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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 octobre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique - M. Marc Reymann, rapporteur

- Examen pour avis du budget des affaires européennes - Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure

- Rapport d'information sur les droits de l'Homme et la Francophonie - Mme Yvette Roudy,    rapporteure

- Informations relatives à la Commission


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Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique (ensemble un procès-verbal d'accord sur la représentation) (n° 2814) - M. Marc Reymann, rapporteur

Le Président François Loncle a rappelé que la Commission des Affaires étrangères avait examiné, le 28 mars dernier, le projet de loi autorisant la ratification d'un nouveau Traité d'extradition avec les Etats-Unis, qui prévoit notamment qu'une extradition vers ce pays est soumise à l'engagement des autorités américaines de ne pas requérir la peine de mort. Des interrogations sur les modalités d'application avaient conduit la Commission à reporter sa décision sur ce Traité.

Depuis lors, le Président Valéry Giscard d'Estaing a fait part de l'étonnement qu'avait suscité à Washington une telle décision de la Commission et M. Hubert Védrine, interrogé par lettre, a fourni certaines informations supplémentaires qui semblent apporter toutes garanties.

Voilà pourquoi le Président François Loncle a souhaité que la Commission réexamine aujourd'hui ce Traité, à quelques jours de l'envoi d'une mission parlementaire aux Etats-Unis, commune aux Commissions de la Défense et des Affaires étrangères.

M. Marc Reymann, rapporteur, a précisé que, dans sa séance du 28 mars 2001, la Commission des Affaires étrangères avait interrompu l'examen du projet de loi autorisant la ratification du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis. Il a rappelé les positions de MM. Jean-Claude Lefort, Paul Dhaille et Pierre Brana qui avaient estimé qu'une telle convention n'apportait pas de garantie supplémentaire quant à la non-application de la peine de mort et que ne pas l'adopter constituerait un signal politique du refus de la France de l'utilisation de la peine capitale.

Ce signal ayant été alors donné, M. Marc Reymann a insisté sur la nécessité de maintenant ratifier le Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis dont il avait expliqué devant la Commission les principaux avantages. Prévoyant une procédure moins lourde qu'actuellement et permettant l'extradition dans des cas plus nombreux, la mise en _uvre du Traité signé en 1996 permettra de renforcer la coopération judiciaire entre les deux pays dont des affaires récentes ont encore montré la nécessité, comme l'affaire Arce Montes, meurtrier présumé de la jeune Caroline Dickinson, violée et tuée à Pleine-Fougères en juillet 1996 et détenu en Floride, ou l'affaire James Charles Kopp, Américain accusé d'avoir assassiné un médecin pratiquant l'avortement aux Etats-Unis, arrêté récemment en Bretagne.

M. Marc Reymann a ensuite voulu rassurer les membres de la Commission sur le risque qu'une personne extradée par la France puisse encourir la peine de mort. La formulation de l'article 7 du Traité qui prévoit que cette peine ne sera pas infligée ou, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée avait étonné car, actuellement, le Conseil d'Etat n'accorde l'extradition que s'il a l'assurance que la peine de mort ne sera pas prononcée. En fait, l'entrée en vigueur du Traité ne changera pas la procédure en France et le Conseil d'Etat continuera d'exiger du Procureur de l'Etat l'assurance qu'il ne requerra pas la peine de mort, rendant ainsi impossible qu'elle soit prononcée.

Mais, sur l'exemple de la convention européenne d'extradition, une garantie quant à la non-exécution de la peine de mort si elle est prononcée figure toujours dans ce genre de texte, il s'agit en fait d'une protection supplémentaire. De plus, dans ce cas très hypothétique, la Commission a reçu de la part de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, des précisions rassurantes sur l'application de cet article ; il ne signifierait en aucun cas que le condamné serait détenu indéfiniment dans les « couloirs de la mort » puisque « les autorités américaines compétentes seraient tenues d'exercer le droit de grâce ».

