Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la défense nationale et des forces armées (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES,

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 juin 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Bernard Grasset,
puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Audition du Général Robert Renier, Secrétaire permanent du Conseil supérieur d’études des réserves (CSER), du Général André Lacour, Inspecteur des réserves et de la mobilisation de l’armée de Terre et du Général Toussaint Marchetti, Inspecteur des réserves de la Gendarmerie, sur le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de la défense (n° 1618)



2

— Informations relatives à la Commission

13

La Commission a entendu le Général Robert Renier, Secrétaire permanent du Conseil supérieur d’études des réserves, le Général André Lacour, Inspecteur des réserves et de la mobilisation de l’armée de Terre et le Général Toussaint Marchetti, Inspecteur des réserves de la Gendarmerie, sur le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de la défense (n° 1618).

Le Général Robert Renier a présenté le Conseil supérieur d’études des réserves (CSER). Il s’agit d’un organisme consultatif regroupant les hauts responsables du ministère de la Défense ainsi que les représentants des 12 principales associations de réservistes et 4 personnalités du monde des réserves.

En charge du suivi de la politique des réserves, le CSER se veut, d’abord, une force de propositions. Il a émis un avis sur le projet de loi initial et a obtenu des aménagements importants, puisque, au dire des associations, près de 85 % de leurs propositions ont été prises en compte. Il a proposé également un plan de communication sur les réserves qui a été approuvé par le Secrétaire d’Etat à la Défense. Il élabore enfin une démarche tendant à assurer l’adhésion de la société civile au concept des réserves, au moyen notamment d’une charte et de conventions Armées-Entreprises.

Les préoccupations du CSER sont de répondre aux besoins des Armées, tout en donnant aux réservistes le statut qu’ils attendent depuis de nombreuses années. Dans cette perspective, deux défis majeurs doivent être affrontés : susciter le volontariat pour les réserves et faire adhérer la société civile au nouveau concept. En relevant ce dernier défi qui n’est pas le moindre, la politique des réserves contribuera au maintien du lien indispensable entre la Nation et son Armée.

Le Général Robert Renier a ensuite présenté les principales fonctions des réserves :

— une fonction quantitative qui consiste à fournir le volume d’effectifs nécessaire, dès le temps de paix, lorsque les circonstances l’exigent et non plus seulement au seuil de la mobilisation ;

— une fonction qualitative : à côté des simples combattants, ce sont des linguistes, des juristes, des financiers, des personnes disposant d’un savoir technique en matière de radio, de travaux publics ou d’épuration des eaux qui peuvent, demain, se révéler nécessaires. Pourquoi organiser des formations longues, coûteuses, difficiles à rentabiliser, alors que les Armées peuvent recruter ces spécialistes tout formés dans la société civile ? Mais, pour attirer ces spécialistes rares, les autorités militaires devront se montrer incitatives, convaincantes et convaincues.

A tous les niveaux, les réservistes participeront aux activités relationnelles, en vue de promouvoir l’esprit de défense, renouveler le lien entre la Nation et son Armée et favoriser le recrutement des professionnels d’active, comme aussi des jeunes du service militaire rénové et, bien sûr, des réservistes eux-mêmes. Ils sont déjà aux côtés de l’active, lors des journées d’appel de préparation à la défense et participeront demain à l’animation des préparations militaires.

Les réserves devant être prêtes à servir dès le temps de paix et non plus, comme par le passé, à la mobilisation, elles devront acquérir un niveau de qualification comparable à celui des professionnels. Cette philosophie a des conséquences : la formation et l’entraînement des réservistes leur demandera du temps et de la disponibilité.

Les réservistes appartiennent à toutes sortes d’entreprises petites ou grandes pour lesquelles la question de la disponibilité peut représenter un défi. C’est pourquoi les Armées n’ont pas le droit de négliger certaines réticences des chefs d’entreprise. Ces derniers devront être considérés comme des partenaires, sous peine de les voir devenir totalement indifférents, voire hostiles, à la chose militaire comme aux réservistes. Leur opposition était naguère encore atténuée par la perception de la menace et la soumission à des activités ordonnées par la loi. S’ils n’ont pas, demain, la conviction de l’utilité de la défense, ils percevront la préparation opérationnelle de leurs employés réservistes comme une charge contraire à la finalité de l’entreprise. Pour prévenir ce risque, il est prévu que les temps de service des réservistes seront, si possible, harmonieusement répartis et sur long préavis. Leur disponibilité « extraordinaire », en situation exceptionnelle de crise extérieure ou intérieure grave, se heurterait à moins de difficultés, car l’imminence des périls faciliterait alors la levée des réticences.

