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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 22 juin 1999
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice-Président,

puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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– Examen, en deuxième lecture, du projet de loi portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale (n° 1413) (M. Jean Michel, rapporteur)

– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense (n° 1618) (M. Michel Dasseux, rapporteur)

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– Informations relatives à la Commission

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La Commission a tout d’abord examiné, en deuxième lecture, le projet de loi (n° 1413) portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale sur le rapport de M. Jean Michel, rapporteur.

M. Jean Michel a tout d’abord rappelé que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture, à l’unanimité, il y a plus d’un an, le projet de loi portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale le 11 juin 1998, mais que le Sénat n’avait pu adopter le texte en discussion que le 2 mars dernier. Il a alors souligné que peu de divergences séparaient les deux assemblées qui partageaient l’objectif du Gouvernement de réformer un dispositif complexe et inadapté et un même souci de cohérence à l’égard de l’organisation et des règles de procédure pénale de la justice militaire en temps de paix.

Après avoir indiqué que l’histoire récente de la justice militaire était marquée par la restriction croissante de ses caractères spécifiques par rapport au droit commun, le rapporteur a regretté que la réforme de 1982 ne fût pas allée jusqu’au bout de cette logique et ait maintenu des dérogations portant pour l’essentiel sur l’organisation des juridictions et les règles de compétence, le jugement des infractions commises hors du territoire de la République faisant l’objet de dérogations importantes qui introduisaient des ruptures dans le régime juridique applicable aux militaires. Ce dispositif se révèle de plus en plus inadapté face à la professionnalisation croissante des forces armées et au développement de leurs missions extérieures. Il était donc devenu nécessaire de le réviser.

M. Jean Michel a ensuite souligné que l’Assemblée nationale avait partagé en première lecture le souci du Gouvernement de transcrire la réforme de la procédure pénale dans le code de justice militaire pour renforcer les droits des justiciables militaires. L’intention était également de supprimer des règles dérogatoires pour la justice militaire en temps de paix et de la rapprocher des règles de droit commun, l’une des réformes les plus attendues étant l’instauration de l’appel pour les décisions rendues par les tribunaux aux armées et par les juridictions prévôtales.

Soulignant que l’objectif du projet de loi était plus large que la transposition de la réforme de la procédure pénale, le rapporteur a exprimé ses réserves à l’égard de deux dispositions du texte qui troublent la philosophie essentielle du projet, d’une part, l’extension de la compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun pour les infractions commises sur le territoire de la République par les militaires et les personnels assimilés, d’autre part l’extension des cas d’intervention du Ministre de la défense en préalable au déclenchement des poursuites lorsque l’action publique est mise en mouvement par la partie lésée.

Il a rappelé que, dans le premier cas, l’Assemblée nationale avait refusé la modification des critères proposés par le Gouvernement, et que, dans le second cas, elle avait estimé que l’extension de l’avis du Ministre serait contradictoire avec l’objectif, maintes fois répété, de rapprochement de la procédure pénale avec les règles de droit commun.

Le Sénat a exprimé un point de vue qui rencontrait plusieurs préoccupations de l’Assemblée nationale, sans néanmoins se rallier à la totalité de son appréciation d’ensemble. A cette fin, il a apporté trois types de modifications au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture : les améliorations rédactionnelles renforcent la clarté du texte sans contrevenir à l’esprit de la réforme ; la prise en compte de la prochaine suppression du tribunal des forces armées stationnées en Allemagne qui a été confirmée par le Gouvernement a impliqué de nombreuses modifications d’articles et entraîné l’ajout de dispositions transitoires. Cependant, le Sénat n’a pas partagé toutes les analyses de l’Assemblée nationale sur deux points essentiels qui concernent, d’une part, la formation de jugement des crimes, et d’autre part, les cas où le Ministre de la Défense dispense un avis au cours de la procédure.

