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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 avril 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Gérard Charasse, vice-président

puis de M. Jean-Bernard Raimond, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Centres culturels français à l'étranger

- Protocole de Sangatte sur le contrôle des personnes entre la France et le Royaume-Uni (n° 2980)

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Centres culturels français à l'étranger

M. Yves Dauge a présenté son rapport sur les centres culturels français à l'étranger.

Il a précisé en introduction que si son rapport était concentré sur les centres culturels, il ne fallait pas oublier le rôle exceptionnel joué par les alliances françaises dans notre politique culturelle extérieure, aujourd'hui comme hier.

Le premier constat de ce rapport est qu'il existe un décalage important entre le discours glorieux sur l'importance du réseau français de centres culturels à l'étranger et la réalité telle qu'on peut la vivre sur le terrain. La raison de ce décalage tient principalement à l'absence d'objectifs clairement définis et de moyens adéquats.

Les trois missions traditionnelles des centres culturels concernent l'enseignement du français, la programmation culturelle et l'information sur la France.

L'activité d'enseignement du français se trouve depuis quelques années confrontée à une grave crise en raison de la chute spectaculaire du nombre des étudiants inscrits, que l'on peut expliquer par diverses raisons : concurrence des établissements privés, priorité accordée à la langue anglaise, inadaptation de l'offre à la demande... Cette chute est d'autant plus inquiétante que l'équilibre financier des centres dépend pour beaucoup des ressources dégagées par les cours de langue. Il est nécessaire de s'interroger sur les conditions dans lesquelles les centres culturels sont amenés à dispenser leur enseignement afin de redynamiser cette activité.

Les activités culturelles des centres se heurtent à la difficulté de ne pas tomber dans une programmation artificielle ne s'inscrivant dans aucun réel courant d'échanges. Un des rôles principaux des centres culturels est d'être des initiateurs de projets qu'il conviendrait de monter en partenariat avec des acteurs culturels locaux. Il ne doit pas s'agir simplement d'une mise en vitrine de la culture française mais d'un travail en commun qui peut déboucher également sur une valorisation de la culture locale, ce qui nécessite bien sûr au préalable de la connaître.

En ce qui concerne l'activité d'information générale sur la France, il conviendrait de mieux organiser l'utilisation des sources d'informations nationales et européennes, disponibles notamment sur Internet.

M. Yves Dauge a ensuite rendu un hommage appuyé à la qualité et au dynamisme des directeurs des centres culturels et a d'autant plus regretté l'existence d'une tutelle souvent désuète et tatillonne. Trop souvent, les ambassadeurs et les conseillers culturels ont tendance à récupérer les dossiers culturels pour exister médiatiquement et réduisent le rôle des directeurs de centre à celui d'un simple exécutant. Une telle politique qui privilégie une représentation artificielle est destructrice sur le long terme pour le réseau. Il ne s'agit pas de remettre en cause les attributions des ambassadeurs mais d'organiser l'autonomie nécessaire des centres culturels dans le cadre de perspectives clairement établies. L'activité culturelle nécessite souvent une prise de risque qui demande de trouver une distance pertinente avec les postes diplomatiques.

Les subventions de fonctionnement aux centres culturels et aux alliances françaises conventionnées se montent à un peu plus de 1 milliard de francs pour 486 implantations. A titre de comparaison, le British Council bénéficie d'un budget de 4 milliards de francs pour 160 établissements. Ce qui donne une idée de la pénurie financière qui bride l'activité des centres. M. Yves Dauge a donc proposé un plan de redressement financier sur cinq ans à hauteur de 500 millions.

Le partenariat avec la société locale et ses représentants doit être la clef de voûte de l'activité de programmation culturelle. Il faut également y associer les collectivités locales françaises. Mais la diversité de ce partenariat ne doit pas servir de prétexte à une abstention de l'Etat.

M. Yves Dauge a également regretté l'absence de mémoire organisée de l'activité des centres culturels, comme par exemple l'inexistence de fichiers à jour d'anciens étudiants du centre. Il a souhaité le développement d'une approche interministérielle.

