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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 42

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 avril 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de loi de M. Georges SARRE, tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques (n° 2767) .

- Examen pour avis du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne (n° 2938)

- Informations relatives à la Commission


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La Commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Georges Sarre, la proposition de loi de M. Georges Sarre tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques (n° 2767).

M. Georges Sarre, rapporteur, a souligné l'extrême simplicité de cette proposition de loi, destinée à faciliter la vie quotidienne de la grande majorité des Français. Son objet est triple : d'une part, affirmer le droit au chéquier pour tous les titulaires d'un compte qui ne sont pas interdits bancaires, d'autre part, réaffirmer la gratuité de la délivrance des chéquiers et, enfin, inscrire dans la loi le principe de la gratuité de l'émission et du traitement des chèques.

Le Rapporteur a d'abord rappelé que le chèque demeurait l'instrument de paiement le plus utilisé dans notre pays. En 1999, près de 5 milliards de chèques ont ainsi été émis. D'après des statistiques internationales, les Français sont les plus importants utilisateurs de chèques de la zone euro. En 1998, ils ont réalisé 82,7 règlements par chèque en moyenne, loin devant les autres Européens. Seuls les Américains sont de plus gros émetteurs de chèques, en raison notamment du paiement fréquent des salaires par ce moyen.

Ces chiffres expliquent évidemment la sensibilité de nos compatriotes vis-à-vis de tout projet tendant à revenir sur la gratuité des chèques. Cette sensibilité est d'autant plus vive qu'ils connaissent la propension des banques à discriminer les règles applicables selon la richesse de leurs clients. Tout le monde sait bien que les ménages les plus modestes supporteraient le plus une telle mesure, parce qu'ils bénéficieraient d'un volant de chèques gratuits plus faible que les clients plus fortunés, et qu'ils auraient des difficultés à utiliser d'autres moyens de paiement.

C'est pourquoi, la proposition de loi entend mettre un point final à un débat récurrent qui n'a que trop duré. Ce débat a, en effet, après une première tentative avortée en 1986, repris une nouvelle vigueur dans le contexte de la mise en place de la monnaie unique européenne. Ce faisant, cette proposition de loi ne fait que concrétiser la position que le Gouvernement a exposée à plusieurs reprises au cours des derniers mois, par les voix de MM. Laurent Fabius et François Patriat.

M. Georges Sarre a estimé que les justifications avancées en faveur d'une éventuelle tarification des chèques ne sont pas convaincantes.

Les banques mettent d'abord en avant le coût que représente pour elles le traitement des chèques. Les résultats enregistrés en 1999 et 2000 par les principales banques françaises relativisent l'argument très ancien selon lequel ce coût constitue un handicap face à la concurrence des autres banques européennes. De plus, les estimations de ce coût sont vivement contestées par certaines associations de consommateurs, ce qui illustre le manque de transparence des banques sur ce point.

Au-delà de la querelle sur les chiffres, le Rapporteur s'est surtout étonné de la permanence de ce coût (3 à 5 francs par chèque), comme si le traitement du chèque était la seule opération bancaire qui n'aurait connu aucun gain de productivité et pour laquelle le simple amortissement des équipements utilisés n'aurait conduit à aucune réduction des frais. Par ailleurs, le projet, en cours, de mise en place de l'échange d'images chèques devrait réduire sensiblement le coût du traitement.

M. Georges Sarre s'est déclaré tout aussi peu convaincu par les arguments liés au droit communautaire et à la mise en place de l'euro. Si la levée de l'interdiction de la rémunération des dépôts à vue est inéluctable à brève échéance à compter du 1er janvier prochain, elle ne signifie pas pour autant obligation de les rémunérer et n'entraîne pas ipso facto la tarification des chèques, qui ne constituent qu'un des éléments des services offerts par les banques à leurs clients.