M. Jean Michel a relevé que, comme l’Assemblée nationale, le Sénat a exprimé le sentiment que le rapprochement des procédures entre le droit commun et la justice militaire était inachevé et que le projet de loi n’était pas allé au bout de l’ambition qui l’avait suscité. Il a estimé qu’il aurait été préférable de regrouper les dispositions applicables en temps de paix directement dans le code de procédure pénale, ce qui aurait davantage marqué l’unicité des règles applicables, et de réserver le code de justice militaire aux dispositions spécifiques motivées par le temps de guerre. La solution retenue (c’est-à-dire le code de justice militaire dans sa rédaction précédant la réforme de 1993 du code de procédure pénale) n’est pas satisfaisante, l’une des premières raisons étant qu’à droit constant, le code de justice militaire risque d’être difficilement compréhensible pour le temps de guerre. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale avait demandé une refonte complète de ce code et en avait fixé la date du 1er janvier 2002. La prise en compte de la fin de la période de professionnalisation des armées et le retard pris par la navette parlementaire ont incité le Sénat à repousser cette date au 31 décembre 2002.

Compte tenu de ces éléments, le rapporteur a proposé à la Commission de la Défense d’adopter le texte qui lui était soumis, sous réserve de cinq amendements.

M. Charles Cova a indiqué que le groupe RPR s’abstiendrait sur le vote de ce texte en deuxième lecture dès lors qu’il comporterait notamment une disparition supprimant l’avis du Ministre dans la procédure pénale impliquant un militaire.

La Commission est alors passée à l’examen des articles.

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE JUSTICE MILITAIRE

Article 2 (art. 2 du code de justice militaire) : Droit applicable devant le tribunal aux armées de Paris :

La Commission a adopté un amendement proposé par le rapporteur visant à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture pour les deuxième et troisième alinéas de l’article 2 du code de justice militaire.

La Commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. 4 du code de justice militaire) : Organisation du tribunal aux armées et cour d’appel compétente :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur limitant la compétence des chambres détachées du tribunal aux armées de Paris aux contraventions et aux délits.

La Commission de la Défense a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 : Suppression de l’article 5 du code de justice militaire renvoyant les infractions de la compétence des tribunaux aux armées au tribunal aux armées de Paris :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. 6 du code de justice militaire) : Composition du tribunal aux armées :

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement conférant une nouvelle rédaction à l’article 6 du code de justice militaire et précisant la composition des formations de jugement du tribunal aux armées.

Elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Articles 5 quinquies à 5 decies : Coordinations diverses :

La Commisison a adopté l’ensemble des articles 5 quinquies à 5 decies sans modification.

Article 6 (art. 23 du code de justice militaire) : Défense des personnes justiciables du tribunal aux armées :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 7 : Suppression de l’article 67 du code de justice militaire fixant la compétence territoriale des tribunaux aux armées :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 10 (art. 82 du code de justice militaire) : Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale en matière d’enquête préliminaire :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 13 (art. 91 du code de justice militaire) : Action civile et mise en mouvement de l’action publique :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 17 (art. 101 du code de justice militaire) : Instruction des infractions relevant de la compétence du tribunal aux armées :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 19 (art. 112 du code de justice militaire) : Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 24 (art. 136, 137, 138 à 150 du code de justice militaire) : Abrogation de dispositions spécifiques à la justice militaire en matière de détention provisoire :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 25 (art. 151 du code de justice militaire) : Règles applicables à la chambre d’accusation :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 27 (art. 202 à 204 du code de justice militaire) : Procédure devant les juridictions de jugement :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 27 bis (nouveau) (art. 205 du code de justice militaire) : Composition du tribunal aux armées pour le jugement des crimes :

A l’initiative du rapporteur, la Commission de la Défense a adopté une nouvelle rédaction de l’article 27 bis nouveau introduit par le Sénat et visant à compléter la procédure pénale s’il existe un risque de divulgation d’un secret de la défense.

Article 28 (art. 206 à 210 du code de justice militaire) : Abrogation des articles 206 à 210 du code de justice militaire :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 29 (art. 263 du code de justice militaire) : Pourvoi en cassation :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 31 (art. 273 du code de justice militaire) : Demande en révision :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 32 bis (article 276 du code de justice militaire) : Suppression de la référence à l’assignation :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 36 (art. 345 du code de justice militaire) : Exécution des jugements : principe :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 37 (art. 346 à 355, 357, 365, 367, 378, 379, 382, 384, 387 et 394 du code de justice militaire) : Exécution des jugements : modalités particulières. Abrogation de dispositions spécifiques :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Article 46 (art. 698-2 du code de procédure pénale) : Mise en mouvement de l’action publique par la partie lésée – Avis du ministre de la défense :

La Commission de la Défense a examiné un amendement de suppression de l’article 46 présenté par le rapporteur. M. Jean Michel a fait observer qu’au moment où le projet présenté par le Garde des sceaux sur l’action publique en matière pénale prévoit de supprimer les instructions ministérielles sur des dossiers individuels, il serait paradoxal qu’un procureur de la République puisse solliciter un avis du Ministre de la Défense dans une procédure pénale visant un militaire.