Le Rapporteur a conclu son intervention en soulignant que cette réflexion sur les centres culturels portait en son sein le problème de la réforme de l'Etat, de sa capacité à décider, à évoluer, à mettre en _uvre sur le terrain et à inscrire dans la durée les améliorations souhaitées.

M. Charles Ehrmann s'est dit doublement étonné, d'une part, par le poids beaucoup plus important des implantations de l'Alliance française dans le monde que des lycées et centres culturels français et, d'autre part, par les salaires très inférieurs des recrutés locaux par rapport aux professeurs de français de nationalité française expatriés.

Par ailleurs, il a demandé pourquoi le Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie n'avait pas été interrogé sur le problème des étudiants étrangers qui se rendent plus volontiers aux Etats-Unis où les bourses d'études sont plus attractives.

M. Alain Juppé a constaté avoir retrouvé une certaine continuité dans le constat établi par le Rapporteur car déjà en 1974, à l'issue d'une mission de l'inspection des finances sur les centres culturels français à l'étranger, lui-même et Michel Bon avaient déploré l'incapacité de la France à tenir des fichiers pays par pays des anciens élèves des centres culturels. Il a cependant souhaité nuancer l'analyse faite par le Rapporteur sur le rôle de l'ambassadeur qui doit être le chef d'orchestre des initiatives multiples des ministères pour développer des coopérations internationales.

En outre, deux questions demeurent. Comment développer l'offre de formation supérieure de la France sur le plan international, c'est-à-dire comment inciter les universités françaises à être plus présentes notamment face à la concurrence des Etats-Unis ? Et la coopération décentralisée, plus particulièrement avec le rôle des villes, peut-elle être importante ?

M. Pierre Brana a fait valoir que la liberté d'expression de la culture relevait d'un débat politique. En effet, si l'on développe la culture dans sa liberté d'expression, n'encourt-on pas le risque d'entrer en contradiction avec l'action diplomatique des ambassades sur le terrain ? Le débat porte donc sur la question de savoir si la culture doit être tributaire de l'action diplomatique sur le terrain ou si elle peut entrer en contradiction dans le cas où sa liberté est totale.

Estimant que la coopération décentralisée était très importante, il s'est demandé si on ne devait pas aller au-delà des grandes villes et encourager les villes moyennes voire petites à faire de même.

Enfin, il a demandé au Rapporteur de bien vouloir affiner ses explications concernant les relations entre les centres culturels et le réseau de l'Alliance française. Comment les choses se passent-elles sur le terrain ?

Mme Martine Aurillac a salué la liberté de ton et le courage du Rapporteur pour avoir tiré la sonnette d'alarme, d'autant que son constat sombre est corroboré par les nombreux contacts, visites et autres missions parlementaires. Mais existe-t-il quelques exemples de coopérations ou de partenariats qui marchent bien ?

M. René Mangin a salué le rapport de M. Yves Dauge qui a le mérite de la franchise et qui est un reflet exact de la réalité.

Plusieurs questions se posent. Y a-t-il véritablement une définition de la politique du Quai d'Orsay en matière de centres culturels ? Sommes-nous dans la capacité de procéder à des audits sur le fonctionnement de ces centres qui pourraient conduire à des économies susceptibles d'augmenter le budget au-delà des 500 millions de francs proposés par le Rapporteur ?

M. Joseph Tyrode a jugé que la difficulté culturelle ne résidait pas dans la problématique qui oppose la France et l'étranger, mais dans le fait que la culture française n'est pas très en avance.

Les carences ayant déjà été constatées dans les années soixante, une évaluation très précise a-t-elle été réalisée pour mener les actions nécessaires ? Ainsi, il a constaté que le Rapporteur parlait d'attachés culturels déficients mais de directeurs culturels percutants.