Ainsi, concernant la peine de mort, le système mis en place dans le Traité reprend fidèlement la pratique actuelle de la France en la matière, en lui donnant une force juridique supplémentaire puisque ce système avait été imaginé en marge du Traité d'extradition de 1909 qui ne le prévoyait absolument pas.

M. Marc Reymann a donc souhaité l'adoption du projet de loi afin de permettre une mise en _uvre rapide du Traité d'extradition que les Etats-Unis ont ratifié dès 1998.

Le Président François Loncle a rappelé qu'il avait, dans une lettre datée du 3 mai dernier adressée à M. Hubert Védrine, transmis les souhaits des commissaires en la matière et que la réponse du Ministre des Affaires étrangères était très claire.

M. Pierre Brana a suggéré que la délégation de l'Assemblée nationale qui se rendra prochainement aux Etats-Unis profite de l'occasion pour signaler que la France vient de fêter le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort et rappeler notre position sur cette peine abominable qui est pratiquée aux Etats-Unis. Par ailleurs, les assurances apportées par le Ministre des Affaires étrangères dans sa réponse à la lettre du Président François Loncle permettent la ratification du présent Traité.

M. Valéry Giscard d'Estaing a tout d'abord souligné que le présent texte n'avait aucun rapport avec l'actualité puisque le terrorisme n'est pas visé par le Traité d'extradition et les affaires politiques en sont exclues. Puis il a rappelé qu'un premier traité en la matière avait été élaboré en 1909, suivi par un échange de lettres et un nouveau traité en 1970. Depuis, le droit a évolué sur des sujets tels que l'enlèvement d'enfants. Le droit américain et le droit français n'étant pas les mêmes, aujourd'hui, nous sommes confrontés à des problèmes d'extradition liés au trafic de drogue par exemple. Le texte présenté peut donc être considéré comme une mise à jour d'un Traité déjà existant. En outre, il renforce le principe de la non application de la peine de mort et améliore les procédures judiciaires entre la France et les Etats-Unis. On ne peut donc qu'être favorable à sa ratification.

Le Président François Loncle a dit sa fierté d'avoir été l'un de ceux qui ont voté en 1981 l'abolition de la peine de mort. Il a également souligné que l'ancien Ambassadeur des Etats-Unis en France, M. Félix Rohatyn, un homme de grande qualité, était devenu un fervent partisan de l'abolition et le faisait savoir auprès de ses concitoyens.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2814).

Examen pour avis du budget des affaires européennes - Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure

Mme Marie-Hélène Aubert a indiqué que le Conseil de l'Union européenne avait adopté, le 20 juillet 2001, un projet de budget pour 2002 établi à 99 milliards d'euros en crédits d'engagement et 95,6 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces montants représentent une augmentation de 2,1% pour les premiers et 2,5% pour les seconds.

La contribution française au budget communautaire connaît une hausse de 11,2% par rapport à la contribution inscrite en loi de finances initiale pour 2001 : cette contribution passe de 99,5 à 110,7 milliards de francs, soit 16,87 milliards d'euros.

Cette hausse s'explique par l'entrée en application de la nouvelle décision ressources propres adoptée en 2000 : cette décision fait une place plus grande à la ressource PNB dans le financement du budget - la France est donc à ce titre mise davantage à contribution. De plus, notre pays participe davantage au financement de la correction britannique.

Les trois institutions budgétaires ont, cette année, manifesté un quasi consensus sur un budget de rigueur, ce que l'on peut regretter. Il faut en effet garder en mémoire que le budget ne représentera que 1,03% du PNB des Quinze.

La poursuite de la mise en _uvre de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) disposera des moyens nécessaires : 45 Milliards d'euros, soit une augmentation de 2,3% par rapport au budget 2001.

Les crédits destinés aux politiques structurelles sont stabilisés à un niveau élevé au regard des rythmes effectifs de consommation, étant donné que l'on se trouve en début de période de programmation. Les crédits pour engagements s'établissent à 33,6 milliards d'euros et les crédits pour paiement à 32 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,8% et 1,6%.

Le Conseil a accepté une augmentation significative - 4,3% - pour les dépenses administratives, apportant ainsi un soutien à la réforme interne menée par la Commission.

