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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 12 juin 2001
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dragoljub Micunovic, président de la Chambre basse du Parlement de la République fédérale de Yougoslavie

- Information relative à la Commission


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Audition de M. Dragoljub Micunovic, président de la Chambre basse du Parlement de la République fédérale de Yougoslavie.

Le Président François Loncle a accueilli M. Dragoljub Micunovic en commentant brièvement sa biographie. Il a évoqué notamment sa participation à la coalition DOS, qui a permis de rompre avec le régime de M. Milosevic grâce à l'élection de M. Kostunica. M. Loncle a évoqué sa joie d'avoir assisté à l'investiture de M. Kostunica à Belgrade. M. Micunovic est, depuis décembre 2000, Président de la Chambre basse de l'Assemblée fédérale yougoslave.

Le Président Dragoljub Micunovic a rappelé que M. Milosevic s'était maintenu au pouvoir depuis 1992 par la corruption et la manipulation. La victoire de M. Kostunica a été celle de la démocratie et beaucoup ne la croyaient pas possible.

Le premier problème auquel est confrontée la Yougoslavie concerne le Monténégro. La Serbie et le Monténégro ont la même origine, la même culture, la même histoire. Il est donc logique qu'ils restent dans le même Etat. M. Djukanovic était naguère un partisan d'une forte décentralisation ; il n'y pas de raison rationnelle à ce qu'il ait changé d'avis. Un compromis est indispensable. Quatre fonctions sont réservées à l'Etat fédéral : les Affaires étrangères, la Défense, la Monnaie et la protection des libertés civiles. Le peuple a l'espoir d'une vie meilleure. Le maintien des tensions actuelles ne peut avoir que des effets négatifs.

Le deuxième problème de la Yougoslavie concerne le monde entier : c'est celui du Kosovo. Le gouvernement yougoslave fait preuve de beaucoup de sagesse en ne répondant pas aux provocations, en engageant le dialogue avec la population, en nouant des liens étroits avec la KFOR qui possède la compétence juridique au Kosovo, en suscitant une police mixte. L'armée yougoslave est désormais considérée comme un élément de stabilité dans la région.

Le troisième problème concerne les relations avec le Tribunal pénal international. Le Parlement yougoslave a voté en faveur d'une pleine et entière collaboration avec ce dernier. Tous les criminels seront extradés et d'ores et déjà plus de 2 000 procès ont été lancés en interne contre des militaires. Ce point ne justifie en aucun cas tout retard à l'octroi d'une aide financière. M. Milosevic lui-même ainsi que l'ancien chef de la sûreté ont été arrêtés.

Sur le plan international la République fédérale de Yougoslavie désire s'intégrer à l'Union européenne et devenir membre du Conseil de l'Europe. Elle compte sur l'Union européenne pour améliorer ses institutions, et former ses cadres. Cette intégration impliquant une présence sur le marché européen permettra le retour de la confiance des citoyens. De même, elle se félicite de son intégration dans les instances régionales. En conclusion M. Dragoljub Micunovic a reconnu qu'il restait à son pays des tâches importantes à accomplir.

M. René André a exprimé sa grande satisfaction à pouvoir saluer la présence devant la Commission des Affaires étrangères de M. Dragoljub Micunovic, qui permet de renouer les liens séculaires qui existent entre son pays et la France. Observant que la République fédérale de Yougoslavie souhaite influencer les Serbes du Kosovo, il s'est demandé si leur retour y était possible, si leur liberté de circulation pouvait y être assurée sans la présence d'une force internationale. Il a demandé à M. Dragoljub Micunovic quelle était son appréciation sur le pacte de stabilité qui a pour fonction de faire coexister les peuples ; est-il réellement efficace ou bien un simple v_u pieu ?

M. Dragoljub Micunovic a souligné que le retour des Serbes au Kosovo est inexistant. Près de 150 000 Serbes sont sur le point de le quitter car au moins 1 000 d'entre eux ont été tués et 1 000 autres ont disparu. Sans garantie de sécurité leur retour est difficile, même si dans les enclaves du Nord ils bénéficient de meilleures conditions. Il s'est demandé comment établir un Etat de droit et garantir la sécurité des Serbes alors que malgré la présence de la KFOR plusieurs centaines d'édifices religieux ont été détruits et que des menaces pèsent sur ceux qui sont protégés par l'UNESCO. Sans la présence d'une force internationale, la sécurité ne sera pas assurée au Kosovo. Néanmoins la République fédérale de Yougoslavie espère établir un dialogue avec les dirigeants albanais modérés par l'intermédiaire de l'Albanie avec laquelle son pays a établi des relations diplomatiques.

Sur le pacte de stabilité il a exprimé des doutes même s'il a favorisé des projets réunissant au moins deux pays. Il aurait pu être très utile dans la rénovation des infrastructures existantes en ex-Yougoslavie. Malheureusement aucun projet concernant les autoroutes et les chemins de fer n'a vu le jour, le pacte de stabilité ne disposant pas des moyens promis.

