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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 23

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 janvier 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Communication de M. François Lamy sur les opérations extérieures

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La Commission a entendu une communication de M. François Lamy sur les opérations extérieures.

M. François Lamy a d'abord souligné que le contrôle des opérations extérieures ayant été l'un des axes de réflexion et d'action de la Commission pendant la présente législature, il paraissait à présent opportun d'établir un bilan des travaux effectués en ce domaine et de tracer les perspectives de leur possible approfondissement dans l'avenir.

Il a alors rappelé que ces travaux trouvaient leur origine dans une communication du Président Paul Quilès à la Commission le 2 décembre 1997. Le Président Paul Quilès avait alors souligné une situation paradoxale et peu satisfaisante au regard des prérogatives du Parlement et de la démocratie. Alors que les opérations extérieures sont l'expression de la politique étrangère de la France, qu'elles engagent hommes et équipements, qu'elles ont un coût pour les finances publiques, le Parlement n'était amené à les évoquer qu'« à chaud » lors de déclarations ponctuelles du Gouvernement sur telle ou telle intervention militaire ou le plus souvent, par le biais budgétaire. Le Président Paul Quilès avait dans sa communication bien distingué deux domaines spécifiques sur lesquels le contrôle devait progresser, d'une part les accords de coopération militaire et de défense, en application desquels sont le plus souvent menées les opérations extérieures, de l'autre la conduite des opérations elles-mêmes.

S'agissant des accords de coopération militaire et de défense, il apparaissait nécessaire de mettre à plat le dispositif juridique qui pouvait donner lieu à l'engagement d'opérations extérieures. Les accords en vigueur, le plus souvent inconnus du Parlement, devraient lui être communiqués. Les nouveaux accords devraient même lui être soumis, en application de l'article 53 de la Constitution et la Commission en être saisie au moins pour avis, puisque ces accords sont renvoyés au fond à la Commission des Affaires étrangères. Enfin, un dispositif de suivi de leur application devrait être institué.

S'agissant de la conduite des opérations extérieures, le Président Paul Quilès avait rappelé que le Parlement disposait des moyens d'information, de contrôle ou de sanction que lui confère la Constitution : déclarations de politique générale accompagnées ou non d'un vote, débats sur un sujet particulier, vote des crédits de la Défense et des Affaires étrangères, commissions d'enquête ou de contrôle, questions au Gouvernement, questions écrites.

Dans un premier temps, il convenait donc d'utiliser ces moyens pour améliorer l'information de la Commission et le contrôle du Parlement : ainsi il paraissait souhaitable qu'un rapporteur de la Commission puisse régulièrement faire le point, pour chaque opération, sur ses objectifs, sa durée prévisible, l'importance des effectifs engagés, l'évaluation du coût de l'intervention, et l'évolution de la mission.

Enfin, le Président Paul Quilès jugeait qu'une autorisation du Parlement s'imposait avant le déclenchement d'une opération extérieure mais qu'elle devrait essentiellement s'appliquer aux interventions d'une ampleur particulière traduisant une décision politique majeure. En tout état de cause, il signalait qu'une telle réforme impliquait une révision de la Constitution.

M. François Lamy a alors rappelé que, sur la proposition du Président Paul Quilès et pour approfondir la réflexion ainsi engagée, la Commission avait créé un groupe de travail qui avait rendu ses conclusions le 25 mars 1998 et dont l'action avait ensuite été relayée par plusieurs rapporteurs.

M. François Lamy a exposé que le travail d'analyse effectué en matière d'accords de coopération militaire et de défense par le groupe de travail avait permis de procéder à une distinction majeure. Très vite, il a pu être mis en évidence que les accords non connus du Parlement ne constituaient pas un ensemble unique, mais étaient composés de deux catégories selon qu'ils étaient classifiés ou non.

