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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Lundi 10 décembre 2001
(Séance de 14 heures 30)

Présidence de MM. Raymond Forni,
Président de l'Assemblée nationale,
et Wolfgang Thierse, Président du Bundestag

SOMMAIRE

 

page

- Réunion parlementaire franco-allemande sur l'avenir de l'Europe élargie Réunion parlementaire franco-allemande sur l'avenir de l'Europe élargie

- Compte rendu des débats

- Résolution commune pour le Conseil européen de Laeken

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Réunion de travail avec la Commission des Affaires étrangères

et des Affaires européennes du Bundestag

Une Europe plus forte et plus démocratique

Raymond FORNI

Président de l'Assemblée nationale

Je voudrais en effet évoquer rapidement les deux thèmes qui occuperont l'essentiel de nos travaux cet après-midi.

Nous voulons une Europe plus forte, mieux écoutée sur la scène internationale, mieux armée pour assurer la sécurité de ses citoyens.

Nous voulons également une Europe plus démocratique, plus transparente, plus attentive aux aspirations de nos concitoyens.

Atteindre ces deux objectifs suppose un plus grand volontarisme politique.

Cela est vrai de l'Europe en lutte contre le terrorisme. L'émotion soulevée par les attentats du 11 septembre fut mondiale. Nous avons tous partagé l'effroi et la consternation de nos amis américains. Mais une fois l'émotion passée, saurons-nous faire preuve de la volonté politique indispensable à l'adoption des mesures de prévention et de lutte contre le terrorisme ? Le mandat d'arrêt européen est à l'ordre du jour du Conseil européen de Laeken. Les négociations engagées le 21 septembre ont démontré l'utilité des nouveaux instruments dont l'Union s'est dotée par le traité d'Amsterdam -en l'espèce, la décision-cadre. Là où des conventions sur l'extradition attendent encore d'entrer en vigueur, nous allons, je l'espère, bientôt adopter des règles plus efficaces.

Je m'interroge sur la position adoptée par nos amis italiens. La lutte contre le crime organisé doit être parallèle à la lutte contre le terrorisme. Ce dernier a souvent recours aux mêmes instruments pour financer ses crimes. J'espère qu'un accord pourra être trouvé sur le texte soumis au Conseil européen. Je souhaite que cet accord comprenne dans le champ d'application du mandat d'arrêt européen les infractions relevant de la délinquance financière.

Il faudra, pour cela, que la volonté des dirigeants politiques européens ne fléchisse pas.

Ce constat s'applique également à l'édification d'une véritable démocratie européenne.

Le débat sur l'avenir de l'Europe s'est tenu, entre juin et novembre 2001, en France. L'Assemblée nationale y a pris sa part. Nous avons ouvert sur le site internet de l'Assemblée nationale un forum de discussion sur l'avenir de l'Europe. Nous avons organisé des Assises sur l'avenir de l'Europe, qui ont permis de nouer un vaste dialogue entre des étudiants, des associations, des syndicats, des politiques. Cette consultation a fourni quelques résultats passionnants. Un grand nombre des Français qui se sont exprimés ont marqué leur volonté de promouvoir un modèle économique et social européen. L'idée d'une constitution européenne n'est plus un tabou pour nos compatriotes -même si personne ne voit dans une telle Constitution le remède à tous les maux. Une large majorité de nos internautes a souhaité l'instauration d'un véritable gouvernement européen, avec cependant une nette préférence pour le développement de ce gouvernement à partir du Conseil des ministres, plutôt qu'en se fondant sur la Commission.

Mais ce débat n'a pas, à lui seul, comblé la distance qui sépare nos concitoyens de l'Europe. Il nous faut donc encore y travailler.

Les Parlements peuvent jouer dans ce domaine un rôle important. C'est un des points sur lesquels notre débat pourrait revenir : quelles missions pour les parlements nationaux dans les futures institutions de l'Union ? La création d'une seconde chambre a été avancée par plusieurs éminents politiques européens. Nos Assises sur l'avenir de l'Europe ont fait ressortir les critiques que cette proposition suscitait : le risque d'accroître le poids des intérêts nationaux dans la décision communautaire, l'impossibilité pour un parlementaire national d'assumer un cumul des mandats, le risque de redondance entre une seconde Chambre et le Conseil européen, la nécessité pour les parlements nationaux de se concentrer sur le contrôle national de la politique européenne de leur gouvernement.

Inventons pour nos Parlements un rôle nouveau dans les futures institutions de l'Union. C'est je crois au sein d'un Congrès, d'une Conférence des parlements nationaux, que nous pourrons le mieux exprimer les aspirations de nos concitoyens. Créer une deuxième chambre, ce serait remettre en cause l'équilibre des pouvoirs qui s'est instauré, au fil de la jurisprudence de la Cour de justice, au gré des révisions successives des traités, entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen. L'efficacité du processus législatif pourrait en souffrir. Nous mettrions en compétition les deux légitimités démocratiques sur lesquelles s'appuie l'Union, au lieu de les faire _uvrer au même but : renforcer l'Union qui est notre rempart contre les troubles d'une mondialisation insuffisamment maîtrisée.

Telles sont, Mesdames et Messieurs, les quelques remarques dont je souhaitais en ouverture, vous faire part. J'espère, sur ces deux points, avoir réellement contribué à ouvrir le débat. Je vous remercie. je souhaite maintenant donner la parole à mon ami Wolfgang THIERSE.

L'importance des parlements nationaux dans le processus européen

Wolfgang THIERSE

Président du Bundestag

C'est aujourd'hui la première rencontre entre commissions des affaires européennes et des affaires étrangères et entre groupes d'amitié de l'Assemblée nationale et du Bundestag, et cela à la veille d'un Conseil européen extrêmement important. Je salue le fait que nos deux parlements assument leurs responsabilités en se réunissant avant le Conseil européen afin de faire valoir leur point de vue. Il s'agit d'une première étape visant à conférer au processus européen une coloration parlementaire. Les diplomates et les gouvernements doivent évidemment négocier, mais les parlements doivent peser de leurs poids dans cette démarche.

La présente rencontre est également l'expression de l'étroite coopération existante entre nos deux parlements comme en témoignent les réunions annuelles des bureaux des parlements, les rencontres régulières des commissions et d'autres instances, sans oublier les rencontres des groupes d'amitié parlementaires : l'ensemble témoigne de l'amélioration de la coopération, qu'il nous appartient de poursuivre. Cette rencontre nous donne la possibilité d'examiner les questions qui conditionnent l'avenir de l'Union européenne au sein d'une planète mondialisée. Cet impératif est d'autant plus urgent du fait des défis politiques et militaires posés par le terrorisme. Tous les groupes parlementaires du Bundestag sont convenus que l'une des grandes réponses à ce défi réside dans un renforcement de l'Europe, de l'intégration européenne et des actions communes dans toutes leurs dimensions politiques.

Les recommandations que nous allons formuler aujourd'hui revêtent donc une importance particulière.

Le Conseil européen de Nice a lancé une invitation explicite à débattre de l'avenir de l'Europe. Ce débat public, auquel participent les parlements nationaux, est irremplaçable. C'est dans son cadre que la coopération franco-allemande revêt une importance particulière. L'histoire de l'unification européenne prouve à quel point cette coopération a toujours constitué le moteur et la force d'impulsion de l'intégration européenne. Il continuera d'en être ainsi si nous voulons que cette intégration conserve son dynamisme, notamment à l'occasion de l'élargissement.

Les quatre thèmes couverts par notre déclaration commune sur l'avenir de l'Union représentent autant de défis pour les députés : simplification des traités et du mode de fonctionnement de l'Union, intégration de la charte des droits fondamentaux dans les traités, répartition plus claire des compétences entre l'Union et les Etats membres, renforcement du rôle des parlements nationaux dans l'architecture européenne.

Ce que le terme magique de " subsidiarité " recouvre n'est peut-être pas clair pour tous : pour un député allemand, imprégné de tradition fédéraliste, la subsidiarité peut avoir un autre « parfum » que pour un député français. Cependant, le rapprochement des oppositions et la recherche d'un consensus pragmatique constituent le sens d'une réunion telle que celle d'aujourd'hui.

Le rôle accru des parlements nationaux est l'un des points de notre projet de déclaration. L'élaboration d'une constitution, d'un traité constitutionnel européen, doit être largement formulée par les parlements. La convention pour la préparation de la charte des droits fondamentaux, au sein de laquelle les parlementaires ont joué un rôle notable, offre un exemple positif dont il convient de nous inspirer. Ce qui relève de la pratique quotidienne n'est pas suffisant : il est évidemment nécessaire de délibérer avant et après les conseils européens, mais la fonction des parlements est alors réduite à celle de chambre d'enregistrement aujourd'hui. Ne voyez aucune critique dans mes propos. Cependant, si nous souhaitons conférer aux parlementaires un rôle qui ne soit pas limité à la ratification de ce que d'autres ont négocié, il est nécessaire de se mettre d'accord, d'une part sur la façon dont, au cours des futurs conseils européens, les parlementaires pourront jouer un rôle plus important en termes de préparation et de négociation, d'autre part sur la façon dont, à l'avenir, les droits des parlements nationaux pourront être clairement formulés dans le cadre d'un traité constitutionnel européen. Il s'agit de l'un des sujets dont il nous appartient de débattre.

Questions des journalistes

Michel FARGEOT

Je suis français mais je collabore également à un journal allemand. Le couple franco-allemand peut-il être une force motrice pour l'Union européenne ?

Wolfgang THIERSE

Si vous souhaitez savoir si la coopération franco-allemande peut être assez forte pour être un moteur, la réponse est oui. Elle doit être profonde et constructive et constituer la force d'impulsion de la construction européenne, pour reprendre une image si souvent utilisée. Mais cette coopération ne se construit pas en excluant la coopération avec les autres pays de l'Union européenne.

L'entente franco-allemande a toujours été la condition permettant d'aboutir à un accord général entre l'ensemble des parties prenantes, quel qu'en soit le sujet - réforme des institutions européennes, conditions devant précéder à l'élargissement de l'Europe.... Les querelles franco-allemandes n'ont jamais servi la progression de l'unification européenne.

Michelle HEIWIGE, Frankfurter Heigemeine

Le projet de résolution constitue-t-il un texte définitif ou peut-il donner lieu à des modifications au cours de la présente rencontre ?

Le contenu de ce projet est quelque peu passéiste. La composition de la convention a en effet déjà été décidée par le Conseil. Pourquoi dès lors réclamer la présence de parlementaires puisque c'est déjà acquis ?

Friedbert PFLUGER

Un projet de résolution a été élaboré par les commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Bundestag afin de préparer cette réunion plénière. Nous entendons discuter de ce projet et l'adopter au cours de cette réunion.

S'il est vrai que dans l'intervalle, et sur la base de nos initiatives parlementaires, il a été fait en sorte qu'une convention soit créée, la question des compétences de cette convention n'a pas été tranchée. Sera-t-elle dirigée par un présidium où les représentants des gouvernements auront la majorité ? Devra-t-elle se contenter d'élaborer des options, ce qui la transformerait en une simple " cour de récréation " pour les parlementaires ? C'est pourquoi nous espérons que ce texte permettra d'adresser, à la veille du Conseil européen de Laeken, un signal clair aux gouvernements leur signifiant que nous n'imaginons pas l'élaboration d'un traité constitutionnel européen sans participation substantielle des parlements. Quiconque voudrait les reléguer à une fonction symbolique, quiconque voudrait en faire une cour de récréation de l'imagination européenne, devra prendre acte de notre opposition par le biais de cette résolution.

Ce texte est substantiel puisqu'il tend à faire savoir aux gouvernements que nous souhaitons une participation active des parlements à la préparation des futures conférences intergouvernementales.

Friedrich BUKUN, Association franco-allemande

Nous sommes déjà au c_ur du débat sur l'avenir de l'Union et la question de la composition de la convention ne doit pas constituer un obstacle. Ces dernières semaines, les propositions du Premier ministre belge Monsieur Guy Verhofstadt ont reçu l'accord de Berlin alors que l'écho a plutôt été négatif à Paris. Pourquoi les parlementaires ne se sont-ils pas exprimés sur les propositions de Monsieur Verhofstadt ? Quelle est la raison de l'absence d'une position générale quant à leur contenu ?

Friedbert PFLUGER

Notre rôle n'est actuellement pas de prendre position ou de formuler des propositions sur le traité constitutionnel lui-même. Cela sera fait par la suite. Dans le cadre de notre résolution, nous réclamons que les parlements soient constamment associés aux travaux de la convention. Ce débat ne sera pas abandonné aux chefs d'Etat et de gouvernement. Mais, contrairement à vous, j'estime que la tâche prioritaire est que la convention soit une instance digne de ce nom.

Certains proposent que la convention se limite à l'élaboration et à la formulation d'options alternatives. Mais il serait dans ce cas préférable de s'en remettre à des bureaux d'études ou à des experts mieux qualifiés que nous en la matière. Nous souhaitons quant à nous avoir la possibilité de formuler une véritable proposition globale. Il est possible que certains chapitres donnent lieu à des votes.

Il n'est pas logique, d'un côté, de déplorer le manque de légitimité des décisions européennes et, d'un autre côté, d'estimer que les gouvernements peuvent débattre librement d'un projet constitutionnel dans le cadre d'une conférence intergouvernementale. Tel est le message que nous souhaitons faire passer, à la veille de Laeken, ce signal étant d'autant plus fort qu'il est sans précédent dans l'histoire de la politique européenne.

Raymond FORNI

Parvenir à réunir autant de parlementaires du Bundestag et de l'Assemblée nationale en dehors des jours de session démontre l'importance que les deux assemblées accordent à la place des parlements dans la construction européenne. Les participants ont accompli une démarche utile et commune. Qu'ils en soient remerciés.

Par ailleurs, il semble évident que les liens entre la France et l'Allemagne ne sont pas aujourd'hui suffisants. Il est nécessaire de renforcer le couple franco-allemand, d'autant plus que la situation internationale est difficile, voire dramatique - je pense au problème du terrorisme international - et que la perspective de l'élargissement de l'Union européenne est devant nous. Admettre l'adhésion de dix pays, voire plus, d'ici quelques mois ou quelques années, n'est pas sans incidences pour nos deux pays, ni pour les autres membres de l'Union européenne.

Il est au minimum indispensable que nos deux pays s'accordent sur le respect de procédures et d'un calendrier. Il est donc nécessaire de réactiver le couple franco-allemand.

