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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 novembre 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Loncle, Président,

puis de M. Pierre Brana, Secrétaire

SOMMAIRE

 

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- Crédits de la Défense pour 2002 (avis)

- Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes (n° 3329) - Mme Bernadette Isaac-Sibille, rapporteure

- Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (n° 3330) - M. René Mangin, rapporteur

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Examen pour avis des crédits de la Défense pour 2002

M. Jean-Bernard Raimond a rappelé la rupture historique qu'a constituée 1989, et la fin de l'affrontement bipolaire. Les événements du 11 septembre s'inscrivent dans la logique de l'après-guerre froide. Le terrorisme actuel est un terrorisme politique déguisé en terrorisme religieux ; tous les pays sont visés, y compris les pays arabes. Il importe de distinguer l'islam authentique de cette expression de la haine. Le Pape ne s'y est pas trompé qui, quelques jours après le 11septembre, s'est rendu au Kazakhstan - 11 millions d'habitants et 180 000 catholiques - et à maintes reprises, en langue russe, a mis en garde contre tout amalgame.

Les événements du 11 septembre ont servi de révélateur d'une nouvelle situation géopolitique. En témoigne le rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis qui va au-delà de la question tchétchène mais s'inscrit dans la droite ligne de la politique russe suivie depuis 1985 de rapprochement avec l'Occident. Une prochaine rencontre prévue dans quelques jours aux Etats-Unis entre les Présidents Bush et Poutine devrait permettre la conclusion d'un accord sur le système anti-missile et une restriction drastique du nombre de têtes nucléaires de part et d'autre.

M. Jean-Bernard Raimond a estimé dans un premier temps que, face à un monde de plus en plus incertain, il était nécessaire d'affirmer certaines priorités de défense.

Les nouvelles conditions de sécurité concernent un monde de plus en plus instable marqué par la prolifération insidieuse des armes de destruction massive et l'apparition de nouvelles vulnérabilités.

La problématique de la guerre est demeurée très présente ces dix dernières années durant lesquelles les Nations Unies ont en permanence recensé sur la planète entre trente et trente-cinq conflits ouverts. Le monde actuel, par rapport à celui d'avant 1989, est plus instable, du fait du danger représenté tant par certains Etats que par des acteurs non-étatiques. Les Etats-Unis ont notamment popularisé la notion de « Rogue States », qui a souligné l'urgence d'une politique de règlement des tensions régionales. La querelle sur la notion d'ingérence est désormais derrière nous ; le droit d'ingérence est devenu aujourd'hui un devoir d'ingérence.

M. Jean-Bernard Raimond a ensuite présenté un rapide bilan des proliférations des armes nucléaires, chimiques et biologiques ainsi que des missiles à moyenne et courte portée. Il a notamment souligné les difficultés, voire l'impossibilité, d'un contrôle efficace des armes biologiques.

Il a enfin abordé ce qu'il a appelé les nouvelles vulnérabilités concernant la sécurité des systèmes d'informations et l'acceptation de zones de pauvreté et de non-droit, à la fois réceptacles et exportatrices de violence.

Le Rapporteur a souligné, face à ces incertitudes, la nécessité de maintenir les priorités de défense que constituent le maintien de notre dissuasion nucléaire, l'autonomie stratégique de nos armées et le développement d'une dimension européenne de notre sécurité.

M. Jean-Bernard Raimond a estimé, dans un second temps, que le budget pour 2002 ne répondait pas totalement à certaines faiblesses de notre système de défense.

Ces faiblesses sont la conséquence tout d'abord des restrictions budgétaires des années passées qui ont conduit notamment à des retards et des surcoûts de la plupart des programmes d'équipements. Le taux très faible de la disponibilité technique opérationnelle des équipements et la réduction des quotas d'entraînement représentent également des sources d'inquiétudes, ainsi que le fonctionnement des industries publiques d'armement, durement critiqué dans un récent rapport de la Cour des comptes.

