Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la défense nationale et des forces armées (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 octobre 1998
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice-Président,

puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

Projet de loi de finances initiale pour 1999 (n° 1078)

 

– Audition du Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des armées

2

La Commission a entendu le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1078).

Accueillant le Général Jean-Pierre Kelche, M. Didier Boulaud, Président, a souligné que celui-ci exerçait sa mission dans des conditions particulièrement délicates puisqu’il devait veiller aux capacités opérationnelles de forces qui se trouvaient elles-mêmes en profonde restructuration dans le cadre de la professionnalisation. Il a cependant remarqué que le contexte budgétaire semblait cette année favorable puisque le titre III était de nature à garantir dans de bonnes conditions la professionnalisation et que les crédits d’équipement paraissaient apporter les ressources nécessaires à une exécution satisfaisante de la loi de programmation, compte tenu des ajustements opérés par la revue des programmes, qui avait eu le mérite d’établir un cadre clair pour la politique d’équipement militaire.

Présentant le projet de budget pour 1999, le Général Jean-Pierre Kelche a d’abord rappelé que les crédits d’équipement n’étaient désormais plus construits en référence à la programmation mais à la revue des programmes qui en avait sensiblement modifié le contenu. S’agissant du titre III, il a indiqué que son appréciation porterait sur les crédits de fonctionnement au sens strict, qui conditionnent en particulier l’activité des forces ; il a ajouté qu’il tenterait également de formuler un jugement sur l’outil de défense et ses capacités opérationnelles actuelles.

Soulignant que le projet de loi de finances pour 1999 était le troisième budget d’exécution de la loi de programmation, il s’est demandé dans quelle mesure les crédits d’équipement inscrits dans ce budget permettaient de concrétiser les évolutions prévues vers le modèle d’armée 2015. Il a d’abord remarqué que, si l’on recherchait les finalités de la revue des programmes, on pouvait constater qu’elle répondait au premier chef à une contrainte d’ordre financier : il s’agissait de faire moins avec moins. Avant même la revue des programmes, l’exécution des crédits d’équipement avait été marquée, au cours de l’année 1997, par 3,9 milliards de francs d’annulations de crédits et au cours de l’année 1998 par l’« encoche » de 8,9 milliards de francs, ce qui représentait au total un déficit de 12,8 milliards de francs par rapport à l’enveloppe de la loi de programmation. Il a toutefois fait valoir que, si l’objectif de la revue des programmes avait été également de rechercher des économies, ces économies avaient fait l’objet de choix cohérents ne remettant pas en cause la capacité des armées à répondre à leurs missions. Toutefois, la revue des programmes ayant dégagé 19,2 milliards de francs d’économies sur la période 1999-2002, c’est au total 32 milliards de francs qui manquent sur l’ensemble de la durée d’exécution de la programmation, soit un déficit de 6 % par rapport aux crédits initialement prévus.

Il a souligné que les économies réalisées constituaient la résultante de trois types de mesures. D’abord, une réduction des coûts des programmes, sur l’ensemble de leur durée, au-delà même de l’horizon de la programmation. Ensuite, un effort de compression des dépenses dites de flux, qui ont été réduites de 5 à 10 % en 1997 et 1998. Il a fait remarquer cependant que cette démarche avait ses limites que l’on pouvait constater dans le cas des crédits de munitions, diminués de moitié en dix ans.

Enfin, il a insisté sur le fait que la revue des programmes avait eu le souci de réduire les coûts, non seulement sur la durée de la programmation, mais aussi au-delà, au contraire de politiques antérieures qui se sont contentées de repousser la « bosse de financement », créant ainsi des situations qui imposaient l’arrêt de certains programmes. Cette nouvelle approche s’est certes traduite par des dégradations de capacités, mais dans le cadre d’un maintien de leur cohérence. Ainsi, le report du programme Horus à l’échéance d’une dizaine d’années dans l’anticipation du développement de nouvelles technologies a-t-il été jugé tolérable eu égard à l’existence du satellite Hélios I et à la poursuite du programme Hélios II.

