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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 19 juin 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Loncle, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères , sur la situation internationale

- Information relative à la Commission

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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la situation internationale

Le Président François Loncle a demandé au Ministre quelle était son appréciation sur le Sommet entre l'Union européenne et les Etats-Unis à Göteborg et si les violentes manifestations avaient eu lieu à cause de la présence du Président Bush ou à cause de la tenue du Conseil européen.

M. Hubert Védrine a tout d'abord eu le sentiment que l'Europe s'était enhardie face aux Etats-Unis, en défendant ses positions d'une façon paisible et assurée, ainsi par exemple sur le Protocole de Kyoto. Malgré toute la complexité et la difficulté de la construction européenne, on a l'impression que, petit à petit, la personnalité de l'Union européenne se forge et s'affirme. Face à la solidité de la position européenne, l'administration Bush comprend peu à peu que l'avenir du monde dépend aussi de ce qui se passera en Europe, en terme d'élargissement, par exemple.

En ce qui concerne le projet de défense anti-missiles, le Président Bush n'a pas modifié son approche, mais il semble que les Européens considèrent que, pour l'instant, ce projet est entaché de beaucoup d'incertitudes aussi vaut-il mieux attendre de nouveaux développements.

Le discours prononcé par le Président Bush à Varsovie reflète bien la conception américaine de l'Europe : une Europe très élargie qui correspond à une OTAN très élargie aussi, les questions de politique et de défense relevant de l'OTAN, et les questions économiques et commerciales relevant de l'Union européenne. Il faut s'attendre à des pressions américaines en faveur d'un élargissement de l'Union jusqu'à ce que les deux cercles coïncident.

La rencontre avec le Président Poutine peut être analysée comme une prise de contact, et le Président Bush s'est resitué dans une politique républicaine classique par cette démarche.

En ce qui concerne l'élargissement, la Présidence suédoise s'était donné comme objectif la fixation d'une date pour la conclusion des négociations d'élargissement. La France, avec l'Allemagne, ainsi que quelques autres pays ont résisté à cette tentation peu raisonnable qui aurait conduit finalement à admettre tous les candidats dans l'Union sans distinction entre ceux qui étaient prêts et ceux qui ne l'étaient pas, et à bâcler les négociations d'adhésion.

Sur le plan politique, le déclenchement des manifestations constitue un paradoxe : alors qu'elles sont contre la mondialisation, elles ont lieu de plus en plus fréquemment durant les réunions où on tente de réguler la mondialisation : il semble donc que les manifestants se trompent de cible. Néanmoins il est vrai que certains discours tenus sur la mondialisation ne sont pas tolérables pour tout le monde et créent des frustrations.

Rappelant que les Américains avaient annoncé le retrait de leurs troupes des Balkans, M. Pierre Brana a demandé où en était ce projet.

M. Hubert Védrine a répondu que le retrait des Balkans ou de la KFOR n'est plus d'actualité. Toutefois une redéfinition des moyens de la SFOR en Bosnie est envisageable.

M. Pierre Brana en a conclu que c'était là la preuve que les positions initiales assez radicales de l'administration Bush s'atténuaient. Peut-on espérer la même évolution s'agissant des positions américaines sur le sujet du protocole de Kyoto ?

M. Hubert Védrine a indiqué que la position américaine sur le Protocole de Kyoto était peu susceptible d'évoluer. Les Etats-Unis ne souhaitent pas diminuer leur souveraineté en signant des accords, d'où le refus de la Cour pénale internationale comme celui du Protocole de Kyoto. Ils considèrent en outre que le Protocole est mauvais car il ne prend pas en compte l'Inde et la Chine, qu'il taxe davantage les Etats-Unis que les Européens et que les puits de carbone n'y sont pas pris en compte. L'Europe doit bien sûr maintenir la pression, attendre des Etats-Unis qu'ils présentent les idées alternatives qu'ils ont énoncées et, également, s'appuyer sur des relais au sein des milieux favorables au Protocole qui existent d'ores et déjà aux Etats-Unis.

Au moment où s'achève la présidence suédoise de l'Union européenne qui a été essentiellement axée sur l'élargissement, le Président François Loncle a demandé au Ministre des Affaires étrangères ce que l'on pouvait attendre de la future présidence belge.

M. Hubert Védrine a répondu que les Belges souhaitaient apporter leur marque aux négociations sur l'avenir de l'Europe qui doivent se conclure en 2004. Or, l'année 2002 sera marquée par les élections françaises et allemandes, ce qui repousse toutes les avancées à 2003, les Allemands ayant demandé un tel report. Les Belges souhaiteraient cependant obtenir une déclaration ambitieuse et dynamique en décembre 2001 au sommet de Laecken.

M. Pierre Brana a demandé au Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir faire un point succinct sur la situation en Palestine.

M. Hubert Védrine a rappelé que la situation était extrêmement fragile et tendue. Cependant une accalmie sensible s'est opérée ces derniers jours dans la mesure où l'on est passé de 30 incidents graves par jour il y a encore seulement une semaine à 3 à 4 cette semaine. L'objectif est maintenant de consolider cette accalmie et le monde entier fait pression en ce sens.

M. Georges Hage a souhaité connaître l'analyse que le Ministre des Affaires étrangères faisait de la situation curieuse en Bulgarie où l'ancien roi Siméon II pourrait revenir au pouvoir.

M. Hubert Védrine a estimé que le choix des Bulgares était très compréhensible : la population est déçue par les promesses faites, découragée par la longue marche de la transition. L'ancien roi est perçu comme une personnalité au-dessus des partis, et non lié au communisme ni aux partis qui ont conduit la transition économique.

M. François Rochebloine s'est demandé si le redéploiement des forces syriennes de Beyrouth annoncé récemment pouvait laisser espérer un retrait total.

M. Paul Dhaille a souhaité revenir sur la question du redéploiement des forces syriennes au Liban. Est-ce lié à la situation au Liban ou à certaines difficultés du nouveau pouvoir syrien ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille a fait observer que ce redéploiement ne changeait rien à la puissance syrienne au Liban qui s'exprime dans tous les domaines aussi bien économiques que politiques.

En réponse, M. Hubert Védrine observé que les difficultés économiques du Liban ne semblaient pas liées à la présence de la Syrie. Le redéploiement est un élément positif. Il faut remarquer qu'il n'y a pas d'unanimité au sein de la communauté chrétienne sur cette question. Il a souligné que les Chrétiens du Liban étaient quelque peu inquiets devant le redéploiement syrien car ils n'ont pas oublié que c'est à l'appel d'un président maronite que les Syriens sont arrivés.

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Avant l'audition, une discussion informelle avait eu lieu entre le Ministre des Affaires étrangères, le Président François Loncle et les commissaires sur la situation en Algérie et les relations franco-algériennes, à la lumière des conclusions du Conseil européen de Göteborg, selon lesquelles « L'Union européenne exhorte tous les responsables algériens à agir pour mettre un terme aux affrontements et à la violence qui règnent actuellement. Elle appelle les autorités à lancer une initiative politique en vue de résoudre la crise par un dialogue entre tous les Algériens. L'Union européenne est prête à apporter son appui aux réformes politiques, économiques et sociales nécessaires pour restaurer la paix, la stabilité et la prospérité ».

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Information relative à la Commission

A été nommé, le mardi 19 juin 2001 :

M. Charles Ehrmann, rapporteur pour le projet de loi autorisant la ratification des amendements à l'accord portant création de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (n° 3071).

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● Algérie

● Conseil européen de Göteborg

● Etats-Unis


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