ASSEMBLÉE NATIONALE COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES COMPTE RENDU N° 21 (Application de l'article 46 du Règlement) Jeudi 29 novembre 2001
(Séance de 11 heures 30) Présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président SOMMAIRE
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- Examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (n° 3384),
M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis |
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| La Commission a examiné pour avis les articles 13, 14, 16 et 36 du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (n° 3384), sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian. Elle a tout d'abord procédé a l'examen de l'article 36 (Transformation de DCN en entreprise nationale). M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement avait arrêté, le 6 juillet 2001, la décision de transformer en société nationale DCN qui, par un décret du 12 avril 2000, avait accédé à l'appellation de « service à compétence nationale », ce qui ne lui conférait toutefois pas un nouveau statut, comme le rapporteur l'avait d'ailleurs souligné à plusieurs reprises. Il a souligné que les règles de la comptabilité publique découlant de la gestion de DCN dans le cadre d'un compte spécial du Trésor, comme d'ailleurs les contraintes du Code des marchés publics, s'avéraient incompatibles avec les impératifs de réactivité liés à la vie d'une entreprise de plus de 14 000 personnes. Il a ajouté que les restructurations déjà réalisées par les principaux concurrents européens de DCN et la pression à présent perceptible des chantiers navals américains et des grands groupes spécialisés dans les systèmes de combat renforcaient la nécessité de l'évolution statutaire pour faire valoir les atouts incontestables de DCN. Le rapporteur pour avis a ensuite insisté sur les principes régissant cette réforme : - le respect de l'unicité de l'entreprise, la nouvelle société DCN reprenant la totalité des activités industrielles de l'actuel service à compétence nationale ; - le contrôle intégral du capital de la société par l'Etat, se distinguant de toute privatisation même partielle et repoussant ainsi les risques d'un démantèlement ; - les garanties données aux ouvriers d'Etat ainsi qu'aux fonctionnaires et militaires affectés à DCN leur permettant de poursuivre leur carrière en conservant le bénéfice de leur statut. M. Jean-Yves Le Drian a néanmoins estimé qu'il convenait sans doute de mieux expliquer les principes mêmes de cette réforme afin de répondre aux légitimes interrogations des personnels et il a souhaité que le Parlement puisse être à même de suivre les conditions d'application de l'article 36 du projet de loi notamment pour ce qui concerne les dispositions relatives à la poursuite des carrières des personnels. S'agissant plus particulièrement des positions statutaires ouvertes aux fonctionnaires et aux militaires ainsi que des conditions dans lesquelles les contractuels se verront proposer un nouveau statut, il a souhaité que les textes d'application puissent prévoir le plus précisément possible toutes les mesures indispensables à une bonne mise en _uvre de la réforme. A cet égard, il a estimé qu'il est indispensable que les organisations syndicales connaissent, avant la fin de la procédure législative, les avants-projets de décrets d'application. Il a par ailleurs considéré que les délais qui s'imposaient désormais pour permettre à la société de débuter un premier exercice d'activité le 1er janvier 2003 apparaissaient relativement brefs dès lors qu'il convenait de poursuivre un certain nombre d'opérations de réorganisation et d'adresser aux personnels fonctionnaires, militaires et contractuels des propositions de contrats. Il a indiqué qu'un décret devrait intervenir très prochainement afin de mettre en place une société dite de préfiguration devant recruter quelques personnes dans les domaines de la gestion, du droit des sociétés et des ressources humaines. Puis, il a insisté sur l'importance du contrat d'entreprise qui résultera d'une négociation entre l'Etat et DCN et dont la conclusion devrait constituer l'un des préalables à l'entrée en vigueur de la réforme. Pour conclure, il a affirmé que DCN pouvait prétendre à un avenir prometteur si elle obtenait de réelles garanties de plan de charges et un niveau de fonds propres crédible. Il a souligné qu'en termes de marchés et de