
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES
COMPTE RENDU N° 31
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 27 mai 1998
(Séance de 16 h 15)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
SOMMAIRE
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Examen de lavis sur les projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque (M. Arthur Paecht, rapporteur pour avis)
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Communication sur la participation française à la force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (M. François Lamy, coordinateur du groupe de travail sur les interventions extérieures)
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M. Arthur Paecht, rapporteur pour avis, a présenté son avis sur les projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque.
Après avoir constaté que lélargissement de lOTAN suscitait de nombreux débats à létranger, M. Arthur Paecht a tout dabord regretté la relative indifférence des médias et de lopinion publique en France à légard de cette question.
Il a relevé que larticle 10 du traité de Washington donnait la possibilité à lAlliance atlantique daccueillir en son sein dautres pays mais que le processus juridique délargissement était complexe, les trois protocoles dadhésion, un par candidat, devant être ratifiés dans les mêmes termes par les seize Etats-membres. Il a rappelé que, depuis sa création, lAlliance sétait élargie à la Grèce et à la Turquie en 1952, à lAllemagne en 1955 et à lEspagne en 1982. A cet égard, il a souligné les inconvénients de la présence simultanée de la Grèce et de la Turquie qui oblige lAlliance à traiter fréquemment des litiges opposant ces deux pays, mais sest interrogé sur ce qui aurait pu advenir sils nétaient pas tous deux membres de lAlliance.
Le rapporteur pour avis a alors indiqué que, pour lensemble des membres de lAlliance, lélargissement avait pour finalité de renforcer la stabilité et la sécurité en Europe. Il a souligné que les pays candidats avaient en vue le renforcement de leur sécurité mais que, parallèlement, lAlliance sétait efforcée de rassurer la Russie pour éviter de lui donner le sentiment quun glacis se constituait à ses frontières. Il a également précisé que les trois pays candidats avaient satisfait aux critères de démocratie, de respect des droits de lHomme et douverture à léconomie de marché qui avaient été fixés pour leur adhésion.
Présentant le processus dassociation politique et militaire des pays candidats, M. Arthur Paecht a indiqué que ceux-ci étaient progressivement intégrés dans les instances de décision de lOTAN. Il a également rappelé que les forces armées de la Pologne et de la Hongrie avaient participé aux missions de lIFOR puis de la SFOR, et avaient fourni des policiers au groupe international de police (IPTF). Il a fait valoir que la création de forces multinationales associant les pays de lex-Pacte de Varsovie entre eux ou avec des membres de lAlliance démontrait leur capacité à contribuer à la stabilité de lEurope et à régler leurs différends par des voies pacifiques.
Le rapporteur pour avis a alors souligné limportance des réformes engagées dans les forces armées des trois pays candidats, qui portent principalement sur lévolution des budgets de défense, la réduction des effectifs des armées, la réorganisation des structures de commandement et le renouvellement des équipements. A cet égard, il a précisé que les stocks de matériels avaient été réduits de moitié dans les trois pays conformément au traité sur les forces conventionnelles en Europe et que lobsolescence dune grande partie de leurs équipements, par exemple dans le domaine des communications et des systèmes de défense aérienne, nécessitait leur modernisation, notamment dans un souci dinteropérabilité avec les matériels en service dans lOTAN.
Abordant les questions soulevées par lélargissement de lOTAN et pour lesquelles aucune réponse satisfaisante navait encore été apportée, M. Arthur Paecht a insisté sur la nécessité de redéfinir le rôle et les missions de cette organisation. Il a indiqué que les Etats-Unis préconisaient actuellement détendre largement les missions de lOTAN en dehors des cas prévus à larticle 5 du Traité de Washington et envisageaient de transposer sur des théâtres éloignés lexpérience des interventions de rétablissement et de maintien de la paix menées en ex-Yougoslavie. Il a jugé que cette conception mondialiste, qui rendait lAlliance atlantique plus politique que militaire, posait la question du rôle de lOSCE ou de lONU, dès lors que lon considérait, comme la France, que lOTAN ne devait pas intervenir sans un mandat de ces organisations. Soulevant la question de la cohérence entre la construction de lUnion européenne et lélargissement de lAlliance atlantique, M. Arthur Paecht a indiqué que les membres européens de lOTAN, tout en restant favorables au maintien du lien transatlantique, tendaient à privilégier la construction dune identité européenne de sécurité et de défense pouvant utiliser les moyens de lOTAN. Il a fait remarquer que le rythme de lélargissement faisait également lobjet de débats, rappelant quun consensus sétait établi lors du sommet de Madrid pour ladhésion rapide, dans une première étape, de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, alors que douze pays sétaient portés candidats et que la France avait souhaité linclusion de la Roumanie et de la Slovénie parmi les premiers pays invités à participer à lAlliance.