Enfin, les crédits de paiement finalement adoptés pour l'aide de pré-adhésion augmentent de 20,9% par rapport à 2001, manifestant, de façon très positive, la priorité maintenue à l'élargissement.

La Rapporteure a souligné que le budget 2000 de l'Union avait été clôturé avec un excédent de 11,6 milliards d'euros, qui a été pour l'essentiel reversé aux Etats membres. Il est regrettable que cet excédent n'ait pas été affecté à une réserve permettant à l'Union de financer des projets d'infrastructures européennes que chacun réclame, dans le domaine ferroviaire, par exemple. Elle a regretté cette occasion manquée de conférer au budget communautaire un caractère plus actif, au lieu de demeurer un simple instrument de redistribution.

Mme Marie-Hélène Aubert a souhaité une relance de la réflexion sur les modalités d'un impôt européen, qui, ne constituant qu'une substitution de recettes, contribuerait à l'émergence de la citoyenneté européenne et aurait l'avantage d'éviter le débat « de chiffonniers » sur le solde net, débat qui crée des tensions entre les Etats membres et en créera encore davantage lors de l'élargissement.

La position de la France dans le budget communautaire est très favorable : notre pays est traditionnellement le deuxième contributeur en volume, participant à hauteur de 17 % au budget communautaire, derrière l'Allemagne, qui finance 25,5 % du budget. Mais le calcul de ce solde budgétaire place notre pays au septième rang des pays contributeurs nets pour 1999, derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Italie, la Belgique et la Suède.

Notre pays occupait en 1999 la deuxième place des bénéficiaires, recevant 16,9 % de l'ensemble des crédits communautaires, derrière l'Espagne, qui a reçu 17 % de ces crédits. Le rapport de la Commission européenne sur la « Répartition des dépenses opérationnelles de l'Union par Etat membre en 2000 » montre que la France a été le premier bénéficiaire de ces dépenses en 2000 avec 16,7 % de celles-ci, passant devant l'Espagne (14,9 %). Il apparaît, selon ce mode de calcul, que la Suède est le plus important contributeur net, consacrant 0,50 % de son PNB à la Communauté, suivie par l'Allemagne. La France ne contribue au budget de l'Union, comme la Belgique, que pour environ 0,10 % de son PNB. Ces deux pays sont les plus faibles contributeurs en pourcentage de leur richesse nationale. Ces chiffres doivent être regardés avec attention, car notre pays devra faire face à de nouveaux débats, lorsque le prochain paquet financier commencera à être discuté.

Le budget consacre aussi un financement élevé aux crises du secteur animal, qui auraient pu être évitées si la politique communautaire avait su assurer à temps la sécurité alimentaire, le suivi et les contrôles nécessaires.

La Rapporteure a ensuite présenté les principaux éléments marquants des politiques internes de l'Union : les actions visant à lutter contre le terrorisme et à établir une meilleure coopération judiciaire, la mise en place prochaine d'Eurojust, le mécanisme de protection civile coordonné au plan européen, initié par la France, notamment.

Le financement de la politique extérieure de l'Union comporte une diminution de 3,2% des crédits d'engagement. Les crédits de paiement augmentent en revanche de 6,3%, ce qui profite à la dotation de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), aux Balkans occidentaux, aux deux pays candidats Malte et Chypre, à la Turquie, et, dans une moindre mesure, aux pays de la Méditerranée.

La mise en _uvre du nouveau programme CARDS s'accompagnera d'un financement de 814 millions d'euros. Ce programme comporte de nombreux aspects, mais la Rapporteure s'est interrogée sur son adéquation à la demande la plus urgente qui émane de ces populations : reconstruire les usines, les entreprises, favoriser la renaissance du tissu économique.

Mme Marie-Hélène Aubert a dressé un bilan plutôt négatif des stratégies communes nouées avec la Russie et l'Ukraine, souhaitant qu'elles deviennent plus ciblées, plus efficaces et qu'elles présentent des résultats concrets mesurables pour le citoyen.