Suggérant que les jumelages locaux pourraient permettre une ouverture plus facile des pays à la culture française, la liberté locale devrait s'organiser avec les directeurs des centres culturels.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a regretté le fait que beaucoup d'implantations de l'Alliance française ou de centres culturels organisent peu de choses à destination des jeunes, pour lesquels il est souvent difficile d'obtenir des journaux ou des livres. Or cette jeunesse représente les futurs étudiants de demain. Que peut-on faire pour combler cette lacune ?

De même, elle a regretté le vide des ministères par exemple dans l'organisation des jumelages entre grandes écoles. L'interministériel est totalement absent, pire il n'y a pas de guichet unique où s'adresser alors que souvent il n'y a même aucune demande de subvention à la clé, mais simplement une demande pour recevoir certains interlocuteurs étrangers.

M. Guy Lengagne a souhaité faire part d'une anecdote avant d'émettre deux remarques.

S'étant rendu au Yémen dans le cadre du groupe d'amitiés France-Yémen, il a visité à Aden la maison où a vécu Arthur Rimbaud et que la France avait souhaité transformer en centre culturel après un effort considérable de réaménagement pour finalement la laisser à l'abandon ; la conséquence étant que cette maison est maintenant devenue « Rambo Hôtel ».

Il a ensuite observé que souvent les centres culturels français à l'étranger mettaient en avant la littérature alors que la France est aussi une nation scientifique. Il importe donc de sensibiliser les étrangers à cet aspect.

Tout comme il faut sensibiliser les jeunes étrangers à l'intérêt de poursuivre des études en France même si pour cela la France doit prendre le risque de dix immigrés clandestins pour un étudiant étranger. De même, le délai d'obtention des papiers nécessaires à l'entrée d'un étudiant étranger doit être réduit sous peine de les voir se rendre aux Etats-Unis où les formalités se font plus rapidement.

M. Jean-Bernard Raimond a salué la proposition du Rapporteur qui met l'accent sur la nécessaire intervention de tous les ministères dans la politique de coopération suivie par la France, mais a tenu à nuancer certains autres propos.

Plutôt qu'une « superbe machine », il a toujours été dit que les choses « ne fonctionnaient pas ». Cela tient souvent à des querelles de personnes et pas seulement à des problèmes de structure. Ainsi les ambassadeurs sont chargés d'appliquer une politique et cette mission peut être compliquée par ces problèmes de personnes.

De même, les problèmes budgétaires ont leur place et si des locaux sont nommés, c'est souvent pour éviter de payer les primes qui seraient dues à des expatriés.

Par ailleurs, c'est un tort d'affirmer que le Quai d'Orsay a une politique destructrice de la culture.

S'agissant des universités, le problème est dû à la concurrence de la langue anglaise qui s'impose de plus en plus de par le monde attirant ainsi les étudiants étrangers.

M. Etienne Pinte a souligné que l'analyse lumineuse faite par le Rapporteur avait déjà été validée au niveau local puisque plus personne ne travaille plus avec les centres culturels français à l'étranger, mais en direct d'université à université, de lycée à lycée, voire même au niveau de l'enseignement primaire. De plus en plus, au-delà du développement des techniques qui facilitent grandement la communication, on se passe des centres culturels et des attachés culturels d'ambassade.

M. Yves Dauge a répondu que la France devrait, comme les Etats-Unis, être capable de travailler avec les universités étrangères et toucher les futurs décideurs. Pour cela, il faut savoir s'implanter et travailler dans les grandes villes universitaires, et savoir offrir des aides et des bourses susceptibles d'intéresser les universités étrangères. L'association à ces projets des grandes villes, des régions et des universités françaises constitueraient un sérieux atout.

Il n'est pas question de remettre en cause le rôle de coordination de l'ambassadeur qui est et demeure indispensable. Il faut simplement faire en sorte que le système soit organisé et non dominé. Or cette organisation est aujourd'hui défaillante en raison de l'absence d'un projet politique clairement défini de notre politique culturelle extérieure.