M. Charles Cova a demandé que l’avis du Ministre de la Défense soit maintenu en raison des conséquences défavorables d’une condamnation sur la carrière des militaires intéressés. Il a relevé à cet égard que les sanctions administratives prises à l’encontre de ces militaires lorsqu’ils étaient condamnés étaient préjudiciables à leur avancement.

M. Jean Michel a souligné que l’avis initial du Ministre de la Défense ne constituait pas forcément une garantie pour le justiciable et qu’il n’empêchait pas que des poursuites soient engagées. Enfin, il a fait observer qu’aucun ministre ne donnerait plus d’avis au cours d’une procédure pénale visant un fonctionnaire sous sa tutelle et que le code de procédure pénale offrait au justiciable suffisamment de garanties.

La Commission a alors adopté l’amendement de suppression de cet article.

Article 48 (art. 698-9 nouveau du code de procédure pénale) : Débat à huis clos :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 51 (art. 8, 10 et 14 de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982) : Modification de la loi du 21 juillet 1982 :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 51 bis : Dispositions transitoires relatives au tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 52 bis : Refonte du code de justice militaire :

La Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

Article 53 : Application aux territoires d’outre-mer, à la Nouvelle Calédonie et à Mayotte :

Après que M. Bernard Grasset eut demandé dans quelles conditions serait jugé un délit commis dans les Terres australes, la Commission de la Défense a adopté cet article sans modification.

La Commission de la Défense a alors adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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* *

La Commission a ensuite procédé à un échange de vues sur la procédure expérimentale retenue pour l’examen du projet de loi de finances pour 2000.

Le Président Paul Quilès a exposé que l’objectif de la réforme était d’alléger la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances en séance publique, en déplaçant l’essentiel de l’examen détaillé des fascicules budgétaires vers une séance de la principale commission saisie pour avis, séance ouverte à la presse et au public, et donnant lieu à compte rendu analytique et sténographique.

Il a ajouté qu’il était proposé de procéder à une discussion en séance publique plus resserrée où n’interviendraient que les rapporteurs et un orateur par groupe, d’organiser dans le cadre de la commission saisie pour avis l’essentiel de la discussion du détail des crédits et d’avoir recours pour l’information des députés à une procédure de questions écrites budgétaires auxquelles le ministre devra donner une réponse au plus tard la veille du débat.

Faisant remarquer qu’à son avis, dans l’examen global du budget de la défense en séance publique, l’effet des questions n’était pas toujours bénéfique, il a estimé que la proposition tendant à prévoir un débat budgétaire de quatre heures dans le cadre de la Commission de la Défense, nécessitait de prévoir une organisation serrée de la discussion et de faire en sorte qu’une version très élaborée des rapports pour avis soit prête pour cette réunion.

Il a cependant conclu que la méthode choisie lui paraissait plutôt une bonne façon de répondre à une situation de lassitude et surtout de mélange des genres, en séparant bien les questions, souvent ponctuelles et qui feront l’objet d’une réponse spécifique, la partie la plus formelle de la discussion, qui fera désormais seule l’objet de la séance publique, et le débat de fond, désormais traité de façon publique en réunion de commission.

Rappelant qu’il était déjà intervenu à ce sujet lors d’une précédente réunion de la Commission de la Défense, M. Robert Poujade a déclaré qu’il était très partagé sur la réforme proposée. Exposant qu’il avait lui aussi le sentiment que le débat en séance publique était trop long et mélangeait par trop des genres différents, il s’est inquiété des conséquences d’une limitation du nombre des orateurs à un seul par groupe. Exposant qu’on n’entendrait plus alors que des spécialistes et des leaders d’opinion, il a fait valoir que, quelle que soit la qualité des propos de ces derniers, la capacité d’expression des parlementaires pourrait s’en trouver exagérément limitée, le député qui bénéficiait souvent là de l’occasion rare de s’exprimer en séance publique s’en voyant alors privé, sauf à ce qu’il ait la possibilité pratique de participer au débat en séance ouverte de commission. En conséquence, il a estimé que si la démarche qui tendait à limiter la durée des interventions en séance publique était bonne, elle était peut-être menée avec une rigueur excessive.

