
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES
COMPTE RENDU N° 30
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 19 mai 1998
(Séance de 16 heures 15)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
SOMMAIRE
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Présentation du rapport dinformation sur la diversification des industries de défense (Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteur)
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Informations relatives à la Commission
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Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteur, a présenté son rapport dinformation sur la diversification des industries de défense.
Mme Martine Lignières-Cassou a tout dabord indiqué que le bilan des réussites et des échecs de différentes expériences de diversification permettait de dégager des conditions préalables de succès, dune part au niveau des entreprises, dautre part dans les bassins demploi.
Elle a ensuite formulé plusieurs constats concernant la diversification des entreprises de défense. Elle a souligné que ces entreprises réagissaient dautant moins bien à la contrainte de diversification que leur taux de dépendance à légard de la défense était élevé, quelles fonctionnaient dans une organisation hiérarchisée et quelles travaillaient dans la construction neuve, par opposition à la réparation. Elle a fait valoir qua contrario leur réactivité était dautant plus forte quelles maîtrisaient un produit ou une technologie, quelles restaient dans leurs métiers de base, quelles disposaient dun bureau détude et dune structure commerciale et quelles possédaient leurs propres outils industriels, soulignant à cet égard que la diversification des « loueurs de main doeuvre » était quasi impossible.
Evoquant les facteurs humains, Mme Martine Lignières-Cassou a indiqué que la capacité des entreprises à diversifier leurs activités était dautant plus forte que leurs dirigeants étaient convaincus de la nécessité de cette orientation, quils anticipaient les évolutions futures, conduisaient une stratégie à long terme et connaissaient exactement leurs atouts et faiblesses. Elle a également souligné limportance de la pyramide des âges et de lexistence dune palette large de qualifications. Parmi les facteurs relationnels favorables à la diversification, elle a cité lintégration de lentreprise dans un réseau, soit professionnel, soit territorial, létablissement dune relation commerciale équilibrée entre donneur dordres et sous-traitants, lautonomie de la filiale vis-à-vis de son groupe et la reconnaissance par la direction générale des initiatives des établissements. Après avoir relevé que « le ticket dentrée de la diversification était élevé », surtout pour les PME, elle a rappelé que la capacité dadaptation des entreprises était favorisée par létat de leur trésorerie et leur aptitude à lever des fonds, mais quelle pouvait aussi être renforcée par laccompagnement des collectivités territoriales, de lEtat et de lUnion européenne.
Mme Martine Lignières-Cassou a alors présenté les différents lieux de décision où pouvaient être mises en oeuvre les actions destinées à atteindre les grands objectifs de la diversification. Elle a précisé que ces objectifs concernaient quatre domaines : lélaboration de la stratégie industrielle, le management, le développement des relations entre partenaires industriels et laccès aux aides et aux financements. Elle a souligné que la définition des stratégies et ladaptation des structures internes des entreprises aux exigences de la diversification relevaient davantage des entreprises elles-mêmes, mais aussi des groupes et des réseaux industriels ou institutionnels alors quil revenait plutôt à lEtat, aux collectivités territoriales et à lUnion européenne dassurer la structuration des milieux professionnels et des bassins demploi et daccompagner les établissements sur le plan financier.
Mme Martine Lignières-Cassou a ensuite présenté les conditions de réussite de la diversification des bassins demploi. A ce propos elle a mis laccent sur trois facteurs : le consensus politique et social, la désignation dun « chef de file » et la continuité de la volonté politique sur le long terme. Elle a souligné que les actions danimation et de sensibilisation prenaient tout leur sens lorsquelles visaient à réunir ces conditions essentielles et insisté, dans ce contexte, sur lintérêt de la nomination dun délégué interministériel aux restructurations dans chaque site industriel.
Evoquant les actions structurelles de soutien à la diversification, elle a identifié comme relevant du niveau régional, dune part la mise en cohérence de la politique de lentreprise dominante avec son bassin demploi, dautre part la synergie entre formation, recherche et production industrielle. Elle a par ailleurs souligné lintérêt dune véritable politique de sous-traitance et des actions visant à favoriser les transferts de technologie. Elle a également préconisé le développement de la sous-traitance globale, les démarches dessaimage, et la promotion de la recherche grâce aux structures dinterface entre les universités et les entreprises, puis elle a relevé la nécessité de contractualiser la démarche de diversification.