Après avoir estimé que les nouveaux contours de lOTAN étaient militairement peu cohérents en raison des discontinuités territoriales quils faisaient apparaître, le rapporteur pour avis a considéré quà terme, les pays membres de lUnion européenne, même actuellement neutres comme lAutriche, avaient vocation à adhérer à lAlliance, ne serait-ce que parce que les zones de défense collective et de solidarité en matière de sécurité intérieure ne pouvaient être durablement dissociées.
Il a relevé que les Etats-Unis ne souhaitaient pas renouveler dès 1999 la procédure délargissement pour permettre ladhésion de pays dont ils considèrent quils ne sont pas prêts et a déclaré partager une certaine réserve sur une seconde vague dadhésions tant que le nouveau concept stratégique naura pas été précisé. Il a cité, à ce propos, les exemples de lActe fondateur, signé entre lOTAN et la Russie en mai 1997, ou de la Charte sur un partenariat spécifique entre lOTAN et lUkraine, signée en juillet 1997, qui renforcent la démarche de coopération avec ces pays et permettent de concevoir une étape intermédiaire de partenariat renforcé avec des pays non membres.
Abordant la question du coût de lélargissement, M. Arthur Paecht a fait observer que les premières études américaines lavaient évalué à un montant situé entre 60 et 120 milliards de dollars mais que ces évaluations avaient été, par la suite, revues à la baisse, notamment par le secrétariat général de lOTAN. Il a souligné, à ce propos, quil ne fallait pas inclure dans le coût de lélargissement les dépenses civiles, militaires ou dinfrastructures qui auraient, de toute façon, été effectuées par les Etats membres ou les candidats, même en labsence dadhésion nouvelle.
Il a regretté quen traitant de manière prioritaire la question de lélargissement, les Etats-Unis, en accord avec la majorité des Etats membres, aient relégué au second plan les débats relatifs au concept stratégique, à linstitution dune identité européenne de sécurité et de défense, ou à ladaptation des structures de commandement et des procédures. Soulignant que les réflexions stratégiques privilégiaient les risques dinstabilité et de crises régionales mettant en cause la stabilité en Europe, il a, par ailleurs, constaté que la planification des forces armées avait conduit à augmenter les délais dintervention et à réduire les forces prépositionnées, les forces américaines stationnées en Allemagne ayant, par exemple, été réduites des deux tiers.
Souhaitant que le nouveau concept stratégique reste centré sur les missions de larticle 5, il a estimé que lOTAN devait également assumer des tâches de gestion des crises, dites « non article 5 », pour faire face aux nouveaux risques. Il a toutefois souligné que la question de linstance délaboration du mandat de ces missions de gestion de crise restait posée et quil paraissait peu envisageable que lOTAN puisse agir sans mandat de lONU ou de lOSCE. Il a observé quà cet égard, la pratique avait devancé les textes puisque le déploiement des forces en ex-Yougoslavie, dans le cadre de lIFOR puis de la SFOR, correspondait à ce nouveau schéma dintervention de lOTAN en dehors des cas prévus par larticle 5. Il a, par ailleurs, estimé que le nouveau concept stratégique ne devait pas exclure une intervention dans le cadre de lidentité européenne de défense et de sécurité, conduite sous légide de lUEO, avec les moyens de lOTAN, remarquant à ce propos quil ne pouvait être question pour les Etats européens de financer une « OTAN bis » à côté de celle qui existait déjà.
