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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 18 septembre 2001
(Séance de 14 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les crédits de la Défense pour 2002

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La Commission a entendu M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les crédits de la Défense pour 2002.

Le Président Paul Quilès a remercié le Ministre d'être venu présenter le projet de budget de son ministère pour 2002 immédiatement après l'examen du projet de loi de finances par le Conseil des ministres. Il a alors remarqué que la Commission serait sans doute également conduite à évoquer les terribles événements qui ont endeuillé les Etats-Unis et à en examiner les conséquences.

Puis, abordant le projet de budget, il a relevé un accroissement sensible du titre III et indiqué que les crédits de rémunérations faisaient l'objet d'une revalorisation qu'il a jugée nécessaire pour maintenir l'attractivité du métier des armes et fidéliser les personnels. Notant que les besoins de remise à niveau des crédits de fonctionnement étaient également pris en compte, il s'est demandé si cet effort indispensable ne risquait pas de peser sur l'équilibre entre les titres III et V, au-delà de ce qui avait été prévu lorsque la décision de professionnalisation a été prise. Il a, par ailleurs, observé que la stabilisation globale des crédits d'équipement permettrait des commandes et livraisons significatives, puis demandé des précisions sur les ressources additionnelles dégagées par report de crédits.

M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a souhaité replacer la présentation du budget 2002 dans un triple contexte :

- premièrement, l'année 2002 verra l'achèvement de la loi de programmation militaire 1997-2002, votée en 1996, qui a organisé la transformation de l'outil de défense en vue de constituer des forces professionnelles, adaptables et mobiles, dotées d'un équipement du meilleur niveau technologique ;

- deuxièmement, les engagements extérieurs des forces ont confirmé la pertinence des choix effectués dans la conception et la réalisation du modèle d'armée 2015, tout en mettant en lumière certaines lacunes capacitaires. Ils ont permis de démontrer la détermination et la valeur opérationnelle des unités déployées et donné tout leur sens aux efforts consentis pour les doter des moyens nécessaires ;

- troisièmement, ces engagements extérieurs ont rendu plus manifeste la nécessité de construire l'Europe de la Défense, souhaitée de longue date par notre pays. Durant sa présidence de l'Union européenne, la France a favorisé des progrès significatifs dans la mise en place de la politique commune de sécurité et de défense. Un travail de traduction en organisation militaire des objectifs définis à Helsinki a été mené à bien. Pour la première fois, des représentants des forces armées des quinze nations de l'Union effectuent ensemble et de manière exemplaire un travail de planification militaire.

Le Ministre a ensuite indiqué que le projet de loi de finances pour 2002 donnait à la Défense les moyens d'achever la mise en _uvre de la loi de programmation militaire. Le ministère disposera en 2002 de 29,3 milliards d'euros hors pensions (192,195 milliards de francs), soit une augmentation de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.

Le Ministre de la Défense a assuré que ce budget permettrait d'accompagner l'achèvement de la professionnalisation des armées. La mutation engagée en 1997 a été menée à bien, les étapes prévues ayant été respectées, voire anticipées, comme la suspension du service national. Les restructurations nécessaires ont été conduites et leurs conséquences économiques, sociales et financières maîtrisées.

Conformément au niveau d'effectifs défini par la loi de programmation militaire 1997-2002, le budget de la Défense pour 2002 prévoit le recrutement net de près de 18 500 personnels pour aboutir à la réalisation du format fixé, compte tenu de la suspension de la conscription.

Le ministère de la Défense comptera fin 2002 436 221 personnels civils et militaires, soit 99 % des 440 000 emplois prévus par la loi de programmation militaire.

En 2002, l'effectif des militaires du rang atteindra 92 180 personnes, en augmentation de plus de 8 000. Le nombre des volontaires sera porté à près de 25 000, en augmentation de 6 500. Le service de Santé des Armées recevra 371 emplois supplémentaires.

En cohérence avec l'accord signé dès juillet 2001 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, 2 200 agents civils et ouvriers d'Etat seront recrutés.

