
ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES
COMPTE RENDU N° 38
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 9 septembre 1998
(Séance de 14 heures 30)
Présidence de M. Paul Quilès, Président,
SOMMAIRE
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Audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999
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La Commission de la Défense a procédé à laudition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999.
Accueillant le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense était particulièrement attentive aux conditions de la professionnalisation, au retour des crédits déquipement à un niveau permettant de mener à bien le programme de modernisation des forces ainsi quà lamélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense, en loi de finances initiale comme en exécution.
Le Ministre de la Défense a présenté les principales orientations du budget de la Défense contenues dans le projet de loi de finances pour 1999, adopté le 9 septembre 1998 par le Conseil des Ministres. Il a rappelé que le budget de lexercice précédent avait fait de la poursuite de la réforme des armées et de la professionnalisation sa priorité et sétait traduit, dune part, par une conformité du titre III aux objectifs fixés dans la loi de programmation et, dautre part, par une réduction temporaire des crédits déquipement par rapport à cette même loi, en raison des contraintes de lassainissement des finances publiques.
Il a relevé que les difficultés entraînées par cette réduction des ressources disponibles pour léquipement des armées ne pouvaient être surmontées quà la condition dun réexamen densemble de la cohérence des choix financiers de la loi de programmation militaire, constat qui avait présidé à la revue de programmes et donné lieu, en conséquence, à un ajustement des flux financiers prévus. Il a dailleurs souligné que le projet de loi de finances pour 1999 appliquait les conclusions de la revue de programmes concernant les crédits déquipement, tout en répondant à une vision à long terme des besoins de la défense. Il sest également félicité des conditions délaboration du budget de la Défense, qui navait pas nécessité le recours à larbitrage du Premier Ministre, en ajoutant que la nouvelle présentation des crédits portait la marque dun effort de clarification comptable répondant notamment aux souhaits réitérés de la Commission de la Défense.
M. Alain Richard a ensuite présenté les principaux chiffres du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le titre III, dun montant de 104 milliards de francs, progressait de 240 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, concédant que ce montant aurait été plus élevé si lon avait appliqué les règles générales dindexation mais soulignant quil restait conforme aux objectifs de la programmation. Quant aux crédits des titres V et VI, il a déclaré quils sétabliraient à 86 milliards de francs, ce qui, par rapport aux 81 milliards de francs du budget voté de 1998, représentait une augmentation dautant plus forte en termes réels que la valeur des achats déquipements militaires avait tendance à suivre lévolution de lindice des prix industriels, nettement inférieure à celle de lindice des prix. Il a indiqué quau total, les crédits militaires hors pensions progresseraient de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.
Le Ministre de la Défense a souligné que le projet de budget permettait de poursuivre la professionnalisation des forces, qui perdraient en 1999 un peu plus de 30 000 appelés et 2 690 sous-officiers, le nombre dofficiers demeurant globalement stable, alors que seraient créés environ 16 000 emplois, soit, notamment, 8 400 militaires du rang, 4 750 volontaires, dont 3 000 dans la Gendarmerie, et 1 900 emplois civils. Il a fait observer que la baisse de 9 % des crédits de fonctionnement, corrélée à lévolution des effectifs, namputait pas le pouvoir dachat du titre III, des économies non pénalisantes ayant été rendues possibles en 1999, notamment par lévolution du prix du pétrole ou par laugmentation des ressources extrabudgétaires du Service de santé des armées.
Sagissant des crédits déquipement du budget de la Défense, le Ministre de la Défense a souligné que leur évolution marquait un rattrapage par rapport à la précédente loi de finances et traduisait les conclusions tirées de la revue de programmes. Il a fait observer que les ressources affectées à la dissuasion se trouvaient confortées, le programme de SNLE de nouvelle génération se poursuivant normalement, avec ladmission au service actif du deuxième SNLE-Ng en juillet 1999 et un objectif de mise en service du dernier SNLE-Ng en 2008. Evoquant les crédits consacrés à lespace, il a rappelé le caractère prioritaire du programme Hélios II et indiqué, sagissant du programme Trimilsatcom, que la décision de retrait britannique du 12 août 1998 nentravait pas la coopération entre la France et lAllemagne dans ce domaine, les deux partenaires ayant décidé de modifier, en les simplifiant, certaines spécifications du programme.
