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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 56

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 juin 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de MM. Jean-Pierre Balligand, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et Daniel Lebègue, Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de MM. Jean-Pierre Balligand, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations et Daniel Lebègue, Directeur général de cette Caisse.

M. Jean-Pierre Balligand a expliqué que, dans un contexte exigeant, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a poursuivi la mise en _uvre de ses projets stratégiques et consolidé son résultat. Le contexte actuel est d'abord marqué par une forte influence de la dynamique européenne sur les règles du jeu, qui crée des impératifs de transparence sur les aides de l'État et implique une séparation des activités d'intérêt général et des activités concurrentielles et le respect, par l'ensemble des acteurs bancaires, d'un corps de règles communes. Par ailleurs, on observe une concurrence et une concentration accrues dans le secteur bancaire, conjuguées avec une exigence croissante de contrôle par les autorités de régulation. Le projet stratégique de la CDC, qui a été approuvé par la Commission de surveillance lors de sa séance du 20 octobre 1999 repose sur quatre axes : la consolidation de ses missions publiques et d'intérêt général, le développement de ses métiers concurrentiels dans un souci de transparence de sécurité et de maîtrise des risques, le renforcement de ses partenariats et la modernisation du management et du pilotage du groupe.

En 2000, la CDC a clarifié son organisation en séparant nettement ses métiers financiers concurrentiels, avec la création de CDC-IXIS, de ses missions de service public et d'intérêt général. Elle a renforcé ses missions publiques, avec l'augmentation des engagements d'investissements dans les programmes d'intérêt général qu'elle gère (1,2 milliard de francs), par la croissance des versements de prêts sur fonds d'épargne (29,1 milliards de francs) en faveur du logement social, dont les concours évoluent peu, et de la politique de la ville, par le début des opérations du fonds de renouvellement urbain (275,5 millions de francs engagés) et par l'aide à la création d'entreprises et d'emplois, grâce, en particulier, au développement de fonds d'amorçage et de capital-risque. Par ailleurs, CDC-IXIS, opérationnel depuis le 1er janvier 2000, se positionne dans chacun de ses trois grands groupes d'activités : marchés et financements, gestion d'actifs, services bancaires et titres. L'année 2000 a aussi vu le renforcement des fonctions de contrôle et de pilotage du groupe et la poursuite de la mise en place du contrôle des risques, qui fait désormais partie intégrante de l'ensemble des métiers opérationnels du groupe.

L'année 2000 a permis à la CDC de consolider ses bons résultats de l'année 1999. Le groupe a enregistré un résultat net de 12,6 milliards de francs, tandis que les capitaux propres atteignent 79,1 milliards de francs, dégageant un rendement sur fonds propres de 16,7  %. La part des éléments exceptionnels dans le résultat net diminue fortement par rapport à 1999. Tous les métiers du groupe ont contribué à cette croissance, y compris C3D. La Caisse acquittera ainsi 3,94 milliards de francs au titre du dividende versé à l'État, soit le tiers du résultat net du groupe. La tendance à la baisse du prélèvement sur les résultats des fonds d'épargne se poursuit avec 12 milliards de francs en 2000 contre 13,6 milliards de francs en 1999, 17 milliards de francs en 1998, 19,4 milliards de francs en 1997 et 21,7 milliards de francs en 1996. La baisse des revenus des prêts effectués est contrebalancée par l'augmentation des revenus du portefeuille des valeurs mobilières.

L'activité de la commission de surveillance a essentiellement porté, en 2000, sur les points suivants :

- un suivi attentif de la situation des HLM, en particulier des HLM sensibles : la Commission de surveillance a porté son attention sur les organismes très endettés où le taux de vacances des parcs est important et où les coûts de gestion locative sont relativement élevés. Grâce aux mesures d'allégement de la dette, amorcée dès 1996, la part de ces organismes est en nette diminution. Une enquête a été menée sur les faits reprochés par la presse, impliquant quelques membres du personnel de la SCIC. Une seconde enquête, plus approfondie, est actuellement en cours et concerne trois cas sur les vingt évoqués, les autres s'étant avérés dépourvus de toute gravité. Cependant, pour éviter que des problèmes de ce type ne se reproduisent, l'abattement de 5 % accordé au personnel sur le prix d'acquisition des logements a été supprimé. Le site Intranet ne diffuse plus d'informations sur cette question.