En conclusion, le rapporteur pour avis a souligné que lélargissement nétait quun des éléments de la sécurité européenne puisque le Partenariat pour la paix, le nouveau Conseil permanent euro-atlantique, lActe fondateur OTAN-Russie et la Charte OTAN-Ukraine contribuaient également à la préservation de la paix sur le continent et constituaient des étapes préparatoires à des rapprochements ultérieurs. Il a fait valoir que lélargissement devait être lié à ladhésion à lUnion européenne, lobjectif à terme étant la constitution dun pilier européen de lAlliance cohérent et homogène.
Après avoir indiqué quen 1982, la Commission de la Défense ne sétait pas saisie pour avis du projet de loi autorisant la ratification du protocole sur laccession de lEspagne, il a souligné quen décidant de se prononcer sur ladhésion de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, elle marquait lintérêt que présente lévolution actuelle de lOTAN pour la sécurité de la France.
Il a enfin proposé à la Commission démettre un avis favorable aux trois projets de loi, regrettant toutefois que la Pologne ait, au contraire des deux autres pays candidats, décidé de ne ratifier le protocole dadhésion la concernant quaprès tous les membres de lAlliance.
Faisant écho aux propos de M. Arthur Paecht, le Président Paul Quilès a regretté labsence de débat de fond, tant au Parlement que dans lopinion publique, sur un sujet qui revêtait pourtant une grande importance pour lEurope. Il a déploré que la question de lélargissement ait été abordée avant la réflexion sur le concept stratégique, dont il a fait observer quelle ne manquerait pas de faire apparaître des problèmes de fond non négligeables, comme lindiquent certaines déclarations de responsables américains. A cet égard, il a fait état des propos tenus, le 18 avril dernier, par lambassadeur des Etats-Unis auprès de lOTAN, estimant quils laissaient présager une évolution de cette organisation qui conduirait à en modifier profondément la nature. Il a précisé que lambassadeur américain y envisageait la possibilité dune intervention militaire de lOTAN sans accord préalable de lONU, soit quun consensus se soit dégagé parmi les Etats membres, soit quun pays-tiers en ait fait la demande directement. Il a également indiqué que, dans le même discours, lambassadeur avait expliqué que, si lOTAN avait disposé dune force de projection multinationale rattachée à son commandement Sud, cette force aurait pu contribuer au règlement de crises africaines comme celle du Rwanda.
Après avoir jugé cette prise de position préoccupante, le Président Paul Quilès a observé quen participant à des évolutions marquées, non seulement par lélargissement mais aussi par lélaboration dun nouveau concept stratégique, la France sétait engagée dans un processus quelle ne maîtrisait pas et souligné quil était nécessaire quun débat approfondi, au niveau national, ait lieu sur ce sujet.
M. René Galy-Dejean a estimé que, sagissant de lévolution de lAlliance atlantique, la difficulté tenait à la méthode divergente suivie par la France et les Etats-Unis, lesprit cartésien des Français les amenant à faire de la définition du concept stratégique un préalable à toute avancée ultérieure tandis que les Etats-Unis, dans une démarche toute pragmatique, montraient le mouvement en marchant, jusquà faire du concept stratégique un état de fait.
Sur ce point, M. René Galy-Dejean a cité la question de lélargissement qui conduira à créer, de facto, détape en étape, une sorte de glacis encerclant la Russie, lOTAN ayant pris pied dans tous les pays dEurope centrale.
M. René Galy-Dejean est ensuite revenu sur lattitude de la Pologne, soulignant quelle sexpliquait par la situation géographique de ce pays et son expérience historique : sil existe un consensus des Occidentaux sur lélargissement, la Pologne estimera quelle ne peut que renforcer sa sécurité en entrant dans lOTAN ; mais si, daventure, le traité délargissement nétait pas ratifié par tous, la Pologne ne souhaiterait pas se trouver dans une situation qui gênerait la Russie sans pour autant accroître sa sécurité à lOuest.