Le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que notre pays maintienne la gratuité des chèques et impose une telle règle aux banques étrangères qui y travaillent. Si la deuxième directive bancaire de 1989 rappelle « que les activités bénéficiant de la reconnaissance mutuelle doivent pouvoir être exercées de la même manière que dans l'État membre d'origine », des dérogations restent possibles si elles sont fondées sur des « dispositions légales d'intérêt général en vigueur dans l'État membre d'accueil ». Ces dispositions doivent répondre à la logique du droit communautaire, qui exige que soit démontré leur caractère non discriminatoire, légitime et proportionné à l'objectif poursuivi. Or, jusqu'à présent, la Cour de justice des Communautés européennes a parfaitement admis que la protection des consommateurs justifie de telles dispositions. De plus, le chèque n'étant pas un moyen de paiement internationalement accepté, la Commission européenne a toujours affirmé que le problème de sa gratuité relevait des législations nationales et aucune harmonisation des législations européennes le concernant n'est actuellement en préparation.

Il n'y a pas non plus de fatalité économique entre la disparition de l'interdiction de rémunération des dépôts et la tarification des chèques, tant il est difficile de présager des réactions des banques et de leurs clients à cette nouvelle situation.

Les consommateurs seront-ils vraiment demandeurs d'une telle rémunération, surtout si celle-ci doit s'accompagner, en contrepartie, de la tarification des chèques, alors que les taux de rémunération probables sont trop faibles pour que cette rémunération dépasse quelques dizaines de francs, chaque année, pour la plupart des titulaires de compte ? Les banques sont-elles vraiment prêtes à prendre le risque de mécontenter leur clientèle, alors que certaines d'entre elles, telles que le Crédit mutuel de Bretagne, ont déjà présenté des offres fondées sur la gratuité totale de la gestion des comptes à vue et sur l'absence de rémunération ?

En conclusion, le Rapporteur a demandé à la commission d'adopter cette proposition de loi, tout en reconnaissant qu'elle ne constitue qu'un élément du dossier plus large de l'indispensable amélioration des relations entre les banques et leurs clients, notamment au travers de la remise sur le métier du service bancaire de base et de la soumission des banques au droit de la consommation.

M. Jean-Louis Idiart a rappelé que les banques ne se sont pas pour l'instant aventurées à faire payer les chèques. Cependant, elles présentent l'arrivée des chèques payants comme une échéance inéluctable. Après l'échec de la mission de concertation sur la tarification bancaire, conduite par M. Benoît Jolivet, le décret du 17 janvier 2001 a défini la consistance du service bancaire de base, pour les personnes bénéficiant de la procédure du droit au compte. Par ailleurs, la politique commerciale des banques sera soumise au droit commun de la consommation. Le dépôt d'un amendement en ce sens, envisagé en nouvelle lecture du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, n'a finalement pas été possible pour des raisons de recevabilité. Un nouveau dispositif est intégré au projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

La volonté commune du Gouvernement et du groupe socialiste consiste à maintenir la gratuité des chèques. Le lancement de l'euro va inévitablement accroître la concurrence entre les banques européennes, ce qui pourrait entraîner la rémunération des comptes courants ; rendre, en contrepartie, les chèques payants pourrait constituer pour les banques une compensation. Or, la rémunération des comptes courants ne s'effectuera qu'au profit des clients aisés, alors que ce sont les personnes aux revenus modestes qui ont le plus recours aux chèques. Celles-ci se retrouveraient en quelque sorte « piégées » par la tarification des chèques, puisque certaines transactions, tel le paiement du loyer, se font par ce moyen. Il semble donc assez probable que les ménages aisés sauront, beaucoup plus facilement que les ménages modestes, s'accommoder de la tarification des chèques ceci d'autant plus que les banques, soucieuses de conserver cette clientèle, sauront lui proposer des offres commerciales avantageuses. C'est pourquoi le groupe socialiste souhaite faire le choix de la prudence en maintenant, par le vote de cette proposition de loi, la gratuité des chèques actuellement pratiquée, rejoignant ainsi la volonté du Gouvernement.

M. Pierre Hériaud s'est interrogé sur l'absence de toute référence à la Banque de France dans la proposition et sur la signification exacte de la notion de « traitement » des chèques. Par ailleurs, il s'est étonné de voir cette discussion s'engager sur une proposition de loi alors que le Gouvernement vient de déposer un projet de loi abordant les mêmes thèmes.

