Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la défense nationale et des forces armées (2001-2002)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 30 octobre 2001
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président,
puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

· Projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262) : Défense

 

Avis : Forces terrestres (M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis)

2

Espace, Communications et Renseignement (M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis)

8

   

La Commission a tout d'abord examiné les crédits des Forces terrestres pour 2002, sur le rapport de M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis des crédits des Forces terrestres, a rappelé que l'exercice budgétaire 2002 constituerait la sixième et dernière annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Il a souligné le caractère impressionnant du chemin parcouru. Les dissolutions d'unités sont désormais achevées : en cinq ans, l'armée de Terre a dissous plus d'unités qu'il ne lui en reste et a perdu un tiers de ses effectifs. Cette refondation s'est en outre déroulée, cette année, dans un contexte marqué par la suspension anticipée du service militaire, un marché de l'emploi devenu plus concurrentiel, la restructuration de la DGA et de l'industrie de défense et un engagement permanent dans de nombreuses opérations extérieures ou intérieures.

Le projet de budget des Forces terrestres pour 2002 s'élève à 7,34 milliards d'euros (48,13 milliards de francs) de crédits de paiement, en diminution de 56,1 millions d'euros (368 millions de francs) par rapport à 2001, soit une baisse de 0,76 % en euros courants et de 2,32 % en euros constants.

D'un montant de 4,76 milliards d'euros (31,24 milliards de francs) les crédits de fonctionnement diminuent de 25,6 millions d'euros constants, soit 0,58 %.

Sur le plan des effectifs militaires, M. Jean-Claude Sandrier a estimé que la situation était particulièrement satisfaisante.

Les mesures incitatives en faveur du départ des officiers ont produit leurs effets puisque, à 200 personnes près, les effectifs ont atteint le niveau requis par la loi de programmation militaire. Chez les sous-officiers, il existe un sous-effectif proportionnellement comparable à celui des officiers. Des mesures ont été prises pour augmenter le recrutement et favoriser la promotion interne des militaires du rang.

Chez les EVAT (engagés volontaires), les effectifs correspondent aux prévisions de la loi de programmation et de la loi de finances pour 2001. La baisse du chômage n'a donc pas empêché les forces terrestres de poursuivre leur recrutement. Un déficit existe toujours dans la catégorie des VDAT, ces « volontaires de l'armée de Terre » qui ne s'engagent que pour un an renouvelable et qui sont moins bien payés que les engagés. Mais ce déficit, qui tend à se réduire, ne concerne qu'un effectif relativement réduit de 2 000 postes budgétaires. M. Jean-Claude Sandrier a donc estimé qu'il n'y avait pas lieu de s'alarmer à ce propos.

Il s'est en revanche déclaré préoccupé par la situation des effectifs de personnels civils dont le déficit se creuse d'année en année.

Alors que la loi de programmation militaire disposait qu'un total de 34 000 civils seraient employés en 2002 au sein des Forces terrestres, le projet de loi de finances pour 2002 n'en prévoit plus que 31 543, chiffre inférieur aux effectifs de 1996. Or, au 31 juillet 2001, avec 26 663 civils, le déficit par rapport aux effectifs budgétaires de 2001 s'élevait déjà à 3 066 personnes. Si la situation n'évolue pas, ce sont plus de 4 800 civils qui vont manquer aux Forces terrestres par rapport aux effectifs budgétaires de 2002 soit 15,5 % de ces effectifs.

M. Jean-Claude Sandrier a observé que des dérogations permettant l'embauche d'ouvriers d'Etat avaient été accordées. Mais il a souligné l'inefficacité de ces mesures d'embauche, qu'il a estimées trop parcimonieuses, puisqu'elles n'ont porté que sur 250 personnes, alors que le déficit se chiffre en milliers.

Il a alors réitéré son souhait de voir ce problème pris en considération par le Gouvernement. L'absence des civils a en effet deux conséquences préoccupantes : d'une part, plusieurs milliers de soldats sont distraits de leurs fonctions militaires pour être affectés à des tâches devant revenir à des civils ; d'autre part, le déficit en personnels civils dans les services du matériel a un effet direct et négatif sur la disponibilité du matériel.

