Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires étrangères (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 février 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. François Loncle, Président,

SOMMAIRE

 

page

- Accord France-Italie sur la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus - n° 3612 (rapport)


3

Accord France-Italie sur la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus (n° 3612).

M. Marc Reymann a indiqué que les accidents du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999 et du Saint-Gothard en octobre 2001 avaient rappelé que ce type d'infrastructure est par nature dangereux.

L'accident du tunnel du Mont-Blanc avait révélé une absence de rigueur dans les mesures de sécurité : inadaptation des consignes de sécurité, insuffisante coordination des deux sociétés exploitantes, inexistence d'une galerie de sécurité permettant l'évacuation des voyageurs... Ces défauts sont d'autant plus inacceptables que les caractéristiques mêmes de ce tunnel creusé à plus de 1000 mètres d'altitude le rendent particulièrement dangereux Ainsi, l'accident du 24 mars 1999, qui a fait 39 morts, s'explique certes par un enchaînement de circonstances mais il n'est pas dû à la seule fatalité.

M. Marc Reymann a ensuite rappelé que la plus grande partie des flux de véhicules transitant autrefois à travers le tunnel du Mont-Blanc a été détournée vers le tunnel du Fréjus. L'augmentation du trafic induite par la fermeture du tunnel du Mont-Blanc a atteint des proportions considérables, puisque le nombre de camions l'empruntant chaque jour (4 200) a doublé depuis mars 1999, ce qui pose des problèmes en matière de sécurité comme en matière d'augmentation des nuisances pour l'environnement.

La réouverture du tunnel du Mont-Blanc, y compris aux poids lourds, a donc rapidement semblé indispensable. Bien évidemment, elle ne pourra se faire qu'au prix d'une amélioration considérable des mesures de sécurité par rapport à la situation prévalant jusqu'en 1999. La France et l'Italie se sont ainsi attelées rapidement à mettre en place une gestion rénovée du tunnel. En premier lieu, l'organisation de la gestion du tunnel a été profondément modifiée : les deux sociétés concessionnaires ont créé un Groupement européen d'intérêt économique (GEIE) chargé seul de l'exploitation du tunnel. En deuxième lieu, d'importants travaux visant à renforcer la sécurité dans le tunnel ont été réalisés tels que la création de trois postes rapides d'intervention de lutte contre le feu, la construction de 37 abris, contre 15 auparavant, dont la particularité nouvelle est qu'ils sont reliés à une galerie d'évacuation vers l'extérieur, la mise en place de très nombreux équipements (ventilateurs, bouches d'incendie, caméras, détecteurs de fumée...). Par ailleurs, le renforcement de la sécurité dans le tunnel est passé par l'adoption d'un nouveau règlement de sécurité, appliqué dès 1999 dans le tunnel du Fréjus. Il prévoit une limitation des vitesses à 70 Km/h dans le tunnel et impose une distance de sécurité de 150 mètres entre les véhicules en marche, et de 100 mètres à l'arrêt. Des moyens spécifiques ont été installés dans le tunnel afin de s'assurer du respect effectif de ces nouvelles règles (radars, caméras vidéos, système laser...). Enfin, des mesures ont été prises pour limiter le nombre de camions qui emprunteront le tunnel du Mont-Blanc.

Le Rapporteur a expliqué que les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus ont une double particularité en ce qui concerne le contrôle des infractions au code de la route. Tout d'abord, ce sont des tunnels transfrontaliers, le régime de constatation et de répression des infractions au code de la route dépend donc du lieu où l'infraction a été commise, en territoire français ou en territoire italien. Ensuite, pour d'évidentes raisons de sécurité, il n'est pas possible d'arrêter les véhicules sur le lieu où les infractions sont commises, et il faut donc les constater à la sortie du tunnel.