La France a longtemps représenté à l'étranger le symbole d'un espace de liberté. Il ne faudrait pas que cette tradition se meure en raison de la chape de plomb que peut faire peser sur l'expression culturelle l'appareil diplomatique. Il est également important d'organiser une géographie et une typologie des centres culturels pour agir avec efficacité.

La coopération décentralisée est une action très importante à condition que chacun ne travaille pas seul dans son coin et qu'il existe une instance de coordination et des interconnexions. C'est d'ailleurs là théoriquement l'une des principales fonctions des conseillers culturels. Trop souvent sur le terrain, centres et alliances s'ignorent.

Mettre en place une évaluation ne sera possible que s'il existe au préalable une politique clairement définie. La priorité doit donc être un travail de définition des objectifs de la France dans les principales régions du monde.

Il est vrai qu'il faut éviter de tout généraliser et que certaines difficultés trouvent leur source dans des problèmes de personnes. Mais la structure et le système ont leur part de responsabilité et ils peuvent décourager les initiatives. L'enjeu d'une réforme des centres culturels est la restauration de l'ambition d'être actif dans le monde entier.

Protocole de Sangatte sur le contrôle des personnes entre la France et le Royaume-Uni

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du Protocole additionnel au Protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni (n° 2980).

M. Guy Lengagne a rappelé que le Royaume-Uni a connu, ces trois dernières années, une très forte augmentation de la pression migratoire : l'immigration irrégulière a été évaluée pour l'année 2000 à 180 000 personnes. Cette pression migratoire prend de plus en plus souvent la forme d'une demande d'asile sur le territoire britannique : les demandes d'asile sont passées de 4 000 en 1988 à 45 000 en 1998 et ont atteint le chiffre de 76 000 en 2000. Cette situation est à présent très mal comprise par la population et a pris l'ampleur d'un véritable problème politique pour le Premier ministre britannique.

Le caractère encore très favorable de la législation sur l'asile et la facilité avec laquelle les clandestins peuvent demeurer et travailler sur le territoire britannique fait du Royaume-Uni un véritable Eldorado pour les candidats à l'émigration de nombreux pays du monde, présenté comme tel par les réseaux de passeurs exploitant la situation. Le caractère attractif du Royaume-Uni a pour conséquence de faire de la France, et de la région du Pas-de-Calais en particulier, un lieu de transit pour les candidats à l'émigration clandestine outre-Manche. La situation critique du centre d'hébergement d'urgence ouvert en 1999 à Sangatte a été décrite par la presse : prévu pour 600 personnes, ce centre a abrité jusqu'à 1 100 personnes en janvier 2001.

L'immigration clandestine au départ de la France emprunte plusieurs voies : la voie maritime au départ des ports français, le transport ferroviaire de fret à travers le lien fixe trans-Manche, enfin, le transport de voyageurs par les trains Eurostar directs en provenance des gares françaises. C'est seulement à cette dernière route que s'attaque le présent protocole, ce qui, sans résoudre tous les problèmes, représente actuellement 7 000 passagers clandestins, soit le quart des personnes appréhendées en gare de Waterloo ou dans le Kent en provenance de France ou de Belgique (soit 28 000 personnes au total, les autres arrivant par ferry, fret ferroviaire ou d'autres moyens inconnus).

Le Rapporteur a rappelé le système de contrôle mis en place par le Protocole de Sangatte signé le 25 novembre 1991 et entré en vigueur en 1993 : la création de bureaux à contrôle nationaux juxtaposés (BCNJ) à Frethun et Folkestone, l'instauration de contrôles de police (contrôles d'entrée sur le territoire) à bord des trains par les officiers de police français sur la portion française de la ligne Paris-Londres et par les officiers britanniques sur la portion britannique de la ligne. Il a souligné que ce système comporte de nombreuses failles. D'une part, le contrôle d'entrée dans l'espace Schengen qui incombe aux autorités françaises apparaît à certains égards symbolique, d'autre part, les officiers britanniques ne peuvent empêcher l'entrée sur leur territoire de passagers en situation irrégulière : le contrôle « embarqué » à bord, exercé après le passage à Calais, ne permet pas de faire descendre le passager clandestin et contraint à l'accueillir à Londres où il dépose sa demande d'asile. En outre, plusieurs techniques de fraude ont été imaginées, consistant notamment à être en règle jusqu'à la gare de Calais, puis à poursuivre sans titre de transport et clandestinement au-delà de cette gare. Cette dernière pratique a conduit les autorités britanniques à demander la suppression des liaisons Paris-Calais-Londres, ce qui est inconcevable sur le plan économique pour la région du Nord-Pas-de-Calais.