En ce qui concerne les armements conventionnels, il a indiqué que lannée 1999 verrait la poursuite des livraisons de chars Leclerc, à raison de 33 exemplaires, le lancement du programme VBCI réalisé en collaboration avec la Grande-Bretagne et lAllemagne, lentrée dans la phase de fabrication du programme Tigre, la livraison du premier Rafale Marine, du deuxième Hawkeye, le lancement du programme de TCD de nouvelle génération et la poursuite du programme dhélicoptère NH-90. Il a également fait valoir que, pour la Gendarmerie, les délais déquipement du programme Rubis seraient respectés puisque, fin 1999, 85 départements seraient équipés, ce qui permettait dêtre désormais sûr de lachèvement du programme à la fin de lannée 2000.
M. Alain Richard a également fait remarquer que leffort du ministère de la Défense en matière de recherche et développement dépasserait 21 milliards de francs en 1999 contre 19,6 dans la loi de finances initiale pour 1998.
Il a indiqué par ailleurs que près dun milliard de francs seraient consacrés à laccompagnement économique des restructurations sous la forme de dotations du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) et du Fonds dadaptation industrielle (FAI), destinées à financer laccompagnement économique et social des restructurations, tandis que les aides au départ et à la mobilité, accordées dans le cadre de la professionnalisation, représenteraient plus de 1,8 milliard de francs. Sur ce dernier point, il a fait observer que, conformément à la loi de programmation, les crédits relatifs aux pécules connaîtraient leur première baisse puisquils se monteraient à 810 millions de francs au lieu de 900 en 1998. Il a ajouté quaprès la réalisation complète des prévisions de départ pour 1998, ce montant devrait assurer le départ aidé de 900 officiers et 2 000 sous-officiers en 1999.
Evoquant les restructurations industrielles, le Ministre a indiqué que les efforts de la DGA produisaient désormais leurs fruits en matière de coûts et de délais et mis laccent sur le dialogue mené avec les industriels de la défense. Sur le point plus précis des relations de la DGA avec les PME-PMI, il a fait observer que, désormais, de nouveaux moyens, notamment en personnel, seraient affectés spécifiquement à cette tâche.
Le Ministre de la Défense a alors analysé la participation du budget de son département à la politique générale du Gouvernement en faveur de lemploi, de la sécurité intérieure et de la construction européenne.
Sagissant de la politique de lemploi, il a souligné à nouveau que le ministère allait ouvrir en 1999 de lordre de 16 000 recrutements dont plus de 13 000 de militaires du rang et de volontaires, cest-à-dire des emplois destinés à des jeunes de qualification moyenne et faible. Il a ajouté que 15 millions de francs seraient consacrés à laccompagnement social des jeunes sans emploi en fin de contrat et rappelé que le ministère prenait sa part des efforts de relèvement des rémunérations les plus basses, quil sagisse de celles des militaires ou de celles des personnels civils.
Sagissant de leffort en matière de sécurité intérieure, il a précisé quen relève des appelés, 3 000 volontaires allaient être recrutés par la Gendarmerie en 1999 en complément des 800 recrutés par anticipation dans les prochaines semaines. Il a toutefois fait observer que leffort en faveur des effectifs de la Gendarmerie engendrerait en contrepartie un alourdissement des charges de formation, consécutif, notamment, à laccroissement du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années, de 2 000 à 4 000 par an. Il a ajouté que le renforcement des effectifs de la Gendarmerie dautoroute serait néanmoins poursuivi pour tenir compte de laccroissement du kilométrage autoroutier et annoncé que, dans le cadre du programme de renouvellement des hélicoptères Alouette III, la première commande dhélicoptères biturbines allait être passée.
M. Alain Richard a alors décrit la part prise par le ministère de la Défense à la politique européenne du Gouvernement. Il a fait ressortir la participation accrue de la France au développement dune industrie de défense européenne compétitive et attiré lattention sur la signature du traité instituant lOCCAR. Sur ce point, il a fait remarquer la forte volonté des signataires de déléguer à lOCCAR la gestion de nouveaux programmes, indiquant que les Britanniques avaient fait part de leur intention de porter à 40 % la part des programmes européens dans leurs acquisitions.
Il a également souligné que la France faisait pleinement appel aux crédits de reconversion de lUnion européenne (fonds KONVER et Objectif 2).
En conclusion, il a indiqué que le projet de budget pour 1999 marquait une nouvelle étape dans la modernisation et ladaptation de nos capacités de défense tout en contribuant efficacement à la mise en oeuvre des grands objectifs du Gouvernement. Il a également mis laccent sur lefficacité des armées dans laccomplissement de leurs missions extérieures, puisque lannée 1998 avait vu, outre la conduite dopérations sur divers théâtres, la mise en oeuvre de plusieurs interventions dévacuation de nos ressortissants, tout en rendant hommage aux qualités dont elles faisaient preuve dans lexercice de leurs missions intérieures. Evoquant la participation du ministère de la Défense à la sécurité de la Coupe du Monde de football, il a à ce propos tenu à rendre hommage au gendarme Nivel, symbole du dévouement et de lefficacité des armées dans lensemble de leurs missions.
