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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 22 mai 2001
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

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- Débat sur la coopération internationale en présence de MM. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères et Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie


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Débat sur la coopération internationale

Le Président François Loncle s'est félicité de recevoir M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie après l'audition des organisations non gouvernementales (ONG) sur la coopération et le développement qui a permis de recueillir de précieuses informations.

M. Hubert Védrine s'est réjoui de participer à ce débat consacré à la coopération internationale, moment privilégié en vue d'un échange direct et constructif avec la représentation nationale

La coopération internationale est importante dans tous ses aspects, qu'elle _uvre à pondérer les équilibres économiques ou qu'elle assure la promotion de la pensée française, qu'elle développe les partenariats scientifiques et technologiques ou permette à la création artistique de se frotter aux inspirations venues d'ailleurs. Elle conforte la place de la France dans le monde et perpétue ses valeurs.

Si la coopération internationale prend des formes différentes, elle procède néanmoins d'une même réalité et d'un même projet : c'est sur elle que se joue la capacité à défendre notre identité dans le monde et à promouvoir nos idées pour que la mondialisation ne soit pas synonyme d'uniformité et de perte des valeurs universelles. La France dispose d'atouts considérables dans cette compétition, mais a aussi une responsabilité particulière liée à son histoire.

Il revient au Ministère des Affaires étrangères de mobiliser les administrations et l'ensemble des acteurs grâce au réseau diplomatique et consulaire, à celui des services de coopération et d'action culturelle, aux établissements culturels à l'étranger et aux établissements d'enseignement et aux instituts de recherche. La relation avec le Haut Conseil de la Coopération internationale (HCCI) est également un élément fort de la réforme voulue par le Premier ministre et contribue à la formulation d'une politique plus transparente et mieux comprise par l'opinion publique. La cohérence du dispositif de coopération est clairement manifestée par l'existence du Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement (CICID).

Dans cette perspective, le ministre des Affaires étrangères a estimé que les préoccupations des parlementaires rejoignent les siennes en ce qui concerne la défense des moyens de ce ministère qui ne représente que 1,2% du budget national. A cet égard, il a remercié les parlementaires de leur soutien qui a permis d'enrayer la lente érosion des moyens du Ministère des Affaires étrangères. Comme M. Charles Josselin, il a estimé qu'il fallait accroître la part du PNB consacrée à l'aide publique au développement (APD). Mais il reste que des évolutions qualitatives peuvent être masquées par le chiffre de 0,34% du PNB consacrés à l'APD en 2000. M. Hubert Védrine a abordé quatre thèmes permettant de mettre l'action collective en perspective, en recherchant la meilleure efficacité dans un contexte de rareté de la ressource.

Premièrement, il a jugé que le chemin parcouru a été considérable ; transparence dans les choix, exercices de programmation annuelle, culture d'évaluation et aptitude à communiquer, sont autant de principes directeurs entrés dans la pratique quotidienne. Désormais, on ne fait plus de coopération « à l'aveugle », sans préoccupation d'efficacité et de partenariat. En ce qui concerne la capacité de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) à travailler avec le reste du Ministère, comme celle des administrations concernés par la coopération internationale à travailler ensemble, les progrès sont impressionnants.

Néanmoins, il reste selon lui du chemin à parcourir, ainsi l'amélioration de la capacité de la France à formuler les analyses pertinentes face aux nouveaux défis et aux interrogations posées par les donateurs bilatéraux et multilatéraux ainsi que les pays récipiendaires, en matière de coopération, est devenue une priorité. La réforme de l'ordonnance de 1959 offrira une chance de renouvellement en profondeur en associant encore plus le Parlement à la formulation en amont des lignes directrices de la coopération internationale. Le principe de solidarité en sortira renforcé, comme le montre le sondage réalisé pour le Comité contre la faim et pour le développement (CCFD) en mars dernier.

En second lieu, le Ministre a réaffirmé qu'il n'y a pas de césure entre la coopération au développement et la promotion de notre culture, de notre potentiel scientifique, de nos valeurs dans un monde concurrentiel. Après les décennies de l'ajustement structurel, on ne peut que se réjouir de l'évolution récente des esprit à ce sujet dans les enceintes internationales. Le développement passe par la prise en compte des identités culturelles, la formation des hommes, y compris celle des élites.