En conséquence, il avait été prévu que la police de la circulation serait assurée par des patrouilles mixtes de représentants de l'ordre français et italiens, mais ceux-ci ne sont autorisés à verbaliser que sur leur territoire national. L'exercice du contrôle routier dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus se heurte donc à une difficulté juridique majeure qui en limite sérieusement l'efficacité. Concrètement, dans le sens France/Italie, seules les infractions commises dans la moitié italienne des tunnels peuvent être constatées et donc réprimées, à la sortie italienne. De la même façon, dans le sens Italie/France, les infractions commises sur le territoire italien ne peuvent donner lieu à sanctions, les carabiniers italiens n'étant pas autorisés à verbaliser à la sortie française des tunnels.

Rendre effectif un authentique contrôle de la circulation dans les tunnels alpins nécessite donc d'autoriser les forces de l'ordre d'une des Parties à constater les infractions commises sur son propre territoire à la sortie du tunnel se trouvant sur le territoire de l'autre Partie. En ce qui concerne la France, la combinaison de la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et du présent accord le permettra.

Ainsi, afin d'assurer un respect effectif de la réglementation routière dans les tunnels alpins, M. Marc Reymann a recommandé l'adoption du projet de loi.

M. Pierre Brana a demandé si le doublement du trafic depuis 1999 annoncé par le Rapporteur était vrai pour tous les types de véhicules ou s'agit-il uniquement de poids lourds ? Concernant l'instauration d'équipes mixtes, pourquoi a-t-on besoin de ces contrôles mixtes dans la mesure où, si une infraction est commise dans le tunnel, le procès-verbal est fait à la sortie du tunnel et envoyé à l'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise ?

Le Président François Loncle a souligné l'excellent travail réalisé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en publiant le rapport de M. Christian Kert, dont les propositions sont remarquables.

Par ailleurs, il a rappelé que, vu la cascade de responsabilités dans la catastrophe du tunnel et le nombre de victimes, la justice avait été saisie, ce qui a empêché que le Parlement puisse enquêter sur ce sujet. Il reste à souhaiter que ce procès ne soit pas repoussé ad vitam aeternam.

Enfin, étant donné qu'il s'agit d'un accord franco-italien, il faut espérer que la coordination franco-italienne qui a tant fait défaut au moment de l'accident soit dorénavant irréprochable.

Mme Odile Saugues, ayant été rapporteure de la loi du 3 janvier 2002 sur la sécurité des infrastructures, a rappelé qu'elle avait étudié les modalités de l'utilisation des tunnels et que dorénavant, les écarts en matière de sécurité seront sévèrement sanctionnés.

M. Charles Ehrmann a estimé que l'on pouvait penser que l'Italie a fait le maximum en la matière, étant donné qu'elle trouve plus d'intérêt que la France dans ce projet, qui soulève maintenant la question de la sécurité dans les autres tunnels, où il va falloir faire aussi bien. Par ailleurs, une autre question se pose : qui va payer les dommages et intérêts aux familles des victimes de la catastrophe ? Sera-ce l'Etat ou la société d'exploitation du tunnel ? Enfin, M. Charles Ehrmann a émis la crainte que la région Côte d'Azur ne soit encore plus délaissée du fait que toutes les attentions se portent plus au Nord.

M. Marc Reymann a répondu aux intervenants. Il a indiqué que le doublement du trafic dans le tunnel du Fréjus concernait les poids lourds, qui représentent aujourd'hui 58 % des véhicules l'empruntant chaque jour, l'augmentation du nombre de véhicules légers a été moindre.

En ce qui concerne les équipes de police mixtes binationales, il convient de rappeler qu'il en existe depuis déjà longtemps entre la France et l'Allemagne, en Alsace par exemple où elles opèrent parfois jusqu'à une vingtaine de kilomètres de la frontière. Cependant, il n'en reste pas moins que les infractions à la loi française doivent être constatées par des représentants de l'ordre français. Le présent accord permet à ceux-ci d'agir sur le territoire d'un autre pays, l'Italie, mais il ne permet pas à des policiers italiens de constater des infractions commises en France, et inversement.

L'amélioration de la coordination entre l'opérateur français et l'opérateur italien est en effet une nécessité. La mise en place d'un groupement européen d'intérêt économique et d'un comité de sécurité indépendant devrait le permettre. Mais tout dépendra de l'application concrète de ces nouveaux dispositifs.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 3612).

_______

● Mont-Blanc


© Assemblée nationale