Soulignant l’amplitude avec laquelle, d’une élection à l’autre, les changements de majorité pouvaient se traduire dans la composition de la Commission de la Défense, M. René Galy-Dejean a émis plusieurs interrogations sur le rôle que pouvaient jouer les interventions en séance publique des députés représentant des circonscriptions à l’équilibre politique fragile. Il en a conclu que, dans la mesure où la réforme proposée était destinée à voir le jour, le groupe RPR ne souhaitait pas faire obstacle à sa mise en œuvre eu égard à certaines critiques qui étaient régulièrement formulées sur les procédures actuelles de travail de l’Assemblée nationale.

M. Bernard Grasset s’est également inquiété de la transformation du débat sur les crédits de la défense en un débat de spécialistes et des préjudices que cette évolution pourrait faire subir au lien entre la Nation et son armée. Pour ces raisons, il a jugé souhaitable qu’une certaine part d’interventions concernant des difficultés réelles, même purement locales, puisse subsister.

M. Didier Boulaud s’est interrogé sur les conséquences dans les travaux des Commissions permanentes du transfert de l’administration des Anciens combattants sous l’autorité d’un secrétaire d’Etat placé auprès du ministre de la Défense. Il s’est demandé si la Commission de la Défense ne devait pas entreprendre l’examen des crédits correspondants, comme c’était visiblement le souhait des Anciens combattants eux-mêmes.

M. Michel Voisin s’est inquiété des répercussions de la mise en place de la nouvelle procédure sur la répartition du temps de parole entre les groupes politiques. Le temps de parole imparti aux groupes est en effet fixé globalement pour l’ensemble de la discussion budgétaire, ce qui leur permet de répartir leurs interventions entre les budgets de façon souple.

Estimant modeste l’intérêt d’un simple transfert vers la Commission d’un débat actuellement tenu dans l’hémicycle, et observant que la durée de la séance de commission prévue était de quatre heures, M. François Lamy s’est interrogé sur la possibilité d’une organisation dynamique permettant de garantir que les députés non-spécialistes puissent être associés à la discussion d’ensemble du budget de la défense.

M. Robert Poujade a fait observer qu’alors que le débat en séance publique est soumis à des conditions d’organisation strictes, les débats en commission ont un caractère très libre auquel concourent aussi bien la personnalité du président que le tempérament de chacun. Il s’est interrogé sur les conditions dans lesquelles le Président Paul Quilès, dont il a salué la façon d’exercer la présidence, pourrait faire respecter l’équité sans risquer de heurter les susceptibilités si le débat en commission se substituait au débat en séance publique.

Soulignant que la presse locale était souvent attentive à la façon dont les parlementaires de sa zone de diffusion intervenaient à l’occasion du débat budgétaire, et observant que la nouvelle procédure supprimait les échanges entre députés et ministre lors de la séance publique, M. René Galy-Dejean s’est demandé s’il ne faudrait pas comparer le gain de temps de séance obtenu par la procédure des réponses écrites et l’effet que produirait l’image d’un hémicycle largement déserté de ce fait.

Relevant que le débat actuel dans l’hémicycle était, pour une part, marqué par un grand formalisme, M. Jean-Claude Sandrier s’est demandé si, dès lors qu’on voulait développer la partie réservée aux échanges entre les députés et le ministre, il ne fallait pas faire disparaître d’abord la longue succession des rapporteurs, ceux-ci ne pouvant désormais plus guère développer d’argumentation dans le modeste temps de parole dont ils disposent. Il a suggéré que la discussion pourrait alors être organisée en deux temps, l’un où seraient posées les questions les plus concrètes, voire les plus locales, certaines étant de grande importance, et un deuxième, qui remplacerait la succession des rapporteurs, consacré aux questions de fond.