données économiques, la situation de DCN était foncièrement distincte de celle de Giat-Industries. Puis, après avoir observé qu'aucun interlocuteur syndical n'avait estimé que le statu quo constituait une voie d'avenir, il a souligné les conséquences d'un éventuel maintien pour DCN de ses actuelles conditions d'activité, en évoquant par exemple les paralysies entraînées par les dispositions du Code des marchés publics tant pour les opérations de construction neuve que pour celles d'entretien et de réparation. M. Jean-Claude Sandrier a regretté que le Gouvernement cherche à régler en moins de six mois un problème connu alors qu'il disposait de cinq années pour y apporter des solutions. Il a insisté sur le caractère tout autant politique qu'économique du problème posé par la réforme de DCN en déplorant qu'aucune solution acceptable n'ait été proposée dans le cadre du projet de loi alors que la quasi totalité des organisations syndicales reconnaissait la nécessité de donner à l'entreprise plus de souplesse et une meilleure réactivité dans sa gestion. Il a par ailleurs considéré que l'Etat avait souvent freiné les initiatives de DCN plutôt que de les encourager en estimant tout à fait anormal que les règles administratives et notamment celles de la comptabilité publique puissent à ce point desservir le développement d'une entreprise du secteur public. Il a également souligné qu'il n'était pas possible d'ignorer l'unité de la démarche syndicale à DCN, concrétisée par la présentation d'une déclaration commune par six organisations syndicales. Il s'est alors interrogé sur la possibilité d'introduire les précisions et garanties demandées par les syndicats dans un unique article a minima d'un projet de loi de finances rectificative. Il a également estimé maladroite la formulation de l'exposé des motifs qui liait le contrat d'entreprise non seulement à un objectif d'efficacité industrielle mais aussi de compétitivité, rappelant que cette notion, même si elle contenait aussi des connotations positives, pouvait apparaître comme peu rassurante, dans la mesure où elle avait été mise en avant pour justifier le changement de statut de Giat-Industries. Il a considéré qu'au sein de l'entreprise nouvelle, le fait que seuls les salariés de droit privé auraient le droit de vote au sein du comité d'entreprise, alors qu'elle serait au départ constituée fondamentalement de personnels d'Etat posait une difficulté d'ordre démocratique sérieuse pour laquelle il fallait trouver une solution. Il a ensuite exposé que la mise à l'écart par DCN d'EDF pour son alimentation en électricité au profit d'une société belge suscitait des interrogations légitimes sur les orientations de sa direction. Enfin, il s'est interrogé sur les garanties qui pouvaient être offertes à la société nouvelle par l'Etat en matière de plan de charges. Concluant que l'article 36 du projet de loi suscitait beaucoup d'interrogations, il a jugé indispensable qu'il soit répondu aux préoccupations du personnel et de leurs organisations syndicales. Il a alors demandé que les projets de l'Etat, en matière de soutien à l'entreprise, de plan de charges, de statut des personnels et d'association de ceux-ci à la décision soient soumis, avant la publication des décrets d'application, aux syndicats puis à un vote de l'ensemble des agents de DCN. Tout en déclarant comprendre la volonté de modernisation de DCN exprimée par la disposition proposée, il a alors jugé que, devant le nombre de questions qui restaient sans réponse, il n'était pas possible d'émettre un vote autre que négatif. M. Robert Gaïa, Président, a estimé que les fédérations syndicales des personnels de DCN étaient conscientes de la nécessité pour l'entreprise d'évoluer. Observant leur manque de confiance dans la réforme, il a considéré qu'il était désormais essentiel de mobiliser les personnels autour d'objectifs de performance. Il s'est à cet égard félicité de la mise en place d'une société de préfiguration, mieux à même de finaliser le processus de transformation de DCN. M. Jean-Yves Le Drian a partagé les observations de M. Jean-Claude Sandrier. Soulignant qu'il avait largement débattu de la réforme de DCN avec les fédérations syndicales, il a souligné qu'elles reconnaissaient toutes le besoin d'une évolution, ce qui était nouveau, et qu'elles insistaient sur les garanties à accorder aux personnels en place dans l'entreprise ainsi que sur la nécessité que l'Etat