Le Général Jean-Pierre Kelche a observé que, par rapport à la nouvelle référence issue de la revue des programmes, le budget de 1999 s’avérait à première lecture presque conforme. Il faut cependant tenir compte d’une modification du périmètre des dépenses d’équipement, puisque du fait des contraintes pesant sur le titre III, 400 millions de francs d’entretien programmé du matériel ont été transférés sur le titre V, et que 900 millions de francs de crédits de recherche dite duale, mais à ce jour sans contenu réel pour la Défense, ont également été inscrits au budget d’équipement des armées. Compte tenu d’autres dépenses intégrées dans les crédits d’équipement, on peut considérer que l’enveloppe définie par la revue des programmes a été écornée de 1,4 milliard de francs. Comparé aux 86 milliards de francs des titres V et VI, ce montant ne représente cependant pas une rupture par rapport aux prévisions.

Le Chef d’état-major des armées a cependant invité les membres de la Commission à la vigilance dans la mesure où l’adéquation des ressources financières au contenu physique de la programmation était très tendue dans les prévisions initiales, cette caractéristique ayant été maintenue par la revue des programmes.

Il a noté que l’année 1999 serait marquée par des rendez-vous importants concernant plusieurs programmes majeurs : l’admission au service actif du deuxième SNLE de nouvelle génération, le Téméraire, et celle du porte-avions Charles de Gaulle, la livraison de leurs premiers Rafale à la Marine et à l’Armée de l’air, 33 livraisons et 44 commandes de chars Leclerc, la livraison de 12 avions Mirage 2000D et 22 Mirage 2000-5.

A mi-chemin de la loi de programmation, les armées disposeront de 205 chars Leclerc sur les 307 chars qui devront être en leur possession en 2002, de 225 avions de combat modernes (Mirage 2000) sur les 355 de tous types que devra aligner l’Armée de l’air à la même date, de 4 des 5 frégates furtives Lafayette inscrites en programmation. Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu que, sans qu’on en soit encore au bout du chemin, on se devait de constater la poursuite du renforcement des capacités opérationnelles des forces.

Il a ensuite évoqué la coopération européenne indiquant qu’à l’heure actuelle, elle concernait 28 programmes. Pour l’année 1999, les 17 d’entre eux qui revêtent le plus d’importance absorbent 7 milliards de francs de crédits, soit 8 % des dépenses d’équipement. Sur l’ensemble de la période de la programmation, ils mobiliseront 30 milliards de francs, soit plus de 9 % des crédits de paiement prévus pour l’équipement des armées. Ces programmes sont d’une visibilité forte et d’une grande importance opérationnelle : il s’agit des programmes d’hélicoptères Tigre et NH90, du programme de missiles FSAF, de la frégate Horizon, des satellites Hélios I et II. Cependant, en matière spatiale, le retrait de la RFA du programme Horus dont elle était le maître d’oeuvre potentiel a contribué à la décision de l’interrompre, tandis que le Royaume-Uni a abandonné le programme Trimilsatcom, sans doute au profit d’une solution nationale dérivée de Skynet. La France n’en reste pas moins un acteur majeur du domaine spatial, qui représente, avec 2,6 milliards de francs, 3 % des crédits d’équipement, dans le projet de budget pour 1999.

Abordant l’examen du titre III, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que, malgré une augmentation apparente, il n’atteignait pas tout à fait l’annuité 1999 de la loi de programmation du fait d’une modification de périmètre.