M. Jean-Claude Sandrier s'est par ailleurs félicité que les crédits du titre III permettent de porter à 89 le nombre de jours d'entraînement en 2002. En 2001, l'état-major assure que les prévisions des 80 jours seront tenues, l'objectif à terme étant de 100 jours. Par rapport aux armées de terre comparables, les Forces terrestres françaises restent dans la moyenne. Mais la situation est plus préoccupante pour ce qui concerne l'ALAT. Les indicateurs montrent, en effet, que le nombre d'heures de vol des pilotes d'hélicoptères varie entre 122 et 145 par an selon les types de machine. Or, il est considéré de manière générale que la sécurité n'est plus entièrement assurée en-deçà de 150 heures de vol par an. Plus grave, 25 % des jeunes équipages, qui auraient besoin d'acquérir de l'expérience, n'atteignent pas ce seuil, notamment en raison de la trop grande indisponibilité des matériels.

Le projet de budget vise également à améliorer la condition matérielle des militaires avec la relance du plan Vivien de réhabilitation des casernements. Il prévoit au titre III plusieurs mesures catégorielles en faveur des sous-officiers, dont celle, attendue, qui porte sur la revalorisation de la solde des jeunes sergents par rapport notamment à celle des caporaux-chefs afin de tenir compte de la différence de formation et de responsabilités.

M. Jean-Claude Sandrier a ensuite souligné que les crédits d'équipement connaissaient une véritable chute de 5,51 % par rapport au budget de 2001.

Le projet de budget pour 2002 donne ainsi l'impression que l'inévitable hausse des crédits consacrés au fonctionnement a provoqué une baisse quasi mécanique des crédits d'équipement.

M. Jean-Claude Sandrier a indiqué que la commande « semi-globale » concernant le missile de défense de théâtre SAMP/T ne permettrait pas, en contrepartie, le lancement de la totalité des commandes prévues, ce qui lui a semblé mal augurer de l'entrée dans la prochaine loi de programmation militaire 2003-2008.

Ainsi, les programmes Atlas Canon d'automatisation des tirs et des liaisons des régiments d'artillerie, Cobra de radar de contre batterie, de même que les programmes de guerre électronique de l'avant, de modernisation du système de transmission Rita, de défense sol-air et d'abris mobiles pour équiper les PC de campagne seront retardés. Les Forces terrestres achèteront moins de munitions d'exercice que prévu et la commande de 20 000 gilets pare-éclats prévue pour 2002 sera scindée en deux.

M. Jean-Claude Sandrier a estimé que l'armée de Terre était celle qui avait le plus souffert de la professionnalisation dans la mesure où elle incorporait le plus grand nombre d'appelés. Mais c'est aussi sans aucun doute celle qui est la plus sollicitée dans les missions extérieures et intérieures. Au total, les Forces terrestres qui représentent près du tiers des militaires et 80 % des forces engagées hors du territoire métropolitain ne recevront, en 2002, que 20,1 % des crédits d'équipement du ministère de la Défense. Et cette part est en diminution : l'année dernière, la part de l'armée de Terre était de 20,9 % de l'ensemble des crédits d'équipement de la Défense. Au sein du budget de la Défense, l'armée de Terre est celle dont les crédits de paiement diminuent le plus (- 3,9 %).

M. Jean-Claude Sandrier a donc insisté pour que soit consenti, dès l'année 2002, un effort budgétaire pour l'armée de Terre, « sur-sollicitée » selon les termes de sous-officiers qu'il a rencontrés au cours de ses visites.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que la faiblesse des crédits d'équipement n'avait pas seulement des répercussions sur les achats de matériels neufs. Elle en a également sur la disponibilité des équipements existants, qui reste cette année encore relativement faible. Cette faiblesse est due, pour une bonne part, à une professionnalisation menée au pas de charge qui a notamment entraîné une profonde restructuration du service du matériel et un déficit en personnel lié à cette restructuration, mais on peut aussi y trouver d'autres causes comme la complexité des marchés publics.

