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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 10 octobre 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

puis de M. Yves Tavernier, vice-Président

SOMMAIRE

 

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Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606) dont la commission est saisie pour avis.

Mme Martine Aubry a tout d'abord souligné que la Commission des comptes de la sécurité sociale a confirmé le retour à l'équilibre de la sécurité sociale, avec un léger excédent en 2000 et en 2001. Le solde devrait, ainsi, être positif avec un montant de 3,3 milliards de francs en 2000, en prenant en compte les deux milliards de francs affectés au financement de l'allocation de rentrée scolaire. Le bon chiffre de l'année 2000 est très proche des prévisions établies au mois de mai, lesquelles s'élevaient à 5 milliards de francs. En 2001, l'excédent prévisionnel devrait atteindre 15,4 milliards de francs, qui seront consacrés à l'amélioration de la situation des assurés et à la préparation de l'avenir, ce qui ramène l'excédent tendanciel à 4,4 milliards de francs. A structure constante, le régime général dégagera, hors fonds de réserve des retraites et budgétisation de l'allocation de rentrée scolaire, 16,2 milliards de francs d'excédents en 2000 et 18,9 milliards de francs en 2001. Ces chiffres, à eux seuls, témoignent du chemin parcouru depuis les années 1996 et 1997. L'ensemble des régimes sociaux dégage environ 45 milliards de francs d'excédent en 2001, soit un demi-point de PIB. Ce bon résultat s'explique, en partie, par le retour de la croissance, mais aussi par les mesures de redressement qui ont été prises (pour un montant d'environ 20 milliards de francs) et les politiques structurelles qui ont été engagées. La Commission des comptes estime, ainsi, que le déficit aurait atteint 20 milliards de francs si aucune mesure n'avait été prise et ce, malgré le retour de la croissance économique. Cette amélioration doit donc s'accompagner de mesures structurelles destinées à maîtriser les dépenses, dans le but notamment de limiter la croissance des dépenses d'assurance maladie. Le redressement des comptes en lui-même n'aurait pas grand sens s'il ne s'était accompagné d'une meilleure protection sociale pour l'ensemble de nos concitoyens et de la prise en compte de certaines évolutions comme celles qui concernent les maladies coûteuses ou la préparation de l'avenir des retraites.

S'agissant, en premier lieu, de la branche famille, l'excédent de 7 milliards de francs doit être mis en regard avec le déficit de 14,5 milliards de francs constaté en 1997. Ce rétablissement des comptes permet de mener une politique ambitieuse, caractérisée notamment par le report à 20 ans de l'âge ouvrant droit au bénéfice des prestations familiales, l'amélioration du complément familial, l'extension de l'allocation de rentrée scolaire et le développement des actions sociales menées par la Caisse nationale d'allocations familiale (CNAF). Les prochaines mesures annoncées lors de la conférence de la famille représentent un coût total de 10,5 milliards de francs qui sera financé à hauteur de 6,8 milliards de francs par l'État et de 3,6 milliards de francs par la branche. Parmi les mesures les plus importantes figurent les actions en faveur de la petite enfance par le biais du fonds d'aide aux crèches ainsi que la réforme des aides au logement.

En deuxième lieu, la politique en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles permet d'améliorer les prestations. On doit souligner, en particulier, la réduction des délais dans lesquels les caisses répondent aux demandes et l'amélioration des aides aux victimes. S'agissant de la question de l'amiante, si beaucoup a déjà été fait, avec notamment le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs victimes de l'amiante, il est aujourd'hui utile de chercher à étendre le champ de la protection à certains établissements actuellement non concernés par l'indemnisation. Les victimes endurent, en effet, des souffrances très lourdes, et il convient de trouver un mode de réparation et de traitement des pathologies adéquat. A cet égard, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont la création est prévue dans le projet de loi, concernera aussi bien les salariés que les agents de l'État. Le financement de ce fonds, doté en 2001 de 2 milliards de francs, sera assuré pour un tiers par l'Etat et pour deux tiers par la branche. De plus, afin de permettre à une réparation plus large des maladies professionnelles, une étude a été demandée au président de la commission spécialisée du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels.