Rappelant que larrêté dannulation et le décret davance du 21 août 1998 avaient réduit de 3,8 milliards de francs les crédits déquipement de lexercice 1998 et ouvert sur le même exercice un crédit de 3,8 milliards de francs en vue de couvrir des charges de personnel, notamment au titre des opérations extérieures, le Président Paul Quilès sest demandé si, dans la mesure où une bonne partie de ces opérations pouvait être prévue en début dexercice, une provision ne pourrait pas être instituée en loi de finances initiale pour faire face aux charges quelles entraînent, ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle parlementaire.
Remarquant également quune partie des crédits ouverts par le décret davance semblait destinée à remédier à linsuffisance des dotations initiales pour la rémunération des VSL (volontaires service long), il sest demandé si cet ajustement ne traduisait pas certaines dérives en matière de rémunérations et sest interrogé sur leur perpétuation en 1999.
Abordant alors la réforme destinée à rapprocher la comptabilité des investissements du ministère de la Défense de celle des ministères civils, il a souhaité savoir si lon pouvait en attendre une plus grande conformité des autorisations de programme du budget de la Défense à la définition qui en est faite par lordonnance de 1959 relative aux lois de finances, soulignant quune telle amélioration faciliterait le contrôle parlementaire des dépenses en capital, grâce notamment à linscription dans le fascicule budgétaire de la Défense déchéanciers véritablement significatifs des crédits de paiement. Il a également demandé dans quelles conditions le montant en autorisations de programme des nouvelles opérations budgétaires dinvestissement ainsi que leur échéancier en crédits de paiement seraient portés à la connaissance des rapporteurs budgétaires.
Enfin, sagissant des commandes groupées, il a souhaité savoir si leur montant en était connu et si elles feraient lobjet dune individualisation au sein du fascicule budgétaire de la Défense.
M. Alain Richard a apporté les éléments dinformation suivants :
le décret davance qui porte sur 3,8 milliards de francs couvre en partie (1 milliard de francs) les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il ouvre également des dotations supplémentaires pour assainir la situation des chapitres de rémunérations, afin déviter des tensions de trésorerie avant le collectif budgétaire prévu en novembre prochain ;
environ 300 millions de francs de crédits provisionnels avaient été inscrits pour la première fois dans le projet de budget pour 1998 pour couvrir une part des surcoûts entraînés par les opérations extérieures. Dune part, il est difficile dévaluer à lavance lampleur de ces surcoûts. Dautre part, cette provision, souhaitée par le Ministre de la Défense, doit rester modérée et ne saurait dépasser à terme un milliard de francs ;
le débat politique avec le Parlement sur les opérations extérieures se déroule habituellement au moment de lexamen de la loi de finances rectificative de fin dannée mais il serait souhaitable que le Ministre de la Défense vienne, dès le printemps, présenter les principales dépenses liées à ces opérations ;
les VSL permettent daccompagner la professionnalisation. Parce quil na pas été possible dinscrire en 1998 des postes de volontaires pour pallier la disparition des appelés, les armées ont été autorisées à recourir à des VSL en anticipation de larrivée des volontaires ;
la couverture du décret davance repose sur des annulations de crédits déquipement. Mais ces annulations seront compensées par une autorisation de consommer un montant équivalent de crédits de report de lexercice 1997 sur lexercice 1998 afin de garantir la capacité de dépenses du ministère de la Défense pour lexercice en cours ;
la mise en oeuvre au sein du ministère de la Défense de la nouvelle comptabilité spéciale des investissements (CSI) sest traduite par des retards de paiement au détriment des fournisseurs, en particulier des PME, et lapplication de la réforme de la nomenclature budgétaire prévue par le projet de loi de finances pour 1999 risque dentraîner des conséquences de même nature. Les retards provoqués par lintroduction de la CSI devraient toutefois être rattrapés dici quelques mois afin que la consommation des crédits approche, à la fin de lexercice 1998, les montants inscrits en loi de finances initiale ;
la présentation du budget pour 1999 se place dans la cohérence des demandes des commissions parlementaires. Elle fait passer de 7 à 8 le nombre de chapitres du ministère de la Défense et permet, notamment, de détailler, dans le chapitre des fabrications, 25 articles, correspondant chacun à un grand programme ;
cinq commandes groupées de matériels pour un montant dengagements denviron 11 milliards de francs ont été lancées en 1997 et deux nouvelles commandes de ce type seront sans doute attribuées en 1999. Le Gouvernement ne pourra confirmer publiquement la commande groupée des 48 Rafale quen 1999 car, si lessentiel de la négociation est effectué, il reste certaines questions à régler avant la signature définitive du contrat.