Le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale reprend l’essentiel des recommandations formulées par le CSER. Chaque Français a le devoir de contribuer à la défense, qu’elle soit militaire, économique ou civile. Au-delà de ce devoir, il paraît utile de mettre en exergue le droit à servir.

Il est très important que le pays témoigne de la reconnaissance vis-à-vis des réservistes. C’est ainsi que le projet garantit au réserviste le maintien de son emploi, une meilleure couverture sociale et une autorisation d’absence, d’ailleurs volontairement réduite à cinq jours par an, pour ne pas gêner exagérément les entreprises.

Les entreprises qui accepteront la participation de leurs employés aux activités dans la réserve ont, elles aussi, droit à reconnaissance et recevront la qualité de « partenaires de la Défense ». L’employeur n’aura pas l’obligation de maintenir même partiellement la rémunération du réserviste. Les Armées ne voulaient pas que le réserviste soit payé pour ce qu’il « est » dans la vie civile. Ce qui compte à leurs yeux est ce qu’il « fait » lors de ses activités militaires.

La Défense ne disposant pas d’un budget lui permettant d’apporter à ses partenaires de véritables contreparties financières, il faudra convaincre patiemment l’entreprise de l’apport que constitue pour elle l’engagement à servir pris par des hommes généreux, prêts à consacrer une part de leur temps personnel aux activités militaires, entraînés à l’effort, préparés à supporter le stress et à ne pas fuir les responsabilités.

Les réservistes ont un droit à participer à la défense de leur pays. Les forces armées ont impérativement besoin d’eux. Les réservistes qui acceptent de laisser leur vie, un jour peut-être, pour défendre notre pays et nos valeurs démocratiques, ont droit à la reconnaissance de leurs concitoyens du fait même de leur engagement volontaire. Cet engagement justifie que ceux qui se contentent d’en retirer les avantages, sans s’impliquer eux-mêmes, acceptent quelques menus sacrifices. C’est le cas notamment de ceux qui seront, peut-être, un jour, satisfaits d’avoir des réservistes en charge de leur protection. Mais, pour que ces réservistes soient efficaces, encore faut-il qu’ils aient été formés, ce qui impose préalablement de leur permettre d’y consacrer le temps qui convient.

Le Général Toussaint Marchetti, Inspecteur des réserves de la Gendarmerie, a tout d’abord indiqué que, dans le dispositif de l’armée professionnelle, la Gendarmerie conservait les missions de défense militaire qu’elle assumait jusqu’à présent avec une réserve à 135 000 hommes mais que l’effectif de la réserve volontaire, prévu à 50 000 hommes, apparaissait en adéquation avec ses besoins. Il a précisé que cet effectif de 50 000 hommes était réparti en deux grands ensembles : la réserve principale et la réserve complémentaire.

D’un volume d’environ 13 000 hommes, la réserve principale est prévue pour faire face à des problèmes de sécurité intérieure, hors les situations exceptionnelles. Reposant sur le volontariat contractuel, elle est destinée à renforcer en priorité les unités territoriales. D’un effectif d’environ 37 000 hommes, la réserve complémentaire est prévue pour faire face à une crise de haute intensité ou qui s’installe dans la durée. Elle ne sera mise sur pied qu’en cas de rappel, soit en application des articles 2 et 6 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la Défense, soit en cas de troubles graves ou de menaces de troubles graves à l’ordre public.

Le Général Toussaint Marchetti a alors présenté les principes d’emploi de la réserve de la Gendarmerie, qui permettront aux réservistes d’être associés à l’exécution du service ordinaire et à toutes les missions qu’il a pour finalité d’assurer. C’est ainsi que les réservistes seront entièrement intégrés aux unités d’active et effectueront les mêmes missions, tant en matière de défense civile que de défense opérationnelle du territoire. Ils pourront aussi renforcer les unités dans certaines circonstances particulières (événements de grande ampleur, lutte contre la délinquance, services d’ordre, dispositifs de recherche) et être employés de manière individuelle en unités constituées.

L’emploi des réservistes ne sera pas limité au seul volet de l’intervention, mais il est aussi envisagé dans certains domaines de la prévention, tels que la politique de la ville, la prévention routière, la prévention de la toxicomanie ou la protection de l’environnement. Par ailleurs, des actions spécifiques en matière de recrutement et de formation leur seront également dévolues, comme par exemple l’encadrement des journées d’appel de préparation à la défense et les préparations militaires.