Il s'est félicité de ce que le premier comité d'orientation stratégique du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) ait adopté des textes qui précisent la manière dont cet instrument par excellence de l'aide au développement peut être mobilisé sur des projets culturels et pour appuyer la recherche dans les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP). La coopération internationale a pour mission de permettre à la France de participer à la compétition mondiale la plus importante aujourd'hui : celles des idées, des images, des valeurs - qui précède souvent les affrontements économiques. Aussi a-t-il été décidé de prendre une posture plus « offensive » sur l'offre de formations supérieures en France et sur l'action en direction des milieux universitaires aux Etats-Unis, sur le développement de la coopération scientifique et technique avec les grands pays émergents.

En troisième lieu il a estimé que désormais la continuité entre la politique de coopération et la diplomatie traditionnelle est désormais une évidence. Le développement est de plus en plus indissociable des enjeux mondiaux, comme l'ont illustré les sommets de Seattle et Porto Alegre. La coopération au développement a été l'un des axes importants de la présidence française de l'Union européenne. La communauté internationale a pris l'engagement de réduire de moitié, d'ici 2015, l'importance des populations se trouvant en dessous du seuil de pauvreté ; la conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés (PMA) a adopté un programme d'action et au début de 2002 se tiendra à Mexico la conférence des Nations unies sur le financement du développement.

La recherche de cohérence et d'efficacité dans l'aide internationale au développement conduit naturellement à confier un rôle intégrateur aux institutions multilatérales et à la communauté des bailleurs. La France souhaite participer activement et utilement à la formulation des orientations et des politiques, comme l'ont fait le directeur général du FMI et le président de la Banque mondiale lorsqu'ils sont allés à la rencontre de vingt deux chefs d'Etat africains, en Afrique, en début d'année.

Enfin, la France ne doit pas renoncer à ce qui fonde sa spécificité en termes d'APD. Malgré la sortie des territoires d'outre-mer des statistiques d'APD, la France reste au premier rang en valeur relative parmi les bailleurs d'aide au développement du G7. Toutefois, M. Hubert Védrine a admis que le taux d'APD devrait remonter pour être à la hauteur du discours de la France et des attentes de ses partenaires de son opinion publique, même si la qualité des politiques doit l'emporter sur les aspects quantitatifs. Cette situation est en partie liée à la baisse des aides à l'ajustement structurel et à la transformation en dons d'aides. Cependant, le taux de l'APD peut évoluer en fonction de la mise en _uvre progressive dès l'année 2002 de l'initiative « pays pauvres très endettés » (PPTE) qui conduira à transformer des créances en dons. Les difficultés économiques auxquelles sont confrontés certains partenaires vont conduire à une augmentation des concours d'ajustement et contribuer à l'amélioration de l'APD. En outre, l'évolution de notre taux de croissance économique peut également contribuer à tasser mécaniquement le pourcentage de notre PNB consacré à l'APD.

M. Charles Josselin a estimé que ce débat, le deuxième depuis que la réforme est entrée dans les faits, doit être l'occasion de dresser un bilan et de débattre des orientations stratégiques.

Comment la coopération peut-elle apporter une réponse à la mondialisation et la rendre plus humaine ? La mondialisation pose des problèmes nouveaux, qui pèsent lourd dans les relations Nord-Sud. Nous sommes confrontés à deux séries de difficultés. D'un côté, il y a une série de défis que le Nord estime, pour l'instant, plus pressants que le Sud ; ce sont des défis que les pays industriels ne pourront traiter que s'ils obtiennent le concours ou, tout au moins, l'assentiment, des pays en développement : l'environnement, les risques sanitaires, la diversité culturelle, fragilisée par la misère, tout ce qui peut mettre en cause la stabilité et la sécurité de la planète.