S'agissant de la branche maladie, de nombreuses avancées méritent d'être rappelées, en particulier, l'amélioration de la couverture maladie grâce à la mise en place de la couverture de maladie universelle (CMU) qui concerne aujourd'hui, d'après un bilan de la CNAM, 4,7 millions de personnes. De plus, 10 milliards de francs ont été prévus, sur trois ans, en faveur des hôpitaux. Les priorités du Gouvernement en matière de santé porteront sur l'amélioration des délais de prise en charge, l'équipement sanitaire avec la multiplication par deux des IRM ou le développement de la vaccination contre la grippe. En matière de prévention, la lutte contre le cancer fait l'objet d'un plan ambitieux, privilégiant une approche intégrée de la maladie, s'adressant au malade comme à ses proches, auquel 1,8 milliard de francs sont consacrés. Le projet de loi prévoit également une amélioration de la couverture maladie des non salariés non agricoles.

Il reste que la croissance des dépenses de santé est trop importante. A cet égard, on ne peut que regretter le dépassement de l'ONDAM, qui s'élève, en 2000, à 11 milliards de francs, déduction faite de la contribution due par l'industrie pharmaceutique. La progression de 4% des dépenses de santé en 2000 doit cependant être comparée à la croissance, plus rapide, du PIB (4,7 %). Par conséquent, si les objectifs sont effectivement dépassés, il ne faut pas, pour autant, parler de dérapage dès lors que les dépenses de santé progressent moins vite que la richesse nationale. Cette évolution témoigne d'une certaine rigueur alors même que les soins à prendre en charge sont de plus en plus coûteux. Elle milite, en tous cas, en faveur de la poursuite des politiques structurelles qui ont été engagées. Le dépassement constaté est principalement dû aux dépenses de médicaments (6,2 milliards de francs), aux honoraires de certaines professions médicales (3,8 milliards de francs), aux indemnités journalières (1,7 milliard de francs), et aux dispositifs médicaux (1,6 milliard de francs).

S'agissant de l'hôpital trois priorités demeurent : la réduction des inégalités dans l'accès aux soins ; l'adaptation par rapport aux besoins de la population grâce aux SROS qui ont permis la fermeture de 9.600 lits en trois ans ; enfin, la qualité et la sécurité des soins pour lesquelles un effort important a été consenti, par exemple, à hauteur d'un milliard de francs, en 2000, pour la stérilisation. La mise en place d'une agence technique d'information sur l'hospitalisation permettra d'obtenir des données fiables et claires sur le traitement des pathologies. Par ailleurs, le mouvement de recomposition de l'offre hospitalière se poursuivra avec le soutien du fonds de modernisation des établissements de santé, créé par le présent projet de loi.

Pour ce qui est du médicament, le taux de croissance des dépenses remboursées reste élevé (6 à 7 %) mais il doit être mis en balance avec la croissance plus importante constatée les années précédentes (10 à 12 %). Cette augmentation est en outre plus faible que celle constatée chez nos principaux voisins. Il est nécessaire de mener à bien une politique d'information vis-à-vis de nos concitoyens sur les risques de surconsommation, voire de combinaison de certains produits. L'effort, engagé depuis deux ans et demi, de réévaluation du service médical rendu se poursuit. La Commission de transparence a, ainsi, évalué le service médical rendu pour 2.663 spécialités. Un seul laboratoire a refusé de signer une convention avec le Comité économique des produits de santé permettant de diminuer le prix des spécialités dont le SMR a été jugé insuffisant. Ces diminutions, qui ont été décidées après qu'une procédure contradictoire a été menée avec les laboratoires, doit aboutir à une baisse de 20 % du prix des produits concernés sur trois ans puis au déremboursement de certains produits. Cette politique de transparence et de baisse des coûts ne doit pas faire obstacle au développement de la recherche, et au maintien de prix élevés pour les médicaments innovants. Ces mesures permettront d'aboutir à 1 milliard de francs d'économies en 2001. Le développement des médicaments génériques a, en outre, permis de réduire la dépense de 500 millions de francs en 2000, ce montant pouvant atteindre 1 milliard de francs en 2001. A cet égard, il faut souligner que les pharmaciens jouent le jeu, même si le Gouvernement leur a demandé de ne pas procéder à des substitutions lorsqu'elles peuvent présenter un risque pour le patient. Enfin, le calcul de la contribution de l'industrie pharmaceutique au financement des dépenses de santé, dite « clause de sauvegarde », sera modifié afin de supprimer les actuels effets de seuil.