M. Jean-Claude Sandrier a alors jugé nécessaire dans l'immédiat d'assurer un meilleur partage des tâches d'entretien entre Giat-Industries et la Direction centrale du matériel (DCMAT). Il a souligné que cette nouvelle répartition du travail aurait le double avantage d'alléger la charge de la DCMAT qui a du mal à répondre à la demande et d'accroître celle de Giat qui en a un besoin urgent.

Il a alors préconisé un effort financier en faveur de l'équipement des Forces terrestres, soulignant que le moral des militaires dépendait directement de leur aptitude à accomplir leurs missions et, donc, de la qualité et du caractère opérationnel de leurs matériels. Il s'est félicité à ce propos que le projet de budget prévoie une hausse sensible des crédits d'entretien : + 29,6 % en autorisations de programme et + 18,7 % en crédits de paiement.

M. Jean-Claude Sandrier a ensuite fait valoir que les restrictions de crédits dans le domaine de l'équipement des Forces posaient la question du devenir de l'industrie d'armement terrestre. Soulignant que cette industrie ne pouvait se développer de manière pérenne, dans aucun pays, sans la ressource des commandes publiques, il a estimé que la question de sa survie était désormais posée en France.

Il a jugé que le maintien des compétences de l'industrie française d'armement devait constituer un objectif prioritaire afin d'éviter que le pays devienne dépendant d'un approvisionnement extérieur, alors que le marché des équipements les plus élaborés tendait à devenir monopolistique au profit des Etats-Unis. Il a à ce propos observé qu'aux effets de la domination américaine sur les marchés d'armement s'ajoutaient les pressions liées à une volonté d'avancer rapidement vers une interopérabilité des forces de l'OTAN.

Il a alors souligné que la préservation du savoir-faire était d'autant plus cruciale qu'elle ne nécessitait pas forcément des investissements lourds, mais simplement un budget d'équipement qui permette aux Forces terrestres d'acheter les matériels qui leur sont nécessaires : le développement du Trigan, par exemple, ne nécessiterait que 30,5 millions d'euros (200 millions de francs par an) en autorisations de programme. Au moment où la lutte contre le terrorisme semble bien poser de nouvelles questions en matière de doctrine militaire, M. Jean-Claude Sandrier a jugé que ce matériel pourrait fournir aux Forces terrestres une capacité antichar en préservant le savoir-faire de l'industrie nationale, mais aussi européenne, de défense dans un secteur prometteur à l'exportation. De même, le maintien des compétences industrielles en matière de munitions ne demanderait qu'un effort financier d'environ 122 millions d'euros (800 millions de francs) pour l'ensemble des calibres, recherches comprises.

Après avoir souligné que la préservation du savoir-faire nécessitait des investissements, M. Jean-Claude Sandrier a souhaité sur ce point un engagement non ambigu de l'État, tout en estimant par ailleurs que des coopérations étaient envisageables avec d'autres partenaires européens.

Evoquant un récent rapport de la Cour des Comptes, il a récusé l'idée d'une soumission complète de l'industrie de défense à une loi du marché faussée par le dumping et incapable de tenir compte d'une donnée aussi stratégique que la compétence dans des domaines clés de la fabrication d'armements.

Il a alors proposé que la Commission constitue rapidement un groupe de travail ou une mission d'information sur l'avenir de l'industrie de l'armement terrestre.

En conclusion, M. Jean-Claude Sandrier a insisté sur l'effort remarquable accompli par l'armée de Terre depuis le début de la loi de programmation. Le moral des militaires, qui ne demandent qu'à obtenir les moyens de terminer le travail entamé, commence à s'améliorer, même si certains personnels parlent de saturation, en raison des opérations extérieures, des projections intérieures et des effectifs « taillés au plus juste ».

