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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 novembre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de MM. Dominique Moïsi et Pascal Boniface, experts, sur l'Afghanistan

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Audition de MM. Dominique Moïsi et Pascal Boniface, experts, sur l'Afghanistan

Le Président François Loncle a remercié M. Pascal Boniface, Directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, et M. Dominique Moïsi, Directeur adjoint à l'Institut français des relations internationales, de leur présence. Cette séance de travail est particulièrement opportune puisqu'elle s'inscrit dans les perspectives de la réunion de Berlin qui rassemblera toutes les factions afghanes pour trouver une solution au conflit.

M. Dominique Moïsi a souhaité évoquer trois questions : quels sont les vainqueurs et les vaincus ? Pourquoi les terroristes nous haïssent-ils ? Que faire ?

Du premier bilan du 11 septembre émergent trois vainqueurs : l'Etat, le nationalisme et la Russie. Deux institutions s'en tirent avec les honneurs : l'Union européenne et l'ONU, une troisième est marginalisée : l'OTAN.

Les débats sur l'affaiblissement du rôle de l'Etat et l'émergence de méga-firmes face à des micro-Etats sont dépassés, l'Etat montre de nouveau son caractère irremplaçable. Depuis Roosevelt, aucun Président des Etats-Unis n'a eu autant de pouvoir que le Président Bush et le retour de l'Etat gendarme est un phénomène qui subsistera au-delà du 11 septembre.

Le nationalisme sort également renforcé de la crise culturelle, notamment aux Etats-Unis qui ont montré leur puissance morale fondée sur un drapeau, des valeurs, un Dieu. La stratégie américaine sur le plan militaire a jusqu'à présent bien fonctionné ; il est trop tôt pour savoir s'il en sera de même sur les autres plans. Mais sans les bombardements américains il n'y aurait pas eu de femmes sans voile à Kaboul.

Paradoxalement, la Russie sort, elle aussi, grandie. A long terme, elle est redevenue, selon la formule employée par le Président Poutine à Berlin, un grand pays civilisé du Nord et rejoindra par étapes l'Occident et l'Union européenne. Demain elle fera partie de l'OTAN qui aura alors changé de signification. Le Président Poutine s'est montré un fin stratège. Toutefois la Russie demeurera un partenaire difficile. Elle perçoit son avenir comme puissance alliée des Etats-Unis et partenaire de l'Union européenne.

L'OTAN sort diminuée de ce conflit, victime de la géographie. En dépit de l'existence de l'article 5 du Traité, l'OTAN a été marginalisée par les Etats-Unis.

L'Union européenne a montré qu'elle était indispensable, participant à la division du travail entre l'approche militaire des Etats-Unis et l'approche européenne en matière de justice et de police. Il y a davantage d'Union européenne au lendemain du 11 septembre mais peut-être moins d'Européens car une tendance à la renationalisation émerge, avec une Grande-Bretagne plus anglaise, une Allemagne plus allemande, et un terrible décalage entre les ambitions et les moyens de l'Europe qui se trouve marginalisée en termes de sécurité.

L'ONU quant à elle reste un acteur diplomatique. La réunion de Berlin se tient sous ses auspices. C'est une « super Croix-Rouge », une organisation humanitaire mais pas un acteur du maintien de la paix. L'ONU s'est auto-censurée, prisonnière des syndromes de la Somalie, de la Bosnie, et de l'Afrique des Grands Lacs. M. Lakhdar Brahimi, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afghanistan, ne souhaitait pas renouveler les errements du passé. Comme M. Kofi Annan, il s'est souvenu de la Somalie. La communauté internationale confie à l'ONU des missions sans lui en donner les moyens. Actuellement, il n'y a pas sur le terrain de force des Nations unies, mais une force ad hoc, ce qui pose problème, car ce sont les Occidentaux qui seront en fait chargés d'effectuer des tâches de police en Afghanistan. Il eût été préférable qu'il y ait des Musulmans dans cette force, mais le calendrier ne le permettait pas.

M. Dominique Moïsi s'est ensuite interrogé sur les raisons de la haine que les terroristes portent à l'Occident. Selon lui, les racines de la haine ont une origine économique, l'écart de richesses, et culturelle, la rencontre entre la mondialisation et la crise d'identité d'une culture qui a été prestigieuse il y a quelques siècles. Il convient de résoudre cette crise culturelle et également de gérer le conflit israélo-palestinien.

