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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES,

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 juin 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Examen de l’avis sur le projet de loi (n° 1277) portant règlement définitif du budget de 1997 (M. François Lamy, rapporteur)

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– Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 (n° 1277).

Rappelant que la Commission de la Défense rendait depuis six ans maintenant un avis sur les mouvements de crédits intéressant la Défense dans le projet de loi de règlement, M. François Lamy, rapporteur pour avis, a fait valoir que la justification initiale de cet exercice, sans doute aride, demeurait valable aujourd’hui, dans la mesure où il permettait de rendre compte des amples variations qui touchent les crédits militaires en cours d’exécution. Il a précisé que l’exercice 1997 n’échappait pas à ce constat.

Le rapporteur pour avis a tout d’abord rappelé le contexte particulier de l’exécution des crédits de cet exercice, dont les déterminants diffèrent sensiblement de ceux des deux gestions précédentes de 1995 et 1996. Trois éléments caractérisent ce contexte :

— le premier est d’ordre politique : l’arrivée de l’actuelle majorité au pouvoir, en juin 1997, s’est traduite par une réorientation des priorités budgétaires. Outre l’amélioration de la situation de l’emploi, le Gouvernement s’était donné pour objectif de réduire les déficits publics afin de boucler un budget que l’on disait pourtant impossible. Pour ce faire, le conseil des Ministres du 19 novembre 1997 a fixé un objectif de réduction du déficit public arrêté en loi de finances initiale de 14,1 milliards de francs ;

— le deuxième déterminant de l’évolution du budget de la Défense en 1997 est d’ordre juridique. Au contraire des deux exercices précédents, l’exercice 1997 s’est déroulé dans le cadre pluriannuel de la loi de programmation militaire 1997-2002 ;

— enfin, le rapporteur pour avis a souligné le poids des exercices 1995 et 1996 sur la gestion en 1997 du budget de la Défense, et plus particulièrement du budget d’équipement militaire. Il a, à ce propos, noté que, du fait du caractère pluriannuel de la dépense d’équipement militaire, qui lui confère une inertie importante, toute décision de régulation prise au cours d’un exercice se ressent lors des exercices suivants. Il a fait observer qu’en conséquence, les errements des exercices 1995 et 1996, notamment la chute des engagements, l’accroissement des reports de charges et l’alourdissement des frais financiers s’étaient ressentis sur les résultats de l’exécution 1997.

Il a ensuite abordé l’analyse des résultats définitifs du budget de la Défense en 1997, soulignant qu’en dépit de certains dysfonctionnements, cet exercice s’était déroulé dans un contexte plus serein qu’au cours des années précédentes.

M. François Lamy a indiqué que l’effort budgétaire en faveur de la Défense avait été préservé en 1997, les dépenses militaires s’établissant à 182,25 milliards de francs, soit une baisse, en francs courants, de 1,7 %. Il a relevé que cette baisse était imputable à une diminution des dépenses en capital de 2,5 %, ainsi qu’à une réduction des dépenses ordinaires de 1,1 %, phénomène qui se produisait pour la première fois depuis le début de la décennie.

Il a toutefois fait remarquer que la baisse des dépenses ordinaires devait être nuancée, compte tenu de l’analyse de la Cour des Comptes selon laquelle 1,37 milliard de francs de dépenses réalisées en 1997 ont été imputés à l’exercice 1998, par la procédure de recomplètement des fonds d’avance. Dans cette perspective, il convient donc de majorer d’autant les dépenses de l’exercice 1997, la baisse observée au budget de la Défense n’étant alors plus que de 0,99 % en francs courants, soit une stagnation par rapport à 1996.

M. François Lamy a observé que la baisse apparente des dépenses ordinaires militaires en 1997 ne remettait pas en cause la tendance de fond qui régit l’évolution du titre III, en progression constante depuis 1994.