M. Jean-Claude Sandrier a alors demandé qu'un effort immédiat soit consenti au profit des Forces terrestres et notamment de leur équipement, qui conditionnait leur capacité opérationnelle.

Puis il a estimé que, malgré le caractère satisfaisant des crédits du titre III, la Commission ne pourrait émettre un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des crédits des Forces terrestres et notamment de leurs titres V et VI, qu'à la condition expresse que le Gouvernement prenne en compte les remarques qu'il avait présentées.

Après avoir jugé que le rapport pour avis présenté par M. Jean-Claude Sandrier était d'autant plus remarquable qu'il était accablant, M. René Galy-Dejean s'est inquiété des incidences de l'évolution des crédits d'équipement de l'armée de Terre sur l'industrie française de l'armement. Il a souligné, à cette occasion, qu'il était paradoxal de demander des embauches supplémentaires d'ouvriers d'Etat dans les forces alors même que les personnels de cette catégorie en sur-effectifs à Giat-Industries contribuaient à alourdir les charges salariales et à peser sur le résultat d'exploitation de cette entreprise. Puis, après s'être déclaré préoccupé des perspectives d'avenir de Giat-Industries, il a regretté que le rapporteur n'aille pas au bout de la logique de son raisonnement en présentant un amendement susceptible d'infléchir la position du Gouvernement. Il a ensuite jugé qu'en considérant que le niveau des dotations du titre III suffisait à améliorer le moral des personnels militaires, on méconnaissait leur aspiration profonde à servir dans des forces équipées de matériels modernes, efficaces et pleinement opérationnels. Il a alors indiqué que les membres du groupe RPR voteraient contre les crédits des Forces terrestres.

Après avoir jugé que le rapporteur avait présenté une synthèse remarquable des questions soulevées par le projet de budget de l'armée de Terre, M. Gilbert Meyer a souligné qu'il partageait pleinement les préoccupations qu'il avait exprimées à l'égard de la réduction des crédits d'équipement. Observant que le patrimoine immobilier de certains régiments dissous pouvait poser des problèmes d'intégration urbaine et d'environnement, il s'est alors interrogé sur la possibilité d'en aliéner les éléments et d'affecter le produit de leur cession au budget d'équipement de l'armée de Terre.

M. Guy-Michel Chauveau a souligné qu'une mutation de l'ampleur de celle qu'avait connue l'armée de Terre ne pouvait pas s'effectuer sans difficultés. Après avoir évoqué les perturbations entraînées par la fin du service militaire, il a estimé que les crédits d'équipement souffraient de la pression exercée par le titre III du fait de la professionnalisation.

Le Président Paul Quilès a alors rappelé la décision prise en 1996 de diminuer l'effort d'équipement militaire d'un montant avoisinant les 3 milliards d'euros (20 milliards de francs).

M. Alain Moyne-Bressand a déploré que les militaires de l'armée de Terre soient considérés comme des fonctionnaires qu'il suffirait de rémunérer sans leur donner les équipements correspondant à des missions ambitieuses. Il s'est également interrogé sur la participation de l'Eurocorps à la capacité de réaction rapide européenne en cours de constitution. Il a enfin regretté que l'Europe ne dispose pas de moyens suffisants pour contribuer plus efficacement aux opérations conduites par les Etats-Unis en Afghanistan, notamment en matière de renseignement.

M. Michel Voisin a souscrit aux propos de M. René Galy-Dejean, indiquant que le groupe UDF se prononcerait également contre les crédits des Forces terrestres. Il a par ailleurs fait observer que les crédits d'entretien programmé des matériels du titre III avaient été, au cours de la période de programmation, transférés en quasi-totalité au titre V, ce qui avait réduit d'autant les dotations d'équipement des armées.