Relevant que les contraintes pesant sur le titre III avaient conduit au transfert qu’il avait déjà évoqué de 400 millions de francs d’entretien programmé du matériel sur le titre V, il a insisté sur la situation des crédits de fonctionnement. Il a remarqué qu’entre 1997 et 2002 les crédits de fonctionnement devaient, selon la loi de programmation, diminuer de 20 %. Or, si la construction des budgets repose sur l’hypothèse d’une corrélation stricte entre l’évolution des dépenses de fonctionnement et celle des effectifs, la relation entre ces deux évolutions n’est pas mécanique. La réduction des effectifs dans un organisme n’entraîne pas une réduction proportionnelle des crédits de fonctionnement, certains coûts restant même constants (entretien des bâtiments, chauffage etc.). Il n’y a que dans le cas d’une dissolution que, par hypothèse, les coûts de fonctionnement disparaissent, mais à terme seulement car, dans un premier temps, une dissolution génère des surcoûts liés notamment à la surmobilité des cadres qu’elle entraîne. C’est pourquoi on peut estimer qu’il manque pour chaque année de la programmation 1 milliard de francs de crédits de fonctionnement environ ; de ce fait, en 1999, la Marine devra diminuer l’entretien de ses bâtiments et l’Armée de terre sera contrainte de réduire son activité, qui passera de 78 jours à 68 jours par an. Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé que la poursuite, sur le long terme, d’une telle réduction des dépenses de fonctionnement irait à l’encontre de la logique de la professionnalisation, sous-tendue par la perspective de constitution de forces projetables et donc entraînées de manière adéquate.

Il a ajouté que la poursuite de la compression des crédits de fonctionnement risquerait de remettre en cause le recours à la sous-traitance qui est pourtant à la base des prévisions de réduction d’effectifs. Des crédits de sous-traitance insuffisants obligeraient à conserver des effectifs plus nombreux dans les secteurs du soutien, affectant ainsi les capacités opérationnelles.

Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé qu’il fallait tirer le signal d’alarme en ce qui concerne les crédits de fonctionnement. Il a rattaché à cette préoccupation le fait que les lois de finances initiales n’assurent pas le financement des opérations extérieures et indiqué qu’il manquerait ainsi à ce titre environ 1 milliard de francs pour l’année 1998.

Abordant la mise en œuvre de la professionnalisation, le Général Jean-Pierre Kelche s’est félicité de l’évolution, en qualité et en volume, des effectifs, qui correspond à celle fixée par la loi de programmation militaire et reste conforme au plan triennal 1997-1999 de déflation. La situation de l’emploi et la possibilité de recruter parmi les jeunes qui effectuent actuellement leur service militaire facilitent la professionnalisation. Par ailleurs, une attrition brutale des ressources d’appelés ne saurait être supportée dans la période actuelle. Mais le comportement des appelés reste remarquable, l’impact des reports pour contrats de travail reste maîtrisable et les armées bénéficient actuellement d’une ressource en hommes proche de leurs besoins.

Il a cependant estimé que les 6 500 vacances de postes civils constituaient une difficulté majeure. La professionnalisation suppose en effet un recours accru aux personnels civils dont la part dans l’ensemble des effectifs doit croître de 12 % en 1997 à 18 % en 1998. Il a indiqué que l’une des raisons des vacances actuelles provenait de la difficulté à transférer les excédents d’ouvriers de la DGA dans les armées compte tenu des qualifications requises et de la mobilité géographique demandée. L’intégration des personnels civils s’est effectuée dans des conditions satisfaisantes en 1997, surtout dans la Marine. Des déséquilibres sont constatés tant entre les différentes régions qu’entre les armées. Un niveau d’étiage est même atteint dans le Service de santé des armées. L’autorisation d’embaucher 500 personnes sous statut d’ouvrier de l’Etat répond donc à l’urgence et de nouveaux recrutements devront à l’avenir être rendus possibles, sous peine d’un grave déficit.