Le Président Paul Quilès a souligné qu’une des grandes difficultés d’application de la réforme pour la Commission de la Défense était en effet le nombre élevé des rapporteurs qui s’exprimaient lors du débat budgétaire, puisqu’aux 9 rapporteurs pour avis de la Commission il fallait ajouter le rapporteur spécial de la Commission des Finances et un rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères, soit un total de 11 intervenants.

Il a souligné que la durée de la séance ouverte de commission étant de quatre heures, seule une stricte discipline des rapporteurs permettrait de laisser à la partie la plus vivante de la discussion la durée souhaitable.

Il a conclu qu’une bonne méthode serait que les rapporteurs tiennent prêt pour cette séance, outre leur rapport lui-même, un résumé synthétique de celui-ci qui en exposerait les principales problématiques. Il a suggéré qu’à partir de ce résumé, chaque rapporteur expose brièvement, en cinq minutes, les points importants à débattre et ses propositions en ce domaine. Il a ajouté que dans un tel cas, les trois heures restantes permettraient de laisser à une quinzaine d’intervenants la possibilité d’interroger le ministre, compte tenu des réponses aux questions écrites qui auraient été communiquées la veille.

Il a insisté à ce propos pour que la remise des réponses aux questions écrites budgétaires ait lieu la veille de la réunion ouverte de commission et non pas la veille de la séance publique, considérant que c’était là un élément essentiel pour le succès de la réforme.

Approuvé par M. Didier Boulaud, il a conclu que la réforme méritait en tout état de cause d’être entreprise et tentée.

Rappelant que, dans des temps plus anciens, on considérait comme un tort pour un député membre de la Commission de la Défense de « s’élever au-dessus du niveau de l’automitrailleuse », M. Robert Poujade s’est interrogé sur le risque que présentait la nouvelle organisation de favoriser le développement de débats d’une grande généralité aux dépens de l’examen des problèmes particuliers, qui, concernant la situation et l’équipement des forces, se devaient d’être attentivement examinés par la Commission.

Le Président Paul Quilès s’est déclaré moins inquiet quant à ce risque.

*

* *

La Commission a alors examiné, sur le rapport de M. Michel Dasseux, rapporteur, le projet de loi (n° 1618), adopté par le Sénat, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

Indiquant que le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, était le quatrième et dernier pilier de la vaste réforme de la professionnalisation des armées décidée par le Président de la République et mise en œuvre par les gouvernements successifs, M. Michel Dasseux a constaté que ce texte marquait le passage d’une réserve de masse à une réserve d’emploi, qu’il créait un véritable statut du réserviste et qu’il apportait une nouvelle contribution au renforcement du lien entre la Nation et son armée.

Rappelant la législation en vigueur, M. Michel Dasseux a indiqué que jusqu’à présent tout Français était réserviste jusqu’à l’âge de 35 ans, ce qui représente une réserve d’environ 500 000 hommes. Il a précisé que ce chiffre était théorique et que les réservistes vraiment actifs effectuant des périodes dans l’armée étaient beaucoup moins nombreux.

Évoquant la prochaine suspension du service national, il a fait observer que l’armée allait bientôt être privée de cette ressource captive et qu’il importait, par conséquent, de développer le volontariat qui existait déjà depuis 1993. Le recrutement de réservistes dont certains n’auront aucune expérience militaire impose de modifier la législation le plus tôt possible, de manière à préparer une montée en puissance du volontariat dans la réserve dans les meilleures conditions.

Il a indiqué que le présent projet prévoyait, conformément à la loi de programmation militaire, la création d’une réserve « opérationnelle » de 100 000 personnes regroupant des volontaires civils ou d’anciens militaires, ayant signé un engagement et qui recevront une affectation en fonction des besoins des armées. Ce projet prévoit également de placer sous un régime de disponibilité pendant cinq ans les anciens militaires non volontaires. Ces « disponibles », dont l’aptitude sera vérifiée régulièrement, pourraient être appelés en renfort si les circonstances l’exigent.

Il a rappelé que le projet prévoyait également, à côté de cette réserve opérationnelle, de créer une réserve « citoyenne » dans laquelle seraient admis les réservistes non affectés dans la première réserve. Jouant un rôle de vivier, cette deuxième réserve aura plus particulièrement pour objet de renforcer le lien entre la Nation et son armée.