Les gouvernements ont leurs missions et leurs responsabilités, les parlements ont les leurs. Je me félicite qu'au travers des structures institutionnelles que sont les commissions, il ait été possible depuis quelques temps de nouer des liens renforcés entre nos collègues allemands et nous-mêmes, de façon à mieux nous connaître, voire à travailler en commun, conformément à l'objectif initial. La compréhension du Bundestag à notre égard et la façon dont le Président Thierse et ses collègues ont réagi à chaque fois face aux propositions que nous étions en mesure de formuler donnent espoir en l'avenir et me renforcent dans l'idée que l'alliance franco-allemande doit être un lieu privilégié de discussions et être à la base du nouvel élan que nous souhaitons conférer à l'Europe. Faute de bases solides je crains que notre volonté de progresser ne soit confrontée à de réelles difficultés.

L'avenir de l'Union européenne : une constitution pour l'Europe ?

Présentation du projet de résolution commune

pour le Conseil européen de Laeken

Alain BARRAU

Président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne

Laissez-moi vous dire ma satisfaction de nous voir aussi nombreux réunis à Paris. La réussite de cette journée ne doit cependant pas laisser penser que le travail franco-allemand n'existe pas entre nos deux assemblées : de nombreuses rencontres sont organisées entre des représentants des commissions permanentes tandis que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne collabore souvent avec la Commission des affaires européennes du Bundestag et qu'un travail remarquable est accompli par les deux groupes d'amitié. Le succès de cette réunion ne doit donc pas gommer l'ensemble de l'acquis qui fonde depuis des années le dialogue franco-allemand.

Le contexte

Cependant, il est vrai que cette réunion revêt un caractère particulier.

D'abord elle regroupe les présidents de l'Assemblée nationale et du Bundestag, des représentants et des groupes d'amitié ainsi que de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes des deux assemblées. De surcroît, tous les groupes politiques siégeant au Bundestag et à l'Assemblée nationale sont ici représentés.

De plus, cette réunion intervient après la réunion franco-allemande de Nantes, le 23 novembre dernier, au cours de laquelle le Chancelier allemand, le Président de la République et le Premier ministre français ainsi que les deux ministres des affaires étrangères ont adopté une déclaration importante, sanctionnant des semaines de travail entre les représentants de l'exécutif à la suite de Nice.

En raison de notre conception du rôle du Parlement, nous ne souhaitons pas nous substituer aux exécutifs mais plutôt apporter notre contribution de parlementaires à la relation franco-allemande qui est un couple central en Europe. Il est donc légitime que nous puissions le faire par l'intermédiaire d'un texte susceptible d'être amendé ou amélioré, mais qui a déjà été diffusé. La principale caractéristique du projet de résolution commune est en effet qu'il ne s'agit ni d'un texte français - bien que les Français en aient élaboré la première mouture - ni d'un texte allemand - bien que de nombreux amendements y soient d'ores et déjà intégrés - mais d'un texte ayant déjà fait l'objet de réflexions et d'un travail d'approfondissement au sein des deux parlements. Cette résolution constituera la contribution des parlementaires au dialogue franco-allemand.

Dans quelques jours se tiendra le Conseil européen de Laeken, au cours duquel il sera question d'événements internationaux importants (Afghanistan, Proche-Orient), qui dominent notre réalité diplomatique internationale et européenne. Figureront également à l'ordre du jour des sujets que nous souhaitons faire avancer à l'échelle européenne comme la mise en place d'un espace judiciaire européen. Des étapes ont été franchies mais des incertitudes demeurent, notamment quant à la façon dont ces sujets déterminants pour la vie de l'Union européenne seront finalement résolus par le Conseil européen. Enfin, il sera également question de la mise en place de la convention, qui effectuera pendant plusieurs mois un travail commun sur le contenu de l'Europe de demain.

La construction du texte

Ce texte est fondé sur une réalité, à savoir que Nice a marqué la fin d'une période et que le traité de Nice a constitué la réponse à certaines questions en suspens depuis des années. Mais, Nice n'a évidemment pas réglé l'ensemble des questions institutionnelles existantes au niveau de l'Union européenne.

Quatre sujets ont été considérés comme la base d'une réflexion commune jusqu'en 2004. Il n'est selon nous pas obligatoire de se limiter à ces quatre sujets et le champ peut rester ouvert. Il s'agira de vérifier les sujets d'entente et d'accord qui constituent notre engagement européen. Sur quelle position centrale, déterminante, les Français et Allemands sont-ils prêts, en tant qu'Européens, à bâtir l'Europe élargie de demain ? Quel est notre modèle social européen ? Ces questions ne figurent pas dans les sujets laissés sur la table à Nice mais elles seront nécessairement abordées au cours de la discussion.

Simplification des traités, intégration dans les traités de la charte des droits fondamentaux, répartition plus claire des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, renforcement des parlements nationaux, toutes ces questions sont développées dans le cadre de notre résolution. Nous considérons qu'il ne doit exister aucune concurrence stupide entre Parlement européen et parlements nationaux mais une complémentarité permettant une réduction progressive du déficit démocratique dont chacun se plaint en Europe. Il est également nécessaire de faire en sorte que les parlements nationaux ne soient pas simplement consultés en vue d'une ratification des traités, mais qu'ils puissent chacun, dans le cadre de leur droit national spécifique, travailler en amont. C'est ce que nous tentons de faire à l'Assemblée nationale en donnant notre position sur les textes destinés à être discutés à Bruxelles. C'est également ce que nous tentons de faire afin que les transpositions des directives dans le droit national soient effectuées le plus rapidement possible.

Enfin, il conviendra de faire avancer l'idée d'un rassemblement pluriannuel de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, dans le cadre d'un congrès, afin de vérifier l'existence d'un accord sur les questions de subsidiarité et sur le sens du projet européen. Il est nécessaire, à partir de notre expérience commune, d'aller de l'avant et de marquer un pas supplémentaire pour une prise en compte de la représentation et des travaux des parlements nationaux.

La mise en place d'une convention

Si la création d'une convention constitue aujourd'hui un enjeu moins important qu'il ne l'était il y a quelques mois, il convient d'appréhender la rapidité des évolutions. La création d'une instance regroupant la Commission, des représentants des exécutifs, du Parlement européen et des parlements nationaux et compétente pour élaborer une proposition soumise à la conférence intergouvernementale aurait paru fort surprenante il y a quelques années. Cette considérable avancée a été rendue possible grâce au travail accompli dans le cadre de la convention pour la charte des droits fondamentaux.

Un accord a été progressivement dégagé. Cette convention comprendra des représentants de l'exécutif en proportion minoritaire, des représentants de la Commission et du Parlement européen, ce qui est logique, mais également des représentants des parlements nationaux des pays membres et des pays candidats. Quel que soit le résultat de cette convention, au vu de ce qui s'est passé entre Biarritz et Nice, période durant laquelle aucun chef d'Etat et de gouvernement n'a voulu modifier, ne serait-ce que dans des proportions infimes, le texte présenté sur la charte des droits fondamentaux, l'existence même de cette instance représentera un pas important. La situation qui a prévalu pour la charte risque toutefois de ne pas se reproduire car il est possible que nous n'aboutissions pas à un texte unique ou qu'il y ait un texte dominant et des opinions minoritaires.

Le projet de résolution constitue un compromis entre nous-mêmes et le Parlement européen qui campait initialement sur une position simple, mais compliquée en raison de la diversité des statuts des membres de la convention : le Parlement européen souhaitait en effet un seul texte, adopté à la majorité, quelles que soient les positions respectives des membres de la convention. Les positions des parties ont évolué pour aboutir à un compromis, qui fera espérons-le l'objet d'un consensus à Laeken et qui consiste à rechercher un accord sur une position dominante, recevant l'assentiment d'un certain nombre de participants de la convention, tout en laissant s'exprimer - ce qui revêt par ailleurs une signification démocratique forte - des positions s'inscrivant dans le cadre de la discussion mais qui seront également mises sur la table de la CIG elle-même.

L'autre point d'avancement réside dans l'articulation entre la convention et la CIG. Nous sommes d'accord pour situer la CIG en 2004, après la convention, pour insister sur son caractère très politique et sur le fait qu'elle doit permettre de présenter au Conseil européen, puis aux parlements nationaux en vue de ratification, un traité institutionnel qui soit un texte constitutionnel.

Enfin, il est certain que l'ensemble des pays européens, notamment les exécutifs et les parlements nationaux des pays candidats, seront partie prenante de ce premier exercice. Au-delà des discours et des bonnes intentions, nous allons pour la première fois bâtir ensemble une maison commune démocratique qui accueillera autour de la table nos amis polonais, tchèques....

Cette convention mérite donc peut-être le qualificatif de parfum, mais pas de parfum passéiste...

L'importance du projet de résolution

ou la nécessité d'une réforme " par le bas "

Friedbert PFLUGER

Président de la Commission des affaires européennes du Bundestag

Je remercie le Président Forni de l'engagement dont il a fait preuve pour que cette session historique se déroule à une période décisive pour l'évolution de l'Europe, peu avant le Conseil européenne de Laeken. Je remercie également Alain Barrau pour notre étroite collaboration, reposant sur la confiance mutuelle, pour la préparation de cette réunion, mais également au-delà.

A Nice, les chef d'Etat et de gouvernement ont appelé à un débat public sur l'avenir de l'Europe. La séance d'aujourd'hui constitue une contribution substantielle à ce débat. C'est à Nice qu'a été constatée la fin de l'efficacité des conférences intergouvernementales. Cette méthode n'est plus de nature à produire des politiques efficaces. Une réforme constitutionnelle européenne ne peut être formulée à huis clos au cours de séances nocturnes réunissant chefs d'Etat et de gouvernement. Les hommes et femmes de nos sociétés n'accepteront plus cette pratique.

Cette réforme institutionnelle doit être venir de la base et remonter vers le c_ur de l'Union. Le processus européen ne saurait se concevoir sans participation active des parlements nationaux, tant des pays membres que des pays candidats.

La Commission des affaires européennes du Bundestag a milité, dès le lendemain de Nice, en faveur d'une telle convention, en s'inspirant de l'expérience très positive de la convention sur les droits fondamentaux. Puis, à l'occasion de la COSAC - qui se réunit semestriellement - de Stockholm, nous avons formulé une proposition de résolution.

Au mois de septembre, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé de créer une telle convention. Nous les en remercions, mais cette décision ne représente que la moitié du chemin, puisqu'il convient désormais que cette convention soit davantage qu'une simple " cour de récréation " où les parlementaires développeraient sans conséquences concrètes leur imagination en matière de politique européenne.

Il semble important, avec cette résolution, de donner matière à réflexion aux chefs d'Etat et de gouvernement pour le Conseil européen de Laeken. Le présidium ne doit pas se composer majoritairement de représentants du gouvernement. Une convention parlementaire dirigée par un tel présidium ne serait pas conforme à nos attentes. Elle doit développer un projet complet, et non simplement des options que des experts seraient mieux qualifiés que nous pour élaborer.

C'est pourquoi il est important, dans tous les Etats membres, de doter cette convention d'une véritable force et de lui insuffler une réelle énergie. Il serait fatal d'organiser une conférence intergouvernementale sans la faire précéder d'une convention. Il serait pire encore de la faire précéder d'une convention qui ne soit pas digne de ce nom. C'est la raison pour laquelle il était important que nous nous réunissions aujourd'hui et qu'avec nos groupes parlementaires du Bundestag et de l'Assemblée nationale, nous aboutissions à un projet très conséquent. Je ne peux que recommander à nos gouvernements, dans leur intérêt, de ne pas négliger le rôle des parlements. Si le traité constitutionnel n'apparaît pas comme le résultat d'une démarche parlementaire et extraparlementaire, issue de la société civile, les hommes et les femmes qui composent nos sociétés n'accepteront pas le résultat de la conférence intergouvernementale.

Les candidats à l'adhésion ont toujours bénéficié du même droit délibératif que les autres au sein des COSAC. Il leur tient à c_ur de prendre part à la convention. C'est également leur Europe que nous construisons. C'est pourquoi je sais gré à Alain Barrau, et à travers lui à nos amis français, de l'avoir exprimé si clairement.

Je remercie ceux qui ont apporté leur concours à cette rencontre, notamment le Président Thierse. Il n'est pas fréquent qu'autant de parlementaires allemands soient à Paris. L'idée d'un débat commun en plénière, en 2003, à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée est une idée symbolique, mais exceptionnelle sur le fond. Une telle séance commune de nos parlements montrerait que cette Europe n'a pas d'avenir sans une étroite coopération franco-allemande.

Débat sur le projet de résolution commune

Jürgen MEYER

En tant que délégué du Bundestag à la première convention chargée d'élaborer charte des droits fondamentaux, je suis heureux que, dans le cadre de ce projet de résolution, il ait été proposé de faire élaborer par une convention la future constitution européenne. Voici seulement un an et demi, le nombre de sceptiques envers une telle entreprise était important. De nombreux responsables exécutifs n'envisagent qu'avec un enthousiasme modéré une convention composée aux trois quarts de parlementaires. Si la tâche de la convention pour les droits fondamentaux était enthousiasmante, la mission qui relève de la deuxième convention est tout aussi fascinante car il s'agit de fonder la réflexion sur la tradition constitutionnelle des Etats membres. Dans le cadre de la première convention, il était impossible de convaincre les autres en s'inspirant uniquement de sa propre tradition constitutionnelle. Il a donc fallu que chacun tienne compte de la réalité de l'autre. Pour avoir une chance de succès, toute demande devait être marquée d'un sceau commun.

La force même de cette idée de base - débattre sur la base d'une tradition constitutionnelle commune - produit l'intégration. La convention permet l'intégration européenne, mais également une intégration des idées par la discussion.

Quant aux tâches futures de cette convention, l'un des thèmes les plus difficiles porte sur la délimitation des compétences. Le Président Thierse a raison : le concept de subsidiarité donne lieu a moult interprétations. Il est cependant vieux de plusieurs siècles dans l'histoire du droit européen. Je suis certain que nous saurons le faire progresser ne serait-ce qu'en instaurant une procédure commune, par exemple une commission associant la Commission et le Conseil, le Parlement européen et les parlements nationaux et qui, en cas de différend, arbitrerait entre ce qui relève de la compétence de l'Union européenne et ce qui relève de la compétence des Etats membres. Une telle commission paritaire permettrait de progresser sans qu'il soit besoin de s'en remettre continuellement à la Cour de justice des communautés européennes.