M. René Galy-Dejean a fait observer que l’exposé du Chef d’Etat-major des Armées lui donnait l’impression que la loi de finances initiale restait génératrice de difficultés pour les armées. Il a regretté que l’augmentation des crédits d’équipement à 86 milliards de francs soit obérée partiellement par des changements de périmètre à hauteur de 1,4 milliard de francs portant notamment sur un transfert de charges d’entretien programmé des matériels et sur le financement, par la Défense, de dépenses de recherche considérées comme de nature duale. Il a alors souhaité avoir des précisions sur la croissance des dépenses liées à la professionnalisation des armées et s’est demandé si l’une des causes de cette croissance ne relevait pas d’une réduction du format moins rapide que prévu. Il a émis la crainte que la baisse des dépenses de maintien en condition opérationnelle des forces ne perdure et a interrogé le Chef d’Etat-major des Armées sur les mesures à prendre pour éviter que des charges indues ne soient imputées sur le budget de la Défense dans les lois de finances à venir et dans la future loi de programmation militaire.

Après avoir demandé pour quelles raisons les coûts de la professionnalisation semblaient avoir été sous-estimés, M. Guy-Michel Chauveau a insisté sur la nécessité, compte tenu de l’expérience de l’évolution des dépenses de fonctionnement militaires dans les Etats où les armées sont professionnelles, de maîtriser les crédits du titre III de la Défense.

Il s’est étonné que le ministère de la Défense intente des recours contre les décisions de report prises par les commissions régionales de dispenses.

Evoquant les inquiétudes formulées par les représentants des syndicats de personnels civils, lors de leur audition devant la Commission de la Défense nationale, M. Didier Boulaud s’est demandé si l’intégration de ces personnels se déroulait dans de bonnes conditions et si leur accueil par les personnels militaires, lorsqu’ils occupaient des emplois de substitution, pouvait expliquer les difficultés constatées dans leur recrutement.

Rappelant que le financement des opérations extérieures n’était assuré qu’a posteriori dans les lois de finances rectificatives et au détriment des crédits d’équipement, M. Charles Cova a considéré qu’il fallait soit inscrire, à titre provisionnel, des dotations spécifiques en lois de finances initiales pour couvrir le coût de ces opérations, soit avoir le courage politique d’y renoncer.

Le Président Paul Quilès a souligné que la professionnalisation décidée par le Président de la République avait comme objectif d’offrir de meilleures possibilités de projection des forces et donc de permettre la réalisation, dans de meilleures conditions, des opérations extérieures qui s’avéreraient nécessaires. Il a rappelé que la Commission de la Défense nationale examinait les modalités selon lesquelles le Parlement devait être associé aux décisions politiques relatives à ces opérations, avant, pendant et après leur déclenchement. S’agissant de la crise du Kosovo, force est de constater que le Président des Etats-Unis apparaît publiquement comme le responsable politique occidental qui en contrôle la gestion, sans que l’Europe se manifeste en tant que telle.

Il a interrogé le Chef d’état-major des armées sur les conditions dans lesquelles les forces françaises ont été associées aux différentes étapes de mise en place des forces intégrées de l’OTAN dans le cadre de la gestion de la crise du Kosovo et quelles ont été les procédures suivies à cet effet. Il lui a également demandé dans quelles conditions les forces françaises seraient mises en oeuvre après l’ordre d’action donné par le Conseil atlantique. Rappelant que la mise en place d’une force terrestre multinationale avait été examinée, il s’est enquis des modalités d’une éventuelle participation française à une telle force.

Enfin, regrettant que l’engagement dans des opérations extérieures aboutisse à faire supporter les surcoûts par les crédits d’équipement, il a demandé des précisions sur les aspects financiers d’une éventuelle intervention militaire au Kosovo.