M. Michel Dasseux a également insisté sur la création par la loi, d’un véritable statut du réserviste. Ainsi, le contrat de travail du réserviste sera suspendu pendant les périodes d’activité dans la réserve. En contrepartie, le réserviste sera considéré comme un militaire à part entière et percevra la même solde que ses camarades de l’active, majorée d’une prime de fidélité.

La possibilité pour l’employeur de continuer à rémunérer son salarié pendant les périodes de réserve sera laissée à la sagesse des partenaires sociaux et à leur conscience du droit de chacun de contribuer à la défense de la Patrie. Actuellement, environ 50 % cumulent déjà un salaire et une rémunération de réserviste.

M. Michel Dasseux a également insisté sur l’amélioration de la protection sociale du réserviste qu’apportait le projet de loi, qu’il s’agisse de l’assurance maladie, de l’assurance maternité ou de l’assurance vieillesse.

Il a mis en évidence une des principales nouveautés du projet : la possibilité pour le réserviste de s’absenter, cinq jours ouvrés par an, de son poste de travail sans que son employeur puisse s’y opposer. L’autorisation patronale redevient nécessaire au-delà de cette durée.

Il a également précisé que le texte prévoyait explicitement d’une part, l’interdiction de sanctionner un salarié pour ses activités dans la réserve, d’autre part l’obligation pour l’employeur de reprendre son salarié à son retour.

Devant le risque de voir se distendre le lien entre la Nation et son armée, il s’est félicité que ce projet de loi offre, au contraire, une opportunité de le renforcer. De ce point de vue, l’admission directe de civils sans expérience militaire dans la réserve opérationnelle est une très bonne disposition qui permettra également de féminiser davantage les réserves.

M. Michel Dasseux a ensuite indiqué que le Sénat, qui avait adopté ce texte de manière très consensuelle, n’en avait pas modifié l’économie générale, les sénateurs ayant principalement apporté certaines de modifications de forme, ainsi que des précisions terminologiques. C’est également le Sénat qui a limité à 120 jours la durée d’activité totale qu’un réserviste pourra accomplir sur une année.

Le rapporteur a néanmoins indiqué qu’il proposerait des amendements complétant le texte sans en modifier l’esprit. Ainsi, attachant la plus grande importance à la réussite de la coopération avec les entreprises, M. Michel Dasseux a annoncé son intention de transformer l’actuel Conseil supérieur d’étude des réserves, qui ne regroupe actuellement que des associations de réservistes, en Haut conseil de la réserve militaire, instance aux attributions élargies qui pourrait être chargée de mettre en œuvre une véritable politique de partenariat entre l’armée, les réservistes et les employeurs. Il a fait part de son souhait que soient représentés au sein de ce Haut Conseil, outre l’Assemblée nationale et le Sénat, les partenaires sociaux par le biais des organisations professionnelles regroupant notamment les salariés et leurs employeurs.

Souhaitant également renforcer le lien entre la Nation et son armée, il a proposé d’ouvrir l’accès de la réserve citoyenne aux volontaires n’ayant pas d’expérience militaire.

Enfin, il a insisté sur la nécessité de renforcer la protection du réserviste en précisant qu’il retrouverait, au retour de sa période d’activité, l’emploi exact qu’il occupait avant son départ et non un emploi similaire, comme le prévoit le texte adopté par le Sénat, au risque de masquer, dans certains cas, une sanction déguisée.

En conclusion, il a rendu un hommage à ces femmes et à ces hommes dont plusieurs dizaines servent actuellement en ex-Yougoslavie et que rien n’oblige à participer à la défense de leur patrie, parfois au détriment de leur vie de famille, si ce n’est le sens du devoir et du dévouement, dans le plus pur respect de nos traditions républicaines.