S’agissant des dépenses d’équipement, il a indiqué qu’elles s’établissaient à 76 milliards de francs en 1997, hors transferts, subissant une baisse de 2,5 %. Il a noté que ce résultat pouvait apparaître paradoxal, dans la mesure où, à partir d’un niveau de crédits initial sensiblement semblable à celui de 1996 et en dépit d’une régulation moins défavorable, les dépenses d’équipement baissaient de 2 milliards de francs. Il a toutefois fait remarquer que, d’une part, les rattachements de fonds de concours avaient diminué de 500 millions de francs en 1997, du fait de la réduction des participations étrangères aux programmes en coopération, liée à l’avancement de ces programmes et que, d’autre part, le niveau des paiements en 1997 s’était trouvé obéré par le très faible niveau des engagements du ministère de la Défense en 1996. M. François Lamy a rappelé que, suite à la mise en œuvre d’un plan de « refroidissement » des engagements au cours du dernier trimestre 1996, seulement 60 milliards de francs avaient été engagés en 1996, à comparer au niveau habituel de 80 milliards de francs, d’ailleurs retrouvé en 1997. Il a estimé que le niveau des paiements en 1997 s’était nécessairement ressenti de ce gel des engagements, comme en témoignent la baisse du taux de consommation des crédits et l’augmentation de 2 milliards de francs des reports de crédits sur 1998.

Le rapporteur pour avis a fait observer que, si un niveau normal d’engagement avait pu être retrouvé en 1997, c’était grâce à un environnement budgétaire beaucoup plus favorable. Il a rappelé à cet égard qu’après avoir atteint 12 milliards de francs en 1995 et 8,5 milliards de francs en 1996, les annulations de crédits avaient été limitées en 1997 à 5 milliards de francs sur le budget d’équipement militaire et avaient, de ce fait, eu un impact limité sur les programmes. Dans ces conditions, le ministère de la Défense a pu mener une politique d’apurement efficace des reports de charges sur le budget d’équipement. Il a rappelé qu’en effet, ces reports avaient atteint 12 milliards de francs en 1995 et plus de 10 milliards de francs encore à l’issue de l’exercice 1996, dont 5,8 milliards de francs correspondaient à des retards de paiement générateurs d’intérêts moratoires.

Il a estimé qu’au contraire, l’exercice 1997 marquait le retour à des pratiques de saine gestion, les reports de charges ayant été contenus à 3,2 milliards de francs, dont 1,1 milliard de francs de retards de paiement, à l’issue de cet exercice. Quant au niveau des intérêts moratoires, il a diminué de 55 %, à 361 millions de francs, contre 812 millions de francs en 1996, année record en la matière. Il a, à cet égard, fait observer que l’écart entre le montant des dépenses d’équipement en 1996 et en 1997 était dû, pour 25 %, au paiement de frais financiers.

M. François Lamy a également insisté sur l’efficacité accrue de la dépense d’investissement militaire en 1997, exercice au cours duquel ont été posées les bases de la réforme de la gestion des crédits d’équipement, définies par l’instruction interministérielle signée entre les ministères de la Défense et de l’Economie le 24 avril 1997. Il a ajouté que, de même, la passation des premières commandes globales pluriannuelles en 1997, pour un montant de 11 milliards de francs, représentait un progrès du fait de la lisibilité accrue qu’elles apportaient aux industriels et à l’Etat.

Il a estimé que, si l’exercice 1997 témoignait d’un retour à des conditions normales de gestion des crédits d’équipement, on observait en revanche des tensions importantes sur le titre III. Il a notamment relevé que l’accroissement des reports de charges sur le titre III à l’issue de l’exercice 1997 témoignait de dysfonctionnements importants, 3,2 milliards de francs ayant été reportés sur 1998, dont 1,9 milliard de francs au titre des dépenses de rémunérations et de charges sociales. Il s’est inquiété de cette évolution qui lui est apparue d’autant plus préoccupante qu’au cours de l’exécution 1997, 2,2 milliards de francs avaient été ouverts sur le titre III pour financer les insuffisances de gestion constatées tant dans les dépenses de rémunération que dans celles de fonctionnement.

Il a jugé que cette situation posait à nouveau la question du financement des opérations extérieures, dont les surcoûts ont pourtant baissé de 33 % en 1997, à 3,45 milliards de francs. Il s’est plus particulièrement interrogé sur l’utilisation par le ministère de la procédure des fonds d’avance, qui permet de mettre à la disposition des unités, dès le mois de novembre, des fonds dont les dépenses sont imputées à l’exercice suivant, afin que ces unités puissent faire face à leurs besoins quotidiens. Selon la Cour des Comptes, 2,1 milliards de francs, soit les 2/3 des reports de charges, sont imputables au recomplètement de ces fonds. Le rapporteur pour avis a indiqué qu’une réflexion était d’ailleurs en cours au ministère de la Défense pour réformer cette procédure.