Le Général Jean-Pierre Kelche a tenu à préciser qu’il serait erroné de considérer que la professionnalisation des armées avait un coût supérieur aux estimations initiales, dans la mesure où le dérapage du titre III par rapport aux échéances de la loi de programmation s’expliquait par une modification du périmètre budgétaire. En effet, le budget du fonctionnement doit intégrer des dépenses nouvelles qui présentent un effet cumulatif dans le temps : tel est notamment le cas des dépenses couvrant les cotisations patronales des personnels ouvriers titulaires de l’Etat (706,6 millions de francs en 1997), de la charge résultant de l’inscription au budget des dépenses autrefois couvertes par le fonds de concours autoroutier (484 millions de francs), du transfert au budget général de la part étatique de la DCN (500 millions de francs) et de l’augmentation en 1999 du taux des cotisations sociales des personnels ouvriers (684 millions de francs). La modification de la structure du titre III, non entièrement compensée, contraint à réaliser des transferts de charges sur le titre V et des économies sur le fonctionnement des forces et, par voie de conséquence, sur leurs activités, tendance qui, si elle devait perdurer, pourrait conduire à une remise en cause de la crédibilité de leur aptitude opérationnelle.

Le déficit de 6 500 emplois civils au sein des forces n’est pas imputable à l’inaptitude des armées à agréger et à intégrer des personnels civils en leur sein, mais trouve plus justement son explication dans une interruption des recrutements décidée en compensation des sureffectifs au sein de la DGA. Le Général Jean-Pierre Kelche a précisé qu’à sa connaissance l’amalgame des personnels civils et des personnels militaires au sein des unités se réalisait globalement dans de bonnes conditions.

La question du financement des opérations extérieures par une dotation inscrite à titre provisionnel en loi de finances initiale n’est pas nouvelle. Cette solution pourrait présenter des inconvénients pour le ministère de la Défense dans la mesure où, en cas de non-consommation, la dotation provisionnelle serait annulée alors qu’au moment de la construction de la loi de finances initiale elle aurait grevé son budget. Depuis 1997, il est d’usage de distinguer deux catégories d’opérations extérieures, l’une dite normale, financée en construction budgétaire par le Ministère de la Défense à partir des ressources de fonds de concours domaniaux qui peuvent s’élever à 700 millions de francs, et l’autre, dite exceptionnelle, dont la charge est supportée par l’ensemble du budget de l’Etat.

S’agissant des aspects militaires de la gestion de la crise du Kosovo, le Chef d’état-major des armées a précisé que les autorités françaises avaient été associées et consultées en permanence tout au long du processus de préparation et de planification des différentes opérations envisagées et qu’elles avaient eu l’occasion d’infléchir certains concepts, notamment ce qui concerne les zones interdites de survol. Il a indiqué qu’à l’issue de la phase de planification, l’Alliance atlantique consultait chacun des Etats-membres sur le niveau auquel il entendait fixer sa participation à chacun des plans d’opérations. C’est dans le cadre de cette procédure que la France a pris la décision d’engager dix appareils dans une éventuelle opération de frappe aérienne limitée et trente sept dans des opérations aériennes phasées. Au terme de cette phase de constitution des forces; le Conseil atlantique prend une décision d’avertissement d’action (actwarn) signifiant que l’organisation est prête à agir. Dans le cas où l’ordre d’action (actord) est donné, les moyens nationaux passent sous contrôle opérationnel de l’Alliance, la France en conservant toutefois le commandement opérationnel. Pour l’instant, l’ordre d’action correspondant à une frappe aérienne limitée et à des opérations aériennes phasées a été donné mais avec un délai d’exécution suspensif de 96 heures.

Le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que le contrôle politique des actions de l’Alliance atlantique s’effectuait phase après phase dans le processus qu’il avait décrit précédemment. Il a précisé qu’une gamme d’actions terrestres large avait été étudiée. Elle couvrait un éventail d’opérations allant de la garantie d’un cessez-le-feu ou d’un accord de paix à l’imposition d’un cessez-le-feu ou de la paix et, selon l’hypothèse choisie, le nombre de militaires à mobiliser variait de quelques milliers à quelques centaines de milliers d’hommes. Selon les dernières informations qu’il avait reçues, la communauté internationale s’acheminait vers l’instauration d’une mission d’observation d’environ 2 000 observateurs civils pour lesquels se pose désormais la question de la protection et des moyens à mettre en œuvre à leur profit, notamment dans le domaine de la surveillance aérienne.