- l'extension des emplois des fonds d'épargne : ces fonds disposent, depuis quelques années déjà, de ressources excédentaires que la demande de crédits du logement social ne parvient pas à absorber. Dès 1999, la Commission de surveillance a souhaité l'extension des emplois des fonds d'épargne à des domaines d'intérêt général tels que l'environnement ou la sécurité. Depuis le 20 juillet 2000, un cadre précis est fixé pour les nouveaux emplois, dont les domaines d'intervention possibles sont : la politique urbaine et l'habitat, la sécurité des infrastructures, les transports collectifs, la protection et la prévention des risques en matière d'environnement.

- le soutien à la clarification du groupe : les réformes adoptées par le Parlement ont contribué à accompagner l'évolution de la CDC et celle de son partenaire privilégié, le groupe Caisses d'épargne. La loi sur la sécurité financière a permis à la CDC de refonder son partenariat avec les caisses d'épargne sur de nouvelles bases. Avec la loi relative aux nouvelles régulations économiques, la CDC a pu clarifier son organisation quant à la séparation de ses activités concurrentielles et d'intérêt général, notamment par la mise en place d'une instance de dialogue social.

S'agissant de l'exercice en cours, la Commission est d'abord préoccupée par les délais constatés pour la mise en _uvre des premiers projets qui permettraient l'extension effective des emplois sur fonds d'épargne. Ces retards semblent souvent imputables aux différents ministères concernés. La Commission de surveillance a demandé à avoir un point régulier sur l'état d'avancement de ces projets. Pour ce qui est de la poursuite de l'extension des emplois financiers des fonds d'épargne, la Commission de surveillance souhaite que les règles d'investissement soient enfin modernisées et adaptées à l'évolution des marchés financiers. En effet, les textes qui les régissent, au premier rang desquels se trouve le code des caisses d'épargne, sont anciens et n'ont que peu évolué. Quelques aménagements ont seulement été introduits au fil du temps par le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, mais la plupart des règles d'investissement apparaissent inadaptées et induisent des effets opposés aux intentions initiales. Enfin, la Commission de surveillance s'attache, en priorité, à la consolidation du dispositif de contrôle des risques et au suivi des opérations de croissance externe, pour lesquelles une structure d'audit est envisagée.

M. Daniel Lebègue, Directeur général, a souligné que le groupe Caisse des Dépôts a connu en 2000 les meilleurs résultats de son histoire, qui ont atteint 1,9 milliards d'euros (12,5 milliards de francs). Ce résultat, lié à des éléments exceptionnels, ne sera pas aussi bon en 2001. Il a offert une rentabilité de 16,5 %, qui doit être rapportée aux fonds propres, de 12 milliards d'euros (78,7 milliards de francs). Par ailleurs, jamais la Caisse des Dépôts n'a consacré autant de moyens à ses actions d'intérêt général. Sur ses fonds propres, la Caisse a investi 3 milliards francs dans des actions de politique de la ville, de soutien au développement économique et aux PME et de développement local. Elle a aussi consenti 12 milliards de francs de prêts sur ces fonds d'épargne. Au total, elle aura consacré environ 30 milliards de francs à ces missions, soit davantage de moyens que ce que l'on a pu observer dans les années 1960, à l'époque où M. François Bloch-Lainé dirigeait la caisse. D'autre part, le groupe n'a jamais autant participé à la couverture des charges publiques, avec un total de 24 milliards francs en 2000. Au sein de ce total, 12 milliards de francs proviennent de reversements au budget de l'État de fonds d'épargne, 9 milliards de francs représentent les intérêts et dividendes versés à l'État et 3 milliards de francs correspondent aux investissements d'intérêt général, précédemment cités. En tout état de cause, il est normal que la Nation bénéficie de la bonne santé du groupe, à hauteur de ses capacités contributives. Cet effort n'est pas excessif par rapport à celles-ci.