En ce qui concerne les médecins, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a pris, en application du nouveau dispositif voté l'an dernier, des mesures en réaction aux dépassements dus à certaines dépenses non pharmaceutiques : elle l'a fait sans une concertation préalable suffisante, ce qui est regrettable et ne devrait pas se reproduire, l'explication étant nécessaire à l'acceptation des mesures prises.

La fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2001 répond à la volonté de renforcer l'efficacité du système de santé grâce à une politique structurelle et en tenant compte du cadre économique et financier. Il progresse de 3,5 %, soit 1 % de plus qu'en 2000. En effet, le pays a les moyens de tenir un tel engagement qui permettra de mener à bien de grands programmes comme la lutte contre le cancer et la politique en faveur du développement des greffes. Les établissements médico-sociaux bénéficient de la plus forte hausse, avec une progression de 5,8 %. Pour les hôpitaux, l'ONDAM est de 3,4 %, mais comme les autres ressources des hôpitaux augmenteront moins vite, le montant du forfait hospitalier n'étant pas modifié, les dépenses autorisées progresseront de 3,3 %. Le même objectif de 3,3 % a été retenu pour les cliniques privées qui ont réalisé des efforts importants de mise en réseau avec les hôpitaux publics. Les dépenses de soins de ville pourront croître de 3 %, soit 1 % de plus qu'en 2000. Tous ces objectifs sont réalisables et doivent permettre l'amélioration de la santé des Français.

Les pensions seront revalorisées, en 2001, de 2,2 %, afin que les retraités participent au partage des fruits de la croissance. Leur pouvoir d'achat aura ainsi progressé de 1,2 % depuis 1997. Cette hausse est complétée par la suppression de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) de 0,5 % pour les retraités non assujettis à l'impôt sur le revenu (environ 5 millions de retraités) qui bénéficieront, ainsi, d'un gain de pouvoir d'achat de 2,7 % en 2001. Quant au Fonds de réserve des retraites, il sera abondé par de nouvelles recettes, en particulier celles tirées de la cession des licences de téléphonie mobile de troisième génération. Au total, le Fonds de réserve devrait ainsi bénéficier de 50 milliards de francs de recettes à la fin de l'année 2001.

M. Jérôme Cahuzac, Rapporteur pour avis, a tout d'abord salué, sur le fond, la proposition de supprimer la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) pour les retraités non imposables. En revanche, il existe une question de procédure, compte tenu du fait qu'aucune disposition de la loi organique ne permet de placer la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) dans le champ de la loi de financement, on peut se demander pourquoi cette mesure figure dans le présent projet de loi. Par ailleurs, l'émoi suscité par les supposés dérapages de l'assurance maladie ne laisse d'étonner. En effet, les avancées faites en faveur de l'hôpital ne souffrent guère de critiques, même si un effort plus soutenu mériterait d'être réalisé pour les cliniques privées et si, à ce titre, un abondement plus conséquent du fonds de restructuration favoriserait la mise à niveau de l'ensemble du secteur.

En matière de médecine ambulatoire, il convient, dans le débat, de bien séparer les questions relatives aux honoraires de celles relatives aux médicaments et équipements spécialisés. D'une part, on doit être attentif à ne pas conduire une politique d'honoraires trop stricte ; en effet, limiter l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,5 % revient, compte tenu de l'inflation, de la démographie médicale et de la stabilité du niveau des charges, à réduire le revenu global des professionnels. D'autre part, il faut bien constater un dérapage réel des prix des médicaments. Dans ce domaine, il apparaît nécessaire de ne pas faire peser sur les médecins les hausses de prix imputables à l'industrie pharmaceutique. En outre, le manque d'infirmiers est très préoccupant. Toutes les catégories d'établissements éprouvent aujourd'hui des difficultés de recrutement.