M. Jean-Claude Sandrier a apporté les éléments de réponse suivants :

- de nombreux ouvriers d'Etat de Giat-Industries et de DCN ont quitté ces entreprises à la suite, notamment, des mesures de départ anticipé en retraite à 52 ans. Il n'est pas possible d'y trouver actuellement une ressource suffisante pour répondre aux besoins en personnels civils induits par la professionnalisation des armées ;

- le récent rapport de la mission d'information sur l'entretien de la flotte a fait ressortir les difficultés liées à la diminution de 60 % des effectifs de DCN. La société nationale Giat-Industries est confrontée aux mêmes difficultés. Les comptes de Giat-Industries sont par ailleurs hypothéqués par l'exécution du contrat de vente de chars Leclerc aux Emirats Arabes Unis. De plus, la société est actuellement menacée par les pratiques de dumping de ses concurrents, israéliens notamment, dans le domaine des munitions de petit calibre et pourrait l'être bientôt dans celui des munitions de moyen calibre. L'Etat doit passer commande pour éviter cet abandon de compétences. Giat-Industries est avant tout victime de la réduction unilatérale de son plan de charges de blindés lourds, les perspectives d'acquisition de chars Leclerc par l'armée de Terre étant passées en dix ans de 1 400 unités à 406 ;

- la plus forte réduction des crédits d'équipement de l'armée de Terre au cours de la période récente remonte à 1996, année où le budget exécuté avoisinait 11,5 milliards d'euros (75 milliards de francs) alors que les dotations votées par le Parlement étaient élevées à 14,5 milliards d'euros (95 milliards de francs) ;

- les problèmes rencontrés en matière de maintenance des matériels sont liés en grande partie au rythme de la professionnalisation des armées. En quatre ans, 40 % des postes de personnels de maintenance ont été supprimés au sein de l'armée de Terre. Ce constat appelle une mise en garde, pour qu'il soit mis un terme à cette évolution ;

- comme l'a souligné le Général Yves Crène, Chef d'état-major de l'armée de Terre, le titre III des crédits des Forces terrestres est un sujet de satisfaction s'agissant aussi bien du niveau des effectifs que du fonctionnement et de la condition militaire.

M. Robert Poujade a fait valoir que la mission principale des membres de la Commission était de défendre les armées et de veiller à ce que celles-ci disposent des moyens et des capacités d'intervention nécessaires, d'autant que le contexte international actuel est préoccupant. Il a estimé que si le rapport présenté par M. Jean-Claude Sandrier était de très bonne qualité, le projet de budget des Forces terrestres pour 2002 ne l'était pas. Il a également jugé que le rapporteur confirmait à plus d'un titre les propos nuancés qui avaient été tenus par le Chef d'état-major de l'armée de Terre lors de son audition par la Commission. Puis il a estimé que le cri d'alarme du rapporteur devait être relayé lors de la séance publique consacrée à l'examen des crédits du ministère de la Défense pour 2002.

Le Président Paul Quilès a observé que le droit d'amendement des parlementaires était encadré par des règles constitutionnelles qu'il avait d'ailleurs proposé de réformer. Puis il a estimé que, dans le contexte international actuel, il ne paraissait pas possible de repousser le budget de la Défense.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Forces terrestres, les membres des groupes RPR, UDF et DL votant contre.

--____--

Puis, la Commission a examiné les crédits consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement pour 2002, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis, a rappelé que son avis budgétaire portait sur un des huit systèmes de forces, dénommé « Commandement, Conduite des opérations, Communication et Renseignement », que les opérationnels désignent par l'acronyme C3R.

Il a fait valoir que l'espace, les communications et le renseignement permettaient de maîtriser l'information, c'est-à-dire le recueil, le traitement, la diffusion et le stockage des ordres et éléments d'appréciation indispensables à tous les échelons, du niveau politique jusqu'au commandement sur le terrain. Tout en reconnaissant des spécificités importantes à chacun de ces moyens, il a insisté sur la nécessaire cohérence de l'ensemble.

M. Bernard Grasset a alors fait observer que, pour la seconde année consécutive, le secteur de l'espace bénéficiait, plus que tout autre poste de dépenses d'équipement du ministère de la Défense, d'un traitement budgétaire plutôt favorable. Il a notamment relevé que les crédits de paiement alloués à l'espace militaire s'accroissaient de 9,1 % par rapport au budget voté de 2001, leur montant s'établissant à 454,3 millions d'euros (2,98 milliards de francs), niveau jamais atteint depuis 1998.