M. Alain Rodet a approuvé le principe la proposition de loi. Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur l'évolution de l'utilisation des chèques depuis 1986. Il s'est également interrogé sur la pertinence de dissocier les règles respectivement applicables au chèque et à la carte bancaire.

M. Michel Bouvard a indiqué que le groupe RPR était favorable à l'objet de la proposition, soulignant que le chèque demeurait le mode de règlement principal pour les familles à revenus modestes et que les autres prestations bancaires étaient déjà payantes. Cependant, il a estimé que l'insertion de cette disposition dans le projet de loi portant diverses mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier serait de meilleure méthode législative.

Sans entrer dans des considérations juridiques quant à la compatibilité de la proposition de loi avec le droit communautaire, M. Jean-Jacques Jégou a estimé que ce texte était assez démagogique ; pourquoi rendre le chèque gratuit, alors que les ménages aux revenus les plus modestes paient l'abonnement au téléphone, à l'eau et à l'électricité, certes à un taux réduit ? Affirmer la gratuité des chèques pourrait comporter des risques de déresponsabilisation de certains usagers, les aider à gérer leur budget serait une tâche plus vaste et plus ambitieuse. Les services proposés par les banques sont aujourd'hui, dans la plus stricte légalité, l'objet d'une tarification globale, le coût global étant accepté par le client. Cela n'a guère de sens d'insister sur la gratuité du chèque alors que, par exemple, un chèque sans provision peut entraîner le paiement de pénalités à hauteur de 250 francs, même si son montant est inférieur à cette somme. La proposition ne règle pas de tels cas et ne donne pas à certains ménages des moyens de maîtriser leur budget, ce qui serait nécessaire.

M. Jean-Pierre Brard a observé que l'échec de la mission dirigée par M. Benoît Jolivet incombait aux banques et que, si les chèques représentent un coût pour elles, ils ne les empêchent pas de dégager des profits non négligeables, comme l'attestent les excellents résultats qu'elles ont récemment affichés.

En réponse aux intervenants, M. Georges Sarre, rapporteur, a précisé que l'amendement de rédaction globale qu'il propose répond aux observations de M. Pierre Hériaud. Le nombre de chèques utilisés reste relativement stable depuis 1986 et n'enregistre qu'une légère diminution. L'adoption de la proposition de loi n'est en rien contradictoire avec l'examen des dispositions relatives aux relations entre les banques et leur clientèle, inclues dans le projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier. Ce projet de loi comporte également la réduction des pénalités et des frais imposés par les banques en cas de chèque sans provision.

M. Jean-Jacques Jégou a demandé, compte tenu de l'existence de conventions de tarification globale, ce qu'il adviendrait des contrats en cours incluant à la fois le prix des chèques et le coût de la gestion globale du compte-client.

Le Président Henri Emmanuelli a répondu que, dès l'entrée en vigueur de la loi, toute clause contractuelle contraire à celle-ci serait nulle.

La Commission a ensuite abordé l'examen de l'article unique.

Article unique : Principe de gratuité des chèques

M. Georges Sarre, rapporteur, a présenté son amendement qui vise à tenir compte de la codification dans le nouveau code monétaire et financier de l'essentiel des dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935 et de la loi bancaire du 24 janvier 1984. Le deuxième objectif de cet amendement est d'insérer ces nouvelles dispositions non pas à l'article L. 312-1 du code relatif au droit au compte, comme le faisait la rédaction initiale, mais à l'article L. 131-71 qui comporte les dispositions actuelles en matière de délivrance de chéquiers. Enfin, il lève une ambiguïté rédactionnelle en précisant que la gratuité porte non seulement sur le traitement des chèques par l'établissement bancaire, mais aussi sur l'émission des chèques par le titulaire du compte.

La commission a adopté cet amendement, rédigeant ainsi l'article unique.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Michel Inschauspé soutenu par M. Arthur Dehaine, portant alinéa additionnel visant à aligner le taux de rémunération des comptes sur livrets d'épargne non défiscalisés sur celui des livrets A défiscalisés.

La commission a adopté la proposition de loi, ainsi modifiée.