L'État devrait doter le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à hauteur d'un tiers du total, soit 500 millions de francs, qui auraient dû être inscrits dans le projet de loi de finances. Or, cette mesure ne semble pas s'y trouver. Dans ces conditions, comment sera opéré cet abondement ? Enfin, s'agissant des retraites, l'avant-projet de loi de financement, avant son passage en Conseil d'État, prévoyait la création d'une structure de gestion du fonds de réserve. Or, l'article correspondant a été disjoint par la Haute Juridiction. Selon quelles modalités une telle structure, nécessaire, sera mise en place ? Quelles seront ses principales caractéristiques ?

M. Philippe Auberger a regretté que la ministre n'ait pas évoqué dans son propos liminaire la question du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Un établissement public administratif devrait être créé pour gérer ce fonds. Or, il faut savoir précisément comment cet établissement va pouvoir équilibrer ses comptes en 2001, alors même qu'il n'est envisagé d'augmenter la TGAP que dans la loi de finances rectificative de fin d'année et que les recettes du fonds, avant cette loi, ne seront pas examinées. Par ailleurs, il est annoncé qu'une augmentation de la contribution sociale sur les bénéfices permettra d'alimenter également ce fonds. En vertu de quel texte cette augmentation sera-t-elle faite et quelle proportion prendra-t-elle ?

Le Fonds de réserve des retraites devrait être financé, notamment, par un excédent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, par une participation des caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que par le produit de la vente des licences de télécommunications de troisième génération. Or, ce fonds doit déjà disposer de recettes. La question de leur montant et de leur placement mérite d'être posée : elles sont investies en obligations d'État, quel est l'intérêt de créer un fonds spécifique ? Pourquoi aucune annexe explicative au projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a été jusqu'ici fournie pour éclairer le Parlement sur cette question complexe, avant qu'il ne se prononce sur l'affectation du produit de la vente des licences ?

M. Pierre Méhaignerie a souligné que l'équilibre du financement de la sécurité sociale pour 2001 était lié à une prévision de croissance économique forte. Or, il faut constater qu'il existe des goulets d'étranglement à cette croissance. Le déblocage de certaines de ces contraintes dépend très directement de l'action des pouvoirs publics, notamment pour faire face à la pénurie de main d'_uvre dans l'industrie et le bâtiment. Il conviendrait d'appliquer avec plus de souplesse le dispositif des 35 heures, en facilitant, par exemple, le recours aux heures supplémentaires, sans repos compensateur dès lors qu'un accord d'entreprise le prévoit. L'objectif de la politique de l'emploi est de s'acheminer vers un taux de 3 %, voire vers un taux inférieur. Or, il apparaît que le niveau de chômage structurel est aujourd'hui plus élevé. À partir de ce constat, deux questions se posent. En premier lieu, le non-emploi volontaire doit il être indemnisé en permanence ? Ainsi, on a pu relever dans une étude réalisée sur l'agglomération de Rennes que, parmi les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, 600 personnes ayant au moins deux années d'études après le baccalauréat percevaient le RMI depuis plus d'un an et que 75 % des personnes interrogées refusaient tout emploi qui n'appartenait pas au secteur public. Le projet de réduction des taux de cotisations sociales par le biais de la baisse de la contribution sociale généralisée a le mérite d'exister, mais la dégressivité de la réduction entre un SMIC et 1,3 SMIC ne va pas résoudre des phénomènes de trappe à chômage. En second lieu, quel sera le coût budgétaire de l'application des dispositions relatives aux 35 heures au sein de l'administration de l'État, des collectivités locales, des hôpitaux et dans l'administration de la sécurité sociale ?

Le président Henri Emmanuelli a fait remarquer, en citant le département des Landes, que sur le terrain, la réduction de la durée hebdomadaire du travail à 35 heures s'effectuait sans coût budgétaire marginal.