Les attentats du 11 septembre ont mis en évidence un certain nombre de besoins. Non seulement il est nécessaire d'améliorer les moyens de nos services de renseignements mais il est indispensable de faciliter leur coopération avec le réseau diplomatique, qui constitue une source unique d'informations. Il importe également de renforcer nos forces d'opérations spéciales et notre capacité à protéger nos soldats et les populations civiles contre d'éventuelles attaques chimiques et biologiques. Ces nouveaux besoins n'ont pas été pris en compte par la loi de finance initiale pour 2002.

Si le budget présenté est relativement satisfaisant en ce qui concerne les crédits de rémunération et de fonctionnement, il est insuffisant en ce qui concerne les crédits d'équipement. Le montant de ces crédits obligera à repousser un certain nombre de commandes initialement prévues pour 2002 et ne permettra pas d'assurer la cohérence avec les perspectives tracées par la future loi de programmation militaire.

En conclusion, M. Jean-Bernard Raimond a proposé d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Défense.

S'agissant du projet de budget de la Défense pour 2002, M. Jacques Myard a regretté le manque dramatique de crédits que d'éventuels redéploiements ne sauraient combler puisqu'il n'y a plus rien à redéployer. Concernant l'Europe, il faut être quelque peu sérieux et réaliste dans la mesure où sous le terme de missions de Petersberg se cachent des actions humanitaires et où les réels problèmes de défense sont aujourd'hui traités dans le cadre de l'OTAN uniquement.

M. Pierre Brana a souhaité connaître l'avis du Rapporteur sur deux points : le dernier rapport de la Cour des comptes dénonce la mauvaise santé des industries d'armement et la Direction des constructions navales doit être progressivement, d'ici 2002, transformée en société commerciale.

Le Président François Loncle a précisé que le rapport de la Cour des comptes parlait sans détour de mauvaise gestion des industries d'armement, voire des crédits militaires.

M. Jean-Bernard Raimond a souligné la rapidité avec laquelle s'était construite l'Europe de la défense depuis 1998. Il a rappelé que cette construction n'avait pas bien sûr comblé le fossé qui existait entre les capacités américaines et européennes, et que à l'évidence la modestie de ce budget n'y contribuerait pas.

Il a rappelé que le futur statut de la DCN devrait entraîner une amélioration de l'organisation interne et faciliter les partenariats et s'est étonné de l'absence de réponse du Ministre de la Défense au rapport de la Cour des comptes.

Contrairement à l'avis du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2002.

Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Bernadette Isaac-Sibille, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (n° 3329)

Mme Bernadette Isaac-Sibille a tout d'abord rappelé que la Suisse était un pays ami de la France. Notre histoire a écrit beaucoup de pages communes et la France tient à maintenir ce climat d'amitié constructif.

Elle a souligné que le problème actuel pour la Suisse demeurait son adhésion à l'Union européenne (UE) souhaitée par les dirigeants mais refusée par le peuple. Cependant, les autorités de la Confédération ne désarmant pas, elles ont demandé en décembre 1994 que soient engagées avec l'UE des négociations portant sur un nombre limité de domaines, qui ont abouti, en marge du Conseil affaires générales de Luxembourg du 21 juin 1999, à la signature d'une série de sept accords sectoriels.

S'il s'agit bien d'un ensemble de sept accords sectoriels, seul l'accord sur la libre circulation des personnes est soumis à ratification par chacun des Parlements nationaux des Quinze (plus le Parlement suisse), car il est de nature "mixte" sur le plan juridique, c'est-à-dire qu'il porte sur un domaine qui relève à la fois de la compétence de la Communauté et de celle des Etats membres. Les six autres accords relèvent de la seule compétence communautaire. Cependant, un dispositif est prévu permettant de lier l'entrée en vigueur et la durée des sept accords. Si la Suisse était dans l'incapacité d'appliquer un ou plusieurs de ces sept accords, l'ensemble cesserait d'être en vigueur dans les six mois suivant la notification de la non reconduction ou de dénonciation. Les sept accords sont donc liés par une clause d'entrée en vigueur simultanée et par une clause d'existence continue. Ils forment bien un tout.