M. René Galy-Dejean a, par ailleurs, estimé que lélargissement, lorsquil sera arrivé à son terme, aura permis aux Etats-Unis datteindre un de leurs objectifs, qui est de sécuriser les territoires situés à louest de la Russie afin de compenser lincertitude qui pèse sur les conditions de sécurité de leur façade pacifique. Il a également jugé que, sous couvert de construction de la sécurité européenne et dinteropérabilité, lélargissement répondait aux intérêts économiques des Etats-Unis, les pays de lEst de lEurope représentant, du fait du délabrement de leur équipement militaire, un marché potentiel intéressant pour les industries de défense américaines. Il a conclu en soulignant la nécessité, pour la France, dêtre vigilante, la ratification des traités dadhésion, à laquelle il sest déclaré favorable, nexcluant pas la clairvoyance.
Revenant sur la question du coût financier de lélargissement, il a indiqué quexistait à cet égard une étude très intéressante, élaborée par le Commissariat général au plan, qui en évaluait lampleur tant pour les nouveaux membres que pour la France.
Enfin, il a souhaité connaître la position de la France sur une éventuelle demande dadhésion de lAutriche, eu égard à son statut de neutralité actuel.
M. Arthur Paecht a estimé que les propos du Président Paul Quilès renforçaient sa propre analyse concernant certaines visions de lévolution de lOTAN vers un statut dorganisation dotée dun pouvoir dintervention à léchelle mondiale, sans mandat préalable de lONU.
Sagissant de lopposition supposée entre le cartésianisme français et le pragmatisme américain, M. Arthur Paecht a fait observer que les Etats-Unis se montraient sans doute plus cartésiens quon ne ladmettait généralement, dans la mesure où leur action apparaissait strictement conforme à leurs objectifs.
Evoquant la question des intérêts économiques en cause dans lélargissement, il a jugé quil ne pouvait être reproché aux Etats-Unis de vouloir être la première puissance mondiale mais quen revanche, les Européens se devaient de réagir rapidement, sous peine dune disparition de lindustrie européenne et que cest à elle-même que la France devait sen prendre pour son incapacité à dépasser les débats internes sur les restructurations.
Quant à la constitution dun glacis sur les frontières occidentales de la Russie, il a rappelé que celle-ci, qui navait pas renoncé à son rôle de puissance internationale, en ressentait en effet la crainte. Dans le cas de la Pologne, il a estimé que si le raisonnement proposé par M. René Galy-Dejean correspondait effectivement à lanalyse des dirigeants polonais, on pouvait se demander pourquoi, dans ces conditions, elle avait demandé à faire partie de la première vague délargissement.
M. Arthur Paecht est revenu ensuite sur la question du coût financier de lélargissement, rappelant que la répartition des contributions pour les futurs membres avait été faite selon une méthode proportionnelle -2,48 % pour la Pologne, 0,9 % pour la République tchèque et 0,65 % pour la Hongrie- sans que la base de calcul choisie soit claire. Il a fait observer que les coûts navaient pas été décomposés et quil nexistait pas danalyse spécifique des charges nouvelles liées à lélargissement. Sagissant plus particulièrement de lévaluation menée par le Commissariat général au plan quavait mentionnée M. René Galy-Dejean, il a indiqué quelle concluait à une estimation inférieure aux chiffres avancés aux Etats-Unis.
Le Président Paul Quilès a alors souligné, à ce propos, la multiplicité et le caractère évolutif des estimations en ce domaine, les plus récentes apparaissant sensiblement minorées par rapport aux précédentes.
M. Arthur Paecht a fait valoir que les discussions sur le coût de lélargissement ne devaient pas occulter le fait que la constitution dune alliance efficace avait un prix.