A la question « que faire ? » il a répondu : concilier la fermeté de Churchill à la générosité visionnaire du plan Marshall, être à la fois fort et généreux. Pour l'instant, le bilan actuel n'est pas mauvais, la coalition a globalement bien fonctionné d'autant que les Etats-Unis n'ont pas demandé grand-chose à leurs partenaires : on était à la fois soulagé et frustré que l'on nous demande si peu. Mais s'il a été facile de faire tomber le régime taliban, il sera plus difficile de recréer une zone de stabilité et d'éradiquer le terrorisme.

M. Pascal Boniface a souligné qu'il ne considérait pas le 11 septembre comme une rupture historique.

D'une part, la place respective de chaque Etat sur la scène internationale n'a pas connu d'évolution importante. En ce qui concerne la Russie, il s'agit davantage d'un rattrapage de son affaiblissement depuis dix ans et de la continuation d'une politique occidentale menée depuis Gorbatchev. D'autre part, le terrorisme existait bien avant le 11 septembre, de même que les réseaux infra-nationaux.

Le 11 septembre représente néanmoins un événement important en ce sens qu'il a montré la vulnérabilité des Etats-Unis frappés pour la première fois depuis 1812 sur leur territoire alors qu'ils totalisent à eux seuls 40% des dépenses militaires mondiales. La mondialisation a montré sa face tragique, celle qui permet de fomenter, à partir des grottes d'Afghanistan, des frappes contre les symboles de l'hyperpuissance américaine. Les Etats-Unis ont été visés parce qu'ils représentaient la puissance de l'Occident. Et c'est cette puissance, mal maîtrisée, qui a conduit à la vulnérabilité.

La stratégie américaine adoptée après les frappes a été plutôt une bonne surprise. Elle a consisté à prendre son temps et à limiter les frappes à un seul pays et aux seules forces talibanes. Un objectif politique a clairement été établi et il a été tenu. Voilà pourquoi la coalition, qui comprenait également les pays musulmans, a pu tenir. Il est heureux que les opérations aient pu prendre fin avant le début du ramadan.

La solution politique sera plus difficile à mettre en _uvre que la solution militaire. Il sera en effet très délicat de maintenir une entente entre les vainqueurs du régime des Taliban.

Toute réflexion sur la lutte contre le terrorisme doit inclure une interrogation sur notre capacité à respecter nos propres valeurs. A l'évidence, la liste des « Rogue States » apparaît plus inspirée par les commodités politiques du moment que par l'application d'un certain nombre de principes. Comment expliquer autrement la présence sur cette liste de Cuba et l'absence de l'Arabie Saoudite ? Si l'Occident souhaite mieux se faire respecter, il doit éviter les accusations de doubles standards.

Remerciant les intervenants pour leur exposé brillant, le Président François Loncle a souhaité réagir sur deux points. Plutôt que le terme de nationalisme, il a dit préférer celui de patriotisme pour les Etats-Unis car il y a eu sans conteste de très forts élans patriotiques. Concernant l'appréciation portée sur l'ONU selon laquelle celle-ci peut mieux faire, il a préféré juger qu'elle était en nets progrès par rapport, d'une part, aux dix dernières années et, d'autre part, au formidable investissement de M. Kofi Annan et surtout de M. Lakhdar Brahimi sur le terrain.

Mme Yvette Roudy a regretté qu'un élément très important n'ait pas été pris en compte par MM. Dominique Moïsi et Pascal Boniface, à savoir la situation des femmes. Si les successeurs des Taliban sont peut-être moins cruels à leur égard, elles n'ont toujours pas le droit de manifester par exemple. Quand va-t-on enfin inscrire les droits de l'Homme et des Femmes dans les conditions mises à l'instauration de tout régime démocratique ? Les droits des Femmes doivent être inscrits dans la constitution car leur respect est un indicateur du degré de démocratie. A cet égard, elle a signalé qu'aucune femme ne participera à la réunion de Berlin où se retrouveront lundi 26 novembre 2001 toutes les parties aspirant au pouvoir en Afghanistan.