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La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur, le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne (n° 2938).

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a noté qu'en matière de sécurité des cartes bancaires, une vive inquiétude avait été ressentie, ces derniers mois, par le grand public et largement médiatisée, notamment à l'occasion de l'affaire « Humpich » et de sa gestion maladroite par le Groupement des cartes bancaires.

Afin de maintenir la confiance dans un instrument de paiement qui a permis de réaliser 26% des paiements en 1999 et de ne pas porter atteinte à l'industrie française de la puce, il était donc essentiel de réagir rapidement. C'est pourquoi il avait proposé, en mai 2000, de travailler sur ce problème, ce qui a conduit la Commission des finances à le charger d'un rapport d'information, dont le rapport pour avis sur le présent projet de loi constitue, en quelque sorte, un rapport d'étape. Il a ajouté que son intention n'était pas de mettre en cause la carte à puce et que, d'ailleurs, toutes les auditions qu'il a réalisées confirment la fiabilité de ce moyen de paiement.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement, sous l'impulsion de Mme Marylise Lebranchu, alors secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, s'était également saisie du problème et que diverses mesures de sécurisation ont été prises par MM. Laurent Fabius et François Patriat le 22 février dernier. Ont ainsi été annoncées les mesures législatives figurant dans le présent projet de loi et divers engagements des professionnels concernés, formalisés par la signature de deux chartes. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a alors clairement mentionné qu'il s'agissait d'un premier train de mesures ayant vocation à être prolongé.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a considéré qu'il est possible, dès à présent, de compléter le dispositif législatif proposé, en prévoyant, d'une part, de conforter les compétences de la Banque de France, et, d'autre part, de renforcer la protection des consommateurs.

Il serait ainsi utile de rendre obligatoire la publication au Journal officiel des avis négatifs que la Banque de France est susceptible d'émettre. Surtout, la Banque de France doit être dotée d'un véritable pouvoir d'opposition à la mise en service de tout moyen de paiement insuffisamment sécurisé. Un tel pouvoir aurait probablement évité l'affaire « Humpich », qui n'a pu survenir qu'à la suite de l'inaction du Groupement des cartes bancaires, pourtant informé depuis 1988 d'une faille dans son dispositif. La Banque de France doit également pouvoir disposer de capacités d'expertise et de communication d'informations étendues aux terminaux associés aux moyens de paiement. La création de deux nouveaux organismes - l'Observatoire de la sécurité des cartes bancaires et le Comité de veille technologique pour les systèmes de paiement - apparaît également nécessaire pour assister la Banque de France dans ses nouvelles missions.

Le dispositif gouvernemental peut, par ailleurs, être complété pour accroître la protection des titulaires de carte. C'est ainsi que la franchise supportée par le porteur en cas de perte ou de vol ne doit pas excéder 150 euros, montant conforme à une recommandation de la Commission européenne du 30 juillet 1997. Un délai raisonnable, de deux jours francs, doit aussi être accordé au porteur pour effectuer la mise en opposition. En outre, la responsabilité du porteur ne doit pas être engagée en cas d'utilisation frauduleuse de sa carte et l'émetteur doit lui rembourser aussi bien les préjudices directs que les préjudices indirects. Dans le même esprit, il conviendrait d'uniformiser le délai de contestation à 120 jours à compter de la date de l'opération contestée. Il serait, enfin, judicieux d'assurer l'information systématique des titulaires de carte sur les nouvelles versions du contrat « porteur ».

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué que, le 22 février dernier, une charte a été signée entre le Gouvernement et le Groupement des cartes bancaires, aux fins d'améliorer les services rendus, notamment dans le domaine de la sécurité. Bien que les cartes à puce apportent déjà une réelle garantie, les professions concernées se sont engagées à effectuer des investissements pour sécuriser le service à hauteur de 7 milliards de francs sur sept ans. S'agissant de la détermination du montant de la franchise et du délai d'opposition, la réduction de la franchise devrait être associée à la réduction du délai pour faire opposition. Or, l'Autorité de régulation des télécommunications s'opposerait à la mise en circulation d'un numéro de téléphone à trois chiffres pour faciliter les opérations de mise en opposition. Enfin, le nouveau rôle confié à la Banque de France paraît contestable, dans la mesure où elle serait juge et partie puisqu'elle est membre du Groupement des cartes bancaires. Sous ces réserves, le texte n'appellerait pas d'opposition particulière.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles 7 à 12 et 16, dont elle est saisie pour avis.