La même analyse s'applique à l'autre grande question, celle des institutions européennes. L'idée de séparation des pouvoirs que nous devons à Montesquieu, nous est familière. Je suis convaincu qu'à l'échelle européenne se créeront des instances exercant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire dans une relation de contrôle réciproque, de transparence et d'efficacité.

Je souhaite encore avancer une idée concrète. Sur la proposition de certains gouvernements, le présidium de la convention devrait également comporter un, voire trois représentants de la troïka. Dans l'hypothèse d'un représentant de la troïka, ce présidium se composerait de six personnes dont seulement deux parlementaires. S'il en était ainsi, je propose que le Parlement européen et les parlements nationaux soient représentés par deux représentants au présidium, soit quatre représentants sur huit. Il s'agit à mon sens d'une représentation équitable, équilibrée, qui prouve que le présidium respecte lui aussi le nouveau rôle des parlements. Il me semble que nous sommes d'accord pour considérer que l'ancienne méthode de révision des traités appartient au passé. Comme l'a dit Willy Brandt, " nous voulons ensemble avoir le courage de plus de démocratie ".

Jean LAUNAY

Au dernier paragraphe du projet de résolution commune, il me semblerait préférable de formuler une proposition un peu plus dynamique, ce qui rejoindrait les préoccupations exprimées par Alain Barrau : au lieu de suivre de l'évolution des travaux de la CIG, l'Assemblée nationale et le Bundestag devraient avoir un rôle renforcé afin " ne pas faire semblant ", pour reprendre les propos de Friedbert Pflüger.

A l'image de ce qui existe déjà avec le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, la création d'un conseil franco-allemand des parlements, doté d'un secrétariat permanent, ne pourrait-elle pas être envisagée ? Ses missions s'articuleraient autour de trois axes :

· la préparation et l'institutionnalisation du dialogue des parlements ;

· la préparation des sommets bilatéraux, avec un éclairage législatif ;

· la formulation de propositions communes dans le cadre des travaux de la conférence intergouvernementale.

Raymond FORNI

Il est vrai que la première phrase du dernier paragraphe du projet de résolution commune n'a pas grande utilité, dans la mesure où il est indiqué dans le paragraphe précédent que les parlements doivent " être en mesure d'apprécier l'évolution des travaux de la CIG " et qu'ils doivent être " régulièrement informés et associés aux travaux de cette CIG qui devra être brève et éminemment politique ". Cette précision rend peut-être inutile le rappel, dans la première phrase du dernier paragraphe, du rôle et de la place du Bundestag et de l'Assemblée nationale, d'autant qu'il est à nouveau rappelé, dans la dernière phrase du dernier paragraphe, le rôle de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et de la Commission des affaires européennes du Bundestag. Je pense qu'il y a là un équilibre qui permet de se passer de la première phrase du dernier paragraphe, si vous en êtes d'accord.

Si aucune opposition ne se manifeste, je considère cela comme acquis. 

Wolfgang THIERSE

Cette phrase peut effectivement être éliminée en raison de son caractère général et du fait qu'elle n'exprime pas le rôle actif des parlements que nous souhaitons instituer.

Günther GLOSER

Allons-nous pouvoir travailler activement à la configuration de l'Europe de demain ? Nous avons eu en France une discussion très approfondie sur l'avenir de l'Europe. Nous, députés, ne voulons pas nous contenter d'un rôle passif, nous voulons être actifs, apporter notre contribution, être coresponsables et co-décideurs.

Dans le cadre de la déclaration commune de Nantes, la France et l'Allemagne ont souligné qu'elles devaient toutes deux rester l'élément moteur de l'intégration européenne. Nos deux pays souhaitent donner une nouvelle impulsion à l'Europe dans la perspective de la conférence intergouvernementale de 2004. Que pourrait-il y avoir de mieux pour nos deux gouvernements que de se savoir soutenus par les deux parlements dans cette initiative ? Il est très important que les parlementaires des pays membres et du Parlement européen apportent leurs contributions afin de garantir une base d'accord la plus large possible.

Après Nice, la proposition d'une convention n'a pas été accueillie très positivement. Il a fallu dépasser de nombreux obstacles. Cependant, le dialogue engagé entre l'exécutif et les parlementaires a permis à nos gouvernements de se prononcer en faveur de cette convention.

Les citoyens peuvent parfois être en avance sur les hommes politiques concernant l'Europe, notamment les étudiants. Ils ne se sont pas contentés de discuter du rôle des institutions et de leurs relations, ils se sont interrogés sur le modèle social de l'Europe de demain.

Cette démarche, cette discussion au niveau des citoyens, nous remplit d'espoir mais elle doit désormais se dérouler au niveau des parlements. Vous avez engagé cette discussion dans votre pays, il nous appartient désormais de l'organiser dans le nôtre. Il faut favoriser ce dialogue afin d'_uvrer dans le sens d'une compréhension mutuelle, afin de comprendre par exemple pourquoi la notion de fédéralisme à l'allemande suscite des réserves de la part de nos partenaires.

L'approbation de cette déclaration commune constituerait un pas décisif vers l'avenir.

Dès 1966, Willy Brandt demandait plus de démocratie, il faut également en appeler à davantage de parlementarisme dans les discussions européennes.

Alain BARRAU

Je suis persuadé que lorsque s'engagera à partir de 2004 un débat démocratique sur le fonctionnement de l'Europe, les traits caractéristiques de cette Europe, sur le plan politique, économique et social émergeront très fortement. Une objection a surgi dans tous les débats : il ne s'agit pas simplement de parler du contenant mais également du contenu, c'est-à-dire de vérifier quelle Europe nous souhaitons construire ensemble - attente qui émane tant des jeunes que des moins jeunes. Cette dimension peut amener une politisation du débat européen au sens noble du terme. Il convient de montrer qu'il doit exister, à propos de l'Europe, des visions démocratiques différentes et que cette diversité est saine. Le débat de 2004 doit le permettre.

Nicole CATALA

Je me réjouis de cette rencontre. Depuis longtemps, les parlements nationaux se sentent progressivement dépossédés d'une partie de leurs fonctions en raison de la montée en puissance de l'Europe. Il était temps qu'ils affirment leur rôle dans la vie démocratique de nos Etats.

Par ailleurs, la proposition de résolution comporte la formule " traité fondamental " que je juge pour le moment préférable au terme " constitution ". En effet, en droit français, qui dit " constitution " dit " création d'un Etat ", car la constitution constitue le socle de l'Etat et définit l'organisation du pouvoir politique sur un territoire. Or tel n'est pas le contexte actuel. Le système européen est mixte. Il se veut respectueux des Etats nations. De surcroît, comment un Etat européen pourrait-il regrouper sans difficultés des pays dotés d'une constitution, ce qui est le cas de la majorité d'entre eux, et des pays sans constitution, comme la Grande-Bretagne, ou encore des monarchies et des républiques ? Tout cela pose d'assez redoutables problèmes de droit constitutionnel. Enfin, l'élaboration d'une constitution devrait selon moi couronner une claire répartition des compétences, et non la précéder.

Cependant, je souhaiterais, même s'il n'est peut-être pas nécessaire de l'inscrire dans notre résolution, plus de précisions quant à la mission de cette convention, à laquelle on demande de proposer un projet qui servirait ensuite de base au travail de la CIG. Ce projet ne se limiterait pas aux quatre sujets exprimés dans la déclaration de Nice et constituerait un texte plus large, susceptible semble-t-il de déboucher sur l'élaboration d'un projet de nouveau traité. Il serait en ce cas souhaitable de saisir l'occasion de la rencontre d'aujourd'hui pour échanger nos visions sur la future structure institutionnelle de l'Union. Il conviendrait à ce titre d'évoquer la répartition des compétences et les structures institutionnelles de l'Union.

Kuli GINSBURG

Le Président Thierse a évoqué le défaut d'acceptation de l'Europe, qui semble dû au fait que les citoyens ne comprennent plus cette Europe. C'est pour cela que la simplification des traités est essentielle. L'objectif n'est pas de comprendre le détail des traités mais plutôt leur contenu. Il est important que les parlements, notamment l'Assemblée nationale et le Bundestag, accompagnent publiquement cette convention, afin que les citoyens se l'approprient.

Par ailleurs, il est indiqué dans le projet de résolution que " les représentants de la société civile et des partenaires sociaux [devraient accompagner] les travaux de la convention ". Il s'agit d'une orientation très importante qui est déjà en cours dans nos régions. De nombreuses instances ont déjà favorisé cette coopération transfrontalière. Il est important que ces forces vives puissent également participer aux travaux de la convention car des approches nouvelles ont déjà été élaborées en leur sein. Cela garantirait une efficacité accrue des travaux de la convention.

Enfin, au-delà de l'élaboration d'un traité fondamental ou d'une constitution, il est nécessaire de veiller à une intensification de l'enseignement des langues. Ne nous contentons pas de l'anglais, favorisons l'enseignement de la langue allemande en France et l'enseignement de la langue française en Allemagne. Ce processus doit également accompagner la convention.

Maurice LIGOT

Je suis heureux d'avoir participé à l'élaboration de ce texte important pour deux raisons. D'abord parce que il émane du travail collectif accompli par notre délégation, la commission compétente du Bundestag et nos deux assemblées, qui expriment la souveraineté nationale. Son origine lui confère donc un poids particulier. Ensuite parce que les idées que y sont exprimées font avancer le débat sur l'avenir institutionnel de l'Union européenne, et ceci dans les quatre directions exprimées par la déclaration finale de Nice.

J'émets néanmoins un regret. Notre contribution sur le point particulier de la participation des parlements nationaux dans l'architecture européenne me paraît trop timide, pour un texte émanant de ces mêmes parlements. Notre texte contient trois propositions, qui ne sont en fait que la confirmation ou la répétition de ce qui avait déjà été exprimé ailleurs. Je suis étonné de la timidité de nos parlements, alors même qu'ils auraient pu manifester leur souhait de jouer un rôle plus fortement collectif dans les prises de décision européennes, pas seulement dans les matières constitutionnelles, ainsi que l'un des points du projet le mentionne, mais également, sur le plan national, auprès des gouvernements.

S'il n'est pas question aujourd'hui de modifier un texte dont la structure et l'architecture satisfont l'ensemble de nos deux délégations, nous aurions sans doute intérêt à ce que notre réflexion puisse se poursuivre ces prochains mois afin de trouver les solutions permettant de donner à nos parlements nationaux, expression de la souveraineté nationale de nos institutions, une place dans l'expression de la souveraineté européenne.

Peter HINTZE

Les efforts entrepris par les parlements français et allemand ont permis de conforter l'aspect parlementaire du processus européen. Il s'agit de ce point de vue d'un succès. Je souhaite formuler une proposition. L'aménagement de cette convention n'a pas encore été tranché et, dans le cadre de la préparation de cette conférence, nous avons convenu, ainsi que cela a été entériné dans le document, de nous prononcer en faveur d'une représentation des parlements nationaux par deux représentants. Cette position doit être maintenue. L'adoption d'une démarche sérieuse visant à une participation active des parlements nationaux à la convention conduit à penser que la présence de deux représentants est insuffisante. C'est pourquoi il faut dès aujourd'hui indiquer clairement que nous souhaitons doubler cette présence par l'apport de deux conseillers.

Concernant les questions de terminologie et la distinction entre traité fondamental et constitution, je pense que l'Union européenne doit aller au-delà des notions traditionnellement utilisées dans nos Etats. Il faut nous laisser guider par un souci de transparence et d'efficacité. C'est pourquoi je suis favorable à la notion de constitution, qui renvoie à la délimitation des compétences, formulée à ce jour de façon très complexe dans les traités existants. Ce processus constitutionnel, dont l'aboutissement est un traité constitutionnel, est totalement approprié dans la perspective d'une Europe des nations qui soit également une Europe des citoyens.

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que, dans un langage certes très diplomatique, nous avons évoqué un point qui va au-delà de la déclaration de Nice, à savoir la redéfinition des relations mutuelles entre institutions européennes. Même si l'Europe n'est pas un Etat à proprement parler, il est étonnant qu'elle soit dotée d'une assemblée qui ne siège pas publiquement. Je ne fais pas référence au Parlement européen, mais au Conseil des ministres, instance très importante et pourtant presque inconnue du grand public. Ce Conseil ne siège pas publiquement, ce qui lui fait un point commun avec le Congrès du peuple de la Corée du Nord... C'est pourquoi je suis favorable au renforcement de la formulation quelque peu édulcorée utilisée dans le projet de résolution, à savoir notre position en faveur de la transparence démocratique. Nous devrions préconiser une réforme du Conseil des ministres comme pierre angulaire de la réforme des institutions européennes, d'une part afin d'opérer une répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, aujourd'hui imbriqués au niveau du Conseil des ministres, d'autre part afin que cette instance siège publiquement lorsqu'il lui appartient de légiférer. Dans le but de promouvoir une Europe des Etats, mais également une Europe des citoyens, ces derniers doivent être dotés de responsabilités accrues et pouvoir s'exprimer démocratiquement. Le Parlement européen devrait avoir la compétence d'élire le Président de la Commission. En tant que parlements nationaux, nous avons le devoir de défendre la cause du renforcement du Parlement.

Raymond FORNI

Ne cédons pas, Maurice Ligot, à l'enthousiasme d'une réunion commune pour aller trop loin dans les décisions. La résolution évoque, en amont des décisions, une association des parlements à la préparation et à l'élaboration des traités et, en aval, une meilleure participation des parlements, dans un cadre interne.

Autant le problème de l'amont nous est commun, ce qui rend le débat possible, autant, dans la phase aval, la solution est entre les mains de chaque parlement, à qui il appartient de s'attribuer les moyens nécessaires pour suivre l'évolution des questions européennes. L'Assemblée nationale est dotée d'une délégation pour l'Union européenne. J'estime pour ma part que cette instance est insuffisante et que l'Assemblée devrait disposer d'une commission à part entière qui suive ces questions à rang égal avec d'autres organes de l'Assemblée nationale. Sans doute la répartition des tâches entre la Délégation pour l'Union européenne et la Commission des affaires étrangères devrait-elle être révisée. La difficulté de procéder à de telles évolutions s'explique par le fait que ce problème relève d'une modification de la Constitution française. La situation n'est pas satisfaisante car les députés ne sont pas suffisamment impliqués dans la marche de l'Europe, qu'il s'agisse de son fonctionnement à quinze ou de son élargissement. Je crains qu'à force d'être éloignée des procédures européennes et des enjeux liés à l'élargissement de l'Union, l'opinion publique finisse par se couper de cette grande idée qu'est l'Europe. Il s'agit d'un risque majeur, qui a pu être observé en Irlande ou au Danemark, à l'occasion de consultations électorales, même si d'autres facteurs sont intervenus dans les choix de vote.