Le Ministre de la Défense a par ailleurs indiqué qu'un effort financier très important, à hauteur de 281 millions d'euros, serait consenti en faveur de l'accompagnement social de la professionnalisation et des restructurations.

Des mesures indemnitaires pour l'ensemble des personnels civils et militaires du ministère sont en outre prévues pour un total de 79 millions d'euros. Des mesures particulières visant à développer l'attractivité des emplois, la valorisation des compétences acquises et la fidélisation des personnels en place ont également été inscrites au projet de budget. Ainsi, les sous-officiers dont le rôle est capital au sein d'une armée professionnalisée, mais qui ne sont pas concernés par les mesures générales prises en faveur des bas salaires, font l'objet de mesures spécifiques.

Enfin, les réserves, composantes essentielles du nouveau système de défense, bénéficieront de 6,1 millions d'euros de moyens supplémentaires.

Abordant la question de l'entraînement, capitale pour une armée professionnelle engagée dans des opérations extérieures internationales, le Ministre de la Défense a indiqué qu'un crédit de 30,5 millions d'euros serait consacré en 2002 à l'accentuation de l'effort engagé depuis 2000 pour relever les taux d'activité des armées. Ainsi, le taux d'activité de l'armée de Terre, qui est passé en 2001 de 73 à 80 jours d'entraînement par an, sera porté à 89 jours en 2002, tandis que celui de la Marine passera de 94 jours à la mer à 97 jours en 2002. L'armée de l'Air dont les taux atteignent les objectifs de l'Alliance atlantique sera en mesure de développer les exercices interalliés afin d'accroître l'interopérabilité de ses unités.

Le Ministre de la Défense a ensuite insisté sur l'attention portée aux questions de sécurité intérieure qui constituent une priorité du gouvernement.

Ces orientations se traduisent par un effort particulier en faveur de la Gendarmerie, dont la zone de responsabilité reçoit plus de 90 % de la croissance de la population du pays, avec l'alourdissement des engagements de sécurité publique qui en découle.

Les effectifs de ce corps seront sensiblement renforcés : il est prévu de créer dans l'arme 700 emplois supplémentaires de sous-officiers en supplément des prévisions de la programmation et 213 postes d'officiers. Enfin, les deux tiers des emplois nouveaux de volontaires seront affectés à la Gendarmerie, ce qui représente près de 4 200 personnels supplémentaires.

Hors rémunérations, les crédits nouveaux attribués à la Gendarmerie représentent un montant de plus de 70 millions d'euros, qui sera consacré au renforcement de la capacité opérationnelle des brigades.

Le Ministre de la Défense a ensuite souligné que la multiplication des types de menace auxquels la France pouvait être confrontée élargissait considérablement le champ de l'information utile à la prise de décision dans le domaine de la défense et de la sécurité intérieure. Les services chargés du renseignement au sein du ministère de la Défense, regroupant plus de 7 800 personnes, travaillent en totale coopération avec leurs collègues du ministère de l'Intérieur pour améliorer la qualité de l'information dont dispose le Gouvernement et prévenir toute agression à l'intérieur du territoire national.

Le Ministre de la Défense a ensuite indiqué que les moyens disponibles pour l'équipement des armées seraient augmentés et permettraient de financer l'annuité 2002 de la loi de programmation.

Les autorisations de programme s'élèveront à 13,01 milliards d'euros, en progression de 0,7 %. Ces dotations devraient permettre notamment de poursuivre la politique de commandes pluriannuelles développée avec succès depuis quatre ans, le montant correspondant devant atteindre plus de 9 milliards d'euros à la fin de l'année 2001. La visibilité accrue ainsi offerte aux industriels permet d'obtenir une diminution du coût des programmes d'armement.

Le montant des crédits de paiements inscrits aux titres V et VI dans le projet de budget 2002 s'élève à 12,4 milliards d'euros auxquels s'ajoute la possibilité prévue en construction budgétaire de mobiliser des reports de crédits à hauteur de 411 millions d'euros.