Soulignant certaines particularités de l’emploi des réservistes en unités constituées, le Général Toussaint Marchetti a indiqué que la Gendarmerie allait créer deux catégories d’unités de réserve : les pelotons de réserve de la Gendarmerie départementale, qui seront utilisés en renfort des groupements de Gendarmerie départementale et les escadrons de réserve de la Gendarmerie mobile, qui seront en principe employés dans la circonscription dont ils dépendront et allégeront la charge des escadrons de Gendarmerie mobile, rendus alors plus disponibles.

Les réservistes convoqués ou rappelés seront soumis à certaines restrictions d’emploi : d’une part, les unités comportant des réservistes seront considérées comme des forces de troisième catégorie ; d’autre part, la participation éventuelle de réservistes à des missions de police judiciaire tiendra compte des limitations spécifiques de leurs compétences, aucun militaire de réserve ne pouvant être habilité en qualité d’officier de police judiciaire ; enfin, ils ne seront autorisés à faire usage de leurs armes que dans les cas de légitime défense. La liste des missions confiées aux réservistes, en dépit de leurs restrictions d’emploi, montre que les unités en charge de la sécurité publique bénéficieront de renforts appréciables.

Après avoir précisé que le processus de montée en puissance des forces comportait trois niveaux selon l’intensité de la crise, le Général Toussaint Marchetti a précisé que les réservistes compteront 2 200 officiers, 20 000 sous-officiers, 27 800 militaires du rang. Il a ajouté que le recrutement des réservistes se fera d’abord par l’intégration de volontaires (anciens gendarmes adjoints, anciens militaires d’active, civils souhaitant servir dans la réserve) et ensuite par l’affectation des personnels soumis à la disponibilité (anciens militaires de l’active et gendarmes adjoints rendus à la vie civile).

La Gendarmerie devra consentir des efforts importants pour recruter les sous-officiers et les militaires du rang. Il est d’ores et dejà prévu que c’est par la voie des préparations militaires que seront alimentées les réserves, ce qui suppose des actions nombreuses de communication vers les jeunes gens.

Évoquant la période de transition entre les deux modèles de réserve, le Général Toussaint Marchetti a relevé que la Gendarmerie s’est fixé la fin de l’année 1999 comme terme de la mise en place du nouveau format. Il a rappelé à ce propos que la Gendarmerie avait procédé en 1998, d’une part, au renforcement des structures de commandement des brigades territoriales et des PSIG, d’autre part, à la dissolution des pelotons de maintenance, des pelotons frontières, des pelotons de circulation et des pelotons de surveillance et d’intervention dérivés (PSID).

Les objectifs pour 1999 comportent la mise sur pied des escadrons de réserve de circonscription et des pelotons de réserve de la Gendarmerie départementale, le renforcement des compagnies ainsi que la dissolution des unités de l’ancienne réserve.

Abordant les mesures relatives aux matériels, le Général Toussaint Marchetti a indiqué que la Gendarmerie nationale allait procéder à l’élimination du parc automobile tactique affecté aux réserves et à son remplacement par un parc d’un emploi mixte, que l’équipement de la réserve principale serait réalisé par prélèvement sur les groupements de Gendarmerie départementale, dont les volants techniques auront été augmentés tandis que, en fonction de la nature et de la localisation de la crise, l’équipement de la réserve complémentaire pourra être réalisé, d’abord, avec les véhicules opérationnels non employés de la Gendarmerie mobile, ensuite par la mise en œuvre de la réquisition.

La mise en place d’une double dotation en pistolet automatique et fusil est prévue au profit des unités dédiées au renforcement des unités d’active, l’objectif étant d’équiper en priorité les personnels de la réserve principale avec ce double armement. Par ailleurs, le principe retenu est d’équiper, à terme, tous les réservistes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve (ESR) d’un paquetage réduit de campagne et d’une tenue de service courant, qui seront conservés au domicile des intéressés.

En conclusion, le Général Toussaint Marchetti a souligné que les personnels d’active mesuraient l’intérêt de cette réforme et qu’il était souhaitable que s’instaurent les meilleures conditions pour recruter et fidéliser les personnels appelés à constituer la réserve. A ce titre, il a exprimé le vœu que la collectivité nationale sache reconnaître les mérites de ces hommes et de ces femmes qui accepteront de servir sans que rien ne les y contraigne.