Il est séduisant de chercher à renforcer le texte, mais il n'est pas certain que cela soit efficace. Votre proposition est cependant utile en tant qu'objet de réflexion future.

Pierre LEQUILLER

Je me réjouis de l'implication plus grande des parlements nationaux dans la préparation de cette convention. Cependant, nous avons constaté, au cours de consultations lors du questionnaire Internet sur l'avenir de l'Europe ou à l'occasion de diverses conférences, l'existence d'un formidable appel des citoyens à plus de clarté et plus de concret.

Il me semble qu'il serait dès lors souhaitable que les parlementaires français et allemands aient la possibilité de se réunir de façon régulière, afin de réfléchir à des problèmes qui ne sont pas peut-être pas tous d'actualité, mais qui se poseront inévitablement dans l'avenir :

· l'apprentissage des langues, posé en principe mais qui n'est toujours pas mis en _uvre dans nos différents pays. L'instauration d'un enseignement de trois langues étrangères permettrait le développement du français et de l'allemand ;

· l'équivalence des diplômes ;

· la coopération universitaire, insuffisante et parfois plus importante entre certains pays européens et les Etats-Unis qu'à l'intérieur même de l'Europe.

Ce sont là des exemples de sujets qui " parlent " aux citoyens.

Concernant la recherche d'une plus grande clarté, il faudrait réfléchir à l'instauration d'un Conseil des ministres permanent. Cette solution, évoquée par la Délégation, mériterait d'être débattue entre Allemands et Français.

Enfin, je souhaite aborder un sujet d'une actualité peut-être plus lointaine, mais qui n'en est pas moins extrêmement important. L'Europe sera bientôt composée de vingt-sept pays, alors qu'elle dispose d'un système de présidence tournante tous les six mois. Alors que nous insistons sur la nécessité d'une Europe politique forte, force est de constater notre incapacité à faire fonctionner l'Europe de façon efficace.

Peut-être devrons-nous aboutir à l'élection d'un président de l'Europe. Pour ma part, j'estime qu'une telle élection devrait être le fait du Conseil des ministres, qui est légitime pour le faire, mais il s'agit d'une discussion qui devrait avoir lieu entre les commissions du Bundestag et de l'Assemblée nationale. S'il ne s'agit pour l'instant pas d'un problème urgent à résoudre, il deviendra gravissime lorsque les rotations s'effectueront tous les treize ans et demi...

Christian STERZING

Cette résolution porte spécifiquement sur la Convention et nous devons veiller à ne pas mélanger les différents niveaux de débats. Nous discutons des méthodes et des procédures nécessaires à la poursuite de l'intégration. La question de l'architecture institutionnelle future de l'Union européenne relève d'un autre chapitre qui, je l'espère, pourra faire l'objet d'un débat commun...

Les deux sujets sont cependant liés, puisqu'il s'agit, dans les deux cas, d'orienter la réforme vers davantage de démocratisation et de parlementarisation de l'action européenne.

Il faut distinguer la question du rôle des parlements nationaux dans l'architecture européenne future, dont traite la déclaration de Nice, de celle, abordée par le Président Forni, du rôle de la politique européenne nationale dans l'architecture institutionnelle interne de chaque Etat membre.

Nous assistons à la parlementarisation d'un processus qui, par le passé, relevait essentiellement de l'exécutif, même si les parlementaires allemands ont toujours été très directement associés aux CIG, via l'information et le dialogue avec leurs gouvernements.

Cela constitue déjà un premier pas vers une montée en puissance de la dimension parlementaire dans la discussion.

S'il est tellement important de parlementariser ce processus, c'est bien parce qu'une convention composée majoritairement de parlementaires permettra une nouvelle forme de débat sur l'avenir de l'intégration européenne. Ce débat ne sera en effet pas uniquement constitué des points de vue des représentants gouvernementaux : il ne sera plus question, à propos d'un dossier, de faire valoir un modèle portugais, français, italien.... Cette parlementarisation du débat dans le cadre de la Convention aura un retentissement politique sur le débat sur l'avenir de l'Europe. Cela aura pour effet de dénationaliser le débat européen rendant possible l'ouverture de nouvelles potentialités.

Il y a un an, juste avant Nice, il était quasi impensable de penser que nous serions aujourd'hui en mesure d'aborder concrètement l'organisation d'une convention, ce qui prouve à quel point la parlementarisation du débat lui confère une dynamique propre.

L'espoir que j'associe à cette convention est que cette dynamique parlementaire ne soit pas circonscrite par les décisions de Laeken mais qu'elle constitue au contraire une contribution supplémentaire au développement du débat européen.

Peter ALTMAIER

Nous avons tous salué l'organisation de cette rencontre - peut-être en partie parce que durant ces cinq ou six dernières années, le moteur franco-allemand n'a plus tourné de façon aussi régulière qu'il le faisait au cours des premières années de l'intégration européenne. Au gré de nombreuses discussions avec des collègues italiens, hollandais, belges, portugais ou grecs, j'ai remarqué que ceux-là même qui, par le passé, considéraient avec envie et méfiance l'axe franco-allemand, constatent aujourd'hui que l'existence de malentendus, voire de contradictions entre nos deux pays constitue un handicap pour la dynamique européenne. Il est donc important, grâce au sommet de Nantes ou à cette réunion d'aujourd'hui de renouer avec la tradition.

Je note également, en comparant le débat européen dans nos deux pays, que nos collègues français sont souvent bien plus courageux que nous dans leurs propositions et leurs terminologies. En Allemagne, lorsque nous parlons de traité constitutionnel, nous pensons à un traité constitutionnel ratifié par le Parlement, tout comme nos homologues français. Mais ces derniers, depuis le grand discours de Jacques Chirac à Berlin, ont le courage de parler d'une " constitution ", ce qui traduit bien plus clairement notre volonté aux yeux de l'opinion publique.

Nous devons aussi particulièrement veiller à ce que le débat au sein de la convention ou de nos parlements sur l'avenir de l'Union européenne ne se réduise pas à des questions juridiques ou techniques - si importantes soient-elles. Les questions abordées doivent être suffisamment attrayantes pour que les citoyens aient le sentiment que l'enjeu est bien de résoudre leurs problèmes. Le débat sur le mandat d'arrêt européen est caractéristique : les citoyens ne comprendront pas l'importance de disposer d'une majorité qualifiée s'il ne leur est pas expliqué que ce mandat d'arrêt européen risque d'être tardif et édulcoré en raison de l'exigence de l'unanimité. Chaque pays - et particulièrement l'Italie - a ainsi la possibilité d'exercer un véritable chantage et de forcer un accord autour du plus petit dénominateur commun.

Enfin, l'un de nos collègues français a indiqué que ce projet de résolution exprimait une prise de position quant à l'état actuel du processus, mais que pendant les délibérations de la convention, puis lors de la CIG, il serait nécessaire d'apporter une contribution franco-allemande émanant de nos deux parlements. C'est pourquoi je propose la création d'un groupe de travail commun aux délégués à la convention ainsi qu'aux représentants de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et de la Commission des affaires européennes du Bundestag. Ce groupe pourrait se réunir, au cours des prochains mois, alternativement à Paris et Berlin pour traiter des différents points du mandat de la Convention et de la CIG afin de tenter de formuler des positions communes.

Nos positions divergent sans doute quant aux objectifs à atteindre concernant certains dossiers, mais l'approfondissement de nos échanges facilitera la définition de positions communes qui trouveront l'assentiment de nos amis européens.

Gert WEISSKIRCHEN

Ce texte fournit une excellente base de travail en ce sens qu'il décrit un certain nombre de tâches réalistes et orientées vers l'avenir. C'est pourquoi il me semble que nous avons imaginé là une démarche convaincante. Il serait judicieux, si deux parlementaires des parlements nationaux participent effectivement à la Convention, de ne pas oublier que les suppléants doivent jouer un rôle important. Les parlementaires sont des médiateurs entre les gouvernements et la société civile qui souhaite s'exprimer au sein de cette Convention, afin de faire vivre et se développer l'idée européenne. Il convient donc de toujours garder à l'esprit les notions de représentation et de représentativité. Les gouvernements et les partis majoritaires ne sont pas les seuls à devoir être représentés : les partis minoritaires ou d'opposition doivent également l'être. Alors que le 10 décembre est la Journée de droits de l'homme, affirmons clairement ce principe de représentation des oppositions et des minorités parlementaires.

Par ailleurs, je tiens à souligner le point central du texte.

D'une part comment utiliser au mieux la phase actuelle, pour relancer le moteur franco-allemand ? Jusqu'à présent, ce vieux moteur, fonctionnait à l'essence, forme d'énergie classique, mais nous sommes aujourd'hui face à la nécessité d'un nouveau mode de motorisation, qui doit bénéficier d'une nouvelle impulsion - d'où l'importance de notre tâche.

D'autre part, l'idée de constitution suppose une volonté politique. Comment l'Europe s'imagine-t-elle investie d'une nouvelle légitimité démocratique et dotée d'institutions adaptées ? Quelle doit être l'énergie centrale de cette nouvelle Europe ?

Il s'agit d'un projet indispensable, en ce sens que l'architecture institutionnelle actuelle ne permet plus de poursuivre plus loin la réalisation de nos objectifs et que les mécanismes existants ont atteint la limite de leurs possibilités. D'ici dix ans, dix nouveaux membres auront peut-être rejoint l'Union. L'élargissement sera en tous cas substantiel. Or nous savons que les mécanismes institutionnels actuels s'épuisent d'eux-mêmes. Il nous faudra donc faire preuve de courage, d'audace et de créativité. Cette convention pourrait ainsi servir de modèle à la façon dont, demain, cette nouvelle Europe pourrait bénéficier d'une nouvelle légitimité démocratique.

J'espère que les collègues participant à la convention auront pleinement conscience de cette responsabilité et n'oublieront jamais d'établir le lien avec les parlements nationaux dont ils sont issus.

Il existe certaines règles fondamentales communes à tous nos parlements et à toutes nos constitutions et certaines règles ou valeurs auxquelles nous ne voulons pas renoncer. Pour ma part, je ne souhaite pas renoncer au droit du Parlement de faire intervenir l'armée en son nom. C'est à ce niveau que notre dialogue pourrait permettre la réflexion, sur la détermination des domaines dans lesquels nous sommes prêts à abandonner certaines prérogatives et, au contraire, des règles centrales que nous souhaitons conserver. Nous devrons en discuter très ouvertement car c'est à cette condition que nous serons en mesure de déterminer les intérêts des uns et des autres.

Charles EHRMANN

Je ne puis qu'être frappé par le caractère extraordinaire de la présente rencontre, qui réunit ainsi des députés allemands et français. Jamais je n'aurais pu, autrefois, imaginer un tel événement.

Je suis né en 1911 et nos deux pays sont entrés en guerre en 1914. En tant que professeur, j'ai enseigné à mes élèves que depuis François Ier, la France et les Allemagnes étaient en guerre tous les vingt-trois ans. Mon père ayant été tué à la guerre, je suis parti en 1939 avec l'idée que j'allais moi-même être tué vingt-cinq ans plus tard, après avoir entendu certaines personnalités, comme Aristide Briand, en 1929, dire adieu eux canons et aux mitrailleuses. L'Allemagne était l'ennemi héréditaire.

La France est l'Allemagne sont aujourd'hui en paix depuis cinquante-six ans. Nous discutons comme des frères, ce qui était autrefois inimaginable.

Je souhaite qu'avant de débuter vos réunions, souvent si difficiles, un petit paragraphe rappelle toujours que l'Europe, c'est avant tout la paix. Si cette simple réalité avait été rappelée aux Danois, dont le pays a été occupé, peut-être se seraient-ils sentis plus européens qu'ils ne le sont actuellement.

Cela étant, en tant que professeur de classe préparatoire aux grandes écoles, j'ai suivi l'Europe depuis la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) et je l'ai vu se développer jour après jour. Je vis la politique française depuis le " cartel des gauches " de 1924. Or j'ai constaté que l'Europe se fait par la volonté de quelques hommes : côté français citons Schuman, Monnet, le général de Gaulle, prisonnier des Allemands puis évadé et tendant la main à Adenauer, Mitterrand, à Verdun avec Kohl. Il faudrait toujours rappeler ces faits avant d'aborder les difficultés.

Je ne peux non plus évoquer tout cela sans rappeler que Delors, à la tête de la Commission durant dix ans, fit à lui seul avancer l'Europe.

Aujourd'hui, chacun ne fait que formuler des restrictions.

Un article, qui vient de paraître dans la presse, souligne qu'un dossier sur quatre était résolu dans le cadre de l'Europe des six, un dossier sur quinze dans le cadre de l'Europe des neuf et que seulement 2,5 % des dossiers seront réglés avec l'Europe des vingt-sept, soit un sur quarante. C'est pourquoi il me semble, bien que je sois député depuis 1976 - j'avais alors 65 ans -, que seul un exécutif fort, qu'il nous appartient de construire, permettra de progresser. Certaines CIG ont été des échecs (Turin, Florence...) en raison de la faiblesse de l'exécutif.

Le principe de subsidiarité permettra de résoudre de nombreux problèmes mais, au-delà, la boutique n'avancera que si les parlementaires ne sont pas trop nombreux. Ces propos ne remettent pas en cause le formidable travail d'Alain Barrau. J'ai d'ailleurs été membre de la Délégation durant deux ans, mais j'ai dû la quitter, en raison de l'importance de la charge de travail... Mais j'ai quatre-vingt dix ans, et je tiens à dire que pour faire l'Europe, il faut avancer sans s'embarrasser de trop de restrictions. J'ai lu les documents qui m'ont été remis : ils sont longs de plusieurs dizaines de pages et j'ai bien de la peine à les comprendre, bien que je sois agrégé. L'Europe, ce n'est pas cela ! L'Europe est un processus qui doit aller de l'avant, en vertu de la volonté de quelques uns : les autres suivront !