Il a nuancé son appréciation en présentant l'évolution des autorisations de programme, dont il a indiqué qu'elles diminuaient très sensiblement de 28,7 %. Il a toutefois souligné que l'avenir était préservé, puisque le montant des crédits de paiement et des autorisations de programme consacrés à la recherche en faveur de l'espace, respectivement 44,4 millions d'euros (291 millions de francs) et 35,1 millions d'euros (230 millions de francs), augmentait sensiblement.

Le rapporteur pour avis a également émis une réserve à l'égard du maintien en 2002 d'un versement du ministère de la Défense, de l'ordre de 190,6 millions d'euros (1,25 milliard de francs), au budget civil de recherche-développement (BCRD). Il a rappelé que cette imputation, essentiellement destinée aux recherches réalisées par le CNES, entrait en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002. Considérant que les dotations ainsi affectées au BCRD ne seraient pas contestables dans leur principe si elles bénéficiaient à des recherches d'intérêt militaire, il a regretté que ce ne soit que partiellement le cas.

M. Bernard Grasset a observé que, dans l'ensemble, le projet de budget permettait d'assurer la continuité des programmes spatiaux majeurs. Il a souligné qu'avec 1 658 millions d'euros (10,9 milliards de francs) de crédits de paiement consacrés à l'espace civil et militaire, la France apparaissait comme le pays européen qui maintenait le niveau d'engagement financier le plus conséquent en faveur de l'espace, regrettant que son exemple ne soit pas davantage suivi.

Il a toutefois reconnu les efforts des autres pays européens, indiquant qu'ils avaient notamment doté l'Agence Spatiale Européenne de moyens suffisants pour adapter Ariane 5 à la concurrence et engager le développement de Galileosat, système de navigation par satellites concurrent du GPS américain et du Glonass russe. Il s'est également réjoui que la Conférence ministérielle de l'Agence Spatiale Européenne, qui se tiendra à Edimbourg à la mi-novembre, soit disposée à permettre le lancement de Soyouz depuis Kourou. Il a souligné cependant que les pays européens investissaient davantage dans des programmes duaux à vocation majoritairement civile. Il a plus particulièrement remarqué que, dans le domaine de l'espace militaire, un décalage subsistait par rapport aux déclarations des sommets européens d'Helsinki, en décembre 1999, et de Nice, en décembre 2000, aux termes desquelles les Etats membres de l'Union européenne s'étaient assigné pour but de mettre en _uvre des capacités collectives de commandement, de contrôle et de renseignement, en vue de projeter pendant un an 50 000 à 60 000 hommes, soutenus par des moyens aériens et navals, sur un théâtre éloigné.

Le rapporteur pour avis a rappelé que le plan pluriannuel spatial militaire (PPSM) avait, en son temps, évalué à un montant annuel compris entre 533,6 et 609,8 millions d'euros (entre 3,5 et 4 milliards de francs) les moyens spatiaux nécessaires à ce type de projection de forces. Observant que certains paramètres et besoins avaient changé, il a estimé à 730 millions d'euros (4,8 milliards de francs) par an le niveau global d'investissement indispensable pour atteindre les objectifs d'Helsinki, puis regretté que la somme des budgets européens consacrés à l'espace militaire en soit éloignée.

Transposant au financement d'un programme spatial militaire européen complet comportant des systèmes d'observation, de télécommunications, d'écoute, d'alerte avancée et de surveillance, les critères de contribution de l'Agence Spatiale Européenne, il a souligné à titre d'exemples, que la participation de la Belgique représenterait l'équivalent de onze annuités de contribution d'un niveau de 2,5 % au programme Hélios 2, que l'investissement du Royaume-Uni serait égal au tiers de son budget spatial militaire actuel et que la participation française correspondrait à peu près au flux annuel moyen prévisible du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, de l'ordre de 214 millions d'euros (1,4 milliard de francs). Faisant valoir qu'un tel projet spatial militaire européen équivaudrait à 32 % des ressources annuelles de l'Agence Spatiale Européenne, qui s'élèvent à 2,3 milliards d'euros (15 milliards de francs), il a considéré qu'il était financièrement supportable.