M. Paul Dhaille a souhaité revenir sur l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien par Ben Laden, dans la mesure où ce n'était au départ qu'une raison secondaire, la raison première étant l'occupation des lieux saints par les Etats-Unis ou des Etats qui leur sont inféodés. Par ailleurs, il s'est dit frappé par le fait que l'on propose d'appliquer en Afghanistan la démocratie parlementaire issue du XVIIIème siècle sans douter aucunement que ce soit un modèle à exporter comme le modèle économique. De plus, si l'on fait un peu de géopolitique, on constate aisément que certains endroits du monde demeurent depuis des siècles des poudrières, c'est-à-dire des régions que l'on n'arrive pas à pacifier. Il faut alors se demander ce qui pourrait mettre fin à ces siècles de conflit. Enfin, revenant sur l'aveuglement diplomatique des Etats-Unis qui est le signe d'une politique à court terme, il a estimé que ceux-ci avaient instrumentalisé le diable dans la mesure où ils avaient, il y a plusieurs années, soutenu les Taliban.

Préférant également le terme de patriotisme à celui de nationalisme, M. Charles Ehrmann a demandé des éclaircissements sur l'antiaméricanisme latent dans l'opinion française. Etant partisan de l'équilibre, il a ensuite fait part de sa satisfaction de voir la Russie faire à nouveau son entrée dans le chapitre mondial. Il a regretté que l'on n'ait pas évoqué l'opposition tragique qui existe entre d'un côté un milliard d'êtres humains qui ne mangent pas à leur faim et de l'autre 5 milliards qui ne manquent de rien. Au total, il a estimé que l'exposé de MM. Dominique Moïsi et Pascal Boniface avait peut-être été trop brillant et pas assez terre à terre.

Se disant très heureux du retour de la Russie, M. Joseph Tyrode s'est demandé s'il était judicieux, au regard de l'Europe, que la Russie intègre celle-ci ou que l'on garde le trio constitué des trois blocs que forment l'Amérique, la Russie et une Europe forte. S'agissant de la religion islamique, ne faudrait-il pas la laisser se développer tout en l'encadrant ?

M. Dominique Moïsi a estimé qu'il y avait une différence de nature dans le traitement des femmes par le régime taliban par rapport aux régimes afghans traditionnels. Les Taliban, c'était Pol Pot ! Mais, c'est vrai que la situation des femmes ne va pas brusquement se transformer, ce problème renvoie d'ailleurs à la question plus générale de la place des femmes dans le monde islamique, encore plus problématique dans un pays qui est resté par bien des aspects moyenâgeux comme l'Afghanistan.

Concernant le conflit israélo-palestinien, il est vrai que ce n'est pas cela qui motive Ben Laden, obsédé par les Etats-Unis, le « grand Satan » qui selon lui corrompt sa culture. Mais dès que l'attaque américaine a été lancée, il a fait diffuser une vidéo dans laquelle il insiste sur la nécessité de reconquérir Jérusalem. Il joue alors une carte émotionnelle, qui n'a rien à voir avec ses motivations profondes, mais qu'il faut prendre en compte car ce type d'argument touche les populations musulmanes, cela devient alors un fait politique. Ainsi, il semble aujourd'hui indispensable d'imposer la paix aux deux protagonistes, qui devront chacun accepter un sacrifice lourd : la fin des colonies pour Israël, la renonciation au « droit au retour » des réfugiés pour les Palestiniens.

La persistance de l'anti-américanisme est une réalité. Or, il n'y a pas de conscience politique sans mémoire. Pourtant, il y a un anti-américanisme latent dans les médias : on constatait par exemple une certaine satisfaction de nombreux commentateurs face à l'inefficacité apparente des premières semaines de bombardement.

Sur l'Islam, il est vrai qu'une frange extrémiste diffuse une rhétorique terrifiante : on peut voir sur Internet des appels à la « reconquête » de l'Espagne par les Musulmans. Mais, il ne faut pas croire qu'il s'agit d'une pensée dominante.

Enfin, peut-on considérer que le facteur chance a joué dans la défaite des Taliban ? En fait, M. Dominique Moïsi a estimé que ceux-ci avaient plutôt résisté davantage que prévu : il pensait qu'ils tiendraient quinze jours, ils ont tenu quatre semaines.

M. Pascal Boniface a rappelé que la situation des femmes en Afghanistan choquait moins avant le 11 septembre. D'ailleurs, à un moment, le sort réservé aux statues semblait davantage inquiéter que celui des femmes.