Je vous en supplie, n'élargissez pas l'Europe avant d'en avoir transformé les institutions, sous peine d'aboutir à une Europe sans tête, anarchique. Cette Europe est belle au plan économique et se construit au plan militaire. Plusieurs siècles après Dioclétien, le premier à avoir instauré une monnaie unique pour l'empire romain, l'euro est la plus belle des réalisations. Je remercie l'Allemagne à ce propos, car dans les pays de l'Est, que ce soit en Tchéquie ou en Pologne, c'était le mark qui était la devise reine, juste derrière le dollar. Il s'agit donc d'un beau cadeau qu'elle nous a fait, parce que nous lui avions fait accepter la réunification. Je tiens d'ailleurs à témoigner de mon admiration à l'égard de l'Allemagne.

A propos de l'enseignement des langues et en tant qu'Alsacien, je témoigne de l'existence, en Alsace, de nombreuses écoles où le français et l'allemand sont enseignés respectivement le matin et l'après-midi. Il est nécessaire de développer cette tendance.

Je vous en supplie, faites-en sorte que l'exécutif se construise car c'est lui seul qui va de l'avant et nous pourrons ensuite le remercier.

Raymond FORNI

Le parlementarisme conserve et je m'en félicite chaque fois que j'entends Charles Ehrmann, toujours remarquable tant sur le fond que dans la forme. Il me semble que ses propos ne sont pas totalement contradictoires avec le contenu des interventions précédentes. Il existe une continuité générale qui augure bien de la suite...

Georges LEMOINE

Mon intervention s'inscrit dans la continuité de celle de Charles Ehrmann, avec lequel je partage le souvenir du lycée Marceau de Chartres, à quelques années d'écart... Sans doute est-ce à cette source que nous avons puisé nos références communes.

Je souhaite également rendre hommage aux anciens combattants, qui ont peut-être été les premiers à nous aider à instaurer des jumelages entre les villes françaises et allemandes, afin de faire naître ces contacts de ville à ville, qui existent aujourd'hui depuis près de trente ans. C'est par ces jumelages que nous avons fait avancer l'idée d'une Europe en tant que patrie commune.

Je souhaite par ailleurs intervenir sur la politique européenne de sécurité et de défense dont il est fait mention à la fin du projet de résolution. Jusqu'à ce jour, nous qui sommes liés par le traité de Bruxelles modifié, qui a mis en place l'Union européenne occidentale et qui avait la charge des missions de Petersberg, jusqu'à leur transfert à l'Union européenne, nous n'avons pas défini les moyens d'assurer un contrôle démocratique. Nous souhaitons, dans le cadre de l'Union européenne occidentale, respecter les décisions gouvernementales, mais nous souhaitons que les parlements soient toujours en mesure d'assurer un contrôle démocratique de cette politique de sécurité et de défense.

Je souhaite que la déclaration soit peut-être un peu plus précise à ce sujet.

Friedbert PFLUGER

J'ai trouvé ce débat riche et passionnant. Au-delà des frontières géographiques et des couleurs politiques, les parlementaires affichent un large accord quant au fait que la Convention ne saurait être une " cour de récréation " pour députés, mais qu'elle a besoin d'une véritable énergie parlementaire. Des propositions concrètes ont été formulées et nous pourrions demander aux présidents Forni et Thierse de rédiger une lettre commune avant Laeken ou de rencontrer le Chancelier allemand, le Président de la République française et le Premier ministre afin de souligner avec force cette requête qui traduit la conception commune des deux parlements. La proposition de Peter Altmaier et d'autres me semble bonne. Il ne s'agit pas simplement de se limiter à la formulation d'une résolution dans la perspective de la Convention. Notre coopération devra se poursuivre tout au long de la convention afin de rapprocher les positions allemandes et françaises, ce qui servira la convention elle-même.

Par ailleurs, je tiens à remercier Charles Ehrmann pour ses propos fort émouvants. Les problèmes que nous rencontrons ne doivent jamais occulter à nos yeux l'enjeu essentiel qui est celui de la paix et de la liberté en Europe.

Alain BARRAU

Je remercie les parlementaires d'être restés dans le cadre du document tout en l'enrichissant. Il constituera notre base de travail pour Laeken et ces prochains mois.

Tout d'abord, parmi les propositions formulées, je souhaite souligner celles qui portaient sur la signification même de ce modèle économique et social européen. C'est le sens du second paragraphe, que nous pourrions encore étoffer, sous la responsabilité des deux présidents, afin de mettre en avant l'importance du contenu même de l'Union par rapport au monde multipolaire que nous voulons bâtir.

De surcroît, il nous faudra approfondir la place des parlements nationaux dans cette construction, en distinguant les sujets relevant directement de la responsabilité et de la compétence de chacun des parlements nationaux, qui doivent conquérir une place plus importante dans leurs pays respectifs au regard du fonctionnement européen. Nous pourrons à ce sujet retenir les propositions de plusieurs intervenants, dont Jean Launay, qui proposent d'instaurer, tout au long de la Convention, une collaboration franco-allemande permettant de suivre ses travaux et de procéder aux adaptations nécessaires à la participation et aux thèmes qui seront débattus. Une structure permanente pourrait ainsi être créée pour poursuivre les travaux de notre réunion.

Il est important d'avancer pas à pas. De la leçon des pères de l'Europe, évoquée par Charles Ehrmann avec le brio et l'émotion qui lui sont coutumiers, il convient de retenir évidemment l'idéal de paix, mais également cette démarche pragmatique des " petits pas ".

La phase actuelle est très importante, en ce sens que si nous assumons nos responsabilités de parlementaires, un certain nombre de processus ne pourront plus se dérouler comme auparavant. Certains débats ne pourront plus concerner uniquement les gouvernements mais devront se dérouler au sein d'une instance à laquelle les parlements nationaux et le Parlement européen participeront pleinement. Nous devons politiquement et dans notre diversité assumer ce pas démocratique supplémentaire réclamé par l'opinion publique. Il s'agit du troisième point sur lequel je souhaite que nous insistions dans ce texte, avec l'accord des présidents.

Raymond FORNI

Je propose au Président Thierse que les positions, opinions et nuances exprimées soient intégrées au texte de la résolution, grâce à une concertation entre les deux responsables de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et de la Commission des affaires européennes du Bundestag, sans bien entendu que l'équilibre général en soit bouleversé. L'architecture générale doit rester en l'état, sous réserve des améliorations qui pourraient être apportées au terme de cette fructueuse discussion.

Par ailleurs, avec l'accord du Président Thierse, nous pourrions demander aux parlementaires allemands et français de se prononcer formellement sur le principe de cette déclaration commune, de façon à lui conférer une réelle portée.

Il est demandé aux parlementaires de se prononcer sur l'adoption de cette déclaration commune, sous les réserves indiquées. La déclaration commune est adoptée à l'unanimité.

L'Europe face à la nouvelle donne internationale

Le couple franco-allemand à la base de l'unité européenne

François LONCLE

Président de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale

Plus l'Europe progresse, moins elle constitue une affaire étrangère... Cependant, nos deux commissions, en liaison avec nos deux délégations, sont actuellement extrêmement mobilisées par l'Europe.

Une Europe plus unie

Mesurons le chemin accompli ne serait-ce qu'au cours des dix dernières années, en se référant à deux expériences : Schengen et la charte des droits fondamentaux.

Schengen fut un processus d'élaboration d'abord hautement technocratique, puis gouvernemental, les parlements n'ayant servi qu'à ratifier un texte considérable par son importance et sa technicité, mais à l'élaboration duquel ils ne furent à aucun moment associés.

La charte des droits fondamentaux fut quant à elle l'objet d'une élaboration parlementaire avant d'être confiée à l'exécutif. Nous pouvons être fiers de cette évolution qui présage des années futures et espérons-le de la réussite de la prochaine convention.

Si les attentats du 11 septembre n'ont pas provoqué de bouleversement complet des relations internationales, ils en ont sensiblement modifié la donne. Nous sommes plus sensibles au risque terroriste encouru par les sociétés modernes, y compris les plus sophistiquées et les plus puissantes. Cette perception nouvelle du danger affecte la vie quotidienne des Européens.

Dans ce contexte, les problèmes de sécurité, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'Union européenne, sont considérés comme des priorités, ce qui ne peut qu'influer sur les prochaines étapes de la construction européenne, notamment dans les domaines de la justice et de la police, et plus encore concernant les capacités d'action de l'Union, c'est-à-dire sa politique extérieure et sa sécurité commune.

Au contraire des dissonances apparues lors de l'éclatement de la Yougoslavie ou à l'occasion de la guerre du Golfe, l'Europe s'est rassemblée dans la lutte contre le terrorisme, tout comme elle avait été solidaire lors de la crise du Kosovo, et plus encore en Macédoine.

Cependant, l'Europe est aujourd'hui plus unie diplomatiquement que militairement. L'action en Afghanistan démontre une fois encore qu'au contraire de ce que présentent les partisans du repli sur soi, il faut davantage d'Europe : une Europe politique et diplomatique et si possible une Europe de la défense. Il s'agit de l'une des clés pour peser non pas contre, mais face aux Etats-Unis. Dans cette perspective, il convient à mon sens de renforcer le rôle de Haut représentant pour la PESC - dont le titulaire est actuellement Javier Solana - et à terme, de procéder à la fusion des fonctions et des responsabilités de Javier Solana et de Chris Patten, le Commissaire chargé des relations extérieures.

L'importance du couple franco-allemand

Il revient à l'Allemagne et à la France de prendre des initiatives communes pour doter l'Union européenne d'une véritable personnalité internationale. Sans une étroite coopération franco-allemande, aucun projet européen n'a réussi par le passé, ne réussit dans le présent ni ne pourra réussir dans l'avenir.

Lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord, l'Europe progresse. Ensemble, Français et Allemands ont entraîné la Communauté européenne et ont relevé de grands défis ; l'introduction de l'euro en fournira dans trois semaines l'éclatante démonstration. Dès le 1er janvier, deux autres défis majeurs se présenteront : la réunification et l'avenir politique de l'Europe, qui sera le thème de la prochaine Convention. J'emploie volontairement le terme de " réunification " en lieu et place d' " élargissement ". Il dépend de nos deux pays que l'Europe réunifiée continue d'être animée d'une dynamique d'intégration. Tant sur le plan communautaire qu'international, l'entente et la coopération entre la France et l'Allemagne sont nécessaires encore plus aujourd'hui qu'hier.

Cependant, la relation franco-allemande est guettée par la routine, voire l'indifférence. La normalisation des rapports entre nos deux pays risque de sombrer au mieux dans ce qu'Hubert Védrine nommait " une sympathie distraite ". Il existe au demeurant un paradoxe franco-allemand : plus les sociétés françaises et allemandes s'harmonisent, plus les économies des deux pays s'interpénètrent, plus les politiques se coordonnent, plus la France et l'Allemagne semblent banaliser leurs relations politiques. Or ces deux pays entretiennent des relations particulières, forgées par l'histoire, la géographie, la culture. Comment dès lors redonner du sens et de la vie à cette relation franco-allemande ?

Tout d'abord en cultivant et en faisant fructifier le capital extraordinaire accumulé depuis des décennies. Nous disposons d'un héritage partagé de pratiques, d'expériences, de souvenirs, de solidarités, de complémentarités sans équivalent au monde. Aux Français et aux Allemands d'inventer ensemble les réponses - qui ne peuvent être exclusivement nationales - à apporter aux grands défis de la globalisation et de la construction européenne.

Rassemblons-nous autour de grands projets fédérateurs, comme la nouvelle Convention. Dans le cadre de la diplomatie parlementaire, chère au Président Forni, prenons des initiatives parlementaires, par exemple au Proche et au Moyen-Orient. C_ur du c_ur de la construction européenne, le couple franco-allemand doit impulser un nouvel élan au processus d'unification européenne. N'est-il pas le médiateur naturel vers l'Europe orientale et les pays de la Méditerranée ? Sa mission est d'élaborer une grande ambition européenne, capable de surmonter les clivages géographiques, historiques et idéologiques.

Ces objectifs peuvent être atteints si nous en avons les uns et les autres, à commencer par les députés que nous sommes, la volonté politique.

Au-delà des enjeux nationaux : l'Europe

Hans-Ulrich KLOSE

Président de la Commission des affaires étrangères du Bundestag

Le " passage à vide " de la coopération franco-allemande

Ces relations franco-allemandes bénéficient par chance d'un socle institutionnel et d'une qualité telle que la coopération fonctionne, même si l'harmonie entre les individus n'est pas aussi chaleureuse qu'elle n'a pu l'être par le passé, notamment entre Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt. Il s'agit là d'un aspect important, en ce sens que le cadre institutionnel est le garant d'une certaine stabilité et d'une réelle continuité.

D'autres motifs de préoccupation peuvent être détectés dans la coopération franco-allemande : la diminution du nombre d'élèves français et allemands apprenant la langue du pays partenaire, de même que la diminution du nombre d'ouvrages traduits du français vers l'allemand et réciproquement. Il est nécessaire de combattre cette tendance. Je rêve depuis toujours de l'instauration d'un principe selon lequel aucun élève n'aurait le droit de passer les épreuves sanctionnant la fin du second cycle scolaire et donnant accès aux études supérieures sans avoir suivi au moins six mois de cours dans un autre pays de l'Union européenne. Pourquoi la France et l'Allemagne ne s'inscriraient-elles pas dans telle une démarche ? Ce serait là une véritable contribution à l'intégration européenne.

Le " passage à vide " de l'intégration européenne

Le Président Thierse s'est inquiété d'un possible assoupissement de l'enthousiasme européen.

Les préoccupations et craintes actuelles des hommes et des femmes en Europe traduisent le fait que les responsables politiques ont peut-être un peu perdu le désir de l'intégration. L'Europe, telle qu'elle a été créée par nos gouvernants, me donne parfois le sentiment que l'évolution va vers plus d'intergouvernemental et vers moins d'intégration. Le mandat d'arrêt européen suscite des objections italiennes, ou plutôt des objections de Monsieur Berlusconi, ce qui n'est pas forcément la même chose ; le brevet européen pose problème aux Espagnols ; le droit d'asile et d'immigration en Europe donne lieu à des positions allemandes particulières ; quant à la déréglementation des marchés de l'énergie et des services postaux, elle se heurte à quelques hésitations de la part de nos amis français.

Le climat n'est donc pas à la convergence ou au rapprochement. Il pourrait même être avancé que ces derniers temps, nous avons assisté à une certaine re-nationalisation des politiques communes.

Quel jugement porter sur le fait qu'au lendemain du 11 septembre, alors qu'une plus grande communauté aurait dû être recherchée, les trois " grands " d'Europe, la France la Grande-Bretagne et l'Allemagne, aient, parfois à deux, parfois à trois, discuté et délibéré, non pour traiter de la présence militaire européenne dans la lutte contre le terrorisme, mais afin de voir quelles étaient les possibilités d'action seul ou à deux ?