Trois accords sont relativement anodins : l'accord sur la recherche et le développement technique, l'accord sur les marchés publics et l'accord ayant trait à la reconnaissance mutuelle en matière de conformité de divers produits industriels.

Deux accords sont relativement équilibrés : l'accord sur l'agriculture, qui répond principalement aux revendications de certains milieux agricoles communautaires, et l'accord sur les transports aériens, qui semble profiter essentiellement à la Suisse puisque la compagnie nationale Swissair bénéficierait -si elle existe toujours à la date d'entrée en vigueur de l'accord- de la libéralisation du marché aérien, c'est-à-dire de nouvelles possibilités de desserte notamment en France et en Espagne, en dépit des réticences de ces pays, il faut le souligner. Toutefois depuis est apparue une interrogation liée aux difficultés rencontrées par Swissair et dont les incidences sur l'accord sectoriel sont la grande inconnue.

Enfin deux accords sont complexes et délicats.

Le premier, l'accord sur les transports terrestres prévoit d'abolir progressivement la limite des 28 tonnes pour les poids lourds circulant en Suisse. Dès l'entrée en vigueur du régime définitif, les camions de 40 tonnes seront admis moyennant une redevance payée par les transporteurs routiers et calculée sur le poids total du véhicule et son niveau de pollution, rapportés au nombre de kilomètres parcourus. Par ailleurs, pour favoriser le ferroutage, la Suisse envisage la construction de deux tunnels ferroviaires (le Lötschberg pour 34 km et le Gothard pour 57 km) dont le coût est évalué à au moins 25 milliards d'euros. Cependant aucune date n'est fixée pour le début et l'achèvement des travaux et l'accident survenu récemment au tunnel du Saint-Gothard nous amène à nous poser des questions en matière de sécurité des tunnels.

Le second, l'accord sur la libre circulation assurera la libre circulation des personnes (travailleurs et leur famille, indépendants, personnes inactives) entre la France et la Suisse conformément aux règles de l'acquis communautaire et sur la base de la réciprocité. Il accordera, entre autres, les droits fondamentaux d'entrer, de résider, de travailler, de s'établir comme indépendant et le droit à un régime de sécurité sociale.

Certes, l'on peut convenir de la nécessité de ratifier rapidement cet accord pour la seule raison que la France est à nouveau à la traîne des autres pays européens concernant la ratification d'un accord international, mettant ainsi l'UE dans une position délicate dans la mesure où celle-ci s'était engagée à achever la ratification avant fin novembre 2001. La France ne peut à la fois revendiquer et mettre en avant son rôle moteur au sein de l'UE et donner le mauvais exemple lorsqu'il s'agit de respecter les engagements pris.

Il n'en demeure pas moins que cet accord sur la libre circulation est porteur d'une fausse réciprocité. Si le compromis est clair pour la citoyens suisses et peut être résumé en une phrase, il est beaucoup plus complexe et déséquilibré pour les ressortissants de l'UE dans la mesure où des dispositions transitoires relativisent les avantages de cet accord pour les Etats membres de l'UE.

Pour les citoyens suisses, deux ans après l'entrée en vigueur des accords, ils pourront bénéficier du total libre établissement au sein de l'UE et de tous les droits et obligations qui y sont liés.

Pour les ressortissants de l'UE, ils devront attendre douze ans après l'entrée en vigueur des accords pour obtenir les mêmes droits d'établissement que les citoyens suisses dans l'UE. Peut-on dans ces conditions parler de réciprocité ?

En outre, sept ans après la mise en vigueur des accords bilatéraux, la Suisse aura la possibilité de confirmer la reconduction de l'accord (cf. dispositions finales) et ainsi de remettre en cause de façon unilatérale le principe du libre établissement.