Enfin, elle a appelé de ses v_ux une implication politique accrue de l'Union européenne au Moyen-Orient, correspondant à son rôle de premier donateur dans la région et de promoteur du Processus de Barcelone. Elle a estimé que plutôt que de voir se succéder des visites des ministres européens dans la région, il serait souhaitable de donner plus de poids au Haut Représentant de la PESC, qui serait en mesure de donner plus d'autorité et de visibilité aux efforts de l'Union.

Le Président François Loncle a remercié Mme Marie-Hélène Aubert pour la clarté de son rapport qui contient des vérités bonnes à dire. Il a souhaité obtenir plus de détails concernant l'évolution des crédits consacrés aux pays candidats afin qu'ils puissent atteindre les objectifs d'une adhésion à l'Union européenne dans un avenir raisonnable. Revenant d'un séjour en Bulgarie, il a salué le travail accompli là-bas par cinquante fonctionnaires européens qui se consacrent à l'intégration de l'acquis communautaire. Il a rappelé que l'une des priorités pour lui restait l'élargissement et qu'il serait fâcheux que les crédits qui y sont dédiés ne soient pas suffisants, alors que plus on arrive près du but, plus on doit déployer d'efforts.

Mme Yvette Roudy a demandé si l'on avait une idée des conditions d'application du mandat d'arrêt européen. Comment cela va-t-il se passer sachant que les Etats membres de l'Union européenne n'ont pas les mêmes législations. Ce mandat va-t-il être réservé aux actes de terrorisme ou être étendu alors que l'on n'a pas achevé l'harmonisation des législations ?

M. Pierre Brana a fait remarquer que l'OLAF, l'organisme chargé de la lutte contre la fraude communautaire et la corruption, pouvait créer, à la demande des pays candidats, un organisme destiné à former le personnel local à cette lutte. De même, la Cour européenne des comptes est prête à envoyer des magistrats dans un même souci de formation. Se pose alors la question du financement de ces organismes : peut-il être puisé dans les crédits officiellement consacrés à la pré-adhésion ? S'agissant de l'annonce du mandat d'amener européen, il a estimé que c'était un vieux débat, médiatiquement spectaculaire mais toujours pas tranché dans la mesure où il n'existe pas de corps de lois européen.

Revenant sur la place de la France dans les financements européens, M. René Mangin a rappelé que notre pays avait souffert de nombreuses crises dans les secteurs textile, la sidérurgie, les mines ou encore l'agriculture, aussi était-il explicable qu'il reçoive des financements importants pour en atténuer les conséquences. Il convient donc de rester vigilant car la France a encore beaucoup à attendre de ces financements. Quant à l'introduction d'un impôt européen, on en est encore probablement loin tout comme on est encore loin d'un Etat européen. Par ailleurs, il a regretté qu'en diplomatie, l'intérêt national prime sur l'intérêt collectif. Enfin sur le Proche-Orient, il a déploré le fait que l'Union européenne finance des infrastructures en Palestine que les Israéliens s'empressent de détruire.

A cet égard, Mme Bernadette Isaac-Sibille a rappelé que l'on avait connu des difficultés lors de la ratification de l'accord d'association Union européenne-Israël et de l'accord sur la recherche et la technologie. Elle a émis le v_u que l'on conditionne son application avec beaucoup d'attention, en prenant en considération les destructions considérables commises par les Israéliens ces derniers mois.

Mme Marie-Hélène Aubert a répondu aux intervenants.

Elle a précisé que les crédits affectés à la préparation de l'élargissement augmenteront en 2002 de 20,9% pour atteindre 3,3 milliards d'euros en crédits d'engagement. Il est vrai que la mise en _uvre des programmes de mise à niveau des infrastructures (ISPA) et d'aide à l'agriculture et au développement rural (programme SAPARD) connaît des difficultés, mais celles-ci ne sont que transitoires. Dans plusieurs pays, il s'agit de monter les projets et de mettre en place le circuit de gestion des programmes. Néanmoins, les crédits destinés aux pays candidats sont les seuls à progresser réellement. Les crédits destinés aux autres actions extérieures stagnent au contraire, à cause des capacités d'absorption des pays bénéficiaires ou de la difficulté à monter les projets, ou encore du fait de la lourdeur et la lenteur de la procédure de gestion communautaires, qui ne s'est pas encore significativement améliorée dans les faits.