Le Général André Lacour, Inspecteur des réserves et de la mobilisation de l’armée de Terre, a tout d’abord rappelé que la loi de programmation militaire avait fixé à 30 000 postes le volume des réserves des forces terrestres, et précisé que leurs missions et leur organisation avaient été définies sur cette base. Il a ajouté que l’armée de Terre avait besoin d’une réserve d’emploi utilisable dans toute la gamme des situations entre paix, crise et guerre et en tout lieu, et qu’elle attendait, de ce fait, de la loi de pouvoir disposer d’une ressource composée en majorité de volontaires ayant une bonne disponibilité pour les activités militaires. Il a indiqué que les réserves de l’armée de Terre avaient vocation à participer à toutes les missions confiées à cette armée, soit en tant que compléments individuels, soit constituées en unités organiques. Il a précisé que l’organisation et l’articulation prévues pour ces réserves découlaient d’une volonté d’intégration dans les formations professionnelles pour l’accomplissement des mêmes missions.

Le Général André Lacour a ensuite présenté les deux types de réserves. La première réserve ou réserve opérationnelle est elle-même constituée de deux sous-ensembles. Elle comprend en premier lieu, des compléments individuels dans les régiments, les états-majors, les écoles ou autres organismes. Ces compléments ont pour rôle de renforcer les cellules de commandement en vue d’assurer la continuité du fonctionnement des états-majors, d’activer certaines fonctions non pourvues en permanence, de permettre le renfort ou le remplacement des éléments d’active dans des fonctions estimées indispensables ou prioritaires, et de répondre aux besoins dans les spécialités rares, habituellement déficitaires ou sans équivalence militaire (linguistes, spécialistes des transports par voie ferrée, experts de l’environnement…).

La première réserve comprend également des unités de réserve organiques soit :

— au niveau des zones de défense, 10 groupes de renfort opérationnel qui peuvent renforcer des cellules d’état-major, participer aux travaux de planification, voire contribuer à la constitution des états-majors de circonstance pour une action sur le territoire national dans le cadre de la chaîne interarmées de défense ;

— 76 unités de réserve (130 hommes chacune) intégrées aux régiments d’active, pouvant participer, dans la mesure de leurs moyens et de leur disponibilité à toutes les missions du régiment ; du fait de leur organisation, de leurs équipements légers et de leur niveau de préparation opérationnelle, elles ont pour vocation d’assumer des missions simples de sécurité générale dans le cadre d’engagements de basse intensité. Elles ne sont pas dédiées à la seule protection du territoire, mais celle-ci constitue leur cadre d’emploi le plus probable ;

— 13 unités de réserve d’arme de régiments professionnels (2 pour le génie et 11 pour le train, équipées à l’identique des unités professionnelles et dédiées aux mêmes missions).

Au total, l’ensemble de cette première réserve devrait comprendre quelque 6 000 officiers dont 4 000 en complément individuel dans les états-majors, 9 000 sous-officiers et 15 000 gradés et militaires du rang.

Quant à la deuxième réserve, elle accueille les volontaires non affectés mais aussi les « disponibles », réservistes en application de la loi pendant cinq ans à l’issue du service actif. Son volume total pourrait être équivalent à celui de la première réserve. Elle est destinée à constituer un vivier au profit de la première réserve, soit pour la recompléter, soit pour y recruter de nouveaux volontaires. Elle permet en outre de disposer d’un noyau de remontée en puissance dans la perspective d’une reconstitution de forces. Elle représente enfin une réserve de rayonnement permettant d’accueillir des cadres de réserve ne pouvant souscrire un engagement à servir dans la réserve (ESR) en raison d’un manque de disponibilité lié à des charges professionnelles trop lourdes, mais susceptibles de rendre d’éminents services.

Soulignant ensuite la diversité des missions qui seront dévolues à la réserve d’emploi, le Général André Lacour en a donné quelques exemples.

S’agissant des emplois tenus en états-majors, les réservistes peuvent occuper tout poste faisant appel à une compétence militaire spécifique (conduite des opérations, renseignement, appui feux par exemple) ou à une compétence civile (interprète, juriste, logisticien, professeur de langue…). Ainsi, à l’état-major du commandement de la force logistique terrestre par exemple, on compte 200 cadres et militaires du rang de réserve pour 350 personnels d’active.

En ce qui concerne la participation aux opérations extérieures, à ce jour, plus d’une quarantaine de cadres de réserve ont effectué un séjour en ex-Yougoslavie en 1998 ; ils y ont été employés comme observateurs, comme linguistes, ou dans le cadre des affaires civilo-militaires, où il est fait appel à leurs compétences civiles (assainissement des eaux, urbanisme,…). Actuellement, 28 réservistes servent sur le territoire de l’ex-Yougoslavie en Bosnie-Herzégovine ou en Macédoine.