Le Ministre de la Défense a insisté sur le fait que la loi de programmation militaire 1997-2002 sera la première depuis 1982 à avoir été appliquée de sa première à sa dernière année. Il a fait remarquer que le taux d'exécution de cette loi, votée en 1996 mais appliquée essentiellement par l'actuel gouvernement, dépasserait 94 %.

M. Alain Richard a observé que les progrès de l'Europe de la Défense et les enseignements tirés des engagements à l'extérieur conduisaient à adapter le modèle d'armée 2015, sur la base d'une analyse capacitaire par « systèmes de forces » regroupant les moyens qui, quelle que soit leur armée d'appartenance, concourent à un même type de résultats opérationnels. Il a fait ressortir à cet égard l'importance de la cohérence opérationnelle interarmées.

Soulignant que le projet de loi de finances pour 2002 permettrait de réaliser les paiements correspondant aux engagements de l'Etat et de passer les commandes nécessaires à la réalisation des objectifs fixés par la programmation, le Ministre de la Défense a alors successivement évoqué les mesures prévues pour chaque système de forces :

- la modernisation de la dissuasion sera poursuivie grâce au développement des SNLE de nouvelle génération, des missiles stratégiques M51, des missiles air-sol à moyenne portée améliorés (ASMP-A) et de la simulation ;

- le système de forces « commandement, communication, conduite, renseignement » (C3R), essentiel pour la prévention des crises, bénéficiera d'un effort marqué en vue d'acquérir les moyens nécessaires à l'exercice du rôle de nation-cadre que la France souhaite pouvoir assurer. La fabrication des satellites Hélios II et du premier satellite Syracuse III sera ainsi poursuivie et six nouvelles bases aériennes seront équipées du moyen de transmission de base aérienne (MTBA) ;

- s'agissant du système de forces « projection et mobilité », la construction de deux nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD) permettra de satisfaire le besoin capacitaire exprimé pour les opérations amphibies. De même, le programme d'avion de transport militaire apportera un début de réponse au besoin de transport aérien stratégique et tactique dans un cadre multinational, européen ou national. La signature, dans quelques semaines, de la commande de cet appareil, conformément aux engagements communs pris au salon du Bourget permettra la poursuite de son développement dans de bonnes conditions ;

- les principaux programmes concourant à la mise en place des capacités du système de forces « frappe dans la profondeur » seront poursuivis en vue d'atteindre les objectifs fixés pour 2015. La première flottille de Rafale au standard F1 sera opérationnelle en 2002 et la poursuite du développement du standard F2, version capable de missions air-sol, marquera une nouvelle étape du programme. Par ailleurs, les programmes de missiles de croisière Apache et SCALP-EG, éléments essentiels à l'appui de la stratégie de projection, feront l'objet de dotations s'élevant respectivement à 50,9 millions d'euros et 77,6 millions d'euros, en crédits de paiement ;

- les programmes relevant des systèmes « maîtrise du milieu aéroterrestre » et « maîtrise du milieu aéro-maritime » connaîtront une évolution conforme aux objectifs, qu'il s'agisse des hélicoptères Tigre et NH 90, ou du char Leclerc, dont les 406 exemplaires inscrits dans la loi de programmation en cours auront été commandés et 310 livrés. Par ailleurs, le renouvellement de la flotte de surface sera poursuivi avec la construction de deux frégates antiaériennes Horizon, réalisées en coopération franco-italienne ;

- au titre du système de forces « maîtrise du milieu aérospatial », le programme Meteor sera mené dans le cadre d'une coopération européenne. Par ailleurs l'OCCAR se verra notifier une importante commande portant sur les systèmes sol-air futurs (FSAF) qui contribuera à donner à la France une première capacité antimissile de théâtre ;

- enfin, le système de forces « préparation et maintien de la capacité opérationnelle » bénéficiera de la réforme des structures qui concourent à l'amélioration de la disponibilité des matériels, la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Aéronautiques de la Défense (SIMMAD) et le Service de Soutien de la Flotte (SSF), récemment créés, se voyant adjoindre en 2002 la Structure Intégrée de Maintenance du Matériel Terrestre (SIMMT).