Le projet de décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen, qui s'analyse plutôt comme un projet d'extradition quasi-automatique, est voué à remplacer les deux conventions d'extradition de l'Union européenne de 1995 et 1996, d'ailleurs non encore ratifiées par tous les Etats membres. Cette procédure ne s'appliquerait, aux termes de cette première version, qu'aux personnes ayant été condamnées à au moins quatre mois d'emprisonnement et qui ont fui dans un autre Etat, et aux personnes mises en examen pour une infraction passible d'au moins un an d'emprisonnement. Elle ne concerne donc pas que les actes de terrorisme. La proposition est très novatrice et on ne connaît pas encore les réactions de tous les Etats membres, surtout face à l'abandon de la phase politique de la procédure d'extradition. Celle-ci deviendrait effectivement purement judiciaire. Cette question est revenue médiatiquement sur le devant de la scène, mais on doit s'efforcer de lui donner réponse si l'on veut lutter sérieusement contre le crime organisé et parvenir à une justice internationale efficace.

La Rapporteure a indiqué que le financement de la lutte contre la fraude communautaire et celui de l'élargissement ne figurent pas dans les mêmes rubriques budgétaires, aussi est-il peu probable que l'installation d'unités dans les pays candidats soit soutenue par les crédits de la rubrique 7 consacrée à l'élargissement. Il est cependant souhaitable qu'une telle coopération puisse être financée.

Le débat sur le solde net paraît malsain : l'avantage d'une intégration à l'Union européenne ne peut s'analyser en termes de solde net entre versements au budget et financements communautaires perçus en retour, ce qui conduit à négliger les aspects globaux de la construction européenne. La Rapporteure a dit ne pas méconnaître, bien au contraire, les crises qu'ont connues ou que connaissent actuellement les secteurs d'activité en France. Mais est-il logique et immuable que la Politique agricole commune mobilise toujours la moitié du budget ? Peut-être y a-t-il lieu d'augmenter le budget communautaire pour mieux financer d'autres politiques ? Vu la situation actuelle il faut très certainement repenser la PAC. Ces questions devront être abordées en prévision de l'élargissement. La France connaît des crises qui méritent des subventions et des budgets, mais c'est aussi le cas d'autres pays. Ce débat sur les soldes nets est assez pervers et nuit à une volonté de construction politique européenne, abordant les problèmes globalement et non pays par pays.

Le Président François Loncle a reconnu que l'application des conventions qui lient l'Union européenne et Israël était en pleine actualité et que ce débat était en effet ouvert.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 26 du projet de loi de finances pour 2002.

Présentation du rapport d'information sur les droits de l'Homme et la Francophonie - Mme Yvette Roudy, rapporteure

Mme Yvette Roudy a exposé qu'a priori, le lien entre le respect des droits de la personne, l'établissement de régimes démocratiques et l'appartenance à l'espace francophone aurait dû être évident. Or, il n'en est rien, car la question des sanctions pour atteinte à ces principes n'a été posée qu'au Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement à Moncton, en 1999, par le forum des ONG, réuni pour l'occasion.

Analysant le rôle des institutions de la Francophonie multilatérale chargées de promouvoir ces normes, la Rapporteure a dénoncé le manque de lisibilité et d'efficacité d'un système qui met sous la double tutelle de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) et du Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), M. Boutros Boutros-Ghali, la Délégation aux droits de l'Homme et à la démocratie (DDHD). Ce système, unanimement critiqué, ne satisfait ni les Etats membres, ni l'AIF, ni la société civile. En effet, les responsables de l'AIF ont une approche de la Francophonie politique plus ouverte que celle de M. Boutros Boutros-Ghali, très en retrait sur ces sujets.