Les noms de Javier Solana et du général Robertson n'ont par ailleurs pratiquement pas été cités dans les médias.

Tout cela doit nous inciter à réfléchir davantage aux concepts de politique étrangère et de sécurité commune, d'identité européenne en matière de sécurité et de défense, le tout afin de définir ce que nous souhaitons pour l'Europe et par l'Europe dans ces domaines.

Dépasser les enjeux nationaux pour faire valoir les enjeux européens

Le Chancelier Helmut Kohl a toujours souligné que la politique européenne était une politique de paix. A terme, il est certain que la paix et la prospérité ne pourront être assurées pour tous les citoyens que si nous coopérons. L'Europe échouera à devenir un acteur à part entière de l'échiquier mondial si ce sont toujours des Français, des Italiens, des Allemands ou des Britanniques qui se manifestent. Il faudrait à chaque fois s'exprimer en tant que Français et Européen, Allemand et Européen, Britannique et Européen, en ayant toujours avec soi tout le poids de l'Union européenne afin de donner force à ses positions. Si nous voulons être un partenaire des Etats-Unis, traiter avec eux d'un pied d'égalité, nous devons coopérer, car chacun d'entre nous est bien trop petit et bien trop faible pour prétendre le faire isolément.

Il est important de traiter de ces questions et de prendre conscience de ce que sera à terme la vision d'une Union européenne. Je ne suis pas en mesure de définir la finalité européenne, que bien peu appréhendent véritablement, mais je sais quel cap nous devons suivre si nous voulons que notre continent, si riche, puisse apporter son concours à l'amélioration des conditions de vie dans le monde. C'est essentiel si nous voulons éviter que tout ce qui relève spécifiquement de l'Europe, résultat de siècles d'histoire, ne soit submergé sous les diktats plus ou moins amicaux d'autres puissances.

Au-delà des paroles, il faut aujourd'hui des actes et des progrès concrets.

L'Europe n'appartient pas aux gouvernements, mais à ses peuples, représentés par les parlements et à qui il appartient de désigner les gouvernements. Nous devons être plus conscients de notre rôle et de nos responsabilités et travailler à faire de l'Europe un acteur mondial dont la voix ne sombre pas dans l'oubli.

Débat

Monika GRIEFAHN

Il manque à cette discussion le rappel de la façon dont s'est progressivement construite la paix en Europe.

Je représente une circonscription rurale, dont la ville la plus importante compte 30 000 habitants, et qui dispose d'un jumelage franco-allemand très actif. Nous avons récemment reçu la chorale de la ville française jumelée, qui a donné un concert avec la chorale de ma ville. Cent cinquante chanteuses et chanteurs ont ainsi interprété des _uvres françaises et allemandes. La vision de ces hommes et femmes, appartenant à des peuples opposés par la guerre voici cinquante ou soixante ans et chantant aujourd'hui sur la même scène, fut très émouvante. C'est cette entente entre les hommes et les femmes qui a permis de forger la paix et l'entente en Europe, notamment grâce à l'Office franco-allemand de la jeunesse, qui promeut une politique d'échange et compte même à son actif quelques mariages !

Or nos débats, souvent technocratiques et bureaucratiques, négligent la dimension humaine et vivante des relations et des échanges.

J'ai été cet été invitée à rencontrer des instituts français à l'étranger et l'Alliance française. Il fut question du renforcement des ces échanges dans les pays non européens. Il me semble qu'il s'agit là d'un rôle extrêmement important et insuffisamment évoqué dans le cadre de la réflexion globale. Ce travail relève essentiellement des instituts et des gouvernements. Les parlements s'intéressent à la politique étrangère et de sécurité commune, délibèrent des traités, mais n'élaborent pas de réflexion sur la façon de créer le dialogue entre les peuples. Or ce dialogue n'est possible que s'il existe un dialogue entre les hommes et les femmes. Il s'agit d'un point que les parlements doivent aborder et à propos duquel il faut exiger des actes. Le recul de l'enseignement des langues et des traductions s'explique par l'absence de relations directes entre les hommes et les femmes. La France ne doit pas être un simple lieu de vacances aux yeux des Allemands, mais un pays dont la population est riche d'une identité culturelle différente de la leur. La richesse de l'Europe réside justement dans la coexistence totalement pacifique d'une si grande diversité de cultures. Nous devons offrir à l'extérieur l'image d'un visage uni.

Aujourd'hui, la vision des Israéliens et des Palestiniens nous condamne presque au désespoir, mais n'oublions pas qu'il en allait de même, voici quelques décennies, concernant la vision des Français et des Allemands...

Je souhaite que les parlements concourent à l'animation des échanges entre les peuples en mobilisant des ressources financières en élaborant des programmes concrets.

Jean-Bernard RAIMOND

Je souhaite insister sur le rôle que l'Allemagne et la France, et notamment leurs parlements, peuvent jouer en Europe au niveau de la coopération dans le domaine de la politique extérieure et de la sécurité.

Ces dernières années, particulièrement depuis Saint-Malo, des progrès considérables ont été accomplis pour concevoir la politique européenne de défense et de sécurité. Les mécanismes ont été renforcés et chacun a pris conscience de la nécessité d'une telle politique. Le rôle que l'Europe a finalement joué dans les Balkans constitue une bonne illustration de ce réveil. Depuis la crise du Kosovo, voire lors des évènements de Macédoine où les seules troupes présentes étaient européennes, l'Europe - notamment grâce à nos amis allemands - a démontré sa capacité à jouer son rôle dans les crises, et à intervenir en cas de conflit. Ces dernières années, les progrès semblent avoir été plus spectaculaires dans le domaine de la défense que de la diplomatie.

L'une des grandes leçons à retenir du 11 septembre est que l'un des freins à l'instauration d'une politique d'envergure en matière de défense européenne réside dans le fossé qui existe entre les capacités militaires des Européens et celles des Etats-Unis. Il devient prioritaire de renforcer les budgets de la défense dans le cadre de la coopération européenne et de la coopération franco-allemande. L'avion de transport A-400M constitue une illustration de cette nécessité et des éventuelles possibilités dans ce domaine.

L'une des autres conséquences du 11 septembre, pour les parlements, est que ces dramatiques évènements ont prouvé aux opinions l'importance du contexte international dans la politique intérieure. Cela a toujours été vrai, mais il a longtemps été considéré que l'opinion ne s'y intéressait guère et qu'elle était essentiellement préoccupée par les problèmes nationaux. Désormais, la montée en puissance de l'international permettra peut-être des initiatives sur le plan politique, notamment au Proche et au Moyen-Orient, et éventuellement avec les Russes.

Rita SÜSSMUTH

Je souhaite revenir sur la politique de sécurité et de défense. Nous constatons au niveau international que les autres pays attendent beaucoup de l'Europe mais que cette dernière n'est pas toujours à la hauteur de cette attente. De fait, l'Europe est de plus en plus considérée, même par les pays candidats, comme plus procédurière que politique. Ce défaut semble également entacher les relations franco-allemandes. Avant d'être un moteur ou une force d'impulsion pour l'Europe, il nous faut donc nécessairement nous interroger sur les moyens concrets de dépasser nos propres problèmes en matière de politique étrangère et de défense. Sommes-nous réellement capables de montrer à la face du monde que nous pouvons agir de façon exemplaire, c'est-à-dire de façon supranationale mais tout en préservant nos intérêts nationaux ? Les citoyens européens nous demandent quels sont les problèmes que nous sommes capables de résoudre, en matière d'environnement, de sécurité sociale, d'emploi. Il importe d'évoluer progressivement dans ces domaines qui concernent directement les citoyens.

Au niveau pratique, nous, Européens, avons fait preuve d'une plus grande efficacité dans les Balkans que dans la résolution de problèmes nous concernant directement. Le temps est venu d'agir. Peter Altmaier nous a enjoint à ne pas attendre la prochaine rencontre pour présenter nos déclarations. Créons des groupes de travail, essayons de promouvoir l'intégration européenne au quotidien par un travail de tous les jours. Cela ne relève pas de la seule responsabilité de l'exécutif, mais de la responsabilité directe des parlementaires.

Il est également nécessaire de faire comprendre aux jeunes que, dans le cadre de la mondialisation, nous tenons à préserver nos origines. Il s'agit non seulement pour eux de s'engager dans le monde, d'apprendre l'anglais, mais également d'être fier de leur origine et de leur langue.

Il ne suffit pas de lancer des appels : il est indispensable d'agir concrètement au niveau universitaire, informatif et culturel.

Pour prendre un exemple, il est explicitement dit que l'intégration des immigrés ne relève pas d'une mission européenne mais d'une mission nationale. Or il me semble nécessaire de trouver également des approches européennes et de mettre au point des visions communes. Il est donc opportun d'agir concrètement afin de conférer un rôle moteur à nos deux pays.

Raymond FORNI

Je ne sais si nous disposons aujourd'hui d'une politique de défense commune ou d'une politique étrangère commune, mais l'une comme l'autre s'imposeront dès lors que l'Europe ne voudra plus jouer les seconds rôles, qu'elle ne se complaira plus cette situation dans laquelle elle s'est longtemps trouvée, consistant à bénéficier d'une protection assurée par d'autres. Dès lors qu'elle considérera que les évènements qui se déroulent chez elle, en Europe, notamment aux Balkans, mais aussi au Moyen-Orient, concernent directement la sécurité et la paix de ses peuples.

Dès lors que cette conviction sera acquise, des moyens pourront toujours être trouvés pour élaborer une politique étrangère et de défense européenne.

Il n'est dans l'intention ni de la France ni de l'Allemagne de se complaire dans une situation de subordination ; c'est pourquoi une politique étrangère commune et une politique de défense plus ambitieuse me semblent nécessaires et opportunes.

Maurice LIGOT

J'ai été extrêmement impressionné par les propos d'Hans-Ulrich Klose, notamment par sa dénonciation des déviations vers le national et l'intergouvernemental, qui nuisent à l'intégration européenne et à une véritable action de l'Union européenne en matière internationale, dont l'objectif serait non pas tant d'équilibrer le poids des Etats-Unis que d'exister véritablement à la face du monde.

A cet égard, si l'Union européenne a joué un rôle essentiel en faveur de la paix en Europe, elle pourrait jouer un rôle tout aussi essentiel en faveur de la paix dans le monde, notamment au Proche-Orient. Les relations entre Israël, pays souverain, et l'Autorité palestinienne, non souveraine et placée dans un état de dépendance et d'infériorité par rapport à son partenaire et plus proche voisin, peuvent avoir de graves conséquences sur la paix dans la région, voire dans le monde. C'est pourquoi, dans la ligne de la déclaration conjointe établie lors du sommet franco-allemand de Nantes voici seulement quinze jours, l'Union européenne - et pas seulement ses principaux Etat membres - devrait favoriser, au nom des principes de paix et de justice qui l'animent, des actions permettant de rétablir l'équilibre entre Israël et la Palestine. Cette zone n'est pas la chasse gardée des Etats-Unis, dont on sait par ailleurs qu'ils ne pourront favoriser l'équilibre entre les deux parties. Seule l'Union européenne est à mon sens en mesure de le faire. Puisque les représentants des parlements français et allemand sont aujourd'hui rassemblés, pourquoi ne pas inviter le Conseil européen, qui doit se réunir prochainement à Laeken, à prendre position et à se donner les moyens de favoriser le retour à la paix entre Israël et la Palestine ? L'Union européenne jouerait un rôle déterminant dans la vie du monde en favorisant la paix au sein du continent européen - c'est là sa mission première - mais également à travers le monde. Au-delà des diplomaties des pays membres, l'instauration d'une véritable diplomatie européenne, disposant de moyens adaptés pour favoriser cet équilibre, constituerait un facteur de paix considérable. Il n'est pas possible de laisser la situation " pourrir " ainsi dans cette région. Je lance donc un appel à nos deux assemblées afin qu'elles prennent une position en ce sens auprès du Conseil européen.

Rita GRIESSHABER

Le 11 septembre a montré de façon très nette que les pays qui ont joué un rôle de premier plan dans la coalition contre le terrorisme sont ceux qui sont dotés d'un véritable poids stratégique. Il ne faudrait pas commettre l'erreur d'oublier l'expérience des Balkans. Au niveau diplomatique, nous avons agi en tant qu'Etat, mais nous ne disposons pas de capacités militaires dans le cadre de l'Europe, ce qui explique la prédominance des Etats nations. En cas d'incapacité à faire montre à l'avenir d'efficacité et de capacité d'action, nous serons perdants.

Il importe donc de conforter nos positions communes en matière de sécurité et de défense européenne et d'accélérer le processus d'unification. D'autre part, il nous faut définir en commun des lignes d'action précises sur la façon dont nous comptons agir au niveau de l'OTAN, son rôle à l'avenir, l'importance que nous pouvons accorder, en tant qu'Européens, à l'OTAN et à notre politique commune de défense et de sécurité. Ces aspects doivent être éclaircis rapidement.

D'autre part, dans quelle mesure sommes-nous capables d'agir et d'entraîner les citoyens à s'inscrire dans notre démarche ?

Raymond FORNI

Parler d'une défense commune suppose des actions communes, par exemple la fabrication de certains matériels communs. Or je constate qu'à propos d'un sujet sensible, l'A-400M, les difficultés qui opposent la France à l'Allemagne ne sont pas minces. Le blocage actuel du programme risque de remettre en cause l'ensemble de la stratégie aéronautique européenne élaborée avec difficulté pour contrer la surpuissance des Etats-Unis, notamment celle de Boeing. Il ne s'agit pas en effet d'une simple commande militaire.

Si la solidarité ne joue pas dans ce domaine, il est difficile de songer à une quelconque élaboration politique. S'il en est ainsi aujourd'hui, sans doute demain la France et l'Allemagne pourront-elles parler des problèmes qui leur sont communs. Etant donnée notre responsabilité particulière, du fait de notre caractère d'exemple, il est nécessaire que nos deux pays examinent les motifs qui peuvent les conduire à préférer une décision plutôt qu'une autre. Chacun est prêt à comprendre les raisons de l'autre à la condition de les connaître, et de n'être donc pas maintenu dans l'ignorance.