M. François Lamy a alors rappelé que la valeur relative des clauses des accords secrets qui n'ont pas vocation à être connus du Parlement avait pu être mise en évidence à la suite de l'audition du Chef d'état-major des Armées le 22 novembre 2000, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin d'année. En sa qualité de rapporteur pour avis de ce projet, il s'était alors enquis « des missions des forces françaises en Côte d'Ivoire » et avait demandé « si une renégociation de l'Accord de défense et de la Convention de maintien de l'ordre liant la France à ce pays devait être envisagée ». Le Général Jean-Pierre Kelche avait répondu que : « les missions dévolues aux forces françaises en Côte d'Ivoire excluent toute intervention de maintien de l'ordre. L'attitude française n'a pas fait l'objet de critiques de la part des gouvernements africains qui savent que la France n'a aucun projet d'intervention à des fins de maintien de l'ordre. Elle est conforme à l'Accord de défense conclu en 1961 avec la Côte d'ivoire et connu du Parlement ».

Après avoir relevé que cette réponse soulevait le problème de la portée de la Convention secrète de maintien de l'ordre du 9 février 1962 passée avec la Côte d'Ivoire, il a ajouté que M. Bernard Cazeneuve avait pu en conclure dans son rapport d'information sur la réforme de la coopération de défense que l'application d'un accord secret, par définition inconnu du Parlement et de tiers, échappait à toute contrainte de nature juridique et n'était qu'une pure question diplomatique. En conséquence, le contrôle des accords secrets, loin de relever d'une problématique spécifique, se fondait en réalité au sein du contrôle des opérations elles-mêmes.

Quant aux accords non secrets et non publiés, M. François Lamy a remarqué qu'il suffisait au Parlement d'exercer ses prérogatives et de mettre en _uvre son droit à l'information. Il a rappelé à ce propos que M. Bernard Cazeneuve avait ainsi pu publier en annexe à son rapport d'information sur la réforme de la coopération de défense le texte des accords non classifiés et non encore publiés et établir pour l'avenir un mécanisme de transmission à la Commission de ces accords au fur et à mesure de leurs conclusions ou de leurs modifications.

M. François Lamy a conclu qu'en matière d'accords de coopération militaire et de défense, il ne restait plus à traiter qu'un seul des éléments du programme de travail fixé le 2 décembre 1997 : la saisine pour avis de la Commission des accords de coopération militaire et de défense soumis au Parlement en application de l'article 53 de la Constitution, ces accords étant renvoyés au fond à la Commission des Affaires étrangères.

Après avoir noté qu'au cours de la présente législature, seuls deux accords bilatéraux de ce type avaient été déposés, l'un avec Singapour, l'autre avec la Roumanie, il s'est interrogé sur l'intérêt de leur examen par deux commissions alors même que, à la fois au regard de leur nombre et de l'ampleur du domaine de compétence de la Commission des Affaires étrangères, ils présentent pour cette dernière un caractère marginal.

Relevant qu'en matière de relations internationales, la Commission de la Défense était déjà compétente, aux termes de l'article 36 du Règlement, pour la « politique de coopération et d'assistance dans le domaine militaire » il s'est interrogé sur une extension possible de cette compétence aux accords -peu nombreux- relatifs à cette coopération, à condition toutefois que la Commission des Affaires étrangères en soit d'accord.

Abordant alors la question du contrôle des opérations proprement dit, M. François Lamy a rappelé que le groupe de travail mis en place par la Commission avait étudié des solutions dans deux domaines : la révision de la Constitution et l'amélioration de la pratique dans le cadre du droit constitutionnel existant.

Rappelant que le fondement de la compétence du Parlement en matière d'engagement des forces résidait dans l'article 35 de la Constitution qui dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement », il s'est interrogé sur la portée de cette disposition au regard du droit international. Il a alors fait observer que la déclaration de guerre, comme notion juridique de droit international, avait disparu avec l'adoption de la Charte de l'ONU.

Puis il a rappelé que, dans le rapport d'information sur le contrôle des opérations extérieures qu'il avait présenté à la Commission, il avait tenté, après d'autres, de proposer une formulation de l'article 35 de la Constitution qui ouvre de nouveau au Parlement un droit à se prononcer sur l'engagement des forces. Cette formulation est la suivante :

« L'emploi hors du territoire national des forces françaises est soumis à une consultation préalable du Parlement dans les conditions prévues par une loi organique. »

« La participation de ces mêmes forces à des opérations de maintien, de rétablissement ou d'imposition de la paix qui n'auraient pas été expressément décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou qui ne résulteraient pas de l'application d'un accord de défense, fait l'objet d'une autorisation préalable du Parlement ».