S’agissant ensuite des emplois tenus dans les régiments, les réservistes peuvent en renforcer l’état-major, ou y remplacer des personnels d’active. Ils peuvent également, en unité de combat, participer à des missions de défense civile, voire de défense militaire sur le territoire, en cas de mise en œuvre de l’ordonnance du 7 Janvier 1959 portant organisation générale de la défense. La participation à la lutte contre les feux de forêt dans le midi de la France et en Corse en est un exemple, 80 cadres sur le continent et 40 en Corse constituant des modules de surveillance pour une mission qui dure de une à trois semaines.

Enfin, le Général André Lacour a donné quelques exemples d’emplois exercés dans l’environnement de l’armée de Terre, tels que l’encadrement des journées d’appel de préparation à la Défense (1 200 cadres de réserve concernés) ou des préparations militaires (500 cadres de réserve y participeront dans un très proche avenir).

En guise de bilan, le Général André Lacour a rappelé qu’en 1998, et pour les 9 000 volontaires ayant souscrit un engagement à servir dans les réserves de l’armée de Terre, le taux moyen d’activité avait été de 18 jours et avoisinait les 30 jours pour tous ceux qui assurent des postes à responsabilité. Il a souligné la nécessité d’avoir ces chiffres à l’esprit pour juger du bien-fondé des dispositions de l’article 11 du projet de loi fixant à cinq jours ouvrés par an la durée d’absence légale des réservistes salariés et préconisant le recours à des conventions avec les employeurs pour aménager leur disponibilité pour les périodes militaires.

Abordant enfin la question du lien entre l’Armée et la Nation, le Général André Lacour a estimé que, sans en avoir le monopole, la réserve y contribuait néanmoins de manière incontestable. L’armée de Terre compte, pour renforcer cette contribution, sur les quelques milliers de réservistes de ses première et deuxième réserve mais aussi sur les « honoraires » qui, bien qu’appartenant à un troisième cercle, celui du milieu associatif, doivent être reconnus. Il a ajouté qu’au-delà de la dimension philosophique du lien Nation-Armée, l’armée de Terre fixait aussi des objectifs concrets à ses réserves, qu’il s’agisse de faciliter le recrutement ou d’aider à la reconversion et à la réinsertion de ses personnels.

Le Général André Lacour a souligné que les réservistes de l’armée de Terre, régulièrement convoqués, en moyenne 18 jours par an, et qui, aux termes du projet soumis à l’Assemblée nationale, pourront l’être jusqu’à 30, 60 ou 120 jours, avaient besoin d’une protection de leur emploi civil, du fait de leur statut de volontaires, ainsi que d’une protection sociale spécifique couvrant les risques qui résultent de l’activité militaire, mais qu’ils attendaient surtout que la loi reconnaisse la nécessité, le mérite et la dignité de leur contribution à la défense.

Intervenant à l’issue de ces présentations, le rapporteur du projet de loi, M. Michel Dasseux, a souhaité apporter l’éclairage de ses réflexions, nourries par cinq mois de déplacements sur le terrain. Abordant les obstacles que les réservistes rencontrent dans l’exercice de leur passion, il a souligné que les rapports avec l’employeur constituaient la principale source d’inquiétude. Il s’est ensuite interrogé sur le degré d’intégration des réservistes au sein des militaires professionnels, lors de leur appel sous les drapeaux. Remarquant que les militaires professionnels parlent le plus souvent de leurs « camarades » réservistes, il s’est déclaré optimiste sur ce point, tout en insistant sur la nécessité d’y rendre les officiers particulièrement attentifs. Il a enfin évoqué les carences constatées en matière d’équipement, notamment pour la Gendarmerie, lesquelles ne facilitent pas toujours le travail des réservistes sur le terrain. Il a conclu en soulignant que les membres de la Commission étaient convaincus de la nécessité du projet, qu’ils seraient convainquants en améliorant le texte qui leur est soumis et qu’ils veilleraient à ce que son dispositif reste incitatif pour les employeurs, mais aussi pour les réservistes, qui pourraient faire l’objet d’une récompense qui reste à imaginer.