Au Président Paul Quilès qui s’étonnait que ces derniers problèmes n’aient pas été intégrés d’emblée dans la planification de l’Alliance, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué qu’il était particulièrement difficile de procéder à une planification générique face à une situation mouvante, entourée d’incertitudes et de contraintes de tous ordres et dépendant d’options politiques délicates à déterminer.

Après avoir souligné qu’il ne partageait pas la même analyse que le Président Paul Quilès sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures mais qu’il convenait que l’examen de ces opérations dans le seul cadre de la loi de finances rectificative constituait une situation anormale, M. René Galy-Dejean a fait observer que les explications données par le Général Jean-Pierre Kelche sur les procédures de mise à disposition et d’emploi des forces françaises dans le cadre de l’Alliance atlantique démontraient que les décisions ne pouvaient revenir en pareil cas qu’au pouvoir exécutif, sans intervention possible du Parlement compte tenu, notamment, des contraintes opérationnelles et de l’urgence.

Le Président Paul Quilès a estimé que les procédures décrites par le Général Jean-Pierre Kelche n’empêchaient pas le Parlement de donner son avis. Il a rappelé que le pouvoir politique n’était pas seulement constitué de l’exécutif mais aussi du Parlement. Il a, à cet égard, rappelé le vote de l’Assemblée nationale, qui, en janvier 1991, a autorisé la participation de la France à la guerre du Golfe. Il a fait valoir que les armées se trouveraient en cas d’opération extérieure dans une situation plus consensuelle si elles avaient le soutien explicite du Parlement, c’est-à-dire de la Nation.

S’agissant de l’éventualité d’un renforcement du contrôle du Parlement sur les opérations extérieures, le Général Jean-Pierre Kelche a fait part de deux préoccupations. Il a en effet jugé fondamental que, quel que soit le mécanisme d’information envisagé, les décisions puissent être prises dans les délais requis par la situation sans être retardées et que le secret des conditions d’engagement soit impérativement respecté.

A M. Didier Boulaud qui s’interrogeait sur les conditions dans lesquelles la protection des 2 000 observateurs de l’OSCE susceptibles d’être envoyés au Kosovo pourrait être assurée et qui se demandait si les moyens de surveillance déployés en Bosnie ne pourraient pas être utilisés dans ce nouveau contexte, le Général Jean-Pierre Kelche a rappelé les dispositions des accords de Dayton concernant notamment le respect de la souveraineté de la Yougoslavie.

Après que M. Arthur Paecht eut fait observer que le drône américain Predator passait au-dessus des frontières, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que les capacités d’acquisition du renseignement au dessus du Kosovo avaient toujours existé mais a fait remarquer qu’elles n’étaient pas adaptées à l’identification de certaines activités comme celles de guérilla et qu’en outre les conditions météorologiques à l’approche de l’hiver rendaient les observations difficiles. En réponse au Président Paul Quilès qui souhaitait un complément d’information sur les coûts d’une opération au Kosovo en fonction de sa durée, il a indiqué qu’il ne pourrait fournir de précisions tant que l’importance de la participation de la France ne serait pas arrêtée.

Soulignant que, si l’engagement des forces militaires supposait une volonté politique, il dépendait également de la mobilisation de moyens humains, matériels et financiers, le Président Paul Quilès a souhaité que le Parlement soit mieux informé sur le coût des différents scénarios d’intervention militaire envisagés.

A une question de M. Arthur Paecht sur le partage des coûts des opérations militaires entre les pays de l’Alliance atlantique, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que, lorsque la faisabilité de ces opérations était établie, il n’existait pas de clé de répartition des charges de l’intervention entre les pays, dans la mesure où chacun d’entre eux maîtrisait sa participation opérationnelle et financière.


© Assemblée nationale