M. Arthur Paecht a ensuite abordé la question de la neutralité de lAutriche. Il a rappelé quen assurant sa neutralité, le traité dEtat de 1955 avait permis à ce pays de recouvrer pleinement son indépendance, de mettre un terme à loccupation soviétique dune partie de son territoire, et de consacrer des ressources budgétaires plus importantes à sa modernisation économique. Il a fait observer quaujourdhui, toutefois, alors que le traité dEtat paraissait caduc, lAutriche souhaitait suivre sa propre voie et, même, affirmer son identité propre, ce qui lavait conduite à adhérer à lUnion européenne et lamènerait sans doute, dans le contexte géopolitique nouveau de lEurope centrale, à réexaminer sa neutralité pour sorienter vers ladhésion à lOTAN.
M. Arthur Paecht a, par ailleurs, estimé quau regard de sa position géographique et de la longueur de ses frontières, lAutriche se devait de prendre une décision sur ce sujet dans un avenir proche.
La Commission a alors donné un avis favorable aux projets de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de lAtlantique Nord sur laccession de la République de Hongrie, de la République de Pologne et de la République tchèque.
fpfp
M. François Lamy, coordinateur du groupe de travail sur les interventions extérieures, a ensuite présenté une communication sur la participation française à la force de stabilisation en Bosnie-Herzégovine.
M. François Lamy a tout dabord exposé que la mission quil avait effectuée en Bosnie-Herzégovine du 30 avril au 2 mai 1998 sinscrivait dans le cadre du groupe de travail sur les opérations extérieures dont il est le coordinateur. Il a précisé que cette mission avait eu trois objectifs principaux, vérifier ladéquation entre la définition des missions confiées aux forces françaises et leur exécution, étudier la situation de la Bosnie-Herzégovine avant la mise en application dune troisième phase des accords de Dayton et le renouvellement de la présence dune force militaire internationale, et faire le point de la situation des troupes françaises au sein de la SFOR.
Abordant le volet militaire de laction de la SFOR, M. François Lamy a constaté quil sagissait dune réussite. Il a indiqué que la SFOR disposait de moyens suffisants, tant en effectifs quen matériel, que sa mission était clairement définie, et effectuée selon les règles du chapitre VII de la Charte des Nations Unies permettant lusage de la force si nécessaire, et que les opérations de contrôle des forces militaires croates, bosniaques et serbes se déroulaient bien. Il a précisé que ces opérations consistaient à procéder à des contrôles réguliers des dépôts darmes et à la surveillance des entraînements, le non-respect des directives de la SFOR étant passible de sanctions.
Evoquant ensuite le volet politique des accords de Dayton, M. François Lamy a estimé que la réussite était beaucoup moins grande. Il a exposé que les raisons en étaient dabord institutionnelles, la situation politique de la Republika Srpska nétant pas stabilisée et le fonctionnement de la Fédération croato-musulmane étant bloqué, notamment du fait que, pour chaque poste, tout responsable, membre dune communauté, était doublé par un adjoint ressortissant de lautre communauté, chacun surveillant lautre. Il a également souligné labsence de règlement de deux problèmes : celui des réfugiés et déplacés et celui des criminels de guerre.
Sagissant des réfugiés, M. François Lamy a expliqué que leur retour se heurtait dabord à des difficultés pratiques et indiqué que, dans les campagnes, les maisons détruites le sont restées, même si les villes, et en particulier Sarajevo, se reconstruisent. Il a ajouté que la SFOR nétait pas en état de garantir la sécurité des réfugiés, une fois ceux-ci réinstallés, et que, lorsque des maisons sont sélectionnées à lintention de personnes rapatriées, elles sont fréquemment détruites la nuit, sans quon arrive à arrêter les coupables. Il a également indiqué que nombre de réfugiés et déplacés ne souhaitaient pas revenir, soit par peur, soit du fait des conditions extrêmement rustiques de leur vie antérieure, une partie des déplacements semblant correspondre de fait à une sorte dexode rural.
M. François Lamy a souligné que lobjectif de réinstallation de 200 000 réfugiés fixé par le Haut Commissariat aux réfugiés pour 1998 était considéré par les interlocuteurs de la mission comme irréaliste. Il a ajouté que, sur 15 000 retours prévus pour le mois de février 1998, seuls 3 200 avaient eu lieu.