M. Guy Teissier après avoir qualifié le propos du Général Renier de plaidoyer passionné et passionnant en faveur de l’esprit du projet de loi, a toutefois tenu à souligner deux difficultés que le texte actuel ne lui semblait pas lever. Tout d’abord, au-delà du terme fixé pour la conscription, il s’est demandé comment attirer les jeunes hommes et femmes vers des fonctions de réserviste pour la défense de la Nation, dans la mesure où il est à craindre que la passion s’estompe avec le temps. Se fondant sur son déplacement au Canada, à l’occasion de la mission sur la question des réserves que lui avait confiée le précédent Premier ministre, il a indiqué que la formation précoce et rémunérée prodiguée dans ce pays n’empêchait pas une déperdition d’au moins 50 % des effectifs potentiels de réservistes. La deuxième difficulté réside dans les possibles réticences des chefs d’entreprise à dégager les réservistes de leurs obligations professionnelles ou à recruter des militaires soumis à des obligations de réserve au terme de leur contrat. Rappelant les mesures qu’il avait préconisées tant dans son rapport que dans sa proposition de loi sur les réserves, il a estimé que des compensations devaient être prévues pour les entreprises, et tout particulièrement pour les PME. Il a par ailleurs souligné la nécessité de réservistes équipés et entraînés de la même manière que les militaires professionnels, ce que le titre de son rapport « Armée professionnelle, réserve professionnelle » avait pour objet de souligner. A cet égard, il a attiré l’attention des membres de la Commission sur la période d’entraînement obligatoire de cinq jours prévue par le projet dans sa rédaction actuelle, jugeant sa durée insuffisante pour mettre à la disposition de la Nation les réservistes motivés qui sont indispensables à sa défense. Il a par ailleurs regretté que la question de la couverture sociale des réservistes ne fasse pas l’objet de dispositions suffisamment détaillées et complètes dans le projet de loi.

Soucieux lui aussi des difficultés pouvant naître dans la relation entre les réservistes et leurs employeurs, M. Guy-Michel Chauveau a jugé le projet de loi nécessaire dans le cadre de la professionnalisation des armées, mais insuffisant au regard des bouleversements du format des forces en Europe. Un second texte semble donc nécessaire à l’horizon de quelques années. Il a ensuite repris la distinction introduite par le Sénat entre les réserves opérationnelles et les réserves citoyennes pour s’interroger sur ses conséquences en droit et sur les implications juridiques de l’emploi des réservistes en temps de paix. Evoquant le plan Vigipirate, il a demandé quelles étaient, dans des cas analogues, les autorités qui décidaient de l’appel aux réservistes et celles qui supportaient le coût.

Après avoir salué l’action des organisations de réservistes et celle du Conseil supérieur d’étude des réserves, M. René Galy-Dejean a souligné que, dans la mesure où la nouvelle réserve devrait être formée de spécialistes, au contraire de la réserve de masse qui prévalait auparavant, l’une des principales difficultés rencontrées dans sa constitution concernait la relation avec les entreprises.

Faisant observer que le projet de loi paraissait plutôt imposer des exigences aux entreprises, dans l’idée que leur collaboration ne serait pas forcément spontanée, il a souligné qu’il ne fallait pas sous-estimer la gêne réelle que l’institution des réserves pouvait causer aux PME, le titulaire d’une spécialité y étant généralement seul de son domaine et ne pouvant donc en être distrait sans risque de grave dommage pour son employeur, au contraire des grandes entreprises où chaque type de spécialité comporte plusieurs titulaires.

Dans cette perspective, il a fait valoir que ce n’était pas la situation du volontaire lui-même qui soulevait le plus de difficultés, mais celle de l’entreprise, sans quoi celle-ci trouverait toujours l’argument nécessaire pour dissuader son salarié de servir dans la réserve.

Il a estimé qu’une relation spécifique devait être établie entre la Défense et l’entreprise pour l’inciter à gérer les postes de spécialistes de manière à rendre leurs titulaires disponibles pour la réserve sans préjudice pour son activité. Sans écarter a priori d’autres solutions, il a suggéré, par exemple, que des systèmes de remplacement soient institués.

Après avoir souligné la cohérence et l’intérêt du projet de loi, ainsi que l’aide qu’il apportait à la Gendarmerie pour la réalisation de ses missions, M. Jean-Marie Bockel s’est inquiété des limites de ses ambitions dont témoignait son dispositif, qui paraissait d’abord destiné à répondre à une crise d’ampleur moyenne.

Il s’est d’abord demandé si, en cas de crise durable ou globale, la réserve qu’il organisait pourrait apporter aux forces armées françaises un appui suffisant. Il s’est ensuite interrogé sur la possibilité de proposer une vision plus ambitieuse du rôle des réserves dans le développement du lien Armée-Nation.