M. Bernard Grasset a estimé que l'enjeu de la construction d'une Europe de l'espace militaire était essentiel à un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur l'ensemble de ce domaine avec pour volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici 2005 et alors même que le Japon, la Chine et l'Inde confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, aussi bien sur le plan des lanceurs que sur celui des satellites. Il a alors mis en exergue le rôle moteur joué par la France dans la poursuite de programmes fondamentaux et l'impulsion des coopérations européennes en matière spatiale militaire.

Il a cité à cet égard l'exemple de la relève de la filière d'observation optique, Hélios 2, qui sera financée par la France à hauteur de 97,5 %, la Belgique ayant accepté de participer au programme le 13 juillet 2001, ce qui se traduit dans le projet de budget par un niveau de crédits de paiement de 176,4 millions d'euros (1,16 milliard de francs). Il a ajouté à ce propos que l'Espagne devrait elle aussi signer prochainement un accord fixant à 2,5 % le niveau de sa participation au financement d'Hélios 2. Evoquant les suites de ce programme, complété par le projet dual Pléiades, il a mentionné l'accord de coopération franco-italienne conclu lors du sommet bilatéral de Turin, le 29 janvier 2001, aux termes duquel des échanges de capacités spatiales optique et radar entre les deux pays interviendront d'ici 2006. Il a ajouté que l'Allemagne pourrait elle aussi rallier cette coopération. Se référant enfin au renouvellement du système de télécommunications militaires spatiales Syracuse 2, il a indiqué qu'il s'effectuerait dans un premier temps sous maîtrise d'_uvre nationale dès 2002-2003, ce qui nécessitait pour 2002 104,9 millions d'euros (688 millions de francs) d'autorisations de programme et 156,5 millions d'euros (1,03 milliard de francs) de crédits de paiement, mais qu'il pourrait donner lieu ultérieurement à une coopération avec l'Allemagne.

Le rapporteur pour avis a alors observé que le Gouvernement veillait à préserver au mieux la position de pointe de la France dans la plupart des domaines de l'espace militaire, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence et d'écoute électromagnétique. Il a précisé que des efforts étaient désormais consentis pour la réalisation d'un essaim de microsatellites, dont le lancement était prévu pour 2004, alors que l'océanographie et la météorologie continuaient de faire l'objet d'un traitement favorable.

Abordant les dispositions du projet de budget concernant les systèmes de communication et les moyens de renseignement, il s'est félicité que ces domaines continuent de recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire.

Il a à cet égard mentionné le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunications et de transmission des forces, citant notamment l'équipement de six nouvelles bases de l'armée de l'Air en moyens de transmission des bases aériennes (MTBA), la poursuite du programme de modernisation des moyens de transmission des garnisons (MTGT) de l'armée de Terre par la commande de quarante-neuf systèmes et la livraison de trente-cinq autres, et enfin l'accroissement des ressources destinées aux équipements de la Marine en matière de systèmes de télécommunications et d'espace, les autorisations de programme demandées à ce titre s'élevant à un peu plus de 77,7 millions d'euros (510 millions de francs) alors que les crédits de paiement avoisinent 64,5 millions d'euros (423 millions de francs).

Le rapporteur pour avis a ajouté que les systèmes de recueil de renseignement seraient eux aussi améliorés. Il a constaté avec satisfaction qu'un effort particulier était prévu en faveur des drones, conformément aux observations qu'il avait formulées les années précédentes. Il a précisé que l'armée de Terre devait prochainement se doter d'un système de drone tactique intérimaire pour remplacer le Crécerelle dont la fin de service est programmée pour 2003. Il a également indiqué que l'armée de l'Air devait acquérir d'ici 2003 trois drones intérimaires Eagle de type moyenne altitude longue endurance (MALE) avec une station sol. Il a enfin évoqué plusieurs programmes d'études et de développement concernant des drones très courte portée (TCP) Pointer, des minidrones ainsi que des drones Marine.