M. Alain Richard a ensuite précisé que l'effort de recherche de défense serait accru en cohérence avec l'augmentation des ressources prévues à ce titre dans le projet de loi de programmation pour les années 2003-2008.

Il a alors souhaité attirer l'attention de la Commission sur la dimension européenne de plus en plus marquée de la politique d'équipement du ministère de la Défense, se déclarant convaincu que cette évolution permettra de doter durablement les armées des matériels nécessaires, au meilleur prix.

Le Ministre de la Défense a observé que, du côté de l'offre, les restructurations intervenues depuis quatre ans donnaient aujourd'hui à l'industrie d'armement les moyens de son développement. Se félicitant du rôle important joué par la France dans la constitution de grands groupes européens capables d'affronter la concurrence mondiale et de préparer l'avenir, il a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts accomplis pour faciliter le fonctionnement des entreprises européennes de l'armement désormais intégrées.

Il a ajouté que, du côté de la demande, le développement de la coopération entre les Etats européens créait une dynamique positive en matière de choix d'armement, contribuant à une plus grande homogénéité future des forces de l'Union européenne et à la réduction des coûts. Il s'est félicité du succès important que représentait le lancement de la fabrication de l'hélicoptère de combat Tigre en 1999, puis de l'hélicoptère de transport NH 90 en 2001. Après avoir évoqué la récente décision de la Finlande et de la Norvège d'acquérir l'hélicoptère NH 90, il a rappelé que l'A 400 M ferait l'objet du plus grand contrat militaire européen jamais conclu. Il s'est également référé à l'entente de cinq pays pour le développement du missile Meteor air-air de nouvelle génération, commun au Rafale et à l'Eurofighter, à la décision de la France et de l'Allemagne de fédérer leurs programmes d'observation spatiale ainsi qu'à la coopération franco-italienne dans ce même domaine, qualifiant ces décisions d'avancées majeures. Il a de même cité le programme franco-italien interarmées de systèmes sol-air futurs dit FSAF, destiné à l'autodéfense des bâtiments de la Marine et à la défense anti-aérienne des corps de bataille ou des bases aériennes. Il a, à ce propos, indiqué que le projet de budget prévoyait la commande dès 2002 de systèmes sol-air futurs SAMP/T pour les bases aériennes.

Evoquant la montée en puissance de l'OCCAR, M. Alain Richard a souligné que cette organisation était désormais dotée de la personnalité juridique et qu'elle opérait progressivement l'intégration des différents programmes en coopération. Il a vu dans sa mise en place l'émergence d'une véritable agence européenne de l'armement.

Le Ministre de la Défense a ensuite fait le point sur la modernisation de son ministère. Il a précisé qu'au cours des derniers mois, d'importantes réformes avaient été réalisées ou engagées pour en améliorer l'efficacité et réduire ses coûts de fonctionnement.

Il a notamment pris l'exemple de la mutation de DCN. Il a fait valoir que cette transformation ambitieuse, conduite dans un souci constant de concertation avec les personnels, avait pour objectif de permettre à DCN de fonctionner progressivement comme une entreprise, avec une compétitivité améliorée, dans des conditions comparables à celles de ses concurrents. Il a évoqué les négociations qui avaient permis de regrouper certaines activités commerciales de Thalès et de DCN, puis il a rappelé que le Gouvernement avait entrepris de transformer DCN en société détenue par l'Etat afin de valoriser ses atouts. Il s'est montré confiant dans les répercussions de cette réforme qui devrait permettre à DCN de nouer plus facilement les alliances industrielles nécessaires à son développement. Il a précisé que les dispositions législatives nécessaires étaient en cours de préparation, espérant qu'elles seraient soumises au Parlement avant la fin de l'année.