Concluant son intervention, M. François Lamy a souligné qu’en dépit du délai séparant l’année d’exécution des crédits concernés et l’examen du projet de loi de règlement, la discussion à laquelle il donnait lieu permettait de mettre en lumière d’importants problèmes structurels du budget de la défense. Il a notamment cité l’exemple du financement des opérations extérieures, sujet dont il n’est pas besoin de souligner l’actualité. Il a souhaité que les réformes proposées par le groupe de travail sur la dépense publique, qui visent notamment à accélérer l’examen des lois de règlement en sorte qu’il contribue à préparer le débat sur le budget suivant, voient rapidement le jour et a considéré que l’association de l’examen du projet de loi de règlement et du débat d’orientation budgétaire représentait d’ores et déjà une avancée intéressante.

Faisant remarquer le caractère par nature imprévu des opérations extérieures les plus importantes, Mme Martine Lignières-Cassou a insisté sur l’importance des fonds d’avance qui donnent aux armées la souplesse permettant de faire face à des besoins non planifiés d’envoi de troupes à l’étranger, comme ce fut le cas récemment en Macédoine et en Albanie.

Approuvant Mme Martine Lignières-Cassou, le rapporteur pour avis a souhaité un meilleur suivi des fonds d’avance. Indiquant que le surcoût global des opérations extérieures, relativement stable au cours des derniers exercices, était compris entre 3 et 3,5 milliards de francs, il a suggéré qu’il soit tenu compte de cet élément dès l’élaboration des lois de finances initiales.

Regrettant l’approche, qu’il a jugée quelque peu polémique, du rapporteur pour avis, M. Arthur Paecht a indiqué que son groupe s’abstiendrait.

Le rapporteur pour avis a répondu que son propos lui apparaîtrait peut-être plus indulgent l’année prochaine, lors de l’examen de la loi de règlement relative au budget de 1998.

M. Arthur Paecht a souligné qu’il ne souhaitait pas de l’indulgence mais de la lucidité.

M. Antoine Carré et M. Gilbert Meyer ont également estimé que le rapporteur pour avis avait fait preuve d’une sévérité excessive à l’égard de la gestion du Gouvernement précédent, peu propice au consensus sur les questions de défense.

Le rapporteur pour avis a souligné que chacun reconnaissait que l’exécution des budgets de 1995 et 1996 avait été très difficile.

La Commission a alors donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

*

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Le Président Paul Quilès a ensuite indiqué que les membres appartenant au groupe RPR du groupe de travail sur le conflit du Kosovo avaient proposé l’ajournement de ses travaux, en raison notamment des difficultés inhérentes au contrôle parlementaire d’actions militaires en cours.

Constatant que les deux premières réunions du groupe de travail avaient été constructives et observant que l’engagement des forces françaises allait changer de nature avec le retour du Kosovo à la paix, il a estimé qu’il entrait dans les responsabilités fondamentales de la Commission de la Défense de s’interroger et de réfléchir sur les circonstances du déclenchement et du déroulement de ce qui pouvait être appelé une « guerre », même si d’autres termes ont pu être utilisés. Il a également fait valoir que le fonctionnement des institutions ne permettait pas d’assurer un contrôle parlementaire satisfaisant des opérations extérieures, tout observant qu’il n’était pas choquant de soumettre à la critique des dispositions constitutionnelles, même lorsqu’elles concernent la Défense, comme l’article 35 relatif à la déclaration de guerre.

Soulignant la nécessité de donner désormais un caractère formel et réglementaire aux travaux d’information de la Commission sur les opérations menées dans le cadre du conflit du Kosovo, il a alors proposé de transformer le groupe créé à cet effet en une mission d’information.

M. Arthur Paecht a fait part de sa frustration de constater, notamment lors de déplacements à l’étranger, que le Parlement français pouvait apparaître, aux yeux de parlementaires d’autres démocraties, comme un « nain politique ». Il a estimé, à ce propos, que le Parlement français n’était effectivement jamais consulté sur les questions liées à l’engagement des forces et qu’il recevait en ce domaine une information peu étendue en comparaison de nombreuses Commissions de la Défense de parlements étrangers, y compris dans les nouvelles démocraties d’Europe orientale.