Ces lacunes ont conduit les autorités des deux pays a élaborer de nouvelles solutions juridiques : elles figurent dans le présent protocole additionnel, mais également dans l'article 14 du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne déposé le 16 mars 2001 sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Le protocole additionnel prévoit la création de bureaux de contrôle des personnes dans toutes les gares desservies par la liaison Londres-Paris, soit à Londres-Waterloo, à Londres-St Pancras et Ashford en territoire britannique, à Paris-Gare du Nord, Calais et Lille-Europe en territoire français. Ces bureaux, qui rappellent le principe des BCNJ, comprendront des agents de l'Etat de départ, qui exerceront le contrôle de sortie du territoire, et des agents de l'Etat d'arrivée, qui procéderont aux contrôles d'entrée. En résumé, les voyageurs quittant la Gare du Nord à destination de Londres seront successivement soumis à trois contrôles : du titre de transport par la SNCF, contrôle de sortie par la Police aux frontières, contrôle d'entrée par l'Immigration and nationality Directory (IND) britannique. Ce à quoi il faut ajouter le contrôle de sûreté des Douanes.

Le Rapporteur a expliqué en outre la teneur de l'article 14 du projet de loi mentionné, qui prévoit que tous les passagers empruntant l'Eurostar à destination du Royaume-Uni pourront être soumis aux contrôles de sortie et d'entrée au Royaume-Uni, même s'ils ne se rendent qu'à Calais. Une information sur cette obligation leur sera donnée lors de l'achat de leur billet.

En conclusion, le Rapporteur a indiqué qu'il recommandait l'adoption du présent projet de loi, ainsi que l'adoption de l'article 14 du projet de loi sur la sécurité quotidienne, dans la mesure où les deux dispositifs sont complémentaires et ne seront pleinement efficaces qu'en entrant en vigueur simultanément.

M. Pierre Brana a demandé s'il existait des statistiques sur le nombre des clandestins arrêtés à la sortie de l'Eurostar. S'agit-il d'individus isolés ou sont-ils pris en charge par des filières organisées ?

Par ailleurs, il a demandé si les amendes imposées par les autorités britanniques étaient légales et sur quelle convention ou texte de loi elles se fondaient.

Il a enfin plaidé pour que la France ratifie rapidement le protocole à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme et les protocoles s'y rapportant) du 15 décembre 2000 sur la traite des personnes ; cela permettrait de donner un coup d'arrêt au trafic des réseaux d'immigration clandestine.

M. René Mangin a indiqué que plusieurs dispositions de ce protocole le choquaient. Les citoyens français peuvent être étonnés de devoir présenter leurs documents d'identité à des agents de police étrangers alors qu'ils se déplacent sur le territoire national ; on peut d'ailleurs s'interroger sur la constitutionnalité d'une telle procédure. De plus, on peut avoir l'impression que le motif réel de cet accord est l'incapacité de la police française à remplir efficacement ses missions.

Il a demandé s'il n'aurait pas été possible de trouver des solutions alternatives, en prenant exemple sur les procédures à l'_uvre dans le transport aérien. Si la SNCF a un intérêt financier dans la résolution de ce problème, n'aurait-elle pas pu proposer des procédures de contrôle plus efficaces préalablement à la montée à bord de ses trains ?

M. Jean-Bernard Raimond a demandé comment serait organisée la discussion en séance publique de ce protocole et du projet de loi sur la sécurité quotidienne.