M. François Lamy a alors observé qu'au cours de la législature, la France avait participé à deux opérations militaires majeures non expressément décidées par le Conseil de sécurité : en République fédérale de Yougoslavie, dans le cadre du conflit du Kosovo en 1999, puis en Afghanistan en 2001. Il a souligné que, dans ces deux cas, l'association du Parlement aux actions menées était restée limitée puisqu'elle s'est bornée à des débats sur des déclarations du Gouvernement, non suivis d'un vote et tenus après le déclenchement des opérations.

Il a ensuite rappelé que le groupe de travail mis en place par la Commission avait aussi envisagé des progrès plus modestes, permettant, plus simplement, une meilleure information et une meilleure expression parlementaire.

Le groupe de travail avait en premier lieu préconisé des déplacements réguliers dans les forces en opération. M. François Lamy a indiqué que cet aspect du contrôle avait effectivement été mis en _uvre. Les opérations conduites dans les Balkans mais aussi certaines autres menées en Afrique, ont donné lieu à des déplacements réguliers de membres de la Commission soit pour la préparation de rapports d'information, notamment celui sur le conflit du Kosovo, soit dans un cadre spécifique. M. François Lamy a ajouté sur ce point qu'à l'invitation conjointe des Ministres des Affaires étrangères et de la Défense, une délégation de la Commission devait assister en février prochain aux man_uvres internationales Tanzanite, organisées par la France en Tanzanie dans le cadre du programme Recamp de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

Il a ajouté que le groupe de travail avait également préconisé le développement du contrôle exercé à l'occasion du vote des crédits demandés par le Gouvernement pour la couverture des dépenses d'opérations extérieures, plus particulièrement en loi de finances rectificative de fin d'année.

Le groupe de travail avait ainsi proposé que, dans le cadre de son examen pour avis du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, la Commission entende le Chef d'état-major des Armées sur les opérations en cours et confie à son rapporteur pour avis le soin d'effectuer une présentation exhaustive, détaillée et chiffrée de ces opérations. Le groupe de travail avait également souhaité que le Ministre de la Défense soit présent en séance publique lors de l'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année pour dialoguer notamment avec le rapporteur pour avis de la Commission.

M. François Lamy a alors indiqué que ces trois recommandations avaient toutes été mises en _uvre avec succès. Le rapport pour avis sur le collectif budgétaire est désormais l'occasion d'une présentation de l'ensemble des opérations extérieures de la France, par théâtre. Pour chaque théâtre sont décrits les opérations menées, leur statut, leur ampleur, leurs conditions de conduite et leur coût. L'audition du Chef d'état-major des Armées est devenue un rendez-vous annuel, où la Commission peut faire le point de l'ensemble des opérations, y compris les plus discrètes. La dernière audition, le 22 novembre dernier, a permis au rapporteur pour avis, M. Jean-Yves Le Drian, de procéder à une description des éléments de l'opération Héraclès en Afghanistan qui reste d'actualité. Enfin, depuis 3 ans, le Ministre de la Défense est présent en séance publique lors de l'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année.

M. François Lamy a ajouté qu'à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année, la Commission avait aussi pu mieux s'exprimer sur les opérations extérieures. Elle a ainsi adopté dans ce cadre en 1999 et 2000, sur proposition de son rapporteur pour avis, deux observations qui ont été présentées en son nom en séance publique.

La première concernait les opérations sans surcoûts apparents puisque menées avec des moyens déjà prépositionnés à l'étranger. La Commission a demandé en 1999 que, même dans ce cas, les actions conduites donnent lieu à ouverture juridique d'opérations, de façon à permettre le contrôle du Parlement. La Commission a été entendue puisque tel a été le cas dès 2000 avec notamment les opérations Sloughi au Sénégal et Ardoukoba à Djibouti.

La deuxième observation concernait les conditions dans lesquelles les opérations extérieures pourraient faire l'objet de lignes budgétaires spécifiques, en loi de finances initiale pour celles qui sont reconduites d'année en année, en loi de finances rectificative pour les autres.

