Maroc, le Mexique, les Philippines, le Sénégal, la Thaïlande, la Tunisie, etc.

La Convention n° 182 interdit des pratiques qui devraient avoir disparu en vertu des normes internationales et des principes fondamentaux depuis longtemps. Mais la mission d'information que crée l'Assemblée nationale sur l'esclavage témoigne d'une réalité qu'il convient de combattre.

Le Président François Loncle a reconnu qu'il y avait certes un problème de vocabulaire lié à la traduction ou à l'interprétation d'une convention rédigée en langue étrangère. Cependant, l'article 3 répond tout à fait au besoin de définition car il y est également question d'activités illicites telles que le trafic de drogues ou la prostitution par exemple, même si en réalité on ne peut pas qualifier ces activités de travail. Le terme "exploitation" serait certainement plus approprié. D'ailleurs les points évoqués par la Rapporteure relèvent de l'exploitation. Pour le reste, cette convention résulte du fait que la convention concernant le travail des enfants n'est pas appliquée suffisamment provoquant ainsi des abus. C'est pourquoi une mise en garde supplémentaire sous la forme de cette nouvelle convention apparaît fondée.

M. Pierre Brana s'est dit également favorable à l'utilisation du terme "exploitation" et a estimé que c'est justement la recherche du consensus qui fait souvent que les décisions prises par l'OIT paraissent difficiles à appliquer par les pays en voie de développement et a minima pour les pays développés. Il reste que l'application de sanctions s'imposerait lorsque ces conventions ne sont pas appliquées, malheureusement l'OIT n'a pas de pouvoirs en la matière.

M. Paul Dhaille a évoqué la possibilité d'une autre explication que celle d'ordre sémantique quant à l'usage du terme "travail" : peut-être est-ce un moyen pour l'OIT de se saisir d'un problème qui sinon lui échapperait ? Il a souhaité savoir quels pays de l'Union européenne n'ont pas ratifié la précédente convention et si ceux qui l'ont ratifiée l'ont mise en _uvre. Même si ce nouveau texte représente un pas en avant, il s'est dit un peu choqué par la situation paradoxale où des adolescents en dessous de 18 ans doivent être protégés contre des activités de prostitution par exemple et où pour les jeunes au-delà de 18 ans cela serait possible.

Le Président François Loncle a estimé que la défense des droits de l'Homme n'empêchait pas que l'on se penche de manière spécifique sur les droits de l'enfant.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a constaté que lorsqu'on n'arrivait pas à appliquer une convention quelconque on en faisait une autre et a fait remarquer que tout était déjà contenu dans la convention relative aux droits de l'enfant de 1989. Les Occidentaux installent des usines dans des pays qui font travailler les enfants et se donnent bonne conscience en élaborant de nouveaux textes, alors qu'il faudrait être plus exigeant sur l'application des conventions existantes.

Le Président François Loncle a qualifié cette remarque de justifiée mais a précisé qu'était exprimé avec ce nouveau texte un souci de répétition afin de marquer la gravité des actes qui seraient relevés.

M. Jean-Claude Lefort s'est déclaré pour la ratification du présent texte mais également pour l'entrée en vigueur de procédures d'accompagnement qui apparaissent essentielles sinon la portée de cette convention sera quasi nulle. En outre, cela renvoie à la difficulté d'appliquer la convention sur le travail des enfants en général et également au débat qui a lieu à l'OMC pour sanctionner les pays qui ne respectent pas ces principes. Or cela est souvent injuste car le travail des enfants concerne pour l'essentiel des productions locales et c'est aussi dangereux car décrété sans accompagnement réel, sans aide. On pourrait provoquer ainsi des sanctions qui pousseraient des enfants vers d'autres formes d'exploitation plus graves. Cette convention signe donc l'échec de la communauté internationale sur ce point. Une des solutions consisterait à créer un forum au niveau européen qui permettrait d'envoyer un message pour régler cette question de manière satisfaisante.

Mme Monique Collange a estimé que cette convention n° 182 était complémentaire de la convention n°138 -ratifiée par tous les pays de l'Union européenne- et devrait permettre à l'OIT d'exercer des pressions plus efficaces et de mieux travailler. Il importe en effet de souligner le travail de l'OIT dans l'accompagnement des pays pour mettre en _uvre les conventions. Adhérer à une convention ne suffit pas, il faut la mettre en pratique. Et c'est là un rôle important pour les pays occidentaux  que d'aider les pays en développement à mettre en _uvre les interdictions de travail auxquelles ils ont souscrit.

Prenant acte du débat engagé sur ce sujet, le Président François Loncle a proposé que la ratification de la présente convention fasse l'objet d'un débat lors de son passage en séance publique.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2815).