Sagissant de larrestation des criminels de guerre, M. François Lamy a fait remarquer quils étaient encore nombreux en liberté, et ce dans toutes les zones. Il a ajouté que cest par sa méthode que se singularisait plutôt lapproche du commandement français, celui-ci préférant mettre les criminels de guerre en situation de plus en plus inconfortable, jusquà finalement obtenir leur reddition. Il a expliqué que lamélioration du fonctionnement de lEtat et de ladministration, rendue possible grâce à la présence de la SFOR, avait pour conséquence de réduire les revenus illégaux des criminels de guerre et de les priver ainsi des moyens de payer leur garde rapprochée. Il a insisté sur le fait que la récente reddition de lun de ces criminels navait eu aucun caractère spontané. M. François Lamy a, à ce propos, souhaité que les militaires français expliquent mieux leur stratégie de façon à faire apparaître quils ont, tout autant que les autres forces, la volonté de procéder à larrestation des criminels de guerre, cette question restant un point clé pour les autorités bosniaques musulmanes.
Exposant alors larticulation du dispositif français au sein de la SFOR, M. François Lamy a expliqué que, outre le poste de commandant adjoint de la SFOR, la France avait la charge de la division multinationale Sud-Est, dite Division Salamandre. Il a attiré lattention sur loriginalité de cette unité, la multinationalité sétendant à lEtat-major lui-même, puisque les trois adjoints du Général commandant la division sont trois généraux italien, espagnol et allemand. Il a exposé que les interlocuteurs de la mission avaient considéré que cette organisation comportait de nombreux avantages, pour peu que lintensité des actions menées ne soit pas trop élevée. Il a indiqué quelle était considérée comme favorisant la formation, lintégration et aussi lamplification des forces, chacun apportant sa spécificité comme dans le cas du Batalat, le bataillon dhélicoptères basé à Ploce en Croatie, organisé à partir de roulements déquipages multinationaux. M. François Lamy a également fait état de lintégration spécifique du bataillon marocain qui assure la sécurité des camps à la satisfaction générale. Il a précisé que la langue de travail de la Division Salamandre était le français.
Abordant alors la situation des personnels dans les forces, M. François Lamy a indiqué que les officiers comme les hommes du rang lui avaient déclaré quils appréciaient la clarté de leurs ordres de mission et des règles dengagement applicables, qui sont celles de lOTAN.
Il a précisé que, dans lenvironnement multinational où ils sont placés, les Français apparaissaient à la fois fiers de leur spécificité et de leur capacité dadaptation, mais regrettaient de ne pas bénéficier des avantages matériels de certains de leurs camarades de lOTAN.
Il a également fait état des difficultés soulevées par les conséquences de la réforme des rémunérations des personnels en opération à létranger sur la solde des appelés, qui avait, de ce fait, été amputée de 25 % au 1er janvier.
Soulignant que la bonne réalisation du volet militaire des accords de Dayton contrastait avec la mise en oeuvre moins satisfaisante de leur volet politique, M. François Lamy a estimé que cette situation ne permettait pas denvisager un retrait de la SFOR sans risque de reprise du conflit.
Abordant les affaires dites civilo-militaires relatives aux tâches de reconstruction, M. François Lamy a souligné que la présence économique de la France nétait pas à la hauteur de son engagement militaire. Il a néanmoins estimé quil nétait pas certain que larmée soit forcément la mieux adaptée pour mener des actions dintérêt économique et social, ne serait-ce quen raison des problèmes de nature politique que soulevait la conduite de telles actions. Il a enfin estimé que le rattachement exclusif des affaires civilo-militaires à lEtat-major des armées pouvait apparaître critiquable et exprimé sa préférence pour une participation à leur gestion des services des Affaires étrangères, voire de la Coopération.
Concluant son exposé, M. François Lamy a estimé utile que la Commission demande au Ministre de la Défense et au Chef dEtat-major des Armées de venir lui présenter les bases sur lesquelles serait instituée la nouvelle participation française à la stabilisation de la Bosnie-Herzégovine.
Le Président Paul Quilès a alors exprimé son accord avec la suggestion de M. François Lamy.
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