D'un autre côté, il y a les problèmes que la mondialisation pose au Sud, et qui procèdent de trois phénomènes différents : la concentration des richesses, car la part de la richesse reçue par les 20% les plus pauvres de la population mondiale est tombée à 1% à peine du total ; la dépendance : les pays pauvres y sont particulièrement vulnérables en raison des chocs auxquels ils sont exposés ; la sophistication : c'est l'exigence dont on fait preuve à travers les standards et les normes techniques dont on se dote. Aujourd'hui, adapter leurs produits à ces normes est, pour les pays du Sud, une tâche encore plus difficile que d'assumer les conséquences de l'ouverture de leurs propres marchés. Il y a là matière à coopération. Face à ces phénomènes, la coopération non gouvernementale joue un rôle particulier. Face aux enjeux de la mondialisation, la société civile et le Parlement lui-même attendent au moins deux choses de la politique de coopération : que l'on pèse dans le débat global et que nos actions bilatérales soient efficaces.

Entre le multilatéral et le bilatéral, il existe un maillon essentiel, l'aide européenne, dont les lenteurs et les travers sont bien connus. Les contributions françaises à la coopération européenne absorbent 14% de notre effort d'APD. Au niveau de l'Union européenne, si l'on additionne aides communautaires et aides des Etats membres, on obtient un total qui représente plus de la moitié de l'APD mondiale.

Comme il s'y était engagé, le gouvernement a mis un point d'honneur à faire évoluer le dispositif. Le 10 novembre 2000, une déclaration sur la politique de développement de la Communauté a été adoptée. Cette déclaration, qui a d'abord voulu servir l'identité européenne, énonce, pour la première fois, les principes qui unissent les Européens en matière de développement. Elle a pour objet de recentrer l'aide européenne sur les domaines dans lesquels elle peut ensuite être le plus utile, par exemple la promotion de l'intégration régionale ou le lien commerce développement.

En outre, la Commission a accepté que l'aide européenne puisse, dans certains cas, être mise en _uvre par les organismes nationaux existants, si l'Agence d'un Etat membre est la mieux placée pour opérer. Les connaisseurs du sujet savent que c'est une petite révolution. Un exemple de ce nouvel esprit est l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. A force d'insistance, la France a pu obtenir que, sur les 41 pays concernés, 22 franchissent avant le 31 décembre 2000 une étape essentielle dans la réduction de leur dette, celle du point dit « de décision ». Grâce à cette initiative, les critères des Institutions de Bretton Woods sont en train d'évoluer. L'exigence de lutte contre la pauvreté qui marque cette initiative confère un poids croissant aux thèmes du développement social, auxquels les Européens sont les plus attachés, en l'occurrence, la santé, l'éducation, le développement local.

Pour la première fois depuis bien longtemps, les dépenses sociales ont cessé de reculer l'année dernière dans les pays pauvres très endettés. Un début de redressement paraît même s'opérer. On a évoqué la « sanctuarisation des dépenses sociales » dans plusieurs enceintes, ce qui est nouveau. La France encourage le FMI et la Banque mondiale à coopérer avec le PNUD et les autres agences spécialisées des Nations unies, en donnant l'exemple sur le terrain.

Le Gouvernement s'efforce de mieux cibler les actions de coopération bilatérale. Cela implique l'achèvement de la réforme de l'assistance technique, qui représente l'un des atouts de la France dans le concert des bailleurs de fonds. Sont également intégrés des besoins qui n'existaient pas il y a quelques années, en particulier en matière d'expertise dite « pointue » ; par exemple, l'appui des politiques de réformes sectorielles, l'assistance technique au commerce, l'aide aux sorties de crises, l'appui au développement régional.

La crainte de la baisse de notre effort d'aide au développement se nourrit de la publication par le Comité d'aide au développement (CAD) de chiffres provisoires qui font apparaître un recul : tout en restant le premier des pays du G7, notre effort, calculé par le CAD, tomberait à O,33% du PIB. C'est évidemment trop peu, mais M. Charles Josselin a incité à la prudence dans l'interprétation des chiffres. Les variations d'une année sur l'autre peuvent être fortement affectées par l'imputation sur un exercice ou un autre des contributions multilatérales des pays donateurs. Un effet de ce type s'est par exemple fait sentir dans le cas de l'aide britannique, dont il a fortement dopé la croissance apparente. Les aides aux TOM sortent du calcul de l'APD et c'est un effet purement statistique.