Il a, à ce propos, évoqué l’éventualité d’une meilleure utilisation de la journée d’appel de préparation à la défense qui pourrait être le point de départ d’une motivation et d’une formation des jeunes pour le service dans la réserve, de façon à alimenter durablement la deuxième réserve, vivier de la réserve opérationnelle.

Il a conclu que le projet de loi ne prenait tout son sens que comme une première étape en vue d’un texte ultérieur prévoyant la constitution d’une réserve opérationnelle plus large, seule à même de permettre de faire face à une crise grave et durable.

M. Yves Fromion a considéré que le projet de loi n’aurait d’effet positif qu’à condition qu’il soit sérieusement amendé.

Il s’est notamment interrogé sur l’intérêt que pourrait susciter le volontariat pour la réserve en qualité d’homme de rang ou de sous-officier auprès de salariés chargés de famille exerçant un métier qualifié. Il a cité a contrario les nouvelles dispositions sur les sapeurs-pompiers volontaires, qui prenaient en compte de manière plus réaliste les sujétions matérielles liées au volontariat. Il a conclu que, faute qu’il en soit de même pour la réserve, l’application du dispositif prévu par le projet de loi risquait de n’être pas à la mesure des souhaits légitimes des Armées.

Abordant l’astreinte de disponibilité de cinq ans imposée aux militaires engagés après la fin de leur contrat, il s’est demandé si elle ne risquait pas de rendre plus difficile leur intégration professionnelle lors de leur retour à la vie civile et en conséquence de nuire au recrutement des armées.

Enfin, faisant observer que, dès le mois de juillet prochain, la Gendarmerie aurait consommé les moyens disponibles pour le fonctionnement de ses réserves, il s’est interrogé sur la réalité d’une réserve qui ne serait pas convenablement entraînée faute des crédits correspondants.

Le Général Robert Renier a apporté les éléments de réponse suivants :

— on est passé d’une démarche fondée sur l’obligation, où le service national était suivi d’une période obligatoire de réserve au moins jusqu’à l’âge de 35 ans, à une démarche fondée sur le volontariat. Or, le volontariat ne se décrète pas, il se suscite et il se paye ; sans mesure incitative, il n’y aura pas de réservistes ;

— l’astreinte imposée aux anciens militaires est une obligation qu’il a fallu introduire pour garantir en toute hypothèse la satisfaction du besoin de 100 000 réservistes. S’il paraît relativement facile, au prix de quelques solutions imaginatives, de susciter des candidatures d’officiers de réserve, il est beaucoup moins aisé de transformer un jeune sans spécialité en militaire du rang réserviste. Les réservistes hommes du rang de la première réserve seront donc en général d’anciens EVAT souhaitant passer du statut de disponible à celui de volontaire. Il faut aussi souligner que l’astreinte de disponibilité est limitée à cinq jours sur cinq ans au maximum, ce qui en fait, sauf en cas de crise, une contrainte tout à fait modeste ;

— il faut relativiser le poids que fait peser l’institution des réserves sur l’économie. Sur 100 000 réservistes, 30 000 effectueront vingt jours d’activité par an, les 70 000 autres n’étant astreints au maximum qu’à cinq jours par an. C’est sur cette base que sont calculés les 584 millions de francs de crédits affectés aux réserves en 2002 par la programmation militaire. De plus, un tiers des réservistes appartiendra à la fonction publique ou à de grandes entreprises. Seuls deux tiers environ relèveront du secteur des petites entreprises. Rapportée aux 13 millions d’actifs employés au sein de PME, la réserve touchera une de ces entreprises sur vingt et trois de leurs salariés sur 1 000. Il n’en est pas moins vrai qu’il faudra continuer à trouver, notamment dans un cadre conventionnel, des moyens d’inciter les PME à faciliter la présence parmi leur personnel de réservistes, par exemple en veillant à ce que deux salariés soient capables d’occuper un même poste de spécialiste intéressant la réserve ;

— les 100 000 réservistes de la première réserve ont pour fonction de faire face à ce que l’on appelle les nouvelles menaces issues du changement du contexte stratégique : drogue, terrorisme, explosion éventuelle des banlieues, guerre économique, mafias… Quant à la deuxième réserve, elle est un vivier destiné à fournir aux Armées des spécialistes en cas d’insuffisance de leurs disponibilités et à servir de base à une éventuelle remontée en puissance. Elle n’a pas pour objet de faire face au retour d’une menace du type de celle que faisait peser le pacte de Varsovie. Dans un tel cas, il faudrait rétablir la conscription ;