Convention de sécurité sociale France-Chili

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili (n° 2812).

M. François Rochebloine a tout d'abord indiqué que la présente convention, adoptée par le Sénat, avait été signée le 25 juin 1999. Il s'agit d'un dispositif classique qui présente cependant deux originalités et qui est très attendu par plusieurs milliers de personnes.

En effet, la mise en place d'un régime militaire qui a suivi le coup d'Etat du général Augusto Pinochet le 11 septembre 1973 provoqua l'exode de plusieurs milliers de Chiliens dont certains se sont réfugiés en France où ils ont souvent séjourné et travaillé de longues années. Depuis longtemps, ces réfugiés, qu'ils soient salariés et assimilés ou non salariés, demandaient la conclusion d'une convention de sécurité sociale entre la France et le Chili afin de pouvoir bénéficier au Chili, lors de leur retour de leurs pensions françaises de vieillesse acquises au titre de leur activité professionnelle exercée en France, de leurs pensions d'invalidité, de leurs pensions de survivant, ainsi que des soins de santé en tant que bénéficiaires de pensions.

Le nombre de personnes concernées par la convention est difficile à déterminer. Cependant, au moment de la négociation, c'est-à-dire à la fin des années 90, environ 7 000 Chiliens étaient installés en France et plusieurs autres milliers avaient regagné leur pays d'origine après avoir exercé une activité professionnelle durant plusieurs années. A la même époque, on estimait à quelque 6 500 le nombre de Français présents au Chili, dont quelques centaines seulement pouvaient être concernés par la convention.

L'originalité principale de la présente convention réside dans le fait qu'elle permet une coordination des régimes de pension français utilisant presque exclusivement la technique de la répartition avec les régimes chiliens où prédomine la capitalisation et où le régime antérieur par répartition a été mis en extinction en 1980 et concerne par conséquent de moins en moins de personnes.

La disposition de l'article 12 qui accorde une couverture maladie (prestations en nature) des pensionnés d'un Etat qui résident dans l'autre Etat présente elle aussi un caractère original dans le sens où elle n'existe que dans très peu de conventions bilatérales.

Le Rapporteur a ensuite souhaité faire un point succinct sur l'actualité politique chilienne au premier plan de laquelle figure "l'affaire Pinochet" depuis l'arrestation à Londres le 16 octobre 1998, à la demande du juge espagnol Balthazar Garzon, du sénateur à vie. Si cette arrestation a profondément divisé la classe politique, elle a laissé l'opinion publique relativement indifférente, comme le prouve le fait que le cas du général n'a pratiquement pas été évoqué lors de la campagne présidentielle de 1999-2000. En revanche, un vaste débat sur la question des violations des droits de l'Homme commises pendant la dictature a pu être ouvert. Le nouveau Président Ricardo Lagos, élu à l'isssue de cette campagne le 16 janvier 2000, devra donc gérer et si possible achever cette transition et la poursuite du processus de réconciliation nationale. Il est à noter que l'élection de M. Ricardo Lagos marque le retour au pouvoir d'un socialiste plus de trente ans après Salvador Allende.

Enfin, il convient de souligner le renouveau des relations bilatérales marqué par des échanges fréquents au plan politique, des échanges économiques en progression et une enveloppe de coopération culturelle, scientifique et technique conséquente.

En conséquence, le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi tout en regrettant le délai de deux ans écoulé entre la signature du texte et sa présentation devant le Parlement.

Le Président François Loncle a souligné que ce retard dans la procédure devenait désormais une habitude et que ses protestations récurrentes restaient sans réponse.

M. Pierre Brana a demandé si cette harmonisation organisée entre les régimes de retraite chiliens et français, l'un fondé sur la capitalisation, l'autre sur la répartition, prévoyait des compensations dans le cas où l'un des deux régimes se révélait en pratique plus préjudiciable.

M. François Rochebloine a répondu qu'on ne pouvait raisonner en termes de préjudiciable ou pas. Cependant, la coordination s'applique pour l'ouverture des droits à pension mais pour la liquidation de ces droits, chaque régime applique son système.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2812).

Entraide judiciaire en matière pénale et extradition France-Etats-Unis

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble deux annexes) (n° 2813), et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un procès-verbal d'accord sur la représentation) (n° 2814).

M. Marc Reymann a souligné l'importance d'un approfondissement de la coopération judiciaire renforcée avec les Etats-Unis, que la complexité du système judiciaire américain rend difficile à organiser mais qui sera facilitée par l'entrée en vigueur de ces deux Traités.