En ce qui concerne le problème israélo-palestinien, non seulement l'Europe n'est pas très présente dans ce conflit, qui la concerne pourtant directement, pour des raisons historiques et géographiques, mais elle s'est jusqu'à présent laissée guider par l'approche des Etats-Unis sur cette question. François Loncle suggère d'envoyer une délégation de parlementaires français et allemands en Israël et en Palestine afin de tenter de convaincre ceux qui aujourd'hui s'affrontent sur le bien-fondé de rechercher une solution pacifique au conflit. Cette délégation, restreinte, pourrait se composer de quatre parlementaires, deux français et deux allemands. Une telle démonstration serait sans doute plus efficace que de simples discours.

René MANGIN

La récente réunion de Londres entre responsables de quelques Etats membres ne constitue pas, à mon sens, une bonne façon de concevoir l'Europe. Certains gouvernants ou gouvernements n'ont d'ailleurs pas apprécié cette rencontre. Ne serait-il pas possible d'imaginer une délégation représentant tous les membres de l'Union européenne, afin de lui conférer tout le poids de l'Union, et pas simplement celui du couple franco-allemand, qui doit encore se renforcer ?

Je souhaiterais qu'un ou deux parlementaires de chacun des parlements nationaux compose cette délégation de l'Union européenne, qui existerait au-delà du couple franco-allemand.

Par ailleurs, l'Europe ne sera que ce que nous voudrons en faire. Voici trois ans et demi, le Parlement français devait approuver une convention économique entre l'Union européenne et Israël. Les parlementaires, qui nourrissaient quelques états d'âme quant à la stagnation de la situation en Israël, avaient saisi cette opportunité pour s'exprimer politiquement sur le fond. Cela a eu pour conséquence de faire jouer la diplomatie pendant six mois, puisque trois ou quatre représentants du Quai d'Orsay vinrent nous rencontrer, tout d'abord en faisant valoir que nous n'étions pas dans le vrai puis, progressivement, en reconnaissant que nous n'étions pas non plus tout à fait dans le faux... Cette " anecdote " prouve que les parlements nationaux disposent non pas d'un pouvoir de renégociation, mais de la possibilité de mettre certains points en exergue afin d'influencer le cours des évènements. Or les parlementaires ont tendance à accepter les conventions comme des " faits accomplis " et à les entériner sans formuler les remarques qu'ils souhaiteraient pourtant exposer.

Certaines lectures rapides d'acceptation de convention ne sont même pas discutées en séance, pour des raisons liée à notre règlement ou à cause d'un temps de débat insuffisant. Depuis quelques temps, les parlementaires bénéficient d'une possibilité accrue de s'exprimer sur l'Europe, grâce au Président Raymond Forni et au Premier ministre Lionel Jospin. Nous avons tout intérêt à promouvoir ce débat au sein de nos instances nationales.

Wolfgang GEHRGKE

Nous partageons la même conception de la liberté, de la démocratie et de la paix. Reste que nous devons reconnaître que même sur notre propre continent, nous avons échoué à faire respecter cet idéal. Cela est encore plus vrai à l'extérieur du continent. Nous avons évoqué la nécessité d'une politique commune de défense, mais le terme de désarmement n'a pas été prononcé une seule fois. Souhaitons-nous renoncer à ce volet important de la coopération ? Non. Face aux problèmes rencontrés au sein de l'Union européenne, il est important de développer une position européenne commune. La sécurité ne sera possible qu'au sein d'une Europe globale, et non partielle. Notre responsabilité est de ce point de vue commune.

Par ailleurs, je m'associe à cette proposition d'une action rapide et sans délai au Proche-Orient, dans le respect des formes et des règles. Il est nécessaire d'exercer une pression sur les deux parties afin de trouver une issue à la violence et d'imaginer une solution. Rapidité et nécessité de l'action sont aujourd'hui prioritaires.

Christian SCHMIDT

Dans trois semaines, l'Europe sera dotée d'une monnaie fiduciaire commune. Nous déplorons la forte baisse de la valeur extérieure de cette monnaie depuis sa création, qui s'explique par des considérations tenant aux politiques structurelles ou à la réalité économique et occultant le fait que la valeur extérieure d'une monnaie commune est très largement conditionnée par l'image et par la capacité d'agir des pays qui la partagent.

Il semble que l'effet d'entraînement escompté ne soit pas au rendez-vous. L'instauration d'une communauté économique n'entraîne pas de communauté de défense, d'où la faiblesse de la monnaie unique. Un effort significatif est donc nécessaire pour que la prospérité de l'euro soit étayée et accompagnée d'une politique étrangère et de sécurité forte et d'une politique d'intégration également ambitieuse.

Voici deux exemples qui pourraient permettre de dégager quelques pistes. D'une part, les questions structurelles revêtent sans doute une importance plus grande que ne l'estimaient certains, d'où l'importance de la déclaration du sommet de Nantes, appelant à une fusion des rôles du Commissaire aux affaires extérieures et du Haut représentant pour la politique étrangère. D'autre part, nous devons également chercher à obtenir une meilleure définition par nos parlements des objectifs au niveau des centres d'analyse et de prévision, donc au-delà même de la fonction de M. Javier Solana.

Concernant cette question qui relève aujourd'hui de la décision nationale, les parlements doivent se concerter mieux et plus souvent sur la façon dont ils conçoivent les intérêts de leurs pays. Au-delà du consensus existant quant à la nécessité d'une action urgente afin d'éviter que le Moyen-Orient ne dégénère en une zone de conflits permanents, il existe des différences de jugement. Il est donc nécessaire de confronter nos positions dans l'analyse, notamment à l'échelon des parlements.

Le Président a très justement évoqué le transport aérien, en des termes fort diplomatiques puisqu'il n'a pas expliqué la source du problème. Nous sommes conscients que ce type de difficulté survient parfois. Le vote d'un budget est un moment important dans la vie d'un Parlement. Peut-être devrions-nous, face à l'expérience de l'A-400M, nous interroger sur la possibilité de soumettre cette question à une structure commune. Pourquoi ne pas aborder l'idée non d'un approvisionnement commun mais d'une capacité de transport aérien européenne commune ? Cela soulève des questions de financement et de droit budgétaire, mais une telle approche renforcerait l'obligation supranationale européenne de servir l'intérêt commun. Nous devrons à l'avenir faire preuve de plus de courage concernant ce type de dossier. Il s'agit d'une question stratégique importante au regard de la crédibilité européenne et du développement de capacités européennes.

Wolfgang BEHRENDT

Les deux présidents ont dépeint la situation au lendemain du 11 septembre et Hans-Ulrich Klose a évoqué une re-nationalisation de la politique en Europe. Ce doit être pour les parlementaires l'occasion de militer avec force en faveur d'une politique étrangère et de sécurité commune.

La contribution de l'Europe à la résolution de la crise du Proche-Orient ne sera possible que si l'Europe parle d'une seule voix. Par ailleurs, à la suite des attentats perpétrés aux Etats-Unis, l'Europe doit faire face à un nouveau défi, à savoir la recherche d'un équilibre entre d'une part la préservation d'intérêts légitimes de sécurité et la lutte contre le terrorisme et d'autre part la défense des droits de l'homme et des droits fondamentaux. Il s'agit d'une mission éminente pour les parlementaires que nous sommes, ne serait-ce qu'au regard de la longue tradition de la France en matière de conquête des droits fondamentaux.

Je suis préoccupé par l'émergence de certaines voix, notamment aux Etats-Unis. Il semble exister dans les médias un débat public sur le fait de savoir si certaines méthodes d'interrogatoire " musclé " ou de torture ne pourraient être utilisées à l'encontre de suspects potentiels. De même, le Président américain prend des dispositions en vertu desquelles les terroristes seraient jugés par des Cours martiales. En Grande-Bretagne, la suspension de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme est envisagée, alors que cette Convention constitue un grand progrès pour la civilisation. En effet, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il existe une Convention qui n'est pas une simple déclaration, mais qui crée des droits matériels pouvant être invoqués devant un instance judiciaire par 900 millions d'hommes et de femmes.

Les parlementaires d'Europe sont confrontés à une grande mission qui, tout en reconnaissant les mesures légitimes dans la lutte contre le terrorisme, vise à veiller à ce que cette lutte ne soit pas l'occasion de remiser au placard des droits démocratiques et des libertés individuelles essentielles. Nous ne saurons vaincre le terrorisme qu'en parvenant dans le même temps à préserver ces droits et ces libertés conquis de haute lutte.

Gerald HÄFNER

Je souhaite formuler une déclaration de principe en m'inscrivant dans une perspective très allemande, ce qui pourra en surprendre certains.

Charles Ehrmann nous a renvoyés à la seconde guerre mondiale. L'une des conséquences de cette grave faute, qui pèse sur nos épaules et qui a touché l'ensemble du continent, réside dans la division qui a frappé durant des décennies l'Europe et l'Allemagne dans leur c_ur ; il n'existait alors plus que l'Est et l'Ouest.

Dans le cadre des grands débats géopolitiques consécutifs aux attentats du 11 septembre et à la crise en Afghanistan, il est parfois avancé que ces évènements sont peut-être le signe avant-coureur de ce que nous réserve le XXIème siècle. Face à ces inquiétantes perspectives, il est indispensable de faire naître une voix européenne unifiée, profondément ancrée dans les valeurs occidentales, mais parlant un langage européen propre.

Au-delà de l'utilité d'une voix commune pour l'Europe et de la nécessité de cette dernière d'être un acteur fort sur la scène internationale, il convient de s'accorder sur les valeurs et les idées que défend l'Europe lorsqu'elle parle d'une seule voix. L'association des notions de libre-échange, de responsabilité sociale et écologique, d'équité et de justice sociale ou encore la recherche de solutions autres que militaires aux conflits, notamment la notion de " désescalade préventive " : Voilà des exemples d'idées qui nous unissent, de thèmes qui méritent d'être défendus et qui peuvent se traduire dans une politique européenne commune.

Hans-Ulrich KLOSE

En ce qui concerne la résolution du conflit du Proche-Orient, je souhaite souligner une nuance linguistique : les Américains parlent de Middle-East, (Moyen-Orient), lorsque nous parlons de Near-East, (Proche-Orient). La distinction n'est pas uniquement sémantique : ce conflit est proche de l'Europe et le risque qu'il y déborde existe, alors qu'il est quasi nul pour les Etats-Unis.

Les Européens ont donc un intérêt propre, existentiel à le résolution de ce conflit, dont le problème réside dans le fait que ce sont essentiellement des groupes extrémistes qui, de part et d'autre, dominent l'action.

C'est parce que ce conflit est aussi complexe que sa solution ne peut surgir que si Américains et Européens s'accordent à décider que le moment est venu, pour la communauté internationale, de contribuer à la recherche d'une solution et de montrer clairement aux différentes parties qu'elles ne peuvent éternellement pérenniser cette situation de violence. Il est donc nécessaire d'exercer des pressions, mais celles-ci doivent l'être de façon à ne pas remettre en question la fonction de modérateur. L'Europe ne sera reconnue comme interlocuteur valable par les deux parties en présence que si elle ne joue pas sur la place publique. Le rôle des Etats-Unis au sein de ce processus est extrêmement important, car eux seuls sont à même d'assurer militairement une solution. Les Européens ont une contribution à apporter, car ils ont appris, à travers leur histoire, une grande leçon qu'ils pourraient aujourd'hui dispenser à d'autres : au fil des innombrables guerres qui ont rythmé les siècles passés, ils ont appris que la paix ne peut jamais être obtenue contre mais seulement avec l'adversaire ; c'est toute la philosophie de la sécurité commune, qui doit être à la base de la solution du conflit au Proche-Orient. L'enjeu est la sécurité d'Israël, mais ses voisins sont également confrontés à des problèmes de sécurité. Une paix juste et acceptée de tous ne pourra être trouvée si leurs problèmes sont ignorés et s'ils ne sont pas concernés par le règlement du conflit.

Concernant l'idée d'une délégation européenne ou franco-allemande au Proche-Orient, je pense que nous ne devons pas tarder à réunir les commissions des affaires étrangères de nos deux parlements afin de délibérer de cette question durant une journée entière. Puis chacun, dans son domaine de prédilection, pourra tenter de faire avancer le processus.

En revanche, une délégation réunissant des parlementaires de tous les parlements de l'Union européenne serait trop vaste et perdrait de son impact pour n'avoir qu'un poids plus symbolique que réel. Cela me semble inutile.

Mais, si nous nous accordons sur ce qu'il y a lieu d'entreprendre, cherchons ensuite dans un souci d'efficacité la répartition optimale des missions.

Une solution pacifique ne peut être fondée que sur la création d'un Etat palestinien indépendant ; or un tel Etat ne pourra voir le jour si les implantations à Gaza et en Cisjordanie demeurent. De surcroît, il n'y aura pas de solution de paix si l'on accède à la revendication des Palestiniens du droit au retour pour tous les Palestiniens, car l'existence même de l'Etat d'Israël serait alors menacée. Enfin, une solution juste pour Jérusalem ne peut être trouvée que si la question des lieux saints n'est pas simplement appréhendée du point de vue d'une seule religion mais de toutes les religions. Tels sont les trois points essentiels dont nous devons débattre avant d'étudier les possibilités de progrès d'un strict point de vue de la procédure.

Ensuite, comment pourrions-nous nous doter de nouvelles capacités d'action ? Demander plus d'argent est simple, mais ne constitue pas une solution réelle.

Par ailleurs, même à budget de défense équivalent, l'efficacité des Européens serait bien moindre. Il est donc temps de réfléchir à une nouvelle coopération pour accroître l'efficacité de l'emploi des budgets militaires. Cette coopération est difficile dans la mesure où, ainsi que cela a été enseigné au fil des siècles, chaque Etat pense réserver pour lui les capacités militaires. Si nous parvenons à surmonter cette approche, qui n'est plus d'actualité, nos chances seront réelles. C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer la problématique de l'A400-M. Il est indispensable de nous doter de capacités de transport européennes supplémentaires, car il n'est pas admissible, pour nous rendre sur une zone, de devoir le faire par bateau, ce qui prend plusieurs mois, ou de devoir louer des Antonov russes.

Il en va de même pour l'observation satellitaire et le développement d'armes de précision. Une flexibilité accrue est indispensable pour atteindre nos objectifs communs.

Pour en revenir aux propos de Wolfgang Behrendt, nous devons veiller à ne pas sacrifier la liberté sur l'autel de la sécurité : quel meilleur cadeau offririons-nous en ce cas aux terroristes ? Des sociétés ouvertes, pluralistes et libres ne pourront jamais être protégées totalement et telle ne saurait être notre ambition.