Après sêtre félicité de laugmentation des titres V et VI en loi de finances initiale et des efforts effectués dans certains domaines, en particulier dans ladéquation des autorisations de programme et des crédits de paiement, M. Arthur Paecht a émis la crainte que la loi de finances rectificative pour 1998 ne vienne à nouveau amputer les crédits déquipement pour abonder les dépenses liées aux opérations extérieures. Ayant estimé ambitieux lobjectif de fabriquer en coopération européenne près de 40 % des programmes en valeur, il sest interrogé sur la nature de lidentité européenne de défense qui soutiendra le développement de lOCCAR. Enfin, il a évoqué lélaboration du nouveau concept stratégique de lAlliance atlantique et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur la participation de la France aux structures intégrées alliées.
M. Jean-Yves Le Drian sest étonné que le projet de budget pour 1999 prévoie le lancement du développement de deux frégates Horizon dans la mesure où il navait pas eu connaissance que des progrès significatifs avaient été récemment accomplis dans la définition des spécifications de ce programme en coopération trilatérale. Evoquant la réforme de la DCN, il a souhaité avoir des précisions sur la méthode et le calendrier retenus par le ministère de la Défense.
Estimant quil ressortait des propos du Ministre de la Défense que laugmentation du titre III ne correspondait pas à celle du coût de la vie, M. Michel Voisin a souhaité que leffort entrepris en faveur de la professionnalisation ne soit pas terni par une altération de la qualité de vie des personnels militaires. Notant quune dotation supplémentaire de 40 millions de francs était affectée aux réserves, il a demandé quel était létat davancement des travaux délaboration du projet de loi les concernant. Sagissant de la réorganisation des services de police et de Gendarmerie, il a indiqué que la réforme annoncée avait soulevé, notamment dans la zone périurbaine de Lyon, de vives protestations de la part des élus locaux et des populations qui craignent quil sensuive une altération des conditions de sécurité et a regretté quelle nait été précédée daucune véritable consultation préalable. Evoquant lannonce de la double commande de 80 hélicoptères Tigre faite à la suite de la rencontre des Ministres de la Défense à Berlin, il a souhaité savoir si ces commandes avaient été notifiées à lindustriel. Enfin, il sest inquiété du maintien des effectifs et des spécificités de la Légion étrangère ainsi que des troupes de marine.
M. René Galy-Dejean a fait part de sa satisfaction au regard dun budget quil a considéré comme une assez bonne surprise, après les résultats de la revue de programmes, et indiqué quil portait des appréciations également positives sur la politique suivie en matière de restructuration industrielle. Il a toutefois regretté que les négociations avec le ministère du Budget naient pu permettre dobtenir une augmentation du montant des crédits militaires et en particulier de ceux du titre III, en rapport avec lamélioration sensible des recettes fiscales. Rappelant que le contexte international avait sensiblement évolué dans le domaine de la prolifération nucléaire et balistique depuis lélaboration du précédent budget, il a souhaité savoir si cette situation avait été prise en compte dans la fixation des orientations budgétaires concernant la dissuasion et si le Ministre avait pu constater lémergence dune prise de conscience européenne en ce domaine.
Après avoir fait valoir que laugmentation des crédits de la Défense pour 1999 était conforme aux engagements précédents du Gouvernement et que le projet de budget reflétait la priorité accordée à lemploi, M. Yann Galut a fait part de ses préoccupations quant à lavenir de GIAT-Industries, en ce qui concerne notamment le secteur armes et munitions, la nature de la participation française au VBCI, et plusieurs incertitudes relatives à la revalorisation des matériels dartillerie de type 155 AUF 1 ou aux commandes portant sur le système Minotaur et les tourelles dhélicoptères. Il a noté avec satisfaction laccroissement des crédits de recherche-développement, qui lui a paru témoigner du souci de préserver lavenir des industries françaises de défense et a souhaité savoir quels moyens pouvaient être accordés, dans le cadre de cet effort, à des programmes tels que le VEXTRA, lartillerie future des chars de combat et les munitions intelligentes. Sagissant des aides à la diversification des entreprises de défense, il a souhaité savoir quelle avait été laffectation des crédits inscrits à ce titre dans le budget pour 1998. Il sest enfin félicité de lannonce de la prochaine commande pluriannuelle de 48 Rafale et des engagements pris en faveur du programme ATF, tout en indiquant que parmi les trois options évoquées par le Ministre, il souhaitait que celle proposée par Airbus Industrie soit privilégiée.