En effet, la matière pénale est de la compétence des Etats fédérés, il en résulte la coexistence de 52 systèmes pénaux. Par ailleurs, l'influence de la common law sur la procédure pénale multiplie les possibilités de recours et protège particulièrement bien les droits de la défense. Par là même, elle peut retarder une procédure de coopération judiciaire. Cependant, la suprématie de l'Etat fédéral dans la conduite des relations internationales, reconnue par la Constitution et renforcée par la pratique jurisprudentielle, permet néanmoins une véritable coopération judiciaire sur la base d'accords comme les conventions d'extradition de 1909 et 1970.

Dans la mesure où c'est sur la base des stipulations d'un traité que la coopération judiciaire peut se développer, il est indispensable de s'assurer de la précision et de la clarté des termes choisis, et surtout de veiller à l'actualisation de ces Traités afin de prendre en compte les évolutions intervenues. Or le Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis date de 1909, modifié cependant en 1970, il est donc mal adapté aux réalités de la criminalité du début du 21ème siècle, d'autant qu'il s'agit d'un instrument « à liste », c'est à dire qu'un certain nombre de crimes ou délits sont limitativement énumérés, lesquels donnent droit à extradition.

Un autre point rendait nécessaire une nouvelle convention d'extradition, le maintien de la peine de mort dans 38 Etats alors que celle-ci a été abolie en France depuis la dernière révision du Traité d'extradition, lequel ne prévoyait donc aucune procédure particulière.

En effet, les textes modernes régissant le droit de l'extradition organisent généralement des procédures particulières dans le cas où le pays requis n'applique pas la peine de mort contrairement au pays requérant, tel est par exemple le cas de la convention européenne d'extradition de 1957. Ils permettent ainsi de refuser l'extradition d'une personne qui risque la peine de mort, à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances que la peine de mort ne sera pas prononcée ou pas exécutée.

Le Traité de 1909 ne prévoyant pas une telle procédure, les autorités judiciaires françaises et américaines ont mis au point un système semblable, mais sur la base d'accords au cas par cas. Ce système a globalement donné satisfaction, le Conseil d'Etat se montrant très vigilant sur la nature des garanties données par les autorités judiciaires américaines. Pour autant, l'inscription dans le Traité de cette procédure est souhaitable, elle lui donnera une force juridique certaine dans la mesure où les stipulations des traités s'imposent au droit des Etats, et donc éventuellement à des décisions de justice prises par des juridictions d'Etats américains.

M. Marc Reymann a ensuite présenté les principales stipulations des deux Traités intervenant dans un domaine où il n'existait pas d'accord bilatéral entre la France et les Etats-Unis, la mise en _uvre du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale signé le 10 décembre 1998 permettra de rendre plus efficace la coopération judiciaire entre ces deux pays. En effet, en l'absence de convention sur le sujet, l'entraide existe, mais elle se fait sur le fondement de la réciprocité et du droit interne de chaque Etat, la ratification du Traité doit permettre au contraire de donner une base claire et stable à cette forme importante de coopération judiciaire.

La Traité d'extradition signée le 23 avril 1996 est conforme aux principes généraux du droit français de l'extradition tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des conventions conclues par la France avec d'autres pays de common law comme l'Australie et le Canada. La principale innovation par rapport au Traité de 1909 est de concerner par principe toutes les infractions, alors que l'ancien Traité avait délimité un certain nombre d'infractions qui pouvaient donner lieu à extradition. Bien évidemment ce principe général est assorti des exceptions habituelles, telles que l'interdiction de l'extradition pour motif politique, la nécessité d'un certain caractère de gravité de l'infraction...

Cependant, le Traité d'extradition comprend une clause dite de « dépolitisation » de certaines infractions terroristes inédite jusque là dans une convention bilatérale. En effet, le Traité s'inspire de la convention européenne sur le terrorisme de 1977 qui prévoit l'impossibilité d'invoquer le motif politique d'une infraction à caractère terroriste pour refuser une extradition. Il faut cependant préciser que cette clause contient de nombreuses exceptions permettant à l'Etat requis de faire valoir malgré tout le caractère politique d'une infraction.

Soulignant l'importance de la coopération judiciaire internationale, M. Marc Reymann a recommandé d'approuver les deux projets de loi.

Le Président François Loncle a insisté sur les difficultés particulières que posait l'existence de la peine de mort aux Etats-Unis et sur la vigilance que devaient avoir les députés français à ce sujet.