Enfin, concernant les rapports complexes entre l'Europe et les Etats-Unis, l'observation des débats qui ont dernièrement agité nos pays permet de constater que l'antiaméricanisme est un sentiment bien répandu et qu'il est inutile de le nier. A la lumière de l'évolution de l'Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Européens auraient pourtant davantage de motifs à faire montre de reconnaissance, et non de critiques, à l'endroit des Américains. Sans eux, ils n'auraient pu surmonter la catastrophe historique européenne comme ils l'ont fait.

François LONCLE

J'adhère pleinement aux propos qui viennent d'être tenus par Hans-Ulrich Klose. J'ajoute que l'antiaméricanisme exacerbé n'est parfois que l'alibi de notre propre impuissance à faire mieux, à bâtir une Europe plus forte et plus unie.

Je souhaite que soit retenue l'idée de Monika Griefahn sur la nécessité de développer davantage notre relation culturelle et d'accomplir un effort important en faveur de l'enseignement des langues. Il s'agit d'une action à entreprendre d'urgence pour fortifier à nouveau la relation franco-allemande.

Par ailleurs, il convient, ainsi que Jean-Bernard Raimond et d'autres l'ont évoqué, de profiter du retour en force de la politique étrangère au sein des préoccupations des parlementaires, des gouvernements et des citoyens pour prendre des initiatives. Sur ce plan, l'initiative franco-allemande, qu'elle soit gouvernementale ou parlementaire, ne peut être confondue avec un directoire à trois, quatre ou cinq tel que cela a pu être observé à Londres ou en Belgique. La relation franco-allemande est un moteur ; elle est donc tout le contraire d'un frein ou d'un mécanisme d'ignorance des autres.

Enfin, je souhaite que la présente réunion ne soit pas une parenthèse heureuse, mais bien le début d'une nouvelle impulsion.

Clôture des travaux

La nécessité d'un dialogue franco-allemand

permanent et visible

Andreas SCHOCKENHOFF

Président du groupe d'amitié Allemagne - France du Bundestag

Je souhaite formuler deux observations.

D'une part, plusieurs intervenants ont exprimé le désir de prolonger nos échanges sur l'intégration européenne et la politique étrangère et de sécurité commune au-delà de cette rencontre. Le dossier qui vous a été distribué contient un historique de la coopération parlementaire franco-allemande. Entre les commissions les bureaux, et les groupes d'amitié, les rendez-vous sont certes nombreux, mais ils sont souvent accidentels et trop dépendants des rythmes électoraux. C'est pourquoi j'invite à réfléchir à la façon dont la prochaine Assemblée nationale et le prochain Bundestag pourront se doter d'une structure permanente dans un objectif de concertation concernant nos intérêts communs et internationaux.

D'autre part, plusieurs intervenants ont souhaité un débat public sur l'avenir de l'Europe. L'existence d'un tel débat n'est pas contestable. Mais devant quel public peut-il se tenir ? S'agit-il d'un véritable débat européen ou de la coïncidence de débats nationaux sur l'Europe ? Le Président a cité au déjeuner la définition d'une nation selon Ernest Renan. Peut-être conviendrait-il d'y ajouter qu'aujourd'hui une nation se définit également par un espace public commun. Je nous invite à contribuer à la création d'un tel espace au niveau européen en organisant nos débats de façon supranationale, et pour commencer de façon franco-allemande. Exprimons-nous conjointement dans les médias, en tant que parlementaires ou partis politiques, afin que les publics se découvrent une sensibilité européenne et ressentent l'existence d'une véritable compétition démocratique européenne. Si la présente réunion nous aide à stimuler des démarches communes, elle aura été fructueuse.

L'amitié franco-allemande : permanence et importance

Jean-Marie BOCKEL

Président du groupe d'amitié France - Allemagne de l'Assemblée nationale

Nous fêterons prochainement le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. Il suffit de constater le chemin parcouru pour se convaincre du caractère extrêmement positif du bilan du partenariat franco-allemand, tant sur les questions économiques qu'européennes, diplomatiques, culturelles, ou encore de sécurité.

Il fut un temps où notre relation bilatérale était principalement marquée par la réconciliation. Jeune parlementaire, j'ai moi-même expérimenté, voici une vingtaine d'années, à l'occasion des réunions du groupe d'amitié, ce climat si particulier et qui fut si essentiel. Cette page est cependant tournée : la réconciliation est un bien précieux, qui fait désormais partie de notre histoire. Certains ont le sentiment que les relations franco-allemandes ne sont plus empreintes de la même chaleur et de la même motivation que par le passé. Cela est vrai, mais il est également vrai que nos relations sont sans doute décomplexées et plus franches, en ce sens que nous osons désormais afficher nos divergences.

Surmonter la période actuelle impose de franchir une nouvelle étape au niveau européen, au sein de laquelle Français et Allemands aurons un rôle moteur à jouer, tant du point de vue de l'élargissement de l'Union européenne à d'autres pays que du point de vue de l'élaboration d'institutions et d'outils communs, sans lesquels nos discours resteraient à l'état de v_ux pieux. Progresser est plus que jamais une nécessité.

Nos groupes d'amitié présentent l'intérêt de permettre aux parlementaires français et allemands de se retrouver pour débattre non des relations franco-allemandes, bien qu'il en soit également question, mais de sujets importants de la société contemporaine, parfois susceptibles de diviser, voire de fâcher, comme nous en avons fait l'expérience. Lorsque nous visitons ensemble l'usine de La Hague ou que nous évoquons l'énergie et le nucléaire, il est formidable que nous ayons la capacité de le faire en toute franchise, en assumant nos désaccords tout en recherchant des solutions. Voici deux semaines, nous avons ainsi débattu à Mulhouse des questions de bioéthique, sujet extrêmement sensible. Ainsi, au-delà de la célébration de notre amitié, le rôle des groupes d'amitié est de contribuer à la création d'un climat de dialogue.

Je constate avec plaisir que grâce au travail des groupes d'amitié, des commissions des affaires étrangères, de la Délégation pour l'Union européenne et de la Commission des affaires européennes, des parlementaires prennent l'habitude de se retrouver pour débattre. Aujourd'hui, alors que ces différents groupes n'ont pas toujours l'occasion de se rencontrer, nous avons eu la possibilité de constater qu'ensemble, nous formons un formidable lobby, qu'il suffirait de mettre en ordre de marche pour que son rôle soit déterminant, y compris sur les questions de diplomatie parlementaire.

Conclusion du Président du Bundestag

Wolfgang THIERSE

La justesse des quatre conclusions précédentes est telle qu'il est inutile de tenter à tout prix de les compléter...

Je formule simplement l'espoir que cette coopération se poursuive sous une forme instituée, qu'il s'agisse d'un groupe de travail commun ou d'une autre instance. Le couple franco-allemand doit se doter d'un mode de fonctionnement permanent afin de peser sur le processus européen.

Conclusion du Président de l'Assemblée nationale

Raymond FORNI

Cette rencontre fut passionnante et riche - et espérons-le fructueuse. Elle permet d'insuffler l'énergie nécessaire pour aller de l'avant. Je conseille à chacun de saisir des propositions formulées cet après-midi pour faire accomplir à l'Europe de nouveaux " petits pas " en avant.

Nous aurions pu aller plus loin encore, mais cela aurait nécessité plus de temps... Il ne s'agit en tout état de cause que d'une seule rencontre, qui, je l'espère, sera suivie de nombreuses autres.

En tant que Président de cette assemblée, il m'appartient de remercier le Président Thierse pour son implication dans les relations entre l'Allemagne et la France et de clore cette rencontre parlementaire franco-allemande.

RESOLUTION COMMUNE POUR LE CONSEIL DE LAEKEN

Nous nous félicitons de la décision prise par les chefs d'Etat et de Gouvernement à Nice, les 7 et 8 décembre 2000, de lancer un débat large et ouvert sur l'avenir de l'Union européenne.

La réussite de l'élargissement impose en effet une réforme ambitieuse des Traités qui dote l'Union européenne élargie d'une architecture politique plus légitime et transparente pour les citoyens et d'instruments d'action nouveaux au service d'une ambition politique, économique et sociale forte. Dans un monde multipolaire, l'Europe doit ainsi se donner les moyens de promouvoir un modèle économique et social reposant sur les valeurs d'humanisme et de progrès ; elle doit également poursuivre dans la voie d'une intégration politique renforcée qui soit effectivement respectueuse des identités nationales et de mettre en _uvre une politique de sécurité et de défense au service de la paix.

Nous estimons que la poursuite de ce projet européen commun exige des réformes politiques profondes. Les Etats membres doivent parvenir à la conclusion d'un Traité fondamental qui permette l'émergence d'un véritable espace démocratique et favorise une gestion commune plus efficace des domaines de souveraineté partagée. Ce Traité fondamental pourrait, après ratification, être proclamé par les chefs d'Etat et de gouvernement comme étant la Constitution de l'Union européenne.

La réforme des traités européens devra apporter des réponses ambitieuses aux quatre thèmes retenus par la Déclaration annexée au traité de Nice :

- une simplification des Traités afin que les citoyens puissent mieux comprendre les règles de fonctionnement de l'Union européenne, grâce, notamment, à l'élaboration du traité fondamental clair évoqué ci-dessus ;

- l'intégration dans les traités de la Charte des droits fondamentaux, qui exprime l'ensemble des valeurs de démocratie, de liberté, d'égalité, de solidarité et de justice auxquelles nous sommes profondément attachés, afin de lui donner une force juridique obligatoire ;

- une répartition plus claire des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres afin que chacun comprenne mieux « qui fait quoi » en Europe. Le principe de subsidiarité sera ainsi mieux respecté dans le fonctionnement de l'Union européenne. Il importe toutefois que cet exercice de délimitation des compétences ne soit pas de nature à remettre en cause les acquis de la construction européenne, ni à faire obstacle au développement nécessaire de la dynamique européenne ;

- le renforcement du rôle des Parlements nationaux dans l'architecture européenne selon des modalités diverses :

· jusqu'à présent, la participation des parlements nationaux au développement du droit des traités européens ne jouait que par le biais de la procédure de ratification. Afin de renforcer le rôle des parlements nationaux dans le processus d'intégration européenne, il conviendrait que les Traités prévoient que leur révision et donc, le développement du droit constitutionnel européen, soit préparé à l'avenir par une Convention composée principalement de parlementaires ;

· les règles d'information et de consultation des parlements nationaux prévues par le protocole du traité d'Amsterdam doivent être précisées et complétées, notamment sur la base des recommandations faites par la COSAC de Versailles (16-17 octobre 2000) ;

· les prérogatives nationales en matière d'élaboration et de participation aux affaires européennes relevant d'abord de dispositions de droit interne, il convient de poursuivre les efforts afin de renforcer au niveau national ces droits de participation et de contrôle.

Mais cette réforme des traités ne doit pas se limiter aux quatre sujets évoqués par la déclaration de Nice : elle doit également prévoir d'autres mesures propres à améliorer la transparence et la légitimité démocratiques de l'Union européenne ainsi que l'efficacité des institutions européennes, notamment en redéfinissant le rôle futur des organes de l'Union et leurs relations mutuelles et en continuant à étendre le nombre de domaines relevant de décisions du Conseil à la majorité qualifiée.

Nous avons la conviction que ces résultats ambitieux ne pourront être atteints si l'on en reste à la méthode actuelle de révision des traités. Nous estimons ainsi que le travail de la Conférence intergouvernementale prévue pour 2004 doit être préparé par une nouvelle Convention sur le modèle de celle qui s'est réunie pour élaborer le projet de Charte des droits fondamentaux.

La future Convention devra se composer des représentants des Chefs d'Etat et de Gouvernement, des parlements nationaux, du Parlement européen et de la Commission. Elle devra compter au moins deux parlementaires par pays et prévoir la possibilité d´y admettre des suppléants ayant voix consultative. Une participation plus représentative des parlements nationaux à la Convention serait ainsi possible pour tous les Etats membres.

La Convention devra être placée sous la direction d'un Presidium élu en son sein et d'un Président. La composition du Presidium devra être équilibrée et prendre en compte à égalité de droit toutes les composantes représentées à la Convention. Le Presidium devra comprendre le Président et un représentant des parlements nationaux, des gouvernements nationaux, de la Commission et du Parlement européen. Le Président désigné par le Conseil européen devra être confirmé dans ses fonctions par la Convention elle-même.

Des représentants des Etats avec lesquels des négociations d'adhésion sont en cours devront, dès le début, prendre une part active aux travaux de la Convention, par la participation de délégués. Leur participation à part entière devra être assurée dès la signature des traités d'adhésion.

Il importe que les représentants de la société civile et des partenaires sociaux puissent suivre les travaux de la Convention au moyen de consultations publiques régulières.

Cette nouvelle Convention doit avoir pour mandat de soumettre à la Conférence intergouvernementale un seul texte avec des propositions pour la rédaction du nouveau Traité fondamental de l'Union européenne. Elle devra proposer, lorsqu'elles sont inévitables, des options alternatives en précisant celles qui font l'objet d'un accord majoritaire.

Le mandat de la Convention devrait également porter sur l'examen de nouvelles avancées dans les domaines relevant des deuxième et troisième piliers. Les attentats terroristes du 11 septembre dernier aux États-Unis, ont placé l'Europe face à un nouveau défi qu'elle doit aujourd'hui relever. C'est pourquoi il est urgent d'approfondir l'intégration dans les domaines de la PESC, de la PESD et de la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Cet approfondissement pourrait également constituer un nouvel élément moteur pour le processus d'intégration européenne.

La Convention devra commencer ses travaux dès que possible sous présidence espagnole, établir un rapport intérimaire et présenter le texte d'un traité fondamental dans un délai proche de l'ouverture de la Conférence intergouvernementale (CIG). Des représentants de la Convention devront être associés à la CIG de manière à assurer une interaction entre la Convention et la Conférence intergouvernementale.

Nous estimons enfin que les parlements nationaux devront être en mesure d'apprécier l'évolution des travaux de la CIG. Nous demandons à ce titre qu'ils soient régulièrement informés et associés aux travaux de cette CIG qui devra être brève et éminemment politique.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l´Union européenne et la Commission des Affaires européennes du Bundestag continueront à rapprocher leurs points de vue, dans le cadre d'un groupe de travail, afin de définir des positions communes concernant notamment le renforcement du rôle des parlements nationaux dans la future architecture institutionnelle de l'Union européenne.

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