M. François Lamy a évoqué ensuite les possibilités nouvelles offertes pour le contrôle parlementaire des opérations extérieures par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Il a relevé que son article 12 prévoit que les décrets de virement et de transfert de crédits sont pris après information des Commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat. Son article 13 prévoit par ailleurs que les projets de décrets d'avance devront être soumis pour avis aux Commissions des Finances des deux assemblées, qui devront faire connaître cet avis dans les sept jours.

M. François Lamy a alors souligné que c'est par ce type de mesures, et notamment par décrets d'avance, que sont financées les opérations extérieures.

Il a en conséquence proposé que la Commission demande à son rapporteur pour avis sur les projets de lois de finances rectificatives, ou à celui qu'elle désignera pour l'examen du programme « opérations extérieures », si celui-ci est créé, de suivre tout particulièrement la question des décrets d'avance. Il a estimé nécessaire que ce rapporteur puisse obtenir communication des projets de décrets d'avance transmis pour avis par le Gouvernement à la Commission des Finances lorsqu'ils concernent le financement d'opérations extérieures. Il a également souhaité qu'il assiste à la réunion que la Commission des Finances tiendra pour rendre son avis.

M. François Lamy a alors estimé que l'intervention de la Commission dans la procédure d'élaboration des décrets d'avance pourrait permettre de franchir une nouvelle étape vers la situation souhaitée d'une consultation préalable du Parlement avant toute décision de lancement d'une opération extérieure. Il a également jugé nécessaire de continuer à travailler par ailleurs à une révision de la Constitution, voie juridiquement la plus sûre, même si elle est politiquement la plus difficile.

Le Président Paul Quilès s'est félicité de cet excellent bilan sur les activités de la Commission en matière de contrôle des opérations extérieures, retraçant tant les souhaits émis que les avancées obtenues ou les questions restant en suspens. Il a également évoqué le problème du financement des opérations extérieures et les contraintes qu'entraîne, dans le cadre d'un budget de la défense globalement tendu, l'absence de dotation consacrée à ces opérations en loi de finances initiale. Rappelant que l'armée d'aujourd'hui était une armée de projection et que cette mission avait un coût important, il a plaidé en faveur de la détermination d'un niveau plancher de crédits consacrés en loi de finances initiale aux opérations extérieures afin de limiter au minimum les ajustements en cours d'année.

M. Guy-Michel Chauveau a estimé que ce point était d'autant plus important que le titre III ne cessait d'évoluer à la hausse, en dépit des procédés variés utilisés pour contenir sa croissance. Après avoir observé que l'actualité récente allait encore contribuer à une hausse du titre III, il a exprimé la crainte que ces évolutions pénalisent les investissements, donc les conditions de travail des militaires qui s'entraînent ou sont projetés. Il a conclu que les critiques émises en 1995-1996 sur le coût de la professionnalisation s'avéraient en définitive exactes.

M. Bernard Grasset a estimé que l'entretien et le renouvellement de matériels de plus en plus utilisés, ainsi que l'amélioration de la condition militaire dans les différentes armées soulèveraient à court et moyen terme de réelles difficultés de financement.

M. Jean Briane a rejoint le Président Paul Quilès sur la nécessité absolue de prévoir un financement préalable des opérations extérieures, établi sur la base de l'expérience des années précédentes.

M. François Lamy a jugé doublement fallacieux l'argument souvent utilisé selon lequel il serait impossible d'inscrire a priori des crédits de financement d'opérations extérieures, en raison de leur nature imprévisible. D'une part, en effet, l'analyse rétrospective des dépenses liées aux opérations extérieures au cours des cinq dernières années fait apparaître un montant minimal constant de 460 millions d'euros (3 milliards de francs) ; d'autre part, par nature, la loi de finances initiale est un instrument de prévision. D'où la nécessité d'inscrire, en loi de finances initiale, un programme spécifique pour les opérations extérieures.

Au-delà de cette question de forme, M. François Lamy a jugé nécessaire d'examiner le problème du financement des opérations extérieures dans le cadre d'une réflexion stratégique globale sur les nouvelles menaces et le modèle d'armée à atteindre : dans la mesure où il semble difficile à moyen terme d'accroître significativement les crédits de la défense, des choix devront être opérés. D'ores et déjà toutefois, la projection représente indéniablement une mission essentielle, dont le financement n'est pas assuré de manière satisfaisante.