Le Ministre de la Défense a également évoqué la fusion des services du ministère des Anciens combattants avec ceux du ministère de la Défense. Il a considéré que cette évolution faisait bénéficier les services destinés aux anciens combattants du support administratif et logistique très diversifié du ministère de la Défense, tout en élargissant les perspectives professionnelles de leurs agents.

En conclusion, il a souligné que la construction d'une armée professionnelle, la fin de la conscription et le développement de la sécurité de proximité nécessitaient des rapports nouveaux entre les armées et la Nation. Il s'est réjoui des efforts accomplis en ce sens par la communauté militaire, y compris les réservistes, les associations et de nombreux citoyens.

Tout en convenant que les attentats meurtriers commis le 11 septembre dernier sur le sol des Etats-Unis pouvaient susciter à bon droit des interrogations sur les compléments à apporter à l'outil de défense national, il a estimé que la poursuite de l'effort méthodique et cohérent d'équipement des armées, tel que le Gouvernement l'avait engagé, témoignait de sa détermination, de la solidité de ses décisions et de son souci de stabilité et de préparation de l'avenir face aux menaces.

Le Président Paul Quilès a demandé si la décision d'anticiper la fin du service national n'avait pas eu pour conséquence de réduire temporairement la capacité opérationnelle de certaines unités de l'armée de Terre. Puis, s'interrogeant sur la nature et les répercussions des attentats commis sur le territoire des Etats-Unis, il a souhaité savoir si des indications pouvaient être données à ce stade sur la menace que constituent les réseaux extrémistes islamistes internationaux. Il s'est interrogé sur les moyens, notamment militaires, susceptibles d'être employés pour combattre ces réseaux, ainsi que sur les conséquences de cette menace pour la politique de défense, notamment en matière de renseignement.

M. Alain Richard a indiqué que 14 000 appelés se trouvaient sous les drapeaux au moment où a été prise la décision de mettre fin par anticipation au service national. Il a précisé que la fin de leur incorporation s'étalait entre la fin du mois de juillet et la fin du mois de novembre de l'année 2001. Il a ajouté qu'il en était résulté, dans quelques unités élémentaires de l'armée de Terre, un manque d'effectifs qui devrait encore se faire sentir entre le mois d'octobre et la fin du second trimestre de l'année 2002. Après avoir noté certaines difficultés dans les rotations d'effectifs de trente à quarante unités élémentaires au cours du second semestre 2001, il a évalué à soixante-six le nombre de formations opérationnelles concernées à la fin de l'année tout en indiquant que les recrutements de militaires professionnels ou de civils pallieraient progressivement ces manques pour les combler définitivement début 2002.

Abordant la question des menaces terroristes extérieures, le Ministre de la Défense a souligné que les moyens de lutte pour y faire face reposaient essentiellement sur les services de renseignement. Puis il a mis en exergue le travail méthodique que la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) conduisait, en coordination avec les principaux services concernés. Après avoir indiqué que les services français avaient une assez bonne connaissance des différents réseaux d'extrémistes islamistes et de leur interaction, il s'est prononcé en faveur d'une accentuation de l'effort pour assurer leur suivi. Il a également mis en avant la nécessité de coordonner l'action des différents services de renseignement français et étrangers qui détiennent le plus d'information en ce domaine et de développer leurs échanges au niveau bilatéral au-delà même de l'espace euro-atlantique.

Le Ministre de la Défense s'est gardé d'émettre des réserves sur l'utilité et l'efficacité du renseignement d'origine technique, observant que les services américains, fortement équipés en ce domaine, disposaient également de moyens de renseignement humain importants. Il a alors fait valoir que le renseignement humain et le renseignement technique étaient complémentaires.

Après avoir souligné que la sécurité du pays était une priorité essentielle, il a néanmoins estimé qu'il était difficile d'assurer un mécanisme de protection absolument étanche dans des sociétés occidentales ouvertes et respectueuses des libertés individuelles.