M. Georges Lemoine sest félicité que le projet de budget de la Défense pour 1999 vienne atténuer certaines inquiétudes concernant les moyens alloués à la Gendarmerie, notamment en matière de volontariat. Se déclarant satisfait à cet égard de louverture, par anticipation, de 800 postes de volontaires en 1998 et des objectifs de recrutement fixés pour 1999, il a toutefois fait état des difficultés que pourrait soulever, dans les brigades, la durée de formation de ces personnels, nettement supérieure à celle des actuels gendarmes auxiliaires. Il a ensuite évoqué les nombreuses inquiétudes suscitées, chez les élus, par le rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest. Il a plaidé en faveur dune information accrue des élus locaux sur les propositions énoncées dans ce rapport, dont il a souligné quil avait été peu lu et estimé que lintervention du Directeur général de la Gendarmerie nationale devant le congrès des maires de France, au mois de novembre, pourrait participer de cette meilleure information. Après sêtre félicité des perspectives dachèvement du programme Rubis, il a soulevé la question des conditions de vie et des casernements, qui risquait dêtre rendue plus difficile par larrivée des volontaires. Il a enfin interrogé le Ministre sur la contribution des sociétés autoroutières au financement des pelotons de gendarmerie dautoroute.
M. Jean-Claude Sandrier sest déclaré gêné pour approuver le projet de budget, de la même façon que les membres de lopposition sétaient trouvés gênés pour le critiquer. Il a précisé que son analyse concernant la loi de programmation militaire était inchangée et a exprimé son désaccord avec une politique de défense principalement fondée sur des objectifs de projection. Il a souligné en revanche que le concept de défense nationale gardait toute sa validité et que sa mise en oeuvre supposait de revaloriser les forces et équipements classiques. Il a estimé en outre que la journée dappel de préparation à la défense ne suffirait pas à insuffler aux jeunes lesprit de défense. Il a ensuite interrogé le Ministre sur les résultats de la campagne de recrutement de lArmée de terre et, sagissant des crédits déquipement, sur leur taux de consommation en 1998. Après avoir demandé au Ministre de faire le point sur les nouvelles infrastructures, il sest interrogé sur létat actuel de la coopération européenne pour la réalisation du programme Hélios II. Il sest également déclaré inquiet de la politique industrielle suivie dans le secteur de la défense, relevant quelle était largement inspirée par le souci dinstaurer une défense européenne. Il sest à ce propos interrogé sur lévolution de la politique de coopération suivie par nos partenaires britanniques et allemands en matière de défense, notamment à légard des Etats-Unis. Il sest enfin demandé sil était prudent de programmer la fin du système armes et munitions de GIAT-Industries, avant de demander que le plan de restructuration de cette entreprise soit revu en fonction dautres objectifs que ceux qui ont été retenus par le Gouvernement.
Remarquant que plusieurs des questions posées avaient trait aux orientations de la politique générale de défense de la France, M. Alain Richard a proposé que leur examen ait lieu en séance publique, à loccasion du débat sur les crédits militaires, de sorte quils puissent faire lobjet dune discussion plus approfondie.
Il a également suggéré que la Commission de la Défense tienne un débat spécifique sur la politique industrielle dans le secteur de la défense et sest déclaré disposé à y contribuer.