Cet accord signifie également la fin du libre choix de la couverture sociale pour les travailleurs frontaliers. Conformément à la règle communautaire, l'accord prévoit que l'affiliation se fera au régime du pays d'emploi, y compris pour les travailleurs frontaliers, et que des dérogations (les résidents frontaliers qui travaillent en Suisse peuvent actuellement choisir entre le système suisse d'assurance maladie et celui de leur pays de résidence) afin de tenir compte de la spécificité nationale de chaque Etat membre sont possibles, à la condition que l'Etat membre exerce son droit d'option.

Malheureusement, le Gouvernement n'a pas exercé son droit d'option, ne tenant ainsi pas compte des besoins spécifiques des travailleurs frontaliers français et les obligeant à adhérer au régime général suisse. A la suite des réactions de contestation, fort justifiées d'ailleurs, de leurs représentants et des élus locaux notamment, le Gouvernement a annoncé en juin 2001 son intention de demander l'exercice de ce droit d'option dès l'entrée en vigueur de l'accord. Votre Rapporteure craint cependant que ces belles promesses ne soient pas tenues, comme à l'accoutumée. Chacun sait que la ratification d'un accord vaut application de tous les termes de l'accord et combien il est difficile ensuite de revenir sur tel ou tel point.

Il est prévu que les frontaliers puissent exercer leur liberté de choix entre le régime d'assurance suisse, le régime de base français et les couvertures offertes par les compagnies d'assurance françaises pendant encore sept ans avant d'être obligés d'opter pour la CMU (couverture maladie universelle), c'est-à-dire une protection sociale au titre du droit français. Pourquoi n'avoir pas conservé le libre choix d'assurance (régime général suisse, régime général français, assurance auprès d'une compagnie privée) jusqu'à l'adhésion de la Suisse à l'UE ?

Enfin les griefs des élus locaux sont loin d'être négligeables. Si les élus locaux en Haute-Savoie, dans l'Ain et la Franche-Comté ont surtout fortement regretté l'absence d'information préalable et de concertation s'agissant des négociations qui ont porté sur ces conventions, ils ont également bien perçu toutes les conséquences néfastes et très concrètes que cette série d'accords va générer au niveau local.

Le développement harmonieux et équilibré que ces élus ont su établir dans la région risque d'être fortement remis en cause par cette série d'accords. Ainsi, la Haute-Savoie par exemple ne souhaite en aucune manière devenir la "banlieue de Genève". Que va-t-il se passer lorsque les ressortissants des quatorze autres Etats membres vont venir s'installer en France pour travailler en Suisse ? Comment va-t-on financer les nouvelles infrastructures nécessaires à ces personnes ? Comment va-t-on réussir à sauvegarder une main-d'_uvre formée en France et qui déjà actuellement s'échappe vers l'eldorado suisse ? En restant hors de l'UE, la Suisse conserve sa monnaie. Quel sera alors l'impact des fluctuations en zone frontalière entre le franc suisse et l'euro ?

Si les craintes suisses liées à la mise en _uvre de ces sept accords sectoriels sont fondées et concernent essentiellement des questions de dumping social, de nuisances pour la population provoquées par un plus fort trafic poids lourds, de "recentralisation" au niveau fédéral de certaines compétences cantonales ou encore une certaine intrusion par ce biais des "grands pays" dans la marche des affaires nationales, les concessions notamment françaises sont sans commune mesure, et, après tout, la Suisse ne saurait continuer à passer des accords à finalité économique avec l'UE sans en devenir un partenaire à part entière.

C'est pourquoi, au vu de ces considérations, Mme Bernadette Isaac-Sibille a préféré s'en remettre à la sagesse de la Commission et de ses commissaires.

Le Président François Loncle a cité le cas de la Norvège comme exemple de pays qui, comme la Suisse, souhaite profiter de tous les avantages de l'Union européenne, sans y adhérer. Il a appelé de ses v_ux une conviction européenne plus forte afin de susciter ces adhésions.

M. Paul Dhaille a estimé qu'il ne pouvait voter en faveur d'un accord par trop déséquilibré au détriment de l'Union européenne et dont le contenu pose problème. Il a regretté que notre diplomatie ait fait preuve d'autant de faiblesse face aux exigences des Suisses.