Comment avec une double tutelle et peu de moyens la DDHD peut-elle fonctionner ? Certes, elle accomplit un travail de formation des juristes, d'échanges et de renforcement des capacité électorales, mais cela s'apparente à du saupoudrage et manque d'efficacité et de visibilité sur le terrain.

Evoquant les actions menées en faveur des droits de la personne par les institutions de la Francophonie multilatérale, Mme Yvette Roudy a relevé que l'adhésion à l'espace francophone n'était pas soumise au respect de la démocratie et des droits de la personne. Pourtant, sans mener systématiquement des politiques de sanctions et d'exclusions d'Etats de l'espace francophone, il faut éviter que les institutions de la Francophonie soient perçues par les populations victimes comme des auxiliaires de certains régimes.

En effet, les diverses conférences nationales des pays francophones du Sud, la circulation de l'information et l'action des ONG ont révélé combien les populations étaient attachées au respect de ces normes. Le double langage que les institutions de la Francophonie semblent tenir est malsain. Les populations du Sud aspirent à plus de justice et paient cher le prix de la corruption de leurs dirigeants.

Pourquoi ne pas subordonner l'attribution de certaines aides, et le financement de certains projets au respect de normes précises édictées par les conventions internationales protectrices des droits de la personne signées et ratifiées par la plupart des pays appartenant à l'espace francophone ?

Evoquant le suivi des processus démocratiques, Mme Yvette Roudy a précisé que la présence de nombreux observateurs internationaux des élections, en amont, c'est-à-dire lors de l'établissement des listes électorales, pendant la campagne, au cours du scrutin et pendant la proclamation des résultats était nécessaire. Cependant elle a regretté que les institutions de la Francophonie envoient des observateurs qui s'en tiennent le plus souvent au programme défini par les autorités locales. Des dérapages se sont produits et ont fortement entamé le crédit de leurs missions.

Soulignant le rôle capital des médias et de la liberté d'expression dans la construction de la démocratie, elle a déploré les sanctions prises à l'encontre des médias qui déplaisent aux pouvoirs en place et qui vont jusqu'à l'assassinat de journalistes comme Norbert Zongo, au Burkina Faso, ou Jean Dominique, en Haïti. L'absence de réaction forte des institutions de la Francophonie face aux atteintes à la liberté d'expression a été dénoncée par les ONG.

Selon la Rapporteure, la lutte contre l'impunité n'est pas la priorité des institutions de la Francophonie officielle. Pourtant, elles auraient la possibilité d'envoyer des observateurs lors des procès concernant des violations des droits de la personne. A cet égard, elle a évoqué le procès des gendarmes responsables du massacre de Yapougon, acquittés en Côte d'Ivoire, et les multiples cas d'impunité, au Cameroun, en Guinée, au Togo au Burkina Faso, au Tchad, etc. Elle s'est en outre déclarée très perplexe sur les conditions dans lesquelles l'enquête sur l'assassinat à Djibouti du Juge Borrel, magistrat détaché par la France auprès du Ministre de la Justice de Djibouti, avait été menée.

De même, les institutions de la Francophonie ne sont pas assez impliquées dans la protection des défenseurs des droits de l'Homme, persécutés dans nombre de pays francophones, alors qu'ils auraient dû être les interlocuteurs naturels de la DDHD. Ces dernières années, dans de nombreux Etats francophones, les défenseurs sont considérés par les autorités comme leurs premiers ennemis.

Par ailleurs, Mme Yvette Roudy s'est alarmée de l'ampleur des trafics d'enfants en Afrique de l'Ouest, où il est difficile de lutter contre ce phénomène dont les racines sont culturelles et parfois religieuses. Le travail des enfants dans les familles était considéré autrefois comme un mode d'apprentissage, actuellement, pour des sommes dérisoires, des parents ayant de nombreux enfants les confient à des passeurs qui promettent de prendre en charge leur éducation. Les moyens de lutte contre l'esclavage des enfants qui aboutit souvent à la prostitution y sont très insuffisants. Les institutions de la Francophonie pourraient favoriser l'adoption d'une convention à l'échelle régionale visant à décourager le trafic de main d'_uvre car les pays qui sont à l'origine de ce trafic doivent l'éradiquer en se dotant de moyens juridiques et policiers adaptés.