M. Jean-Louis Dumont a souligné l'importance des mécanismes d'aide à domicile sur lesquels il faudrait davantage s'appuyer dans le cadre d'une politique de prévention. Il s'agit d'un élément important dans la politique de l'accompagnement de la famille, du fait du contact direct avec les travailleurs sociaux. Sur trois accords existants dans le domaine associatif, deux sont mis en _uvre sans difficultés, tandis que celui concernant les associations d'aides aux mères posent problème avec les caisses d'allocations familiales. Pourtant la branche famille a dégagé un excédent d'environ sept milliards de francs alors que cent millions de francs suffiraient pour résoudre ce problème et conforter ces associations dont le rôle est fondamental, aussi bien en milieu rural qu'urbain. Un accord de branche semble indispensable pour que les accords locaux puissent prendre toute leur signification et contribuer ainsi à valoriser la politique définie par le Premier ministre, lors de la conférence sur la famille en juin 2000. Par ailleurs, il convient de s'interroger sur l'égal accès aux soins de certains habitants de zones rurales, notamment des chefs d'exploitation handicapés, soumis au régime du forfait agricole, dont l'exploitation est déficitaire et qui ne peuvent pas bénéficier de l'allocation adultes handicapés. Compte tenu des participations importantes du budget annexe des prestations sociales agricoles à la politique de santé, il convient de vérifier que toutes les personnes qui dépendent de ce régime soient traitées d'une manière égalitaire avec les autres assurés sociaux.

M. Gérard Bapt s`est félicité de l'excédent durable des comptes sociaux qui résulte d'une part de la politique gouvernementale et de la croissance économique, et, d'autre part, de réformes structurelles initiées par la ministre depuis son arrivée. Cet excédent contraste avec les déficits qu'elle a trouvés lors de sa prise de fonction. La question des effectifs d'infirmières, aussi bien dans le secteur privé que public, est préoccupante, notamment dans le cadre du passage aux 35 heures. L'augmentation du nombre d'infirmières recrutées permet de répondre aux inquiétudes du secteur hospitalier public. En ce qui concerne les cliniques privées, la réforme du décret de 1956, qui fixait le volume du personnel soignant par rapport aux lits autorisés et non pas en fonction du taux d'occupation, doit aboutir. De plus, il faut améliorer la formation professionnelle, notamment dans le secteur privé, afin d'ouvrir la possibilité aux aides soignants de devenir infirmières. La politique de réduction des disparités régionales menée par le Gouvernement est particulièrement volontariste dans le secteur public. Cependant, dans le secteur privé, des problèmes persistent. L'union hospitalière régionale privée de Midi-Pyrénées a récemment publié un dossier significatif sur le problème des disparités concernant des forfaits ou des tarifs de certaines spécialités. Sur ce plan, un effort tendant à réduire les disparités existantes devrait être fait par les agences régionales d'hospitalisation, qui prennent des responsabilités supplémentaires en matière d'hospitalisation privée, puisque celle-ci participe désormais au service public général, notamment en ce qui concerne les urgences.

M. Gilbert Mitterrand a rappelé que la question de la prévention était au c_ur de la récente discussion parlementaire sur l'interruption de grossesse. Il s'est interrogé sur ce que pourrait être une politique de santé adaptée, compte tenu des effets peut être nocifs de la pilule contraceptive, en particulier en ce qui concerne la lutte contre le cancer féminin, ainsi que sur la politique tarifaire et de remboursement des traitements contraceptifs. Beaucoup de femmes ne peuvent pas s'offrir cette méthode de contraception puisque la Sécurité sociale ne la prend pas en charge.

M. Jean-Jacques Jégou a rappelé les polémiques sur les infirmières libérales et les kinésithérapeutes. Le fait qu'une infirmière assure des soins à domicile parfois jusqu'à quatre fois par jour, ce qui permet d'éviter de longs séjours hospitaliers, prouve la nécessité d'augmenter fortement le volume des soins infirmiers, afin que le nombre de jours d'hospitalisation puisse baisser. En second lieu, il s'est inquiété des problèmes actuels de recrutement de médecins. Des chirurgiens doivent être recrutés hors de France pour compenser des manques dans certaines spécialités, ce qui traduit un problème de formation.