La Caisse des Dépôts a développé des activités concurrentielles, principalement dans le domaine de la finance et de l'assurance, depuis le début des années 1980. De cette action est né le pôle « CDC-IXIS » qui représente 55 milliards de francs. La CNP, portée par le groupe Caisse des Dépôts, représente 30 milliards de francs. L'ensemble des métiers concurrentiels exercés dans le périmètre de la Caisse des Dépôts atteint une valeur de 100 milliards de francs, en ne tenant pas compte de Dexia, issue du groupe, et qui connaît un très réel succès. La Caisse, qui devrait se voir confier la responsabilité technique du fonds de réserve des retraites, est donc aujourd'hui l'un des grands pôles de création de richesses et de valeurs du pays. 

L'objectif de l'alliance avec le groupe Caisses d'Épargne est d'atteindre la taille critique au plan mondial dans les secteurs de la banque, de la finance, de l'assurance et des marchés, marqués par une rude compétition. Alors que la tendance est à la concentration, il convenait de réunir les activités, les actifs et les équipes des deux groupes dans le secteur de la banque concurrentielle, afin de poursuivre le développement européen à partir d'une base domestique très forte, puisque cette alliance repose sur 17 milliards d'euros (111,5 milliards de francs) de fonds propres agrégés. Compte tenu du statut d'établissement public de la Caisse et du statut coopératif du groupe Caisses d'Épargne, une fusion était juridiquement impossible. Cette alliance n'est pas une absorption, mais elle est bien plus qu'un simple partenariat. La CNP et CDC-IXIS étant des entreprises publiques, la holding doit avoir, elle aussi, un caractère public, c'est pourquoi la société commune est détenue à 50,1 % par le groupe Caisse des Dépôts et à 49,9 % par le groupe Caisses d'Épargne. Cette petite asymétrie est due au nécessaire respect de la législation sur les entreprises publiques. Cependant, il y a deux co-présidents. Le Conseil d'administration est paritaire, permettant ainsi de partager des décisions telles que l'augmentation du capital ou la modification des statuts. Les filiales spécialisées sont mises en commun, même si seuls 40 % du capital du Crédit foncier de France (CFF) ont été apportés à la nouvelle société. En effet, le CFF étant entré dans le groupe Caisses d'Épargne depuis moins de deux ans, il paraissait souhaitable que la majorité de son capital demeure détenue par le groupe. Toutefois, le CFF entre dans le champ de la gouvernance commune. La mise en commun de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), détenue à 37 % par le groupe Caisse des Dépôts et à 18 % par les Caisses d'Épargne, n'a pas été retenue. En effet, dans la mesure où un pacte d'actionnaires entre ces deux groupes et la Poste a été conclu il y a moins de huit mois, il ne paraît pas pertinent d'ouvrir une nouvelle négociation. De plus, des inquiétudes sont apparues quant à un risque de marginalisation de la Poste, alors que telles n'étaient pas les intentions de la Caisse des Dépôts. La Poste reste un partenaire majeur et pérenne (certains partenariats sont centenaires) du groupe, notamment en matière de gestion d'actifs en particulier avec Sogéposte. Dans le cadre de l'alliance, la Caisse est favorable à un approfondissement du partenariat avec les services financiers de la Poste.

L'Europe constitue la deuxième direction stratégique du groupe. Des discussions très prometteuses sont en cours avec deux très grands groupes. Le premier est la Bayerische Landesbank, une banque allemande détenue pour moitié par l'État bavarois et, pour moitié, par les caisses d'épargne de Bavière. Le second est la banque italienne San Paolo, elle aussi dans le giron des caisses d'épargne, laquelle est en train de construire des relations globales multi-métiers. L'alliance ouvre donc de multiples perspectives.

Ainsi est-il essentiel pour la CDC de développer des partenariats au niveau européen afin de fournir à tous les clients des banques de détail des services déclinés à l'échelle européenne.

M. Alain Rodet s'est, dans un premier temps, interrogé sur l'existence d'un calendrier des opérations de rapprochement avec la Poste, suite logique du partenariat annoncé avec les Caisses d'épargne. S'agissant des relations avec le Crédit Foncier, la solution retenue par la CDC est positive, mais ne doit-on pas être préoccupés par la situation foncière actuelle ? Enfin, la CDC dispose d'une direction de la recherche, avec à sa tête un économiste bien connu : quelle est l'influence de ses travaux sur les orientations stratégiques de la CDC ?