Après avoir fait valoir que les actions entreprises au niveau des entreprises comme des bassins demploi devaient être accompagnées par une politique de lEtat, Mme Martine Lignières-Cassou a défini quatre orientations dune véritable stratégie de la diversification : une meilleure définition des objectifs sociaux et industriels, une clarification du rôle des acteurs permettant notamment de mieux tirer parti de leurs expériences, une amélioration des procédures nationales de soutien et une réforme des fonds structurels communautaires. Elle a particulièrement regretté que les ministères concernés, notamment ceux chargés de lindustrie et de la défense, ne développent pas de réflexion commune et quil ny ait aucun lieu de synthèse qui permette, dune part de capitaliser les expériences et les savoirs, dautre part dorganiser la « veille technologique et la prospective » en matière de diversification. Elle a affirmé quil devenait urgent pour lEtat de prendre position sur la stratégie de lUnion européenne à légard des industries de défense et de clarifier ses fonctions de client, de producteur voire dactionnaire. Elle a proposé dharmoniser les politiques suivies par les différents ministères, de créer un observatoire de la diversification et dinstituer dans les bassins demploi des structures uniques pour linformation des entreprises et linstruction des dossiers. Elle a souligné que ce guichet unique, testé dans certains bassins demploi, contribuerait au rapprochement des dispositifs de financement, à la structuration des bassins demploi et à une meilleure coordination des politiques publiques.
Mme Martine Lignières-Cassou a également insisté sur la nécessité de redéfinir le rôle des sociétés de conversion et de déconcentrer les décisions doctroi des aides. Elle a enfin estimé que la réforme envisagée des fonds structurels communautaires fournissait loccasion pour la France de renouveler ses propositions en matière daide à la conversion industrielle et de rapprocher les programmations nationale et européenne.
Relevant que les reconversions étaient souvent conditionnées par les compétences acquises et que, de ce fait, elles se faisaient le plus souvent dans des métiers aux perspectives de développement relativement limitées, M. Guy-Michel Chauveau sest demandé sil ne fallait pas plutôt privilégier des marchés porteurs, même en dehors du secteur de base de lentreprise. Approuvant la nécessité dinstaurer des guichets uniques dans les bassins demploi et estimant que ce regroupement des instances compétentes faisait souvent défaut, il a observé que, pour autant, il fallait éviter daller en chercher les opérateurs parmi les personnes faisant lobjet de reclassements.
Mme Martine Lignières-Cassou a souligné que lexemple de la Lorraine montrait que limplantation dentreprises faisant appel à des compétences non disponibles localement nétait pas durable et jugé que, de même, la greffe de services publics délocalisés sans lien avec le tissu économique local ne prenait pas, même lorsque les bassins demploi concernés étaient demandeurs.
Usant de la faculté que larticle 38 du Règlement confère aux députés dassister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Patrice Martin-Lalande a exposé quil avait retrouvé dans la présentation de Mme Martine Lignières-Cassou les préoccupations quil avait lui-même exprimées dans son rapport sur les restructurations industrielles, concernant notamment la contradiction entre lobjectif de fermer un site et celui den préserver les compétences. Il a expliqué que, dès lors que la décision de fermeture précédait la recherche de diversification, les personnels les plus qualifiés étaient encouragés à partir, ce qui provoquait la disparition des compétences de létablissement.
Mme Martine Lignières-Cassou a alors répondu que la diversification navait pas pour objet dapporter une réponse de court terme aux difficultés créées par les fermetures de sites mais quil sagissait dune stratégie industrielle quil fallait élaborer très en amont des restructurations.
Citant le cas dun établissement pour lequel les dépenses liées au maintien des sureffectifs avaient largement excédé celles demandées pour la recherche de nouvelles activités, M. Patrice Martin-Lalande a conclu que le traitement social était trop souvent préféré aux risques de la diversification. Il a également relevé la situation particulière des entreprises de défense vis-à-vis des aides européennes, et notamment des fonds KONVER, dont ne peuvent bénéficier la plupart de leurs établissements.