A côté de l'APD française, la coopération militaire (700 à 800 millions de francs) aide les pays à garantir leur sécurité et leur stabilité politique. Le maintien de la paix est un préalable au développement. Les dépenses liées au maintien de la paix sont passées de 416 millions de francs en 1997 à 1,600 milliard en 2001. La part de la France y est plus élevée, car elle est membre du Conseil de sécurité De même, la francophonie y participe avec 2 millions de francs, dont une partie est consacrée aux ressources humaines (presque 1,5 million de francs), à la coopération non gouvernementale décentralisée. Nous accueillons par exemple, cette année, en 2000-2001, plus de 170.000 étudiants étrangers, contre 150.000 l'année dernière et ce, du fait de la promotion et du desserrement de la politique des visas.

L'institutionnalisation de la francophonie a beaucoup progressé depuis 1997 et la francophonie politique s'affirme, notamment depuis la réunion de Bamako en novembre dernier. Elle fait de l'état de droit une valeur et une finalité communes des Etats membres. A Beyrouth, en octobre prochain, le Sommet de la Francophonie centrera ses travaux sur la diversité culturelle et nous retrouvons ici les contrepoints à apporter au contexte de mondialisation. L'effacement de la dette, auquel la France contribue, participera à l'accroissement de l'APD.

M. Jean-Louis Bianco a souligné que, même si elle ne constitue pas une panacée car traversée par des courants contradictoires, la société civile donne une dimension indispensable à la coopération française. Il n'est pas dans les habitudes administratives de travailler avec la société civile et c'est l'un des objectifs du HCCI de faire évoluer les comportements et de faciliter cette collaboration.

M. Bianco a ensuite posé deux questions. Tout d'abord, dans le cadre des contrats désendettement-développement, quels rôles peuvent jouer les sociétés civiles du nord et du sud ? Ensuite, il est évident que l'aide publique demeure irremplaçable pour le processus de développement ; ni l'investissement privé, ni l'ouverture des marchés ne peuvent prétendre s'y substituer. Quelles sont alors les perspectives d'une augmentation de cette aide ?

M. Jacques Godfrain a insisté sur l'importance du fait linguistique dans la compétition internationale des valeurs. Aujourd'hui, le français est mis en cause pour la rédaction des brevets ou des documents financiers demandés par la COB. Une étude a montré un déficit de fonctionnaires au Conseil de l'Europe d'origine française, déficit qui ne devrait pas être comblé au motif que les Français ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais.

Il existe deux conceptions de la propriété intellectuelle : l'une organisée autour de la protection du créateur, l'autre l'abandonnant au droit contractuel privé. Quelle est la position française ?

M. Pierre Brana a rappelé les demandes des ONG françaises d'augmenter l'APD de 0,1% par an durant cinq années. Il a déploré la faible part de cette APD attribuée aux acteurs non-gouvernementaux. Ayant rappelé l'adoption en 1998 par l'Union européenne d'un code de bonne conduite en matière de vente d'armes, il a souhaité savoir si le gouvernement allait persévérer en ce domaine. Enfin, il a demandé si l'interdiction de vente d'armes à un pays s'accompagnait systématiquement de la suspension de toute coopération militaire.

Mme Bernadette Isaac-Sibille s'est interrogée sur la coopération judiciaire avec les pays en voie de développement en ce qui concerne les visas, les enfants mineurs, la mission sur l'esclavage moderne ayant constaté les difficultés pour les magistrats français de coopérer avec certains pays. En outre, certains d'entre eux, notamment en Bulgarie, n'ont pas obtenu d'aide des postes diplomatiques français.

M. Hubert Védrine a rappelé que le combat en faveur du français était une lutte sans fin et que le Ministère des Affaires étrangères n'était pas assez soutenu. En effet, estimant sans doute ce combat « ringard » et « archaïque », de nombreuses administrations ne se sentent pas concernées, assimilant trop vite modernisme et recul du français. Ni les Espagnols, ni les Russes, ni les Chinois, ni même les Anglais, ne considèrent comme ridicule de défendre leur langue. Le français est l'une des composantes essentielles de la diversité culturelle internationale.