Elle a également rappelé que, dans bien des pays membres de l'espace francophone, la condition des femmes n'était guerre enviable. Peu éduquées, elles sont mal protégées par des normes juridiques issues soit de coutumes locales soit d'un Code Napoléon non modifié depuis les indépendances.

Mme Yvette Roudy a précisé que les carences des institutions multilatérales de la Francophonie dans leur approche des droits de la personne entamaient leur crédibilité. Préoccupées par ce problème, les autorités françaises et canadiennes se sont efforcées de réagir après le Sommet de Moncton en 1999.

Sous leur impulsion, un Symposium sur les pratiques de la démocratie dans l'espace francophone s'est tenu à Bamako en novembre 2000 et a abouti à l'adoption d'une déclaration dotant la Francophonie de procédures de suivi des violations des droits de la personne et des atteintes à la démocratie et d'un mécanisme de sanction.

Cette déclaration marque un tournant dans l'histoire de la Francophonie, qui dispose enfin d'un texte de référence lui permettant de réagir en cas d'atteinte à la démocratie et de violation massive des droits de l'Homme, malgré les réserves de la Tunisie, du Vietnam et du Laos. Un programme d'action a été élaboré ; l'ensemble devait être adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement au Sommet de Beyrouth qui vient d'être reporté. La succession de M. Boutros Boutros-Ghali, dont le mandat expire en décembre prochain, devait aussi y être évoquée.

En conclusion, la Rapporteure a proposé qu'au-delà de la mise en _uvre concrète de la déclaration de Bamako, les institutions de la Francophonie se rapprochent sur le terrain des populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, car il n'est pas acceptable que, dans l'espace francophone, des trafics d'êtres humains soient tolérés. Elle a proposé que l'aide au processus démocratique soit ciblé sur l'établissement d'un état-civil fiable qui confère à l'ensemble des processus électoraux une plus grande légitimité et que des normes concernant l'observation des élections soient édictées. Des règles minimum de conditionnalité doivent être mises en _uvre dès lors que des aides sont attribuées pour conforter un processus démocratique.

Elle a estimé que l'ensemble de ces mesures dépendait surtout de la volonté politique des Etats membres de la Francophonie et de la personnalité du Secrétaire général de l'OIF.

Le Président François Loncle a félicité Mme Yvette Roudy pour la franchise de son rapport. Il a rappelé que la Charte des droits fondamentaux rédigée dans le cadre de l'Union européenne avait comme objectif l'exportation de ces valeurs, notamment vers les pays candidats. Il a souhaité que la Francophonie s'inspire d'une telle démarche, sans esprit d'hégémonie.

M. François Rochebloine a déclarer partager les inquiétudes de Mme Yvette Roudy concernant l'avenir du français et il aurait souhaité connaître les actions à mettre en _uvre pour lutter contre ce recul.

Mme Marie-Hélène Aubert a demandé obtenir des informations complémentaires sur la procédure de renouvellement du Secrétaire général de la Francophonie ainsi que sur la place des femmes dans les institutions de la Francophonie. Elle a par ailleurs fait part à la Commission du décès de M. Mongo Beti.

M. Jean-Claude Lefort a estimé que la Francophonie fonctionnait sur le principe des trois petits singes : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ; au-delà de la personnalité de M. Boutros Boutros-Ghali, se pose le problème du contenu de la Charte de la Francophonie afin de faire respecter les droits de l'Homme.

M. Pierre Brana a dit avoir beaucoup apprécié le côté percutant de l'exposé de Mme Yvette Roudy. Il a rappelé qu'il avait eu l'occasion, au cours de précédents rapports, notamment celui sur le rôle des compagnies pétrolières, d'établir un constat similaire. Il a souligné le caractère scandaleux de nombreuses élections dans divers pays francophones, qui bafouent l'expression de la volonté du peuple. Ces fraudes, stigmatisées par de nombreux intellectuels et écrivains, sont trop souvent validées par la Francophonie alors qu'il conviendrait de les dénoncer.