Après avoir remarqué que, du fait des circonstances, l'actuel Ministre de la Défense pourrait bien se trouver dans la situation inédite d'obtenir des crédits supplémentaires en cours d'exercice, M. René Galy-Dejean a présenté deux remarques, en soulignant qu'elles étaient empreintes d'une certaine nostalgie.

Il a d'abord estimé que la satisfaction généralement manifestée devant la réussite de la professionnalisation ne prenait en compte qu'une partie du processus : en effet, si l'on pouvait se féliciter de la réussite de la transformation d'une armée de conscription en armée professionnelle, il fallait aussi constater que cette armée professionnelle ne disposait pas de l'équipement qui devrait être normalement le sien. M. René Galy-Dejean a jugé cette situation grave pour l'institution militaire.

Il a ensuite considéré que l'équilibre traditionnel entre les capacités militaires de la France et de la Grande-Bretagne était à présent rompu, la situation française s'étant considérablement dégradée depuis 10 ans alors que les actuels mouvements des forces britanniques permettaient de constater qu'elles formaient un outil performant, bien équipé, et permettant d'anticiper les situations.

Exposant qu'à la suite des événements en cours, la France pourrait se trouver placée au pied du mur, du fait des décisions prises par l'un de ses grands alliés, il a alors demandé au Ministre si ses services étudiaient aujourd'hui les modifications à apporter éventuellement au budget de la Défense pour tenir compte des risques ou des nécessités d'action qui attendaient la France, le peuple français paraissant aujourd'hui prêt à de grands efforts.

M. Jean-Yves Le Drian a souhaité savoir si le niveau des crédits du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) serait maintenu dans l'actuel projet de budget, et si le FRED avait vocation à perdurer au-delà de l'exercice budgétaire 2002.

Prenant acte avec satisfaction des décisions de juillet 2001 relatives à DCN, et du dépôt annoncé avant la fin de l'année d'un projet de loi tendant à sa transformation en société nationale, il s'est alors interrogé sur l'éventualité de doter l'entreprise de règles de fonctionnement intermédiaires entre janvier 2002 et janvier 2003, date prévisible d'entrée en vigueur de son nouveau statut, et sur la perpétuation de son alliance avec Thalès.

Après avoir salué la décision relative au statut de DCN, dont il a estimé qu'elle répondait aux attentes du personnel, M. Jean-Noël Kerdraon s'est interrogé sur les mesures de recrutement nécessaires pour assurer le succès de la réforme soulignant que le taux d'encadrement actuel de l'entreprise n'était que de 10 % au lieu de 30 % dans un secteur industriel tel que l'aéronautique.

Après avoir fait valoir que les progrès accomplis dans le maintien en condition opérationnelle des bâtiments allaient permettre de porter le nombre de jours à la mer de 94 à 97 par an, il a fait remarquer que la mission d'information sur l'entretien de la Flotte, présidée par M. Charles Cova et dont il était lui-même rapporteur, avait pris acte de nombre d'insatisfactions des personnels embarqués de la Marine. Il a alors estimé que ces insatisfactions, qui concernaient l'entretien des bâtiments, étaient dues notamment à un décalage entre la baisse des effectifs de DCN et la mise en place plus tardive du service de soutien de la Flotte. Faisant état de lourdeurs de gestion, il a demandé son sentiment au Ministre quant à la bonne utilisation des crédits dans ce domaine.

Enfin, observant que les transports de chalands de débarquement de nouvelle génération (NTCD) étaient en fait des bâtiments polyvalents de transport et de commandement, il s'est demandé s'il ne convenait pas de les désigner sous une appellation plus adéquate.