Le Président Paul Quilès a souligné que lanalyse du rapporteur sur les moyens et les conditions de la diversification des bassins demploi recoupait les enseignements quil tirait des actions menées pour la reconversion de la zone touchée par la fermeture de la mine de Carmaux. Il a insisté sur les trois conditions essentielles dont il avait alors constaté la nécessité : une anticipation suffisante des difficultés, la désignation dun chef de file, porteur dune volonté politique et capable de réunir les forces vives en mobilisant les imaginations, et enfin linscription dans la durée des actions à mener. Après avoir observé que la conversion des activités industrielles nécessitait un lent travail de conviction, il a estimé quil était possible de combiner les objectifs sociaux et économiques, par exemple en orientant progressivement vers de nouvelles activités les personnels bénéficiant des plans sociaux.
Mme Martine Lignières-Cassou a précisé que les fonds KONVER nétaient pas accessibles aux industries de défense en application de larticle 223 du Traité de Rome qui excluait ce secteur des compétences communautaires. Elle a toutefois ajouté que, dans les faits, cette limitation était souvent contournée au profit de PME mettant en oeuvre des projets de nature duale. Elle a par ailleurs exprimé ses réserves à légard de la stratégie dentreprises, qui comme GIAT-Industries, continuent à privilégier la production darmements malgré un contexte particulièrement difficile. Elle a également estimé que la tutelle du ministère des Finances avait souvent pour effet de dissuader les entreprises publiques de défense de sengager dans des projets de diversification considérés comme risqués. Elle sest à ce propos inquiétée dune éventuelle interdiction faite à la DCN daccepter de nouvelles commandes de construction ou de réparation offshore.
M. Robert Poujade a demandé si Mme Martine Lignières-Cassou pouvait citer quelques expériences de diversification significatives ou exemplaires à létranger.
Mme Martine Lignières-Cassou a mentionné, parmi les pays où sétaient déroulées des expériences dignes dintérêt, les Etats-Unis et le Canada, plus particulièrement le Québec qui a entrepris une reconversion totale. Elle a ajouté quau Royaume-Uni le rapprochement opéré entre les structures civiles et militaires de recherche avait abouti à des résultats intéressants. Elle a indiqué que la société suédoise Ericsson, presque entièrement dédiée aux activités militaires dans le passé, réalisait désormais 90 % de son chiffre daffaires dans le secteur civil.
A M. Robert Poujade qui sinterrogeait sur la reconversion de lindustrie militaire de la Russie et sur ses capacités à remédier à la pénurie de biens civils qui avait caractérisé léconomie soviétique, Mme Martine Lignières-Cassou a répondu que les diversifications ne sétaient pas traduites, dans ce pays, par des réussites, le Président Paul Quilès citant, en revanche, lexemple particulier des capacités de production de missiles balistiques utilisées pour les besoins du lancement de satellites civils.
Le Président Paul Quilès a alors demandé à Mme Martine Lignières-Cassou lesquelles de ses propositions lui paraissaient les plus importantes.
Mme Martine Lignières-Cassou a tout dabord souligné la nécessité dune clarification des compétences des différentes autorités mettant en oeuvre les politiques publiques. Elle a également préconisé une définition plus rigoureuse des objectifs poursuivis par ces autorités, proposant le regroupement de leurs moyens et la mise en place dune structure interministérielle de veille technologique.
Elle a enfin rappelé que la formation dun consensus, la désignation dun chef de file et la continuité de laction dans la durée constituaient les trois conditions essentielles de réussite de la diversification au niveau des bassins demploi.
La Commission a alors, conformément à larticle 145 du Règlement, décidé dautoriser la publication du rapport dinformation.
fpfp
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné M. Arthur Paecht rapporteur pour avis sur les projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque.
La Commission a également procédé à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants pour siéger à une Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant une Commission consultative du secret de la Défense nationale. Ont été désignés :
comme titulaires : MM. Paul Quilès, Guy-Michel Chauveau, Bernard Grasset, Robert Pandraud, Michel Voisin, Bernard Birsinger et Gérard Charasse ;
et comme suppléants : MM. François Lamy, Jean-Claude Viollet, André Vauchez, Charles Cova, Jean-Yves Besselat, Christian Martin, Alain Moyne-Bressand.
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