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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 janvier 1999
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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— Audition de M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, sur les négociations relatives au concept stratégique de l’OTAN 2


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La Commission a entendu M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, sur les négociations relatives au concept stratégique de l’OTAN.

Le Président Paul Quilès a rappelé que ces négociations avaient pour objectif d’expliciter les fonctions politiques de l’Alliance atlantique alors que la menace du Pacte de Varsovie avait disparu. Il a souligné que, sur cette base, les pays de l’Alliance seraient également conduits à définir des orientations nouvelles pour les missions et les capacités de leurs forces compte tenu, en particulier, du caractère multinational des opérations militaires envisageables.

Il a fait valoir que les négociations relatives au concept stratégique de l’OTAN soulevaient de nombreuses questions intéressant la politique de défense, notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles la France serait prête à engager ses forces aux côtés de ses alliés, la conciliation de la solidarité transatlantique avec les efforts de construction d’une Europe de la défense, ou les divergences d’appréciation des risques et des menaces par les différents alliés.

Le Président Paul Quilès a relevé le caractère novateur de la démarche de la Commission dans la mesure où il n’est pas courant que le Parlement suive une négociation en cours dans le domaine de la défense. Mais il a estimé que la transparence, dont le Gouvernement avait d’ailleurs fait preuve au cours des dix derniers mois à l’occasion des travaux de la mission d’information sur le Rwanda, pouvait permettre à l’opinion publique de mieux comprendre les grands enjeux de la politique de défense et les raisons d’éventuels recours à la force.

M. Hubert Védrine a décrit les principaux enjeux des discussions menées dans le cadre de la préparation du sommet de Washington d’avril 1999.

Il a tout d’abord abordé le projet ancien, mais qui connaissait une actualité nouvelle, d’identité européenne de sécurité et de défense, soulignant que la déclaration franco-britannique de Saint-Malo témoignait d’une évolution favorable de l’attitude du Royaume-Uni et augurait de possibles progrès, en plaidant pour une approche pragmatique.

M. Hubert Védrine a évoqué l’attitude de la France vis-à-vis des principales questions qui seront abordées à Washington :

— le maintien de la « porte ouverte » en ce qui concerne l’élargissement de l’Alliance ;

— une discussion ouverte sur les missions de l’OTAN, en veillant à préserver dans ce contexte l’autorité du Conseil de sécurité ;

— la nécessité d’efforts coordonnés vis-à-vis des risques de prolifération des armes de destruction massive, sans préjudice des autres cas de coopération multilatérale ;

— le renforcement de l’interopérabilité, tout en préservant une industrie européenne de l’armement forte.

Le Président Paul Quilès s’est interrogé sur la pertinence de la présentation au sommet de Cologne, en juin prochain, d’un rapport sur l’identité européenne de sécurité et de défense par la Présidence allemande. Il s’est demandé s’il ne conviendrait pas mieux que l’examen de cette question au sein de l’Union européenne intervienne avant le sommet de Washington du mois d’avril.

M. Hubert Védrine a estimé qu’il convenait de saisir l’opportunité offerte par l’avancée que constitue la déclaration franco-anglaise de Saint-Malo sans pour autant précipiter le débat.

M. René Galy-Dejean a considéré que le scénario probable du sommet de Washington, tel qu’évoqué par le Ministre des Affaires étrangères, laissait entrevoir que la France ne pourrait obtenir que de maigres concessions, ce qui l’a conduit à s’interroger sur l’opportunité de la présence française. Il s’est par ailleurs interrogé sur la possibilité qu’intervienne, au cours des discussions sur le concept stratégique de l’Alliance atlantique, une divine surprise, à l’instar du sursaut européen qui avait considérablement modifié les résultats des négociations du GATT de 1993.

M. Loïc Bouvard, observant que la question des relations entre l’OTAN et l’ONU constituait le point essentiel de divergence entre la France et les Etats-Unis, a souhaité savoir si le Secrétaire général des Nations Unies s’était exprimé à ce sujet. Après avoir rappelé que l’initiative franco-allemande de création du Corps européen pouvait représenter un embryon de défense européenne, il s’est interrogé sur les objectifs poursuivis par le Royaume-Uni lors du récent sommet franco-britannique de Saint-Malo. Etant donné les liens transatlantiques forts de ce pays, il s’est demandé s’il ne cherchait pas à ramener la France dans l’organisation militaire intégrée de l’Alliance. S’agissant de la réorganisation interne du dispositif militaire de l’OTAN, il a estimé que l’échec des demandes de la France concernant le commandement Sud reflétait une certaine faiblesse de sa position au sein de l’organisation et s’est interrogé sur la participation française aux Groupements de forces interarmées multinationales (GFIM). Evoquant l’acte fondateur qui instituait une forme de rapprochement institutionnel entre l’Alliance et la Russie, il a souhaité savoir si ce pays serait consulté sur le contenu des conclusions du sommet de Washington.

M. Jean-Claude Sandrier s’est interrogé sur les éventuelles conséquences d’une opposition française aux propositions américaines, et s’est demandé si la retenue dont fait preuve la France ne pouvait pas être interprétée par les Américains comme un encouragement à durcir leurs positions. Evoquant la thèse selon laquelle la mise sur pied d’une défense européenne pourrait être une réponse à la mainmise des Etats-Unis sur l’OTAN, il a posé la question de la crédibilité de cette perspective et de l’échéance à laquelle elle pourrait se concrétiser.

M. Jean Michel a estimé que, dès 1989-1990, la question du maintien de l’OTAN aurait dû être posée, puisque cette organisation avait été créée en réponse à la menace constituée par le bloc de l’Est et qu’il convenait aujourd’hui de s’interroger sur sa raison d’être. Il a fait part de son souhait que les négociations sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN ne portent pas préjudice aux relations traditionnelles de la France avec la Russie et les pays d’Europe centrale et orientale. Enfin, il a souhaité savoir quel était le crédit réel que l’on pouvait porter aux engagements du Premier Ministre britannique dans la mesure où il n’est pas certain que le Parlement de son pays lui ait confié un mandat aussi large et où les parlementaires britanniques pourraient être tentés de vider l’accord de Saint-Malo de son contenu, à l’instar des parlementaires allemands après la signature du traité de l’Elysée.

Le Ministre des Affaires étrangères a répondu aux intervenants en apportant notamment les précisions suivantes :

— les pays d’Europe centrale et orientale font souvent de l’adhésion au traité de l’Atlantique Nord une priorité de leur politique étrangère ;

— les Etats-Unis ne peuvent pas être considérés comme une grande puissance traditionnelle, mais comme une hyperpuissance, c’est-à-dire un pays dont la suprématie est incontestable dans tous les domaines de la vie internationale. Les relations avec les Etats-Unis revêtent de ce fait une importance singulière. Cette situation ne signifie pas pour autant que la France renonce à faire entendre sa voix ;

— la négociation sur le concept stratégique de l’OTAN ne saurait être comparée à celle qui avait eu lieu dans le cadre du GATT ;

— le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a clairement déclaré que l’OTAN ne pouvait s’affranchir de la Charte des Nations Unies.


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