Après s'être félicité de la bonne réalisation de la loi de programmation militaire 1997-2002, M. André Vauchez a souligné l'effort notable consenti en faveur des effectifs de la Gendarmerie qui avaient progressé de 5 %, des volontaires spécifiquement formés remplaçant désormais les appelés. Il s'est alors interrogé sur les raisons de l'augmentation de 30 % des effectifs d'officiers de Gendarmerie. Puis il a demandé au Ministre de faire le point sur la situation des PSIG (Pelotons de Sécurité et d'Intervention de la Gendarmerie).

Evoquant ensuite le déplacement de la Commission à Toulon, à bord du Siroco le 6 juin 2001, il a mentionné les difficultés d'ordre mineur qui avaient été portées à sa connaissance à cette occasion, notamment en matière d'entretien courant et d'approvisionnement en rechanges de faible valeur, soulignant que la mise en _uvre d'un beau bâtiment pouvait être compliquée, non par une insuffisance de crédits mas par des lourdeurs administratives.

Après avoir souligné les efforts consentis en faveur des crédits de la Gendarmerie, M. Georges Lemoine s'est toutefois déclaré préoccupé par certains points concernant la formation des jeunes gendarmes. Il s'est plus spécialement demandé s'il ne devenait pas nécessaire d'adapter les programmes et les durées de formation des jeunes sous-officiers qui ne bénéficient plus de l'instruction militaire de départ que donnait le service national. Il a également observé que les élèves gendarmes ne disposaient pas chacun d'une arme qui leur était personnellement affectée pendant la durée de leur scolarité et il s'est interrogé sur la possibilité de réutiliser à cette fin certains moyens et notamment des fusils FAMAS provenant d'unités dissoutes dans le cadre de la réorganisation des armées. Il a par ailleurs estimé qu'à l'occasion de la nouvelle mise en _uvre du plan Vigipirate, il conviendrait sans doute de dresser un premier bilan de l'expérience de fidélisation de certains escadrons de la Gendarmerie mobile dans les quartiers en difficulté pour déterminer si elle devait être poursuivie, modifiée, voire temporairement suspendue. Enfin, il a insisté sur la nécessité de régler définitivement la question des retards de paiement de certains loyers dus par la Gendarmerie, cette situation la plaçant en difficulté vis-à-vis à de collectivités territoriales ou de bailleurs privés.

M. Yves Fromion s'est inquiété des conséquences de la réduction de la durée du travail dans la fonction publique civile sur l'état d'esprit des militaires et plus particulièrement des gendarmes dont il a souligné la lourdeur des obligations de disponibilité. Il a exprimé la crainte que s'accentue le décalage, déjà sensible aux yeux des gendarmes, entre les conditions de travail au sein de la société civile et leur propre situation professionnelle. M. Yves Fromion a également considéré que les mesures d'augmentation des effectifs de Gendarmerie ne sauraient avoir pour effet d'accroître en proportion les capacités opérationnelles de l'arme, dès lors qu'il apparaissait nécessaire de réduire le temps effectif de travail des personnels.

En réponse aux différents intervenants, M. Alain Richard a apporté les précisions suivantes :

- le FRED enregistre effectivement une légère décroissance des crédits qui lui sont dévolus en 2002 (28,5 millions d'euros soit 180 millions de francs), il s'agit toutefois d'un phénomène compréhensible dès lors que les opérations de restructuration les plus importantes ont concerné les exercices précédents ;

- il est souhaitable que le dispositif législatif concernant la transformation de DCN en société nationale soit soumis au Parlement avant la fin de l'année 2001 car il convient que DCN puisse être une société de plein exercice dès le 1er janvier 2003. Cet objectif nécessite toutefois des travaux préalables de réorganisation interne, notamment dans le domaine financier, de manière à permettre la passation entre l'Etat et DCN d'un contrat d'entreprise et l'élaboration en conséquence d'un plan d'investissement précis. S'agissant des personnels, le Ministre s'est déclaré en accord avec la nécessité de recrutements permettant le renouvellement des compétences ;

- non seulement l'accord commercial désormais conclu entre Thalès et DCN sera maintenu dans ses objectifs mais il pourra également être étendu dans la perspective d'une consolidation des structures de DCN, permise par la réforme, le moment venu ;