Article 7 : Modification des clauses autorisant l'opposition au paiement par carte :

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Jacques Jégou, visant à préciser que seuls les cas d'utilisation frauduleuse du numéro de la carte permettent de faire opposition, en dehors des hypothèses du vol et de la perte.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, s'est opposé à l'amendement, qui correspond à une interprétation restrictive des cas d'opposition, alors que la rédaction proposée permet une application plus large.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 7.

Après l'article 7 :

La Commission a examiné, en discussion commune, deux amendements présentés respectivement par M. Jean-Pierre Brard et Mme Nicole Bricq, visant à introduire un article additionnel qui ramènerait à 150 euros, au lieu de 400 euros, le montant de la franchise laissée à la charge des porteurs pour ce qui concerne la fraude antérieure à la déclaration de perte ou de vol et à prolonger de 24 heures le délai pour faire opposition, en le portant à deux jours francs.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a précisé que le montant de la franchise proposé par son amendement est conforme aux recommandations des autorités communautaires et qu'il est curieux de constater que les banquiers se soumettent à ces recommandations uniquement lorsqu'elles leur conviennent. Il a ajouté que les porteurs de cartes American Express n'encourent qu'une franchise de 250 francs en cas de perte ou de vol, pour les paiements effectués.

Mme Nicole Bricq a observé que les deux amendements reflètent une revendication unanime des associations de défense des consommateurs, notamment en ce qui concerne la prolongation du délai d'opposition. Il serait, cependant, préférable de ne pas retenir la notion de « négligence extrême » mentionnée dans l'amendement de M. Jean-Pierre Brard, son contenu juridique étant plus qu'incertain.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que l'octroi du bénéfice de la franchise aux porteurs faisant opposition dans le délai de deux jours accroîtrait le risque de man_uvres frauduleuses. La réduction à 150 euros de la franchise serait acceptable, à la condition que le propriétaire de la carte puisse prouver qu'il a tout mis en _uvre pour faire opposition dans les délais les plus brefs.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a rappelé que le texte en discussion concerne l'utilisation de la carte en cas de vol ou de perte et non une autre forme d'utilisation frauduleuse. De surcroît, le numéro de téléphone unique pour faire opposition existe déjà et figure sur tous les distributeurs de billets. S'agissant des chartes du 22 février dernier, elles ont été signées par les représentants des professions bancaires, d'une part, et par le Conseil du commerce de France, d'autre part, et non entre le Gouvernement et le Groupement des cartes bancaires. Ce dernier s'est engagé à mettre réellement en _uvre des engagements précédents non tenus, par exemple en matière de sécurisation de tous les distributeurs automatiques de billets, qui devraient tous être prochainement équipés pour lire la puce.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a également précisé qu'une « négligence extrême » constituait une faute lourde et que cette notion figurait dans la recommandation de la Commission européenne du 30 juillet 1997. La France souhaite, en effet, une extension des cartes à puces dans le cadre du marché communautaire, en s'inspirant des règles communautaires. Il a ajouté que le texte du projet de loi visait à assurer, lorsqu'un dysfonctionnement d'un moyen de paiement est détecté, une publication de cette information, ainsi que celle de la mise en conformité du niveau de sécurité lorsque celle-ci est rétablie. Cette mesure est donc de nature à assurer notamment une transparence du Groupement des cartes bancaires.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a aussi souligné que la mise en opposition dans les quarante-huit heures lui paraissait de nature à limiter sensiblement un usage frauduleux des cartes à puce.

Rappelant que le montant annuel de cette fraude s'élevait en France à 250 millions de francs pour les paiements, M. Jean-Jacques Jégou a souhaité savoir à combien elle se montait aux Etats-Unis.