M. Guy Lengagne a répondu aux intervenants.

Le Home Office britannique a récemment réalisé une étude, à la demande de la France, sur l'ampleur de l'immigration clandestine aux Royaume-Uni via l'Eurostar. Entre le 1er janvier et le 27 novembre 2000, près de 5 000 personnes sont arrivées à la gare de Waterloo sans les documents de voyage nécessaires : 4 253 ont demandé l'asile, 3 789 n'avaient aucun document, 830 étaient en possession de faux documents et 2 868, soit 48 %, sont arrivées à bord d'un train faisant arrêt à Calais. Ce chiffre de 5 000 personnes doit être majoré si l'on prend en compte les arrivées clandestines dans les autres gares anglaises desservies par l'Eurostar. Ces personnes sont, au moins pour la moitié d'entre elles, acheminées par des filières et des réseaux. Les principales nationalités représentées sont les Afghans, les Iraniens, les Kurdes de Turquie, les Albanais du Kosovo, les Chinois et les Sri Lankais.

Le Rapporteur a ajouté que le Protocole additionnel comporte des dispositions qui se veulent dissuasives, relatives au dépôt et au traitement des demandes d'asile : les demandes présentées dans une gare française à un officier britannique seront traitées sur le fond par les autorités françaises, le demandeur ayant été remis à l'officier de la Police aux frontières, qui l'engagera, s'il est en situation régulière en France, à présenter cette demande à la préfecture de son domicile. La Convention de Dublin de 1990 prévoyant qu'un étranger ne peut déposer qu'une seule demande d'asile dans les pays de l'Union européenne, toute demande déposée en France exclut pour le demandeur la possibilité d'obtenir l'asile au Royaume-Uni.

Les amendes imposées au transporteur par les autorités britanniques ne se fondent pas sur une convention internationale mais sur une loi britannique du 11 novembre 1999. Cette loi permet d'imposer une amende de 2 000 livres par passager clandestin découvert. Les autorités britanniques ont déjà imposé la SNCF à hauteur de 30 millions de francs sur le trafic de fret : la compagnie refuse pour l'instant de payer cette somme, dans l'attente d'une solution. M. Guy Lengagne a précisé que le chiffre d'affaires du trafic de fret sur la liaison trans-Manche s'élevait à 200 millions de francs par an. En outre, si le Royaume-Uni venait aussi à imposer des amendes sur les clandestins découverts à bord de l'Eurostar, ces amendes pourraient s'élever au total à environ 150 millions de francs par an, en notant qu'Eurostar, malgré son succès, sera déficitaire jusqu'en 2006.

La présence de policiers étrangers opérant un contrôle d'entrée sur leur territoire à partir du territoire français ne procède pas d'un principe nouveau. Elle a déjà été admise dans les Bureaux à contrôle nationaux juxtaposés installés depuis longtemps en frontière. Le contrôle effectué dans les bureaux de contrôle des personnes se situera plus en amont de la frontière. En revanche, le contrôle effectué par des agents britanniques sur des citoyens français ou européens n'effectuant qu'un voyage limité au territoire français, contrôle prévu par l'article 14 du projet de loi qui a été évoqué, pourrait faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. Néanmoins, le Rapporteur a rappelé que la loi permet le contrôle de l'identité des personnes dans les gares ouvertes au trafic international, et que cela implique bien la nécessité de détenir une pièce d'identité. Enfin, l'avertissement donné au moment de l'achat du billet entraîne l'acceptation par le passager du principe de ce contrôle.

Le Rapporteur a souligné à nouveau l'importance de la desserte de la gare de Calais par la liaison Eurostar, ce qui impose que soit trouvée une solution efficace au problème de l'immigration clandestine vers le Royaume-Uni. Il a précisé que le Protocole additionnel comme le projet de loi sur la sécurité quotidienne étaient inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 25 avril prochain.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2980).

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● Centres culturels

● Royaume-Uni


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