Il a en conséquence exprimé son désaccord avec un éventuel ajournement des travaux sur le conflit du Kosovo, précisant qu’il ne voyait aucune contradiction entre la lettre de la Constitution et une pratique de meilleure association du Parlement à la politique de défense. Indiquant qu’il avait déjà, il y a une dizaine d’années, rédigé un mémoire sur la « future guerre des Balkans » dans le cadre de l’IHEDN, il a souligné la nécessité, pour le Parlement, de participer à l’élaboration d’une doctrine de défense qui tienne pleinement compte des situations de crise se développant en Europe.

M. Guy-Michel Chauveau a fait valoir l’importance de la réflexion engagée dans le cadre du groupe de travail sur le conflit du Kosovo, insistant sur le fait qu’au-delà du contrôle de l’action du Gouvernement, il s’agissait d’un véritable instrument de débat que les membres de la Commission pouvaient utiliser dans leurs relations avec leurs collègues européens. A ce propos, il a estimé que, dans l’affaire du Kosovo, on avait parfois tendance à confondre le processus diplomatique de gestion de la crise avec l’action menée parallèlement pour construire l’Europe de la défense, en particulier au sein de l’Alliance, tandis qu’il était peu perçu qu’il y avait cohérence entre les décisions du sommet de Washington et les dispositions du traité d’Amsterdam. Jugeant qu’il appartenait aux parlementaires de rendre compte de cette cohérence et de montrer les perspectives qu’elle ouvrait pour la constitution de l’identité européenne de sécurité et de défense, il a estimé que l’analyse du conflit du Kosovo fournissait un support concret à ce travail d’explication.

Il en a conclu que, pour ces raisons, et à un moment où le Ministre allemand de la Défense, M. Rudolf Scharping, créait lui-même un groupe de réflexion sur l’évolution de la politique allemande de défense, il ne fallait pas que les travaux du groupe de travail s’interrompent et il s’est déclaré favorable à ce qu’il soit érigé en mission d’information.

Approuvant ces propos, M. Bernard Grasset a estimé également que s’il y avait bien une occasion pour réfléchir à la gestion militaire d’une crise en Europe, c’était l’occasion présente, qui, outre l’aspect diplomatique, présentait à la réflexion des questions militaires importantes, notamment d’ordre logistique et stratégique. Il a considéré que la Commission devait persévérer dans son effort de réflexion en dépit du statut de « nain politique » auquel on avait tendance à réduire la position du législateur dans la Constitution de 1958. Il a souligné que cette démarche était celle d’un Parlement moderne qui devait être associé aux actions de l’exécutif.

Rappelant que MM. Arthur Paecht et Guy-Michel Chauveau avaient tous deux présenté un rapport sur les événements du Kosovo à l’Assemblée de l’Atlantique Nord, le Président Paul Quilès a fait valoir à quel point il serait surprenant que les députés de la Commission soient amenés à rapporter sur ce sujet devant les seules assemblées internationales et non devant l’Assemblée nationale.

Soulignant l’ampleur de l’évolution des positions des partenaires de la France, et notamment de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, en ce qui concerne l’Europe de la Défense, il a estimé que l’analyse de la crise du Kosovo pouvait permettre de mieux cerner, à partir d’un cas concret, les possibilités d’affirmation diplomatique d’une Europe cherchant à se doter de capacités militaires autonomes face aux Etats-Unis.

Ajoutant que le ministère de la Défense avait mis en place un groupe d’experts chargés de tirer les conclusions militaires de l’emploi des forces et des équipements dans le cadre de la crise, il a demandé que le Parlement, qui réclame l’extension de ses pouvoirs de contrôle, ne se prive pas de ceux qu’il détient.

Il a, en conséquence, proposé à la Commission de créer en son sein, en application de l’article 145 du Règlement, une mission d’information sur le conflit du Kosovo, la composition de cette mission étant à fixer lors d’une prochaine séance.

La Commission a alors approuvé à l’unanimité le principe de la création de cette mission d’information.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Arthur Paecht rapporteur sur le projet de loi tendant à la création d’une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement (n° 1497).


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