M. Bernard Grasset a ensuite observé que les dotations des services de renseignement devraient augmenter de manière à permettre à ces derniers de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes. Il a estimé que l'intérêt ainsi marqué pour le renseignement humain se justifiait plus que jamais, à l'heure où les menaces dites « asymétriques », tel le terrorisme international, se faisaient plus précises.

Il a souligné l'effort de transparence du Gouvernement qui, pour la première fois, avait inclus les dotations de la DRM dans l'agrégat des crédits relatifs au renseignement mais néanmoins souhaité une ligne budgétaire spécifique et globale pour la fonction de renseignement estimant que les moyens qui lui sont alloués pourraient ainsi y gagner en lisibilité et en cohérence.

Concluant son intervention, le rapporteur pour avis a jugé le projet de budget globalement satisfaisant, aussi bien dans le domaine de l'espace que des communications et du renseignement. Evoquant l'avenir, il a néanmoins souligné que l'appréciation portée par la plupart de ses interlocuteurs sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 était plutôt nuancée. Il a alors mis en garde contre tout relâchement de l'effort français dans un domaine aussi stratégique que l'espace, en évoquant les sérieuses conséquences qui pourraient en résulter pour la capacité de la France à remplir le rôle de nation-cadre pour le C3R en Europe ainsi que pour les compétences des industriels nationaux. Il s'est également prononcé en faveur de coopérations plus étroites avec les autres pays de l'Union européenne, estimant qu'au minimum, une stabilisation du niveau des dotations de la France en faveur de l'espace était nécessaire.

M. Bernard Grasset a alors proposé à la Commission de donner un avis favorable aux crédits de la Défense consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement pour 2002.

Evoquant les perspectives de la coopération européenne en matière aéronavale, le Président Paul Quilès a estimé que cette coopération offrait également de grandes possibilités dans le domaine spatial militaire. Soulignant que l'avance prise aujourd'hui par la France dans ce domaine était le fruit de l'histoire, il a jugé que l'absence de plates-formes spatiales européennes à l'échéance de dix ou quinze ans serait incompréhensible.

S'agissant des services de renseignement, il a regretté que la réflexion menée au sein de la Commission sur leur contrôle démocratique n'ait pas abouti à l'adoption de dispositions législatives.

M. Jean-Yves Le Drian a demandé quelles initiatives de coopération internationale dans le domaine du renseignement avaient été prises à la suite des événements du 11 septembre dernier.

M. Robert Gaïa a regretté que, contrairement aux pays anglo-saxons, la France ne mette pas davantage à contribution des laboratoires et instituts de recherche privés pour alimenter un débat contradictoire sur les crises internationales.

Après avoir exprimé sa satisfaction à l'égard de l'évolution des crédits de l'Espace, des Communications et du Renseignement, M. Jean-Louis Bernard a souligné l'avance prise en Europe par la France dans le domaine spatial. Il a cependant regretté que les conséquences des événements du 11 septembre n'aient pas été prises en compte par le projet de budget de la Défense.

M. Bernard Grasset a apporté les éléments de réponse suivants :

- les événements survenus le 11 septembre n'ont pas fait évoluer profondément la coopération internationale dans le domaine du renseignement, même si les discours témoignent d'une plus grande ouverture ;

- les enseignements du conflit du Kosovo ont été tirés l'année suivante. Le conflit qui a commencé le 11 septembre est quant à lui tout à fait atypique. En tirer des enseignements demandera donc du temps. Parmi les lacunes capacitaires qui apparaissent le plus nettement figure celle relative aux satellites d'écoute.

Le Président Paul Quilès a ajouté que la mission d'information de la Commission sur les conséquences des attentats du 11 septembre avait justement pour objet d'élaborer des propositions d'action.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2002 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.


© Assemblée nationale