M. Joseph Parrenin a estimé que pour connaître le sentiment des Suisses à l'égard d'une éventuelle adhésion à l'Union européenne, il était préférable de prendre en compte les résultats très serrés du référendum d'adhésion à l'Espace économique européen (EEE) plutôt que ceux du référendum de mars dernier, organisé par des adversaires de l'Union.

Il a déclaré partager les critiques du Rapporteur sur le caractère déséquilibré de cet accord. Il a rappelé que l'attraction exercée par la Suisse sur les Français désavantageait certaines entreprises françaises frontalières, même si cela avait pour corollaire un taux de chômage très bas dans des régions, de l'ordre de 3 ou 4%.

Il a insisté sur l'importance que représentait pour les frontaliers la possibilité de pouvoir continuer à bénéficier d'une protection sociale française et de ne pas être obligés d'adhérer aux assurances suisses. Ces assurances obligatoires sont de création récente et elles n'ont pas encore fait leur preuve.

M. Marc Reymann a souhaité connaître l'opinion des associations des travailleurs frontaliers qui constituent une force d'expression importante en Alsace.

Rappelant l'importance que revêtent aux yeux des travailleurs frontaliers ces questions d'adhésion obligatoire au régime de sécurité sociale suisse, Mme Bernadette Isaac-Sibille a proposé que la Commission des Affaires étrangères insiste auprès du Gouvernement pour qu'il prenne les mesures qui s'imposent en la matière.

M. Pierre Brana, Président, a proposé de reporter le vote de la Commission dans l'attente d'informations complémentaires de la part du Gouvernement.

Conformément à cette proposition, la Commission des Affaires étrangères a décidé de reporter son vote sur le projet de loi (n° 3329).

Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme

La Commission a examiné, sur le rapport de M. René Mangin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (n° 3330)

M. René Mangin a rappelé que l'initiative de cette convention revenait à la France. Notre pays a initié ce projet à l'été 1998, suite aux attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar Es Salaam. Les négociations ont été relativement rapides et ont débouché sur la présente convention, adoptée le 9 décembre 1999 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce texte a été ouvert à la signature le 10 janvier 2000, date à laquelle la France l'a signé.

Ce n'est pas la première convention que les Nations Unies consacrent au terrorisme. On recense ainsi onze conventions des Nations Unies qui ont pour objet de lutter contre le terrorisme, dont la première remonte à 1963. Mais ces conventions se préoccupaient avant tout d'organiser la lutte contre les diverses formes et manifestations du terrorisme. C'est la première fois qu'une convention se donne pour objectif de combattre le terrorisme en amont, en asséchant ses ressources.

Il est impossible de chiffrer les masses financières servant au financement du terrorisme, on ne peut procéder que par estimations. Les experts ont créé un nouvel instrument statistique appelé Produit criminel brut (PCB) qui représente le chiffre d'affaires mondial de l'ensemble des activités illicites provenant des organisations criminelles. Le FMI estime le montant de ce PCB annuel entre 500 et 1 500 milliards de dollars. Le Groupe d'action financière internationale (GAFI) évoque également 1 000 milliards de dollars. A titre de comparaison, le PIB de la France était estimé en 2 000 à 1 333 milliards de dollars.

Ce qui est sûr, c'est que le lien entre activités criminelles et terrorisme se resserre. Dans les années 1970-1980, l'essentiel de l'argent du terrorisme international provenait des Etats, en l'occurrence essentiellement la Libye, la Syrie et l'Irak. Désormais, les sources sont multiples. Celles représentées par le grand banditisme occupent une place de plus en plus importante, notamment le trafic de drogue, les enlèvements et les hold-up.