M. André Vauchez a souhaité que soit identifiée l'évolution des dépenses liées aux opérations extérieures depuis dix ans, jugeant nécessaire que l'opinion ait connaissance du poids budgétaire d'engagements extérieurs toujours croissants.

M. Bernard Cazeneuve s'est félicité de la richesse du bilan présenté par M. François Lamy. Il s'est par ailleurs interrogé sur le rôle que pourraient jouer les troupes françaises en matière de coopération militaire dans les pays où elles interviennent pour rétablir l'état de droit.

M. François Lamy a apporté les éléments de réponse suivants :

- depuis quatre ans, dans le rapport sur la loi de finances rectificative, la Commission présente les dépenses globales et par opération liées aux interventions extérieures de la France. A la fin de l'année dernière, la France était engagée dans 25 opérations extérieures, dont certaines mériteraient peut-être une révision ;

- le contrôle budgétaire donne la possibilité d'évaluer le contenu même de ces opérations ;

- la réforme de la coopération militaire et le développement des affaires civilo-militaires mettent en lumière le caractère flou de la frontière entre ces actions et les opérations extérieures. L'un des acquis de la présente législature est d'ailleurs, notamment à l'occasion des travaux sur la présence militaire française au Rwanda ou à Srebrenica, d'avoir souligné l'importance de la distinction entre coopération et intervention. Il avait été proposé à cet égard que les parlementaires améliorent leur suivi régulier des interventions extérieures par l'établissement d'un réseau de correspondants au cabinet du Ministre de la Défense et à l'état-major des armées.

Observant que les troupes déployées dans le cadre d'accords de coopération avaient pu, au Rwanda par exemple, être amenées à intervenir afin de rétablir la sécurité intérieure du pays concerné, M. Bernard Cazeneuve s'est interrogé sur les situations possibles de basculement des missions de coopération militaire en opérations extérieures.

M. François Lamy a souligné que, pour l'instant, le critère juridique permettant de qualifier d'opération extérieure une intervention des troupes françaises était le surcoût financier qu'elle générait pour le budget de l'Etat. Il a estimé que la nature des interventions serait un critère préférable, donnant lieu à une possible appréciation de son bien-fondé.

M. Bernard Cazeneuve a rejoint le sentiment de M. François Lamy en faisant valoir, à l'appui de cette remarque, que la première intervention française au Rwanda avait consisté en une cession gratuite de matériels aux troupes rwandaises, soutien qui s'était révélé neutre sur le plan budgétaire et n'avait par conséquent donné lieu à aucun surcoût pour le budget de l'Etat.

M. François Lamy a estimé que le travail du Parlement pour contrôler plus étroitement les opérations extérieures devait se poursuivre. Il a indiqué que l'objectif poursuivi était de permettre au Parlement de se prononcer sur le bien-fondé des opérations extérieures.

Après avoir rappelé que les accords de coopération militaire avaient historiquement représenté une garantie de protection de la France pour les gouvernements des pays concernés, M. Bernard Grasset a observé que, désormais les opérations extérieures n'étaient plus fondées sur de tels accords. S'interrogeant sur la proposition d'instaurer des correspondants permanents de la Commission au sein des états-majors, il a exprimé le doute que cette suggestion soit conforme à la mission du Parlement.

M. François Lamy a convenu que le risque d'une dépendance des parlementaires à l'égard de leurs correspondants militaires existait, y compris lors des déplacements des membres de la Commission de la Défense sur les différents théâtres d'opération. Il a néanmoins estimé qu'il revenait à chacun de faire la part des choses et d'insister pour obtenir les informations souhaitées. Revenant enfin sur les critères de distinction des opérations extérieures au regard des autres types d'interventions, il a observé que la frontière était parfois floue, se référant en cela aux opérations de maintien de l'ordre au Kosovo, dans lesquelles l'armée de Terre s'investit de plus en plus, ainsi qu'à l'opération Furet-Gabon, consistant en l'envoi d'une trentaine d'hommes et de moyens héliportés du Commandement des opérations spéciales, pour une mission dont il ne connaissait pas la nature.


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