- dans ses interventions pour l'entretien et les grosses réparations des bâtiments de la Marine, DCN rencontre des difficultés pour assurer, dans certains cas, ses prestations dans des conditions pleinement satisfaisantes. Certaines des opérations d'entretien réalisées par DCN ont déjà fait l'objet de mises en compétition avec des concurrents privés et ces procédures seront renouvelées. Pour ce qui concerne le futur contrat d'entreprise entre l'Etat et DCN, les garanties susceptibles d'être accordées pour l'attribution des marchés de maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la Marine représentent un enjeu majeur de la négociation, sachant qu'elles ne sauraient couvrir la totalité de l'entretien et des réparations à assurer ;

- le nombre des officiers en activité dans la Gendarmerie s'élève à un peu moins de 4 000 pour un effectif militaire global de près de 92 000, ce qui ne correspond pas à un taux d'encadrement des plus élevés. Les besoins en jeunes officiers subalternes sont d'ailleurs plus sensibles dans les unités que dans les services d'états-majors. Il convient par ailleurs de prendre en compte le développement des activités de coordination avec les services de police et de coopération internationale ;

- s'agissant des armes individuelles destinées aux élèves gendarmes, une appréciation de la situation reste à faire mais dans le cadre des écoles, la formation au maniement des armes paraît d'ores et déjà satisfaisante ;

- la politique de fidélisation des escadrons de gendarmerie mobile dans certaines zones donne satisfaction et répond à de réels besoins. Les relations avec la police nationale apparaissent également bonnes et cette situation est plutôt bien vécue par les personnels de la Gendarmerie qui y trouvent un cadre d'élargissement de leurs responsabilités, d'autant que certaines difficultés initialement rencontrées en termes de soutien sont en cours de règlement, notamment pour ce qui concerne les véhicules mis à disposition. Il reste toutefois acquis qu'il s'agit d'unités fidélisées et non fixées, donc susceptibles d'être appelées en renfort en cas d'urgence pour d'autres missions, conformément aux principes définis à la fin de l'année 1999. La politique de fidélisation a vocation à se poursuivre, étant donné qu'elle est rendue possible par des ressources en forces mobiles supérieures en moyenne annuelle aux besoins liés au maintien de l'ordre ;

- une sensible augmentation du montant des loyers de la Gendarmerie résulte de l'effort accompli pour l'affectation de gendarmes sur des postes non logés dans des zones périurbaines. Le Ministre de l'Economie et des Finances a souhaité qu'une étude soit conduite pour évaluer plus précisément le coût global des prises à bail réalisées à cette occasion ;

- puisque l'ensemble de la société française va bénéficier de la réduction du temps de travail, il serait anormal d'en priver les militaires qui sont soumis à des obligations lourdes de disponibilité, en partie compensées, notamment par 45 jours de droits annuels à permission. Des modalités d'allégement de la charge de travail sont donc à l'étude. La plus grande difficulté viendra probablement de la Gendarmerie qui a la charge de travail la plus élevée. Des solutions, éventuellement indemnitaires, devront être trouvées ;

- dire que nos armées, devenues professionnelles, sont mal équipées ne paraît pas conforme à la réalité, surtout en comparaison avec les autres pays européens. La France est en Europe le seul pays à disposer d'un satellite de renseignement et d'une dissuasion nucléaire dont toutes les composantes sont entièrement sous contrôle national. Par ailleurs, le mouvement de forces britanniques vers le sultanat d'Oman n'est pas une conséquence de l'actuelle tension internationale, mais le résultat d'un exercice programmé de longue date ;

- le financement d'éventuelles opérations extérieures n'est pas inclus dans le projet de loi de finances initiale mais fait normalement l'objet de dispositions des lois de finances rectificatives. Le projet de budget, quant à lui, garantit un niveau d'effectif, d'entraînement, d'entretien et de soutien qui permet aux forces de se déployer à tout instant.

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