Ben Laden est ainsi soupçonné d'avoir tiré d'importants profits du trafic d'opium, dont l'Afghanistan est le plus grand producteur mondial. La drogue représente également des ressources importantes pour le Sentier lumineux au Pérou. De manière générale, le trafic de matières premières, et notamment celui des diamants et des pierres précieuses, est très apprécié des terroristes car il s'agit de ressources faciles à exploiter, à stocker, à dissimuler et dont la provenance est difficile à établir. M. René Mangin a rappelé qu'il avait proposé dans un précédent rapport sur les sanctions internationales d'instaurer une traçabilité des pierres précieuses.

Les enlèvements sont de plus en plus facilités par le tourisme. Le groupe Abu Sayyaf, qui rassemble de petits groupes islamistes terroristes, s'est spécialisé dans l'enlèvement contre rançon et aurait ainsi réussi à amasser un trésor de guerre évalué à plus de 100 millions de francs.

Le Rapporteur a rappelé que la fatwa promulguée dans les années 1970 par le Cheik Omar Abdel Rahman, emprisonné aux Etats-Unis après l'attentat contre le World Trade Center de 1993, rendait licite, en cas de besoin, le vol à main armée, assassinat compris, contre « les Chrétiens mécréants et l'Etat impie ».

M. René Mangin a mentionné parmi les autres sources de financement : la contrefaçon commerciale ; le trafic de médicaments, notamment des drogues de synthèse (ectasy, kétamine et autres amphétamines..) et le racket...

Les sources du financement du terrorisme peuvent être également légales. Il semblerait que Ben Laden ait été ainsi financé grâce à des dons de centaines de milliers de Musulmans, souvent de bonne foi, en faveur d'ONG islamiques « charitables ». Dans ce cas, on « noircit » l'argent ; des sommes importantes disparaissent ainsi des comptabilités publiques nationales.

M. René Mangin a ensuite explicité le contenu de la Convention.

Cette convention oblige les Etats à mettre en place un régime de répression efficace contre le financement du terrorisme. Elle engage les Etats parties à rendre possible dans leur droit interne la mise en cause de la responsabilité des personnes morales compromises dans le financement du terrorisme. Elle oblige les Etats à adopter les mesures nécessaires à l'identification, au gel, à la saisie, ainsi qu'à la confiscation des fonds visés, qui pourront servir à indemniser les victimes des attentats et leurs familles.

La définition retenue de l'infraction de financement du terrorisme est particulièrement large puisqu'elle recouvre l'acte de fournir ou de collecter des fonds en vue d'un acte terroriste et que les fonds en question peuvent être de toute nature et avoir une origine légale. La convention vise aussi bien les « donneurs d'ordre » que leurs complices et les autres contributeurs, y compris les personnes morales, comme les associations ou les entreprises. Pour que l'infraction soit constituée, il n'est pas nécessaire que les fonds réunis aient été utilisés, il suffit que des fonds aient été réunis dans le but de commettre un acte terroriste.

Le Rapporteur a rappelé que le deuxième objectif de cette Convention était d'instaurer un mécanisme poussé d'entraide judiciaire entre les Etats. La Convention prévoit que ni le secret bancaire, ni le caractère fiscal d'une infraction ne pourront être invoqués par un Etat pour refuser une demande d'entraide ou d'extradition.

Par ailleurs, la Convention comprend tout un ensemble de dispositions directement inspirées des recommandations du GAFI, dont les moyens devraient, selon M. René Mangin, être renforcés. Ces mesures reposent pour l'essentiel sur la coopération des institutions financières incitées à surveiller plus étroitement et à signaler sans délai toute opération suspecte.

Enfin, le Rapporteur a rappelé que la ratification de cette Convention constituait la première des recommandations adoptées par le GAFI lors de sa récente réunion consacrée à la lutte contre le financement du terrorisme.

M. Pierre Brana, Président, a souhaité connaître le nombre des pays qui avaient signé et ratifié cette Convention.

M. René Mangin a répondu que 41 pays avaient signé cette Convention et que jusqu'à maintenant seulement trois d'entre eux l'avaient, selon le ministère des Affaires étrangères, ratifiée : le Botswana, le Royaume-Uni et le Sri Lanka.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3330).

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