— dans l’organisation qui prévalait jusqu’à aujourd’hui, l’active et la réserve étaient juxtaposées. Dans la nouvelle organisation, le souci des armées est, comme en 1792, de faire l’amalgame des deux catégories de personnel. Les nouvelles unités de réservistes sont d’ores et déjà intégrées dans les formations. L’image que l’active a de la réserve en est profondément modifiée ;

— les contraintes d’activité ont été établies avec un grand souci d’équilibre. En pratique, aujourd’hui, pour les réservistes les plus actifs, sur vingt jours d’activité, la moitié est prise sur les temps de loisirs, week-ends et congés payés. La contrainte de cinq jours a donc pour objet de marquer la reconnaissance par la Nation de la fonction de réserviste et de montrer que cette charge ne doit pas peser seulement sur la vie de famille. En pratique, eu égard à la motivation des réservistes, l’accomplissement des périodes de réserve ne devrait pas poser de problèmes. Les associations de réservistes trouvaient du reste qu’une période de cinq jours était insuffisante et préconisaient qu’elle soit portée à quinze jours, soit trois semaines ouvrées. Cette demande est apparue irréaliste en considération des charges qu’elle imposerait aux entreprises dont les salariés souhaiteraient être réservistes. En effet, quels que soient les liens qui pourront être établis entre les PME et le ministère de la Défense, c’est d’abord le réserviste lui-même qui fera acte de volontariat.

Le Général Toussaint Marchetti a insisté sur l’importance de la disponibilité pour la Gendarmerie. L’astreinte de cinq ans qui n’est pas très contraignante doit permettre de pallier l’éventuelle carence en réservistes volontaires.

Il a déclaré qu’il n’était pas convaincu d’une prétendue absence de motivation des jeunes français pour participer à la défense de leur pays. Il a pris pour exemple la récente organisation des premières préparations militaires de la Gendarmerie qui ont réussi à attirer plusieurs centaines de candidats.

Enfin, il a assuré que le ministre de la Défense était pleinement conscient de la faiblesse des crédits accordés à la Gendarmerie pour ses réserves et que ceux-ci devraient connaître une hausse significative d’ici la fin de l’actuelle programmation militaire.

S’agissant de l’équipement des réserves, le Général Robert Renier a indiqué que la dissolution de certains régiments permettait de récupérer des matériels en nombre à cet effet, en particulier dans l’armée de Terre, mais que ce phénomène serait limité dans le temps. Il sera dès lors nécessaire de prévoir un niveau adéquat de crédits pour l’équipement des réserves dans la prochaine programmation militaire.

M. Robert Poujade s’est alors inquiété des modifications de la procédure d’examen de la prochaine loi de finances. Il a notamment regretté qu’une partie des débats consacrés à cet examen en Commission soit désormais publique. Il a rappelé que le huis-clos habituel aux réunions de Commissions permettait de préserver la confidentialité des débats lorsqu’elle était nécessaire, qu’elle était propice à la liberté de parole et qu’elle créait un climat de convivialité favorable au consensus que la défense pouvait requérir.

Après lui avoir assuré qu’il partageait ses préoccupations, le Président Paul Quilès a expliqué que ce changement avait été décidé, à titre expérimental, afin de rendre moins ternes les débats budgétaires en séance publique. Il a également rappelé qu’en Commission, seule une partie des débats budgétaires serait publique, une bonne partie de l’examen des crédits de la défense restant à huis-clos.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. François Lamy rapporteur pour avis sur le projet de loi de règlement pour 1997 (n° 1277).

Elle a ensuite procédé à la désignation de onze rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000.

Ont été désignés rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000 :

— Pour les crédits de la Défense :

· M. René Galy-Dejean (Dissuasion nucléaire)

· M. Bernard Grasset (Espace, communication et renseignement)

· M. Jean-Claude Sandrier (Forces terrestres)

· M. Yann Galut (Air)

· M. Jean-Yves Le Drian (Marine)

· M. François Huwart (Titre III et personnels)

· M. Jean Michel (Crédits d’équipement)

· M. Michel Meylan (Services communs)

· M. Georges Lemoine (Gendarmerie)

— Pour les crédits des Affaires étrangères et de la Coopération :

· M. Bernard Cazeneuve

— Pour les comptes spéciaux du Trésor :

· M. Loïc Bouvard


© Assemblée nationale