Le fait de privilégier les acteurs non-gouvernementaux ne constitue pas un avantage systématique. Certains pays privilégient les ONG faute de structures gouvernementales adéquates. Les ONG sont très diverses : certaines allient dévouement et rigueur, d'autres seulement l'une de ces qualités tandis que d'autres ne sont que les faux nez de certains lobbies. Quoi qu'il en soit, jamais les ONG n'ont été autant intégrées qu'aujourd'hui dans l'action du Ministère des Affaires étrangères. Il faut se garder de croire que faire gérer une part élevée de l'APD par les ONG constituent toujours un progrès. Celles-ci doivent comprendre que, comme les gouvernements démocratiques, elles doivent satisfaire à des exigences de transparence et de bonne gestion.

M. Charles Josselin a souligné la place croissante prise par les institutions internationales et européennes. La France a longtemps uniquement réclamé les présidences ou les directions générales. Cette politique doit sans doute être revue au profit de postes plus nombreux et plus modestes qui sont tout autant des lieux de propositions et de décisions. L'objectif est d'organiser « l'ensemencement » des organisations internationales. Les obstacles sont nombreux : l'ONU par exemple n'est pas loin de demander obligatoirement à ses futurs cadres d'avoir effectué un séjour dans une université américaine.

La défense du français est souvent difficile. La COB fait valoir par exemple que les notices financières doivent pouvoir être lues par les fonds de pension américains. Rien n'est encore décidé en ce qui concerne les brevets ; mais le système actuel n'est pas satisfaisant, le français ne représentant que 10% des brevets européens. Il est d'autant plus indispensable que les fonctionnaires français s 'expriment systématiquement dans leur langue dans les enceintes internationales qu'existe pour les réunions futures un risque de disparition des traducteurs français inutilisés. L'idée d'une agence de traduction française pourrait être envisagée. Souvent par exemple, les chercheurs français doivent publier leurs travaux dans les revues anglo-saxonnes. Cette agence pourrait prochainement voir le jour, en associant financements publics et privés.

Il y a deux moyens principaux d'associer les membres de la société civile à l'aide au développement : les faire participer aux comités de pilotage qui vont sur le terrain identifier les secteurs aidés, ou en faire des opérateurs, notamment dans les secteurs de la santé et de l'éducation.

Une remontée de l'APD devrait être possible une fois les conditions réunies pour une reprise de l'aide à la Côte d'Ivoire et grâce à la mise en place du plan d'effacement de la dette de certains pays. On pourrait alors passer de 0,33% à 0,35 ou 0,36%. L'Allemagne se situe à 0,27% et la Grande-Bretagne à 0,3% du fait il est vrai d'un report en 2000 de crédits prévus pour 1999. Une raison explique la chute de l'APD française : la substitution du don aux prêts, due à l'objectif de ne pas accroître l'endettement ; on est en effet passé de 4 milliards de prêts à un milliard de don.

On ne doit pas raisonner uniquement en terme de montant de l'APD mais également contrôler son utilisation. La conditionnalité de l'aide est un sujet important et la France a mis en avant les critères de bonne gouvernance et de respect des droits de l'Homme.

Le Ministre s'est déclaré surpris d'apprendre que des magistrats français n'avaient pas obtenu d'aide des postes diplomatiques. Il a souhaité que les intéressés s'adressent à lui.

M. Yves Dauge a jugé que la réforme de la coopération était bien engagée, mais qu'il fallait l'approfondir pour que l'ensemble des services y adhère psychologiquement. De nombreuses interrogations subsistent, notamment sur la diminution de la coopération de substitution dans des domaines aussi fondamentaux que la santé et l'éducation, qui exigent une certaine durée. La réforme ne peut s'appuyer sur une stratégie qui n'est pas complètement partagée par ses principaux acteurs. Des attentes existent en termes de moyens, mais également de lisibilité. Il convient de passer de l'institutionnel au relationnel, quitte à recourir à des experts extérieurs. Selon lui, le ministère ne doit pas estimer que la réforme est achevée, sous peine de déception. Par ailleurs, il a déploré le désintérêt manifesté par la France à l'égard de l'UNESCO, enceinte où notre pays n'occupe pas réellement sa place.