M. Yves Tavernier s'est interrogé sur les mesures relatives aux hôpitaux publics. Certes, le taux directeur sera de 3,3 % avec un ONDAM à 3,5 % et la politique de lutte contre les inégalités entre régions sera poursuivie. Pour autant, les inégalités intra-régionales sont tout aussi préoccupantes que les inégalités entre les régions. Si 1,6 milliard de francs ont été transférés de Paris vers la province depuis trois ans, il convient cependant de veiller à ce qu'existent des marges suffisantes dans chaque région. Par ailleurs, les crédits du FASMO n'ont pas, dans le passé, été consommés en totalité. Dès lors, les règles, récemment modifiées, doivent améliorer cette situation. Enfin, les nombreux protocoles sur l'emploi dans les hôpitaux n'ont pas toujours été suivis d'une augmentation de leurs crédits leur permettant d'assumer ces obligations.

En réponse aux différents intervenants, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- concernant la CRDS, une disposition de coordination figurera dans le projet de loi de finances si nécessaire ;

- il est souhaitable que le fonds de réserve des retraites soit un établissement public distinct du FSV. Il faut aussi que des règles relatives au conseil de surveillance et à la transparence des placements soient mises en place, dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation sociale. Le fonds dispose aujourd'hui de 6,5 milliards de francs, dont 2 milliards provenant de la Caisse des dépôts et consignations, 1,3 milliard provenant de la contribution sur le patrimoine et 200 millions d'intérêts financiers. La contribution des Caisses d'épargne, au titre de l'année 2000 sera versée en fin d'année. Les excédents de la CNAV de 5 milliards de francs en 1999 et de 2,9 milliards en 2000 seront versés dès le mois de décembre. De même, l'État percevra 130 milliards de francs résultant de l'attribution des licences de téléphonie mobile. Le fonds de réserve recevra la moitié des recettes perçues par l'État à ce titre, pour 2000 et 2001. Dès lors, le fonds sera doté de 23 milliards de francs à la fin de l'année 2000 et de 53 ou 54 milliards de francs à la fin de l'année 2001 ;

- en ce qui concerne les difficultés de recrutement des infirmières à l'hôpital et dans les cliniques, il est particulièrement positif que plus de 8000 places aient pu être pourvues par le concours d'avril dernier. 93 % des places offertes ont pu être pourvues, représentant 75 % des places à pourvoir pour toute l'année 2000. Certaines cliniques, connaissant des difficultés de recrutement, bénéficieront de ces nouvelles recrues. Par ailleurs, un arrêté du 21 août 2000 permet aux aides soignantes d'intégrer une école d'infirmières par la voie qualifiante. De même, un décret modifiant un décret de 1956 sur les normes de personnel sera bientôt modifié afin de les déterminer, dans les cliniques, en fonction du nombre de lits occupés et non plus en fonction d'un nombre de lits théoriques. De plus, il sera bientôt possible d'employer dans les cliniques, en tant qu'infirmiers, des étudiants en quatrième année d'études de médecine, comme cela est déjà possible dans les hôpitaux. Des mesures seront prises pour inciter les infirmiers ayant abandonné leur profession à reprendre cette activité. En dernier lieu, il convient de remarquer que si les cliniques ont du mal à recruter des infirmières, c'est aussi parce que les rémunérations proposées dans le secteur privé sont insuffisantes ;

- le fonds de restructuration des cliniques est doté de 100 millions de francs pour 2000 et de 150 millions de francs pour 2001. Les Agences régionales d'hospitalisation estiment ces crédits suffisants, mais ils seraient abondés s'ils s'avéraient finalement insuffisants ;

- en ce qui concerne le financement du fonds sur l'amiante, les 500 millions de francs devraient être inscrits dans la loi de finances rectificative ;