accompagne la transition statutaire. Après avoir indiqué qu'il était conscient des inquiétudes des personnels et de leur manque de confiance, consécutif aux profondes mutations de ces dernières années, il a fait valoir qu'il appartenait à la Commission de les rassurer en leur apportant les garanties nécessaires. La Commission a alors examiné les amendements à l'article 36. Elle a tout d'abord adopté un amendement présenté par le rapporteur pour avis ainsi que par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet visant, d'une part, à lier la signature du contrat d'entreprise pluriannuel entre l'Etat et DCN au début du premier exercice d'activité de l'entreprise et, d'autre part, à faire obligation au Gouvernement de transmettre aux Commissions des Finances et de la Défense de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la nouvelle société chaque année jusqu'au terme de la période d'exécution du contrat d'entreprise. Sur proposition de MM. André Vauchez et Jean-Noël Kerdraon, le rapporteur a accepté de préciser dans le commentaire de l'amendement que le contrat d'entreprise pluriannuel devait avoir une durée de cinq ans renouvelable. Elle a ensuite évoqué la question du détachement et de la mise à disposition des agents de la nouvelle société et en particulier des fonctionnaires et des contractuels dès lors que le statut des ouvriers d'Etat apparaissait totalement garanti. Elle a décidé de demander au Gouvernement des assurances sur ce point, en se réservant la faculté d'amender le texte si les engagements n'étaient pas suffisants. La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par le rapporteur pour avis ainsi que par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet visant à préciser le domaine des décrets d'application de l'article 36. La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 36 ainsi modifié. Elle est alors passée à l'examen des articles 13 (Dépenses ordinaires des services militaires. Ouvertures), 14 (Dépenses en capital des services militaires. Ouvertures) et 16 (Ratification des crédits ouverts par décret d'avance) du projet de loi. M. Jean-Yves Le Drian a exposé que 900 millions de francs étaient ouverts par l'article 13 au titre III, pour des crédits de fonctionnement. Il a précisé que ces crédits s'ajoutaient à 3,362 milliards de francs ouverts par le décret d'avance du 8 octobre 2001, dont la ratification était demandée par l'article 16 et qui se décomposaient en 2,742 milliards de francs pour les rémunérations et 620 millions pour le fonctionnement. En 2001, le titre III aura ainsi été abondé au total de 4,262 milliards de francs. Le rapporteur pour avis a ajouté que, comme à l'accoutumée, ces abondements étaient plus que compensés par des annulations de crédits d'équipement, dont le total sur l'année, compte tenu de 10 millions de francs de subventions en capital ouvertes à l'article 14 pour l'ONERA, s'élevait à 6,066 milliards de francs, soit 7,27 % des crédits initiaux, niveau proche de celui de l'année 2000. Il a conclu que le solde faisait apparaître une contribution nette de la Défense de 1,8 milliard de francs à l'équilibre général du budget, en diminution de près de 1 milliard de francs par rapport à 2000. Il a alors indiqué que les opérations extérieures auront représenté en 2001 un surcoût de dépenses de 3,290 milliards de francs, 2,774 milliards de francs au titre III, répartis entre 2,038 milliards de francs pour les rémunérations et 735 millions de francs pour le fonctionnement, et 516 millions de francs au titre V. Exposant que ces surcoûts étaient très proches de ceux de 2000, qui s'établissaient à 3,255 milliards de francs, il a jugé cette situation logique, le Général Jean-Pierre Kelche ayant exposé, lors de son audition par la Commission, que la structure des opérations extérieures, qu'il s'agisse de leur nombre ou de leur intensité, ainsi que les effectifs qui y étaient affectés, avaient été du même ordre en 2001 qu'en 2000, tandis que l'impact financier des opérations en Afghanistan n'apparaîtrait qu'en 2002. Soulignant que les surcoûts de rémunérations des opérations extérieures étaient abondés à 100 %, il a fait remarquer que tel n'était pas le cas de l'ensemble des dépenses supplémentaires de fonctionnement, un solde de 259 millions de francs étant laissé à la charge des armées. Il a également considéré comme une anomalie le non-remboursement des 516 millions de francs de surcoûts du