M. Pierre Hériaud a précisé que la fraude aux Etats-Unis était environ dix fois plus élevée qu'en France, où elle avait particulièrement diminué ces dix dernières années.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a précisé, à cet égard, que d'après le Groupement des cartes bancaires, la fraude ne soulevait de véritable problème économique aux établissements bancaires qu'au-delà d'un taux de 0,03% - 0,04%. Le taux de fraude quantifiée par le Groupement ne prend d'ailleurs en compte que la fraude mise à la charge des établissements bancaires, et non pas celle à la charge des porteurs de cartes ou des commerçants. De manière plus générale, il a souligné que les dispositions du projet de loi visaient à responsabiliser l'ensemble des parties intéressées au fonctionnement des cartes à puce, qu'il s'agisse des particuliers, des commerçants ou des établissements bancaires, et d'anticiper les risques de fraude liés à l'évolution technologique. Il est vrai, enfin, que, sur les sept prochaines années, sept milliards de francs d'investissements seront nécessaires pour sécuriser les cartes bancaires, mais l'essentiel de ces sommes sera à la charge des commerçants, et non à celle des établissements bancaires.

Après que Mme Nicole Bricq eut souligné l'absence de définition juridique précise de la notion de « négligence extrême », M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a indiqué que celle-ci ne manquait pas de pertinence : en retenant une notion figurant d'ores et déjà dans le droit communautaire, le législateur incitera ainsi le juge à l'interpréter de manière constructive.

Le Président Henri Emmanuelli a fait valoir qu'en l'absence de définition de la notion de « négligence extrême », le législateur laisserait à la jurisprudence le soin de préciser le dispositif envisagé.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné les risques du dispositif retenu : la fixation du montant de la franchise à 150 euros, au lieu de 400 euros actuellement, en cas de perte ou de vol, et l'octroi de deux jours francs au titulaire, au lieu de 24 heures actuellement, pour effectuer la mise en opposition constituent un risque supplémentaire de fraude, dont on ne sait qui, des commerçants ou du Groupement des cartes bancaires, en supportera le coût.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a contesté cette appréciation, faisant valoir que les porteurs d'une carte « American express » n'encourent qu'une franchise de 250 francs pour les paiements, mesure qui ne semble pas avoir été source de phénomènes massifs de fraude.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé, à cet égard, que l'importance de la fraude à la carte bancaire avait sensiblement diminué en France au cours des dix dernières années, passant d'un rapport de dix à un.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a souligné que les dispositions prévues au titre du présent projet de loi permettraient de renforcer sensiblement les mesures visant à prévenir ces risques de fraude. Il a, néanmoins, proposé de rectifier son amendement afin de préciser que le titulaire d'une carte ne bénéficie d'aucune franchise s'il a agi avec une négligence « constituant une faute lourde ».

La Commission a adopté l'amendement de M. Jean-Pierre Brard et a rejeté l'amendement de Mme Nicole Bricq.

La Commission a ensuite examiné, en discussion commune, deux amendements présentés par M. Jean-Pierre Brard et Mme Nicole Bricq, tendant respectivement, pour le premier, à affirmer, conformément aux termes de la recommandation de la Commission européenne du 30 juillet 1997, l'absence de responsabilité du titulaire de la carte en cas d'utilisation frauduleuse de sa carte, et pour le second, à définir les modalités de recréditation du compte bancaire d'une personne victime d'une utilisation frauduleuse de sa carte dans le cadre d'un contrat de vente à distance.

Après que M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, eut précisé que ce second dispositif était d'une portée plus limitée, la Commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur pour avis et a rejeté l'amendement de Mme Nicole Bricq.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard, proposant de rembourser les préjudices directs et indirects subis par le porteur d'une carte de paiement ou de retrait ayant fait l'objet d'une utilisation frauduleuse.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a précisé qu'ainsi les titulaires n'auraient à supporter ni le montant des paiements ou des retraits frauduleux et, le cas échéant, des agios, ni les frais de mise en opposition et de renouvellement de la carte.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Pierre Brard, tendant à uniformiser le délai de contestation accordé au porteur, en le fixant à 120 jours.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard, visant à permettre au titulaire de la carte de bénéficier de la version la plus récente du contrat, puisque ce dernier est régulièrement modifié.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a rappelé que le contrat porteur « CB » en était à sa septième version et devrait prochainement faire l'objet d'une huitième version. Il a précisé que, dans un souci de responsabilisation du porteur, les modifications apportées par l'émetteur aux conditions du contrat seraient portées à la connaissance du titulaire de la carte, ce dernier disposant d'un délai d'un mois pour manifester son accord.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel de M. Jean-Pierre Brard, insérant un titre de section après l'article L. 121-82 du code de la consommation.