Il a en outre apporté les éléments de réponse suivants :
les dépenses liées aux opérations extérieures sont, par nature, affectées dun fort coefficient dincertitude en début dexercice ; en 1999, elles seront sans doute en réduction par rapport à 1998 du fait, notamment, de la fermeture des bases françaises en République centrafricaine ;
le programme Horizon sera bien lancé en 1999 ; en effet, la définition de ses besoins par la Grande-Bretagne, principal acheteur, a beaucoup évolué et sest considérablement rapprochée de celle de la France ;
la réforme de la DCN est une réforme en profondeur qui doit donc être conduite sur le long terme. La DCN doit conserver une place éminente au sein de lindustrie de défense européenne de demain. Pour cela, il a été demandé à sa direction de recueillir des avis diversifiés avant de formuler ses propositions en vue dune réforme et dun plan dentreprise. Cette réflexion prend nécessairement du temps. Le plan dentreprise quelle élaborera devra permettre à la DCN de répondre aux demandes de la Marine et de trouver des marchés, dans des conditions économiques saines ;
la hausse des rémunérations et charges sociales, au sein du titre III, est de 2,9 %. Elle inclut donc des accroissements de pouvoir dachat. Mais elle pèse indéniablement sur les moyens de fonctionnement. Les tensions sur les crédits de fonctionnement naffecteraient la qualité de vie que des personnels logés. Or, sur ce point, sans doute du fait de lingéniosité des chefs de corps, il napparaît pas quon aille vers une situation réellement difficile. De plus, les jeunes engagés sont tous en début de contrat et il nest pas certain quils souhaiteront, à lavenir, continuer à être logés à la caserne ; il convient donc dêtre prudent dans la construction des casernements de manière à éviter les surcapacités ;
le ministère de la Défense a bénéficié dune amélioration spécifique de ses crédits de fonctionnement, due notamment à la réforme du financement du fonds de pension des ouvriers dEtat. Celui-ci connaissait un déficit structurel apuré a posteriori par une subvention. A la suite dune proposition du ministère des Finances, ce déficit sera désormais financé par les cotisations des employeurs. Cette réforme, appliquée de façon plafonnée, aboutit à transférer 300 millions de francs de cotisations du titre III vers les établissements employeurs des ouvriers dEtat, notamment la DCN ;
en ce qui concerne les modifications du partage de compétence territoriale entre la Police et la Gendarmerie, les propositions envoyées aux préfets feront lobjet de négociations et ne présagent pas des décisions finales ;
les besoins, plus importants en zones urbaines périphériques, sont mieux satisfaits par un travail collectif des brigades ;
le reversement des sociétés concessionnaires dautoroutes à la Gendarmerie par la procédure du fonds de concours a été déclaré non conforme à lordonnance organique relative aux lois de finances. Pour compenser ce fonds de concours, un peu plus de 500 millions de francs ont été inscrits en crédits budgétaires dans la loi de finances initiale pour 1998. Le projet de budget pour 1999 fait lobjet dune procédure analogue ;
la consommation de lensemble des crédits déquipement devrait dépasser 95 % des dotations initiales pour lexercice en cours ;
la commande des 80 hélicoptères Tigre sera notifiée à lindustriel avant la fin de lannée ;
il est de lintérêt de GIAT-Industries de participer au programme VBCI qui concerne près de 2 000 commandes à terme et dont la France pourrait recevoir près de 30 % de part industrielle, même si les négociations de prix ne sont pas terminées. Au contraire, pour linstant aucun marché assuré nexiste à lexportation pour le programme VEXTRA dans la situation économique très difficile que connaît larmement terrestre. Quant à lartillerie future des chars de combat, il sagit dun domaine auquel des crédits de recherche seront affectés ;
les crédits du FRED et du FAI dont la consommation est satisfaisante permettent une bonne mise en place des programmes de diversification économique et daccompagnement social ;
les partenaires du consortium Airbus doivent faire une proposition crédible et compétitive en termes de prix pour remporter le marché de lavion de transport militaire européen. Sil est nécessaire de tenir compte des intérêts économiques et industriels européens dans le choix des coopérations, il nest pas non plus politiquement souhaitable de fermer a priori la porte à toute coopération avec Antonov ;
la réponse favorable de lEspagne au programme Hélios II, dont le calendrier de réalisation est maintenu, permet de le poursuivre dans un cadre de coopération européenne. LItalie qui effectue dimportants efforts déconomie budgétaire na pas encore fourni de réponse. Dautres partenaires sont par ailleurs envisageables. Les pays intéressés pourront sabonner au programme en cours de réalisation ;
les recrutements dengagés de lArmée de terre se déroulent dans de bonnes conditions, grâce à lamélioration des conditions de rémunération des personnels et à limage positive que donne cette armée dans sa démarche de professionnalisation, notamment en matière de formation et dintégration sociale ;
la professionnalisation des armées suppose la remise en cause des spécificités de certaines armes de lArmée de terre et il apparaît nécessaire de faire comprendre tant à la Légion étrangère quaux Troupes de Marine que laccroissement global des capacités opérationnelles des forces constitue une garantie importante pour la Nation.