Il a également estimé que le conflit israélo-palestinien était un prétexte utilisé par Ben Laden. Mais, de toute façon, c'est un problème qu'il est devenu urgent de régler. Le dialogue bilatéral ayant échoué, il est maintenant temps d'imposer la paix dans le cadre d'une conférence internationale, sur la base des discussions de Taba.

La notion de poudrière éternelle doit être relativisée, on peut prendre l'exemple de la réconciliation franco-allemande. L'Afghanistan a connu des moments de paix, cela peut d'ailleurs expliquer la nostalgie de la monarchie, qui a correspondu à une période pacifique. En fait, tout est affaire de volonté politique, il n'y a pas de malédiction.

S'agissant de l'anti-américanisme, il ne faut pas exagérer ce phénomène. Celui-ci n'est pas automatique, il est lié à l'unilatéralisme américain. Au contraire, quand les Américains dialoguent, ce qu'ils ont fait lors des dernières crises, le sentiment d'hostilité s'estompe.

Signalant qu'il faisait également une différence entre patriotisme et nationalisme, M. René André a demandé quel était l'intérêt de l'Afghanistan dans les enjeux énergétiques de la région et, avec le retour de la Russie, quelle était la place du gaz de la Caspienne. S'il existe une difficulté de la modernité de l'Islam, il y a également une difficulté de la modernité d'une certaine orthodoxie qui peut expliquer le conflit des Balkans, où d'ailleurs ces deux difficultés se heurtent. Peut-on faire un parallélisme en la matière ?

M. René Mangin a estimé qu'il y avait parfois un incompréhensible complexe d'infériorité de la part de l'Islam, que l'on constate d'ailleurs en France au-delà des problèmes d'immigration. Quelles pourraient être les réponses à apporter pour redonner sa fierté à cette grande civilisation ?

Concernant la ressource pétrolière, Mme Marie-Hélène Aubert s'est demandé si les événements récents n'allaient pas modifier la politique énergétique des Etats-Unis et des pays du Nord. N'est-ce pas enfin l'occasion d'ouvrir les yeux sur certains pays comme l'Arabie Saoudite et de mettre fin à l'incroyable aveuglement qui caractérise certaines démocraties en la matière ? Regrettant la confusion entre l'humanitaire, le militaire et le politique dont l'articulation n'est pas claire, elle s'est insurgée contre la manipulation constante des populations civiles dans la mesure où on fait la guerre au nom de l'humanitaire et a dénoncé le degré zéro qui existe en matière de prévention et de gestion des conflits. Elle s'est dit choquée par l'affirmation exprimée selon laquelle les femmes afghanes n'auraient pas enlevé leurs voiles s'il n'y avait pas eu les bombardements. Il conviendrait plutôt de reconnaître que cela aurait pu arriver plus tôt si l'on avait soutenu les démocrates afghans et le commandant Massoud il y a plusieurs années. Enfin, elle a déploré la théâtralisation de la guerre par les médias qui ne conduit pas à l'amélioration dans le temps de la situation des populations civiles puisque, avant et après, il ne se passe plus rien. Une fois les lampions éteints, que vont devenir ces populations afghanes ? L'on peut éprouver quelque inquiétude en la matière au vu de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui les populations bosniaques après le conflit en ex-Yougoslavie.

M. Pierre Brana s'est inquiété des conséquences sur la Tchétchénie de la phrase du Président Poutine : « La Russie est redevenue un pays civilisé ». Cela l'exonérera-t-il de la situation en Tchétchénie ? Il s'est demandé si la situation actuelle ne devait pas amener les grandes religions à s'interroger sur les fondamentalismes religieux ; quant à l'avenir il a considéré qu'il fallait concilier la générosité et la fermeté car la situation actuelle de l'Afghanistan avec le retour des différentes factions au pouvoir auparavant est inquiétante.

M. Gérard Charasse s'est demandé si le retour de l'Etat aux Etats-Unis n'était pas essentiellement une nouvelle manifestation du pragmatisme américain.