Article 8 : Renforcement des pouvoirs de la Banque de France en matière de sécurité des moyens de paiement :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Jégou, tendant à supprimer les dispositions prévoyant que la Banque de France s'assure de la pertinence des normes applicables en matière de sécurité des paiements.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé, tout d'abord, que la Banque de France n'était pas habilitée à intervenir à l'encontre des émetteurs étrangers puisque la loi de 1993, portant statut de la Banque de France, ne comprenait pas cette mission, et, ensuite, qu'en tant que membre du Groupement des cartes bancaires, elle serait, en quelque sorte, juge et partie.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a observé que la Banque de France était seulement observateur au sein du Groupement des cartes bancaires.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Jacques Jégou, visant à supprimer les dispositions aux termes desquelles la Banque de France disposerait de la possibilité de formuler un avis négatif à l'encontre de la sécurité d'un moyen de paiement et de rendre cet avis public.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que les émetteurs de moyens de paiement n'auraient aucun recours pour contester cet avis.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a souligné que l'avis publié n'aurait pas de valeur juridique, mais aurait certainement un fort impact moral.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé que la Banque de France avait pour mission de dresser la liste des interdits bancaires et qu'en conséquence il n'y avait pas d'objection déontologique à ce qu'elle puisse se prononcer sur la sécurité des moyens de paiement.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a souhaité que le système français soit progressivement étendu à l'Union européenne et a estimé qu'une telle procédure valoriserait et validerait notre technologie. Il a rappelé, en outre, qu'il proposait deux mesures importantes en la matière, à savoir la création de l'Observatoire de la sécurité des cartes bancaires et d'un Comité de veille technologique pour les systèmes de paiement.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, visant à rendre obligatoire la publication des avis négatifs par une insertion au Journal officiel.

Elle a ensuite adopté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, autorisant la Banque de France à s'opposer à la mise à disposition du public de toute carte de paiement dont les fonctions de sécurité seraient insuffisantes, un amendement de Mme Nicole Bricq, tendant au même objet étant considéré comme satisfait.

La Commission a adopté un amendement de M. Jean-Pierre Brard, étendant aux terminaux ou aux dispositifs techniques associés aux moyens de paiement, les compétences de la Banque de France en matière d'expertise et de communication d'informations.

La Commission a ensuite examiné deux amendements, visant à créer un Observatoire de la sécurité des cartes bancaires :

- l'un, présenté par M. Jean-Pierre Brard, visant à confier à la Banque de France la présidence de l'observatoire, le secrétariat de ce dernier étant confié à un représentant des associations de consommateurs ;

- l'autre, présenté par Mme Nicole Bricq, tendant à confier à la Banque de France le secrétariat général de cet observatoire, sa présidence étant assurée par une personne qualifiée choisie parmi les membres de l'observatoire.

Mme Nicole Bricq a indiqué que son amendement laissait davantage ouvert le choix du président, même s'il n'était pas certain que les associations de consommateurs désireraient assurer cette fonction.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a déclaré préférer sa rédaction, même si la discussion pourrait utilement se prolonger en séance publique.