M. Bernard Grasset a souligné le courage dont avait fait preuve le Gouvernement en modifiant la carte de répartition des zones de Police et de Gendarmerie, apportant ainsi une réponse à une question très ancienne que les gouvernements précédents avaient toujours hésité à aborder. Il a fait part du trouble suscité chez un certain nombre de maires de sa circonscription par les confidences du Directeur général de la Gendarmerie, concernant lemploi de ses personnels, parues dans un supplément dun grand journal parisien. Il sest félicité du dépôt prochain dun projet de loi sur les réserves, qui constituent un élément essentiel du lien entre la Nation et ses Armées et a souhaité quà lavenir le recrutement dans les sessions régionales de lIHEDN soit moins élitiste. Après avoir estimé que les spécificités de certaines armes telles que les troupes de Marine devaient être préservées, il sest prononcé en faveur du maintien du Service militaire adapté, dont il a souligné quil apportait, dans les DOM-TOM, une contribution essentielle au resserrement des liens entre les Armées et la population. Relevant la diminution de 16 % des crédits de paiement consacrés à lEspace, dont il a déclaré comprendre les raisons, il a insisté sur la nécessité de préserver lavenir en accordant une priorité au programme de satellite radar Horus.
M. Pierre Lellouche a tout dabord convenu que le projet de budget apparaissait optiquement meilleur que celui de lannée en cours, estimé que les restructurations industrielles engagées pouvaient être considérées comme satisfaisantes et jugé courageuse la politique menée par le Ministre de la Défense pour restructurer les arsenaux. Il a résumé son appréciation en déclarant que le libéral quil était se réjouissait de ces orientations. Il a également insisté sur la nécessité dinstituer un mode approprié de financement des opérations extérieures, excluant toute ponction sur les crédits déquipement pénalisant, en cours dexercice, la politique déquipement des forces armées. Soulignant lintérêt du volontariat du service national en entreprise, il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait proposer au Parlement son maintien. Il sest par ailleurs inquiété de la répartition des officiers, sous-officiers et militaires du rang au sein des armées, notant que la professionnalisation avait pour effet de créer un déséquilibre important en faveur des gradés par rapport aux hommes du rang. Enfin, rappelant quil avait saisi la présidence de lAssemblée nationale de la nécessité dune réflexion parlementaire sur la pertinence du concept de dissuasion au regard de lévolution géostratégique liée aux essais nucléaires indiens et pakistanais, il a fait part de sa stupéfaction quant au manque dintérêt suscité par sa demande. Il sest enfin interrogé sur la cohérence des choix financiers effectués, dans le projet de budget pour 1999, en faveur des différents systèmes de forces face à une menace aujourdhui très évolutive et sest demandé si une réflexion suffisante avait été conduite sur le modèle darmée dont la France avait à présent besoin.
Le Président Paul Quilès a indiqué que le bureau de la Commission, dont M. Pierre Lellouche est membre, devait se réunir la semaine prochaine pour examiner notamment sa proposition. Il a par ailleurs rappelé les propos de M. Arthur Paecht et ceux du Ministre, évoquant les travaux de lOTAN relatifs au nouveau concept stratégique de cette organisation, et souligné que les conclusions de ces travaux ne seront pas sans incidences sur nos propres réflexions nationales en matière de politique de défense. Enfin, il a observé que lanalyse des menaces et des besoins militaires de la France était déjà contenue dans le Livre Blanc et la loi de programmation militaire, quune majorité de membres de la Commission, dont certains appartenaient à lopposition, navaient pas souhaité remettre en cause.
M. Guy-Michel Chauveau sest félicité du projet de budget, quil a considéré comme le meilleur depuis plusieurs années. Il a plaidé en faveur dune maîtrise des dépenses du titre III, condition nécessaire à la préservation des crédits de recherche et développement. Il a également souhaité savoir sil avait été procédé à une réorganisation des dispositifs de formation, pour mieux les adapter aux spécificités des personnels engagés. Il a également demandé quelles étaient les mesures de reconversion des engagés prévues. Sagissant de la politique industrielle menée par le Gouvernement, il sest déclaré pleinement satisfait des décisions prises depuis quinze mois, souhaitant que toutes les grandes entreprises du secteur y participent. Se félicitant de la nomination dun coordinateur des restructurations au niveau national, il a souligné la nécessité dune évaluation de leur impact, site par site.
M. Jean-Noël Kerdraon, rappelant que la revue des programmes avait fixé à lan 2000 le lancement du programme de nouveau transport de chaland de débarquement (TCD), a demandé au Ministre de la Défense de confirmer quil était avancé dun an. Sagissant des programmes en coopération, il a évoqué les divergences entre la France et lItalie dans le choix du sonar destiné à équiper le NH 90, non sans estimer que celui proposé par Thomson-Marconi semblait de meilleure qualité. De même, il a souhaité que le choix du sonar du chasseur de mines tripartite soriente vers le produit proposé par cette même société, dont 300 emplois étaient en jeu sur un effectif de 400.