M. Alain Barrau a indiqué qu'il travaillait depuis quelques mois sur l'analyse de la réforme en vue d'un rapport pour la Commission des finances. La réforme est certes encore au milieu du gué mais elle a déjà permis de franchir un grand pas, il faut donc la poursuivre.

Pour autant, sans se désolidariser de l'action du Gouvernement, il serait souhaitable que ce type de débat soit l'occasion pour les parlementaires d'établir un nouveau rapport de forces pour que les choses changent, notamment le rôle du ministère de l'Economie et des finances, qui semble trop souvent mener sa propre politique dans les domaines nombreux où il agit (gestion de la dette, discussions multilatérales, politique internationale du Trésor...). Les ambassadeurs, comme les Préfets dans les départements, doivent jouer le rôle décisif pour l'ensemble de la politique de la France dans les pays où ils sont en poste, c'est indispensable pour la lisibilité et l'efficacité de cette politique.

M. Jacques Myard a déclaré souscrire largement aux analyses de MM. Yves Dauge et Alain Barrau. Il a estimé que les tentatives de M. Charles Josselin pour justifier la baisse de l'aide publique au développement n'empêchaient pas de constater qu'en fait la France baissait la garde, ce qui constitue une erreur stratégique.

La réforme de la coopération était nécessaire. Certes, il fallait créer des passerelles entre les Affaires étrangères et la Coopération, mais en continuant de prendre en compte la spécificité de l'Afrique. Or, l'énorme DGCID rend très difficile cette composante, il faudrait recréer une structure qui permettent de mener des actions adaptées à ces spécificités de l'Afrique.

Le rapport de la DGCID insiste sur la double nécessité de la solidarité et de l'influence. Mais, si le multilatéral continue de monter en puissance, le message français ne passera plus. Il faut se libérer de la technocratie pesante de Bercy car le multilatéral n'a aucun effet multiplicateur.

Enfin en matière de langue française, tous les efforts qui sont faits ne peuvent être qu'annihilés si des fonctionnaires français continuent d'utiliser l'anglais.

M. Charles Josselin a estimé lui aussi qu'il ne faut pas apporter une réponse institutionnelle de plus aux problèmes qui subsistent, mais changer les comportements. Les difficultés sur le terrain procèdent parfois de comportements qui ne sont pas dans l'esprit de la réforme. L'ambassadeur s'est déjà vu confier une nouvelle mission d'animation interministérielle. Il faut le conforter dans ce sens.

Concernant l'évolution de l'APD, le Ministre n'a pas tenté de justifier sa baisse, mais de l'expliquer. L'essentiel de la baisse est d'ailleurs intervenu entre 1994 et 1997 où elle est passée de 42 à 32 milliards ; elle est aujourd'hui d'un montant de 29 milliards de francs. Il ne faut pas surestimer l'importance de l'aide multilatérale : elle est certes destinée à monter en puissance, mais ne représente que 27 % de notre APD. La coopération française reste donc essentiellement bilatérale, notamment en Afrique. Pour autant, la France essaye dorénavant de mettre en place des partenariats avec les Africains, lesquels entendent bien prendre en charge eux-mêmes leur avenir.

La mondialisation nous oblige à être présent dans la bataille des idées, et notamment sur le thème du développement. Ainsi, dans le budget 2002, les crédits destinés à le recherche seront en hausse. D'ores et déjà, nos idées sur la prise en compte des aspects sociaux dans le développement ou sur l'appui et la consolidation des Etats ont progressé.

Enfin, la manière dont les élus locaux se sont impliqués sur le terrain par la coopération décentralisée est une réussite qui doit être encouragée.

M. François Loncle a remercié le Ministre pour ses réponses et lui a signalé que les ONG de Coordination sud avaient salué son action personnelle, lors de leur récente audition par la Commission des Affaires étrangères.

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