M. Joseph Tyrode a rappelé qu'une Commission d'enquête parlementaire déposera bientôt son rapport sur les conditions de l'esclavage moderne.

Il a regretté que les efforts déployés par l'Education nationale pour développer l'enseignement de l'anglais dès le primaire ne se retrouvent pas systématiquement dans l'enseignement du français à l'étranger.

Le Président François Loncle a rappelé que M. Boutros Boutros-Ghali était une personnalité de grande intelligence, animée par une véritable passion pour la France. Se pose aujourd'hui la question de lui choisir un successeur.

Mme Yvette Roudy a répondu à ces questions.

Ce sont les intellectuels brillants, les écrivains francophones comme Mongo Beti ou Ahmadou Kourouma, qui a écrit ce livre prémonitoire « Allah n'est pas obligé », qui feront évoluer de l'intérieur la Francophonie, si la France les aide.

La Francophonie s'est inspirée de la Charte des droits fondamentaux dans la déclaration de Bamako qui a pour objet d'édicter un mécanisme de suivi des violations des droits de la personne et des atteintes à la démocratie.

S'agissant des missions d'observation des élections, les institutions multilatérales de la Francophonie pourraient se montrer plus attentives et plus fermes quant à leur organisation. Mieux vaut ne pas les effectuer si les conditions de respect des libertés publiques ne sont pas réunies.

Sur la place des femmes dans les institutions de la Francophonie, il faut certes exiger la parité ; certaines femmes y travaillent mais elles évitent parfois de déranger...

Le français régresse dans les institutions internationales, c'est un fait, il est nécessaire de lutter pour sa promotion et son utilisation par les Français eux-mêmes.

La question de l'esclavage des enfants a été soulevée dans différentes instances, et notamment au Conseil de l'Europe. Le fait qu'il y ait eu des cas d'esclavage et de maltraitance dans les pays occidentaux a permis de médiatiser cette question. Il est nécessaire d'aider par tous les moyens les autorités qui, dans les pays du Sud, s'efforcent de lutter contre ce phénomène.

Si les institutions multilatérales de la Francophonie n'évoluent pas, elle n'auront plus aucune crédibilité, et devront faire face à des protestations de la société civile et des ONG. Il faut faire preuve de volonté politique. A cet égard, on devrait pouvoir entendre sur ces sujets le Secrétaire général de l'OIF.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du présent rapport d'information.

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 10 octobre 2001 :

- M. Pierre Lequiller, rapporteur pour le projet de loi autorisant la l'approbation de la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (ensemble une annexe) (n° 2879) ;

- M. Paul Dhaille, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire (n° 3154) ;

- M. René André, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques en date du 26 novembre 1996 (n° 3160) ;

- M. René André, rapporteur pour la proposition de résolution de M. Thierry Mariani tendant à la création d'une commission d'enquête "chargée d'étudier la situation des Français vivant à l'étranger et de proposer des mesures d'amélioration et des solutions aux difficultés qu'ils rencontrent" (n° 3225) ;

- Mme Monique Collange, rapporteure pour le projet de loi autorisant la ratification de la Convention de Londres relative à l'aide alimentaire (n° 3251) ;

- M. Pierre Brana, rapporteur pour le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (n° 3253) ;

- M. François Loncle, rapporteur pour la proposition de résolution de M. Noël Mamère visant à la création d'une commission d'enquête relative aux conditions d'organisation du sommet du G8 à Gênes, aux conséquences de ces événements sur la protection de la liberté de circulation et de manifestation des citoyens dans l'Union européenne et sur la tenue des prochains sommets internationaux (n° 3254) ;

- Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure pour le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes) (n° 3256) ;

- M. René Mangin, rapporteur pour le projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat (n° 259), autorisant la ratification de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme ;

- Mme Bernadette Isaac-Sibille, rapporteure pour le projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat (n° 380), autorisant la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes.

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