titre V. Le rapporteur pour avis a ajouté que la Gendarmerie avait bénéficié d'un effort important, 570 millions de francs étant ouverts pour le paiement de ses arriérés de loyers, réduits à 190 millions de francs, et 170 millions de francs lui étant accordés pour son fonctionnement, soit un total de 740 millions de francs. Il a précisé que le solde des ouvertures permettait de couvrir la hausse du carburant par rapport aux prévisions, diverses mesures indemnitaires, l'application des mesures dites « Sapin », et enfin, pour 60 millions de francs, des arriérés de cotisation de la France au budget militaire de l'OTAN. Au bout du compte, il a jugé que la gestion du titre III ne devrait laisser subsister qu'un faible report de charges, de 300 millions de francs environ, permettant un début de gestion 2002 plutôt sain. S'agissant des annulations, le rapporteur pour avis a indiqué que cette année encore il ne s'agissait pas de régulation, mais qu'elles accompagnaient une dépense qui restait inférieure aux crédits ouverts. Il a rappelé les éléments évoqués par M. François Lamy, rapporteur pour avis, en 2000, pour en rendre compte : surdotations de certains chapitres, repérées par la Cour des comptes, diminutions de prix obtenues par la DGA, notamment du fait des commandes globales, retards de signature de programmes en coopération. Il a cependant fait observer que, pour la première fois depuis 1998, aucune réforme de procédure comptable n'était venue bloquer la dépense. Il a exposé que l'exécution des crédits avait donc démarré normalement, au début d'exercice et que la dépense attendue en 2001 serait supérieure d'1 à 3 milliards de francs à celle de 2000, qui s'établirait à 70 milliards de francs soit un niveau supérieur d'1 milliard de francs à celui de 1999. Il a estimé que cette progression devrait se poursuivre, les autorisations de programmes engagées étaient passées de 79 milliards de francs en 1998 à 85,7 milliards de francs en 1999 et à 107,4 milliards de francs en 2000, et devant atteindre 120 milliards de francs en 2001 si des autorisations de programme pouvaient être engagées pour l'A 400 M. Se félicitant de cette progression, qui rapprochait la dépense des crédits accordés, il a cependant fait observer qu'elle rendait de plus en plus nécessaire le financement des opérations extérieures en loi de finances initiale, comme la Commission l'avait encore demandé l'an dernier, ainsi que, à un moment où l'entretien programmé des matériels était profondément réformé, la couverture des surcoûts des opérations extérieures au titre V. Il a souligné qu'il convenait d'éviter que la reprise de la dépense d'équipement des forces aboutisse à ce que le financement des opérations extérieures vienne contraindre le budget normal de fonctionnement. Abordant l'article 14 du projet de loi, qui met en place 23,7 milliards de francs d'autorisations de programmes, il a indiqué qu'il s'agissait de financer d'une part la deuxième partie de la commande de 50 avions de transport militaire A 400 M, pour 23,7 milliards de francs, et d'autre part, pour 3 milliards de francs, les programmes de réponse à la menace issue des attentats du 11 septembre, que le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, avait présentés à la Commission. Il a précisé qu'à l'origine, il était prévu 18 milliards de francs d'ouvertures de programmes nettes, pour le financement du programme d'avions A 400 M, tandis que 2,2 milliards de francs d'autorisations de programme du titre III, devenues sans objet, et 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme du titre V, devaient être annulées en contrepartie de l'ouverture des 5,7 milliards de francs supplémentaires nécessaires. Après le 11 septembre, 3 des 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme qu'il était prévu d'annuler au titre V ont été finalement maintenus et affectés aux programmes décrits par le Chef d'état-major des Armées. Les ouvertures nettes sont ainsi passées de 18 à 21 milliards de francs. Eu égard notamment aux évolutions favorables des autorisations de programme, le rapporteur pour avis a alors proposé à la Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles 13, 14 et 16 du projet de loi. La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des articles 13, 14 et 16 du projet de loi. Elle a enfin émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2001.
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