M. Georges Hage a constaté que le conflit israélo-palestinien perdurait. C'est selon lui un abcès de fixation. A cet égard, il s'est demandé à qui profitait le crime et les morts palestiniens. N'y a-t-il pas une volonté de l'impérialisme dominant de conjurer la montée en puissance de l'arabisme ? Il s'est dit consterné que l'on ne dénonce pas l'inhumanité de la guerre considérée comme le seul moyen de régler les conflits en exigeant que le mot d'ordre « guerre à la guerre » soit celui du XXIème siècle. Selon lui la guerre est générée par la paix injuste.

M. Henri Bertholet a espéré que perdure le cercle vertueux qui fait que l'Union européenne et les Etats-Unis pèsent de concert pour la résolution du conflit israélo-palestinien et révisent la carte de leurs amitiés, et que la lutte contre les sources du financement du terrorisme continue. L'avertissement a-t-il été suffisamment sérieux ? Ne risque-t-on pas de sombrer de nouveau dans la routine habituelle une fois un pouvoir véritablement présentable installé en Afghanistan ?

Le Président François Loncle s'est demandé si les Américains allaient renoncer à l'unilatéralisme.

M. Pascal Boniface a expliqué les raisons qui ont conduit les Etats-Unis à soutenir dans un premier temps le régime taliban. Ce dernier apparaissait comme le seul capable de rétablir l'ordre à Kaboul et de stabiliser le pays, face notamment à l'Iran.

La qualification de « pays arabe modéré » que l'on applique généralement à l'Arabie saoudite est pour le moins curieuse, car mis à part le prix du baril du pétrole, on a du mal à percevoir ce qui est modéré dans ce pays.

Ce qui est dramatique dans le conflit israélo-palestinien, c'est que le crime ne profite à personne : ni aux Israéliens, ni aux Palestiniens, et pas davantage aux Etats-Unis qui sont impuissants à régler ce conflit.

Bien sûr, il faut faire la guerre à la guerre. Mais lorsque 5 000 à 6 000 personnes sont tuées sur votre territoire, on ne peut dire que l'on va commencer par négocier, cela n'aurait aucun sens. On est dans le cadre de la légitime défense, que reconnaît le droit international. Refuser de répondre serait un encouragement pour de futures attaques.

Les pays occidentaux doivent aujourd'hui se soucier de cohérence. Ils ont commis l'erreur d'abandonner l'Afghanistan à son sort après le départ des Russes ; ils ne doivent pas répéter cette erreur. Il est nécessaire de maintenir une aide aux populations afghanes, y compris après la chute des Taliban. Il en va de la sécurité pour l'avenir.

M. Dominique Moïsi a regretté que les bonnes solutions ne s'imposent bien souvent que quand toutes les autres ont été utilisées... Cela est lié à la prégnance de l'égoïsme, de l'ignorance et du court terme, bien plus qu'à une hypothétique théorie du complot. Il est vrai qu'il aurait été préférable de soutenir le Commandant Massoud, et que les Américains ont contribué à installer le mal au pouvoir en Afghanistan puis se sont désintéressés de leur créature. Mais il faut prendre en compte la réalité : sans les bombardements au Kosovo ou en Afghanistan, la situation internationale serait bien pire. Il faut accepter un principe de réalité, mâtiné de principes moraux.

Sur l'influence de l'enjeu pétrolier, le premier impératif est de réduire notre dépendance, les premiers concernés étant les Etats-Unis. Cette dépendance entraîne en effet des conséquences géopolitiques. Il faut ensuite diversifier cette dépendance, trop centrée sur le Moyen-Orient. La Russie le clame souvent, mais avec une certaine hypocrisie, compte tenu de la situation en Tchétchénie.

M. Dominique Moïsi a estimé que les Etats-Unis avaient quitté l'âge de l'innocence. Pour eux, c'est la fin du sentiment d'invulnérabilité. Ce nouveau paradigme est intégré, il devrait signifier la fin du néo-isolationnisme, mais peut s'accompagner soit de davantage d'internationalisme, soit d'un regain d'ultra-nationalisme.

Les médias sont devenus un véritable pouvoir. S'il ne faut pas passer sous silence le courage des journalistes sur le terrain, leur rôle n'est pas de définir la politique étrangère ; ils n'ont pas à en être les prescripteurs. Au début des années 1990, la communauté internationale est intervenue en Somalie, mais pas au Soudan, car il n'y avait pas d'images de ce dernier pays alors que le nombre de morts était identique. Il est donc nécessaire d'avoir un pouvoir politique responsable dialoguant avec une presse responsable.

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