- le FOREC est un établissement public à caractère administratif, présenté dans les annexes au projet de loi de financement. Ce fonds finance les exonérations de cotisations patronales instituées par les deux lois sur la réduction du temps de travail et la ristourne créée par le précédent Gouvernement. Il est a été doté de 64 milliards de francs pour 2000, mais ce chiffre atteindra 67 milliards de francs du fait du succès, plus rapide que prévu, de la réduction du temps de travail. 40.000 entreprises ont signé des accords. En outre, une entreprise sur deux applique un accord de branche prévoyant une réduction du temps de travail. Les dernières estimations montrent que 53 % des salariés travaillent 35 heures, ce taux est de 62 % dans les entreprises de plus de vingt salariés. La hausse des dépenses du FOREC, combinée à la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution sur les heures supplémentaires, a nécessité de modifier les ressources de celui-ci. Désormais, il reçoit essentiellement les droits sur les tabacs. Pour 2001, il sera doté de 85 milliards de francs. L'élargissement de la TGAP sera prévu par la loi de finances rectificative et la participation de l'État reposera sur la taxe sur les véhicules de société et sur une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance. Dès lors, le FOREC ne sera, en aucun cas, financé par des cotisations sociales ;

- la croissance ne suffit pas à assurer l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. C'est l'ensemble des mesures prises qui a permis d'atteindre ce résultat. L'excédent tendanciel de 15 milliards de francs à été ramené à 4 milliards du fait d'une amélioration de la couverture sociale. Par ailleurs, les rapports entre l'État et la Sécurité sociale se clarifient. C'est ainsi que la sécurité sociale a pris en charge des dépenses qui incombaient préalablement à l'État. L'allocation de rentrée scolaire est désormais une prestation pérenne financée par la Sécurité sociale. En revanche, l'État a aidé au financement des 35 heures ;

- le ministère travaille depuis 18 mois avec les différentes professions pour résoudre les problèmes de pénuries de main-d'_uvre. Dans le secteur de l'informatique et des nouvelles technologies, la France, comme les autres pays européens, a sous-estimé les besoins, notamment en diplômés de niveau bac+2. Les organismes de formation professionnelle pourraient d'ailleurs mettre en place rapidement des formations adaptées. Dans le secteur de l'artisanat et du commerce, de nombreux emplois dans le bâtiment, les métiers de bouche ou l'hôtellerie-restauration ne trouvent pas preneurs. L'accord de branche du bâtiment, relatif aux 35 heures, permet de rendre le secteur plus attractif du fait de la réduction du temps de travail. Des campagnes de promotion, en partenariat avec l'UPA, financées par le ministère, permettent de faire connaître aux jeunes ces professions. L'amélioration des conditions de travail, notamment par le biais des 35 heures, doit permettre de rendre plus attractifs les emplois dans ces secteurs et d'éviter ainsi que les apprentis en boulangerie n'aillent travailler dans une grande surface, à l'issue de leur formation. De même, l'abaissement ciblé de la TVA a permis de dynamiser un secteur où 70 % des coûts sont liés au financement de la main-d'_uvre. Il convient d'ailleurs de noter que plus de 50 % des accords de réduction du temps de travail concernent des entreprises employant moins de cinquante salariés et que ce taux est de 35 % pour les entreprises de moins de vingt salariés ;

- après la tempête de décembre 1999, certains avaient proposé de faire venir en France 3000 bûcherons étrangers. Or, 3.800 personnes qualifiées ont été trouvées dans les fichiers de l'ANPE, et au bout du compte, plus de 4.000 embauches ont été effectuées. Seuls 300 bûcherons étrangers, particulièrement qualifiés pour les situations risquées, ont été employés et des formations aux situations dangereuses ont été rapidement dispensées ;

- concernant le « non-travail volontaire », la loi de 1992 permet de contrôler les chômeurs et de sanctionner ceux qui refusent un emploi correspondant à leur qualification. Du fait de l'amélioration de la situation de l'emploi et de la pénurie de main d'_uvre, 55 % des 1,7 million de chômeurs de longue durée concernés par le dispositif « nouveaux emplois, nouveaux services » ont trouvé un emploi après quatre mois. Le chômage de longue durée a d'ailleurs baissé de 23 % quand le taux de chômage baissait de 15 %, ce qui illustre son reflux. Ces chômeurs ont souvent peur de l'échec ;