La Commission est alors passée à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE PREMIER

LA RÉSERVE MILITAIRE

Chapitre premier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Section 1

Dispositions communes

Article premier : Principes généraux de la réserve :

La Commission a d’abord adopté deux amendements du rapporteur, l’un précisant de manière explicite que les femmes pourront également être admises dans la réserve, l’autre soulignant la primauté de la Nation sur les forces armées.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Yves Fromion visant à définir dès l’article premier les personnes concernées par l’obligation de disponibilité. M. Michel Dasseux ayant fait observer que les volontaires dont il est question à l’article premier ne sont pas ceux qui ont accompli un volontariat dans les armées mais qu’il s’agissait des volontaires pour servir dans la réserve, eux-mêmes soumis à l’obligation de disponibilité, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur, indiquant que les anciens militaires qui composent la réserve opérationnelle sont soumis à une obligation de disponibilité à l’issue de leur lien au service.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Claude Sandrier précisant que la préparation militaire avait pour objet de pourvoir au recrutement de la réserve et était de ce fait ouverte à tout citoyen. M. Jean-Claude Sandrier ayant fait observer qu’il convenait de mentionner le rôle de la préparation militaire dès l’article premier, M. Robert Poujade a estimé qu’il ne fallait pas pour autant restreindre l’objet de la préparation militaire à la formation des réserves. Craignant que cette précision, sans doute bienvenue, n’alourdisse l’article premier, dont le Président Paul Quilès a relevé la faible valeur normative, M. Michel Dasseux a proposé de transformer cet amendement en un amendement à l’article 3 du projet de loi.

Après un débat au cours duquel sont intervenus MM. Robert Poujade, Robert Gaïa et le Président Paul Quilès, le rapporteur a retiré un amendement précisant que les associations de réservistes ayant droit à la reconnaissance de la Nation respectaient les principes républicains.

La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur, l’un de conséquence relatif au lien entre la Nation et son Armée, l’autre rappelant le caractère national de la défense.

Elle a enfin rejeté un amendement de M. Yves Fromion visant à fixer par décret les avantages s’attachant à la qualité de « partenaires de la défense », M. Michel Dasseux ayant fait observer qu’il convenait de définir ces avantages dans une convention, instrument plus souple que le décret.

La Commission a adopté l’article premier ainsi modifié.

Article 2 : Conditions d’admission dans la réserve :

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. Yves Fromion ouvrant aux ressortissants de l’Union européenne, sous certaines conditions, l’accès à la réserve, M. Robert Gaïa ayant fait remarquer qu’en dépit de son intérêt, cet amendement ouvrait le débat tout différent de la constitution d’une Europe de la défense.

La Commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Modalités d’accès à la première réserve :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à favoriser l’ouverture de la réserve citoyenne à la société civile, M. Michel Dasseux ayant fait observer qu’en l’état actuel du texte, les volontaires civils n’étaient admis que dans la réserve opérationnelle. M. Robert Poujade s’est alors interrogé sur la qualification des deux types de réserve comme réserve opérationnelle et réserve citoyenne.

La Commission a également adopté l’amendement initialement proposé par M. Jean-Claude Sandrier à l’article premier sous-amendé par M. Robert Poujade.

Elle a alors adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Limites d’âge :

La Commission a adopté deux amendements de M. Yves Fromion visant à limiter à certains emplois le report de cinq ans de la limite d’âge des réservistes.

Elle a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Article 5 : Attribution de la qualité de militaire aux réservistes de la première réserve :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, sous-amendé par le Président Paul Quilès.

Elle a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 6 : Participation bénévole à des activités dans la réserve :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rappelant l’importance attachée à toute action susceptible de fortifier le lien entre la Nation et son Armée.

La Commission a ensuite adopté l’article 6 ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné les membres de la mission d’information sur le conflit du Kosovo. Outre le Président Paul Quilès, ont été nommés membres titulaires Mme Martine Lignières-Cassou ainsi que MM. Bernard Grasset, François Lamy, René Galy-Dejean, Pierre Lellouche, Bernard Birsinger, Guy Teissier, Gérard Charasse et Loïc Bouvard. Ont été nommés membres suppléants MM. Bernard Cazeneuve, Georges Lemoine, Christian Franqueville, Jean-Pierre Marché, Jean-Yves Besselat, Charles Cova, Jean-Claude Sandrier, Antoine Carré, François Huwart et Jean-Louis Bernard.

La Commission a également procédé à la désignation de deux rapporteurs d’information sur les actions destinées à renforcer le lien entre la Nation et son armée. Ont été nommés rapporteurs d’information MM. Charles Cova et Bernard Grasset.


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