M. Pierre Brana a voulu savoir comment les autorités de Belgrade allaient régler le problème de leurs relations avec le Tribunal pénal international de La Haye alors que l'adoption de la loi d'extradition rencontre des difficultés avec le parti populaire du Monténégro. Il s'est enquis de l'appréciation portée par M. Dragoljub Micunovic sur la situation en Macédoine.

M. Dragoljub Micunovic a expliqué qu'après les difficultés rencontrées avec le Monténégro il a été prévu qu'une loi d'extradition relevant de la seule Serbie soit adoptée et qu'à l'échelon fédéral on énonce un principe général. Cependant, ce qui relève de l'Etat fédéral ne peut être délégué et toute loi votée par le Parlement doit être approuvée par le Président de la République serbe qui n'a pas changé, de plus les autorités militaires relèvent du pouvoir fédéral. Pourtant, pour éviter de dépasser les délais d'autres options respectant la souveraineté de l'Etat sont envisagées. La solution suggérée par Mme Carla Del Ponte, consistant à adopter automatiquement le texte portant statut tel qu'il émane des Nations unies, est envisageable à défaut d'une meilleure solution.

Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie espère un accord avec le Monténégro pour pouvoir répondre à cette question toujours en suspens. La Macédoine représente aujourd'hui une sorte de miroir qui éclaire l'ensemble du problème que la communauté internationale ne peut voir clairement. Les Albanais, que ce soit en Macédoine ou au Kosovo, ont toujours eu une volonté de séparatisme. Dans le passé, les instituteurs albanais du Kosovo ne voulaient pas délivrer de diplômes au motif que ceux-ci étaient délivrés par la Serbie. Ils ont boycotté les élections à plusieurs reprises. Ce séparatisme n'est pas récent : sous Tito, les Albanais manifestaient déjà, demandant leur Etat, que ce soit au Kosovo ou dans une partie de la Macédoine. Cela s'apparente certes à une aspiration des temps anciens, mais il faut choisir la conduite que l'on tient face à cette revendication. Ou bien l'on respecte les accords d'Helsinki et l'inviolabilité des frontières, ou bien l'on crée des Etats basés sur l'appartenance ethnique et l'on risque de se trouver avec l'on ne sait combien d'Etats en Europe, et au Kosovo même. Si les Albanais venaient à créer leur grande « Albanie pure » qu'adviendrait-il des autres communautés présentes ? La communauté internationale aurait dû trancher cette question afin de ne pas nourrir cette illusion, et dissuader les groupes ethniques de vouloir créer un Etat.

M. Charles Ehrmann a souligné que les principaux problèmes qui se posent au sein du Conseil de l'Europe sont des problèmes de minorités. Quant à la situation en Yougoslavie, il a observé que l'intervention de M. Micunovic pose plus de question qu'elle n'apporte de réponses : quelle est l'évolution politique du pays ? Quel sera l'avenir du Kosovo ? La vie économique a t-elle retrouvé son niveau d'avant-guerre ? Enfin, comment se fait-il que quelques milliers de personnes peuvent mettre en danger la paix en Macédoine ? La haine des autres est-elle toujours transmise dans les écoles, comme l'avait constaté l'un des membres de la Commission lors d'un déplacement en Bosnie, ou bien les choses ont-elles évolué ?

Le Président François Loncle a demandé quel était l'impact de l'aide économique en Macédoine et quels étaient les moyens d'apporter une contribution à l'apaisement de cette région.

M. Dragoljub Micunovic a apprécié d'être interrogé sur cette question. Il est rare pour lui de pouvoir parler des problèmes concrets de la Yougoslavie car on l'interroge surtout sur le Kosovo, le Tribunal pénal international et la place du Monténégro dans la fédération yougoslave. La réforme démocratique, l'indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, les réformes économiques sont des questions cruciales sur lesquelles des résultats commencent à être obtenus. Il est indispensable de faire de la Yougoslavie un véritable Etat moderne.

En ce qui concerne la question des minorités, à part le cas du Kosovo, il n'y a aucun problème avec les différentes minorités : le vice-président du gouvernement par exemple est issu de la minorité hongroise et le ministre des minorités est musulman. D'ailleurs, les représentants des minorités faisaient partie de la DOS.

Le Président François Loncle a remercié M. Micunovic. Il a souligné que la France sera toujours attentive à la situation en Yougoslavie et aidera à la construction démocratique et économique du pays au service de la paix et de la construction européenne. Il a enfin rappelé qu'il avait invité le Président Kostunica à s'exprimer devant la Commission des Affaires étrangères et que cette invitation restait d'actualité.

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Information relative à la Commission

A été nommé, le mardi 12 juin 2001 :

- M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour le projet de loi n° 3115 autorisant la ratification du traité entre la République française et la Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière.

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● Yougoslavie


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