- le problème des personnes qui se satisfont d'un revenu de transfert alors qu'elles sont en situation de chômage doit effectivement faire l'objet d'un traitement adéquat. Le nombre de bénéficiaires du RMI a cependant diminué, une partie d'entre eux ayant d'ailleurs pu accepter un emploi grâce aux mesures récemment adoptées. C'est dans le même esprit de réduction des « trappes à pauvreté » qu'ont été réformés les régimes des allocations logement et de la taxe d'habitation, et qu'est proposée la ristourne de la CSG sur les rémunérations inférieures à 1,3 SMIC. Il est difficile, aussi, de juger globalement que le RMI constitue une incitation à ne pas reprendre d'emploi, si l'on tient compte du fait que 10  % de la population concernée est allocataire du RMI depuis sa création. Seuls, quelques cas marginaux refusent un travail du fait du RMI ;

- il est vrai qu'il n'existe pas encore d'accord sur les 35 heures pour les emplois à domicile. Il est cependant regrettable que l'exonération de cotisations sociales pour les services à domicile aux personnes âgées, adoptée il y a deux ans, n'ait pas été saisie comme une occasion pour professionnaliser et déprécariser les conditions statutaires d'exercice de ces services, en contrepartie de l'allègement financier accordé ;

- sur la question de l'égal accès aux soins, des efforts d'information des bénéficiaires potentiels restent à faire, notamment en ce qui concerne la CMU ;

- un rééquilibrage a été engagé entre les moyens consacrés aux hôpitaux de province et ceux d'Ile-de-France, et, parmi ceux-ci, entre l'Assistance publique-hopitaux de Paris (AP-HP) et les autres. Mais l'AP-HP n'a toujours pas élaboré le plan stratégique qui lui permettrait de suivre l'évolution qui est demandée aux autres et d'accompagner les efforts louables déjà réalisés par les directeurs des agences régionales hospitalières ou les CHU, y compris en Ile-de-France. L'augmentation de 3,3% de la dotation globale hospitalière devrait permettre de desserrer un peu la contrainte qui pèse sur les hôpitaux, sans pour autant éviter à l'AP de faire les efforts nécessaires. Toutefois, il demeure, naturellement, au sein de celle-ci, des pôles d'excellence qu'il convient de soutenir au mieux ;

- s'agissant du remboursement des contraceptifs de troisième génération, l'industrie pharmaceutique a longtemps pu éviter d'en diminuer les prix dans la mesure où ils n'étaient pas remboursés. Il convient, cependant, de s'interroger sur la réalité de l'innovation qu'ils constituent. Il devrait, en revanche, être possible de produire à relativement court terme un générique de cette famille, ce qui a déjà incité les industriels à une plus grande ouverture d'esprit dans les négociations de prix. Plusieurs rapports ont montré que ces contraceptifs ne présentaient pas d'effets secondaires différents de ceux des produits des précédentes générations. Toutefois, un récent rapport de l'Agence européenne de développement semble souligner l'existence de risques particuliers, ce qui conduit à attendre des précisions sur ce sujet avant de chercher à aller plus loin ;

- il est regrettable que le projet de soins infirmiers, préparé par la CNAM en collaboration avec l'une des fédérations d'infirmières, soit contesté par une autre organisation professionnelle, car ce projet présente des avancées significatives, s'agissant tant de la revalorisation des tarifs que de l'autonomie d'exercice de la profession ;

- en matière de démographie médicale, un groupe de travail associant la CNAM a analysé les risques d'insuffisances d'effectifs à moyen terme dans les différentes spécialités médicales, et a conclu que certains secteurs, notamment l'anesthésie, certaines spécialités chirurgicales et la gynécologie pourraient se voir confrontées à un manque de praticiens. Pour remédier à cette difficulté, le numerus clausus fixé pour les étudiants en médecine a été récemment relevé de 250 places, et certaines spécialités devraient bénéficier d'une revalorisation ;

- les hôpitaux ont réussi à faire face à la fois à l'accroissement du flux de malades et aux nouvelles obligations de qualité qui s'imposent à eux. Des efforts supplémentaires doivent cependant être encore recherchés, par exemple en matière de stérilisation, à condition d'être mieux ciblés que par le passé ;

- les critères d'utilisation des crédits du FASMO ont été assouplis de façon à permettre leur mobilisation, leur consommation demeurant effectivement faible.

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