M. Paul Dhaille s'est déclaré très partagé sur cette convention. Certes, il semblerait que ce texte apporte certaines garanties juridiques mais il n'en demeure pas moins que l'application de la peine de mort aux Etats-Unis est une chose scandaleuse et que l'on ne peut se contenter toujours de protestations verbales. Les pays qui appliquent le plus la peine de mort dans le monde sont : la Chine, la Corée du Nord, l'Iran et les Etats-Unis. Que viennent faire les Américains dans une telle liste ? La solution organisée par la convention n'est pas satisfaisante. Certes, si la peine de mort est prononcée, elle ne sera pas appliquée ; mais est-il plus raisonnable d'imaginer enfermer un homme des dizaines d'années dans les couloirs de la mort ? M. Paul Dhaille a donc précisé qu'il ne pouvait voter qu'à l'encontre de la ratification de la convention. Il ne s'agit pas tant d'un problème juridique que de la nécessité d'envoyer un signal politique.

M. Jean-Claude Lefort a rappelé que le nouveau président des Etats-Unis était un farouche partisan de la peine de mort. Le moment de la ratification de cette convention est donc particulièrement peu opportun. Ce n'est pas tant un problème juridique que politique et symbolique. En conséquence, M. Jean-Claude Lefort a déclaré qu'il voterait contre la ratification de la convention.

Le Président François Loncle a souligné que la convention ne prévoyait pas l'interdiction de la peine de mort mais sa non-exécution. Il est vrai, ainsi que l'a rappelé devant la Commission des Affaires étrangères, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis M. Félix George Rohatyn, que c'est aux Etats et non à l'Etat fédéral de décider de l'abolition de la peine de mort, selon une décision de la Cour suprême.

M. Gilbert Maurer a souligné que le nombre d'exécutions aux Etats-Unis était en augmentation. Il a fait toutefois remarquer que ce problème d'extradition vers des pays reconnaissant la peine s'était déjà posé par le passé à la Commission et que celle-ci avait cependant approuvé ces conventions.

M. Pierre Brana a considéré que l'entrée en vigueur du Traité d'extradition n'apporterait pas de progrès réel sur la question de la peine de mort. Il a par ailleurs demandé qui appréciait l'état de santé de la personne dont l'extradition est refusée pour des raisons humanitaires.

M. François Rochebloine s'est étonné du calendrier qui fait venir aujourd'hui devant la Commission des Affaires étrangères un texte signé en 1996.

M. Marc Reymann a répondu aux intervenants.

Il a précisé que la clause permettant de refuser une extradition pour des raisons humanitaires était désormais classique dans ce type de convention. C'est alors à l'état requis d'invoquer des considérations relatives à la santé de la personne dont l'extradition est demandée.

En ce qui concerne le délai de ratification du Traité d'extradition, il a été répondu au Rapporteur que la France avait préféré attendre la finalisation du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale qui a été signé en décembre 1998 pour lancer la procédure de ratification. Il n'en demeure pas moins que les Etats-Unis ont ratifié ce texte dès 1998.

Sur la question de la peine de mort, il est incontestable que le nombre d'exécutions capitales aux Etats-Unis a augmenté régulièrement ces dernières années. Pour autant, la situation actuelle sur ce point n'est pas plus favorable pour les personnes extradables vers les Etats-Unis que le système prévu par le Traité signé en 1996. En effet, actuellement le Gouvernement français accorde l'extradition pour des infractions encourant la peine de mort, conformément à l'avis donné par la chambre d'accusation et sous le contrôle du conseil d'Etat qu'à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort encourue ne soit pas prononcée ou ne sera pas exécutée. C'est ce même système qui a été repris dans l'article 7 du Traité. En outre, la ratification du Traité constituerait un progrès sur ce plan là car l'interdiction de prononcer ou d'exécuter la peine de mort à des personnes extradées de France s'imposerait aux tribunaux américains, y compris des Etats fédérés.

Le Président François Loncle a insisté sur la nécessité d'envoyer un signe politique fort. En conséquence, il a proposé d'adopter le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'entraide judiciaire en matière pénale, mais de reporter l'examen du projet de loi sur l'extradition.

La Commission a adopté le projet de loi n° 2813 conformément aux conclusions du Rapporteur et reporté l'examen du projet de loi n° 2814.

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 28 mars 2001 :

- M. Marc Reymann, rapporteur pour le projet de loi (n° 2880) autorisant l'approbation de la Convention pour la protection du Rhin (ensemble une annexe et un protocole de signature) ;

- M. Yves Dauge, rapporteur pour le projet de loi (n° 2879) autorisant l'approbation de la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (ensemble une annexe).

La Commission des Affaires étrangères a décidé de créer une mission d'information commune avec la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et la Commission des Lois, sur les diverses formes de l'esclavage moderne ; cette mission comportera trente membres désignés à la proportionnelle des groupes et devra rendre son rapport dans un délai de neuf mois.

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● Chili

● Etats-Unis

● OIT

● République dominicaine


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