La Commission a rejeté l'amendement de Mme Nicole Bricq et a adopté l'amendement de M. Jean-Pierre Brard.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard, proposant d'instituer un Comité de veille technologique pour les systèmes de paiement, dont le secrétariat serait assuré par la Banque de France, et qui serait composé de représentants des administrations concernées et chargé de proposer des moyens de lutter contre les atteintes d'ordre technologique à la sécurité des systèmes de paiement.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a considéré qu'il s'agissait de permettre aux administrations chargées de la lutte contre la fraude d'être informées au mieux des avancées réalisées par les pirates informatiques et d'élaborer en concertation des moyens de lutte contre ces attaques.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur l'opportunité de confier à la Banque de France, dans le cadre d'un nouvel organisme, un rôle qu'elle exerce déjà au sein d'un organisme similaire existant, rattaché au Secrétariat général de la Défense nationale. Les données concernant la sécurité des systèmes de paiement sont, par ailleurs, extrêmement confidentielles et doivent faire l'objet de la diffusion la plus restreinte possible.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a indiqué que le rôle de la Banque de France dans le comité dépendant du ministère de la Défense était extrêmement informel et que, par ailleurs, la composition du Comité de veille technologique serait extrêmement restreinte en étant limitée aux représentants des ministères concernés, notamment la Justice, les Finances et l'Intérieur.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que des questions de ce type ne pouvaient pas être utilement abordées dans ce genre de « happening » de fonctionnaires.

Le Président Henri Emmanuelli a rappelé que le comité dépendant du Secrétariat général de la Défense nationale s'occupait seulement de cryptologie, et non de la sécurité des systèmes de paiement.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a jugé important que la Banque de France soit associée à ce Comité de veille technologique et qu'il convenait d'associer aussi étroitement que possible les différentes administrations, dans la mesure où l'insuffisance de coopération favorisait toujours les fraudeurs.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que le Groupement des cartes bancaires constituerait sans doute le meilleur cadre pour la discussion de ce type de problème.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a précisé que ce Groupement pourrait bien évidemment communiquer éventuellement les informations en sa possession. Par ailleurs, la Banque de France assurerait le secrétariat de ce comité, mais n'en assurerait pas la direction.

Le Président Henri Emmanuelli a jugé souhaitable que la direction effective de ce comité soit confiée à l'administration chargée de la répression des infractions en matière de moyens de paiement, à savoir le ministère de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, a souligné le parallèle entre le dispositif proposé par son amendement et les principes appliqués en matière de lutte contre la fausse monnaie, où la Banque de France assume un rôle éminent sans pour autant être investie du pouvoir de réprimer les infractions y afférentes, qui reste une prérogative étatique.

La Commission a adopté cet amendement, puis a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 8.

Article 9 : Renforcement de la répression de la falsification ou de la contrefaçon des instruments de la monnaie scripturale :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Jacques Jégou, tendant à élargir la définition des actes préparatoires à la contrefaçon ou la falsification des moyens de paiement autres que les espèces, M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis, ayant fait valoir que cet élargissement conduirait à incriminer, le cas échéant, les fournisseurs d'accès à Internet et les gestionnaires de « portails » Internet dont les services auraient été utilisés pour accéder à des sites fournissant des données conçues ou spécialement adaptées pour commettre des fraudes.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 9.

Article 10 : Confiscation et destruction des moyens permettant la contrefaçon ou la falsification de la monnaie scripturale :

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 10.

Article 11 : Peines complémentaires :

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 11.

Article 12 : Instauration de la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions relatives aux chèques et aux cartes de paiement :

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 12.

Article 16 : Application à l'outre-mer des dispositions des chapitres II et III du projet de loi :

La Commission a adopté trois amendements de coordination, puis émis un avis favorable à l'adoption de l'article 16.

Informations relatives à la Commission

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a nommé :

Mme Nicole Bricq rapporteure sur le projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique financier (n° 2990).

M. Jean-Pierre Brard rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne (n° 2938).

M. Georges Sarre rapporteur sur la proposition de loi de M. Georges Sarre tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques (n° 2767).

Elle a également désigné, pour siéger à une commission mixte paritaire, sur le projet de loi portant création d'un crédit d'impôt en faveur de l'activité (n° 2972) : MM. Henri Emmanuelli, Didier Migaud, Mme Nicole Bricq, MM. Gilles Carrez, Jacques Barrot, Maxime Gremetz et Jean Pontier comme candidats titulaires ; MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Marie Le Guen, Jean-Louis Idiart, Yves Deniaud, Arthur Dehaine, Charles de Courson et Gilbert Gantier comme candidats suppléants.


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