Félicitant le Ministre, non pour son budget, quil a estimé critiquable mais pour lhabileté avec laquelle il lavait présenté, M. Yves Fromion, usant de la faculté que larticle 38 du Règlement confère aux députés dassister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a indiqué que, pour sa part, il avait toujours estimé quil fallait maintenir lactuelle loi de programmation militaire, fruit dun débat approfondi. Il a même regretté que la loi de programmation militaire initiale nait pas été appliquée plus fidèlement encore, évoquant notamment le retard que la France risquait de prendre dans le domaine de laéromobilité avec un parc dhélicoptères qui allait passer de 600 environ à 350 ou 370 en 2010. Il a également demandé au Ministre des informations sur labandon du département munitions de GIAT-Industries et sur les perspectives dexportation du char Leclerc. Il la enfin interrogé sur lappel de préparation à la défense.
Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :
il a convenu que laccès à lIHEDN, notamment à ses sessions régionales, devait être élargi ;
le SMA (service militaire adapté) fonctionne de manière satisfaisante. Le souhait de la Polynésie française de se voir attribuer directement les crédits correspondants pour organiser elle-même la formation des jeunes pourrait cependant créer une disparité de situation entre les différents départements et territoires, qui rendrait le dispositif plus difficile à maintenir ;
lobjectif de construction dun satellite dobservation radar nest pas abandonné mais il est sans doute opportun dattendre que les évolutions technologiques en cours permettent de latteindre à moindre coût ;
la dissuasion a, jusquici, été surtout laffaire du Chef de lEtat ; cest sans doute la raison pour laquelle la nécessité dun débat parlementaire nest pas apparue pressante ;
le taux dencadrement dune armée professionnelle est toujours supérieur à celui dune armée de conscription. Par ailleurs, lanalyse des taux dencadrement doit tenir compte de la structure des grades de la Gendarmerie, puisque les gendarmes sont tous sous-officiers ;
la professionnalisation va indiscutablement engendrer des tensions sur la part relative des crédits du titre III et du titre V, dici à la fin de la programmation ; un risque de glissement existe. Ce sera lun des points à évoquer lors de la préparation de la prochaine loi de programmation;
il y a des gains defficacité à faire en matière de formation. Ils passent notamment par des regroupements décoles. Sagissant du recrutement, lune des clefs du succès sera effectivement la réussite de la reconversion des engagés et sa perception correcte par le public ;
en matière dindustrie aéronautique, le pas essentiel est la fusion entre les sociétés Aérospatiale et Matra : en revanche, sagissant de la position de la société Dassault au sein de lindustrie européenne, il est encore possible de se laisser un temps de réflexion ;
le souci de préserver le plus grand nombre de sites et de maintenir une activité industrielle dans les bassins demploi a joué un rôle essentiel dans lélaboration du plan de restructuration de GIAT-Industries ;
en ce qui concerne le TCD, le besoin est avéré : il sagit dun outil de projection précieux quil ne faut pas trop tarder à réaliser. Des négociations devront toutefois sengager avec la DCN en vue de sa construction, notamment sur la question des prix ;
dans les mois qui viennent, il faudra résoudre les divergences entre lItalie et la France à propos du sonar Thomson-Marconi ;
dès lors quon est en accord avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, il convient de se tenir à celle-ci ;
la réduction en cours du nombre dhélicoptères laissera à la France un nombre dappareils dont les capacités seront toutefois hors de comparaison avec celles des matériels quils remplaceront ; laéromobilité reste un concept essentiel dans la doctrine demploi de lArmée de terre ;
le plan de réduction des capacités du secteur des munitions de GIAT-Industries répond aux besoins dadaptation de lentreprise qui ne peut produire que ce quelle est en mesure de vendre dans des conditions économiques normales. Sagissant de lachat de chars Leclerc par lArabie Saoudite, le Gouvernement ne sen désintéresse pas ; il est cependant trop tôt pour formuler des commentaires à ce sujet ;
sagissant de lappel de préparation à la défense, il est organisé avec rigueur. De plus, aujourdhui, la vision quont les jeunes de la Défense est positive. Ces éléments permettent de penser que la nouvelle formule sera un succès ;
en ce qui concerne les réserves, la concertation est en bonne voie et le Premier Ministre a annoncé devant lIHEDN que le projet de loi les concernant serait déposé sur le bureau dune des Assemblées avant la fin de lannée ;
pour réformer le partage de compétence entre Police et Gendarmerie, il fallait bien partir dun point de départ, susceptible de constituer une base de discussion. Des instructions ont été envoyées aux préfets pour rappeler que cest là précisément la fonction du rapport Carraz-Hyest qui na donc pas vocation à être transposé sur le terrain dans son intégralité.
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