M. Jacques Guyard a insisté sur la sous-consommation des fonds d'épargne par les organismes HLM : ne s'agit-il pas d'un problème de coût de l'argent et de niveau des taux d'intérêt dans le domaine du logement social ? La seule solution semble, dès lors, une réduction des coûts. Par ailleurs, le partenariat avec les Caisses d'épargne offre à la CDC un important réseau ; dans la perspective d'un rapprochement futur avec la Poste, qui dispose d'un réseau encore plus important (plus de 17.000 points de contact avec le public), quel équilibre est envisageable entre ces deux réseaux ?

M. Jean-Pierre Brard a précisé que les difficultés d'utilisation des fonds d'épargne sont en partie dues à l'interprétation restrictive que fait Bercy des textes, ce qui est contraire au sens des discussions parlementaires. Tel est en particulier le cas pour l'article premier de la loi relative aux Caisses d'épargne et pour l'article 65 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Le rapprochement de la CDC avec les Caisses d'épargne est en tout cas une bonne chose et constitue un socle prometteur pour la constitution d'un pôle financier public, auxquels tous les députés sont très attachés.

Au nom du groupe communiste, M. Jean-Pierre Brard a ensuite souhaité interroger M. Daniel Lebègue sur le rôle que peut jouer la CDC par rapport à l'avenir de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). La CNR est société anonyme d'intérêt général dont la quasi-totalité du capital social est actuellement détenu par des collectivités territoriales, d'autres personnes morales de droit public ou des entreprises appartenant au secteur public. Cette composition du capital social, dans lequel les collectivités territoriales concernées par l'activité de la CNR ont un poids important, est une preuve tangible du caractère public de la CNR et une marque du nécessaire respect de ses missions de service public. Or il se trouve qu'un certain nombre de ces collectivités territoriales souhaitent se défaire de leurs actions, en particulier les départements de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ou la Ville de Paris, ou sont incitées à la faire par la CDC. Ces actions pourraient être rachetées par la Caisse. Quelles sont les intentions de la CDC et de quelle façon gérerait-elle ces actions, afin de ne pas remettre en cause le caractère public de la CNR ?

M. Pierre Méhaignerie a voulu revenir sur les problèmes du logement social, et s'est demandé pourquoi les prêts locatifs spéciaux étaient exclusivement attribués aux villes alors qu'une diversification s'impose. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur le fait que sur 80 millions de francs de mécénat, près de 25 millions étaient affectés au théâtre des Champs-Élysées.

Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si la participation de la CDC à la CNR serait transitoire ou durable, quelle était l'activité de la société nationale immobilière et, s'agissant du rapprochement entre la CDC et les Caisses d'épargne, quelle est la position de la Commission européenne et l'argumentaire développé à ce sujet ?

M. Dominique Baert a rappelé l'intérêt de la Commission pour les structures de défaisance et en particulier pour le Consortium de réalisation (CDR). Or, certains échos de presse font parfois allusion à un possible adossement du CDR à la CDC, ce qui semble particulièrement incongru étant donné que la CDC est gestionnaire des fonds des livrets A. Cette rumeur est-elle sans fondement ?

M. Gérard Saumade a demandé si la Caisse des dépôts n'allait pas vouloir orienter les investissements sociaux des Caisses d'épargne.

M. Louis Mexandeau, rappelant sa qualité de délégué de l'Association des parlementaires francophones, a regretté que la Caisse des dépôts et consignations cède à la mode qui consiste à employer beaucoup de vocabulaire américain (« IXIS asset management », « private equity »...). Cette tendance systématique, très fâcheuse, représente un danger pour la langue française. Au moment où le risque est grand de voir les publicités relatives aux transactions effectuées sur la place de Paris être diffusées en anglo-américain, il convient de réaffirmer la place du français.

M. Daniel Lebègue a apporté aux différents intervenants les réponses suivantes :

- le calendrier des négociations avec La Poste est totalement entre les mains de l'État. La Poste constitue un grand ensemble avec lequel la Caisse souhaite approfondir ses relations, afin d'aller au-delà des partenariats stratégiques au sein de la CNP, mais la caisse n'a pas à se prononcer sur ce calendrier.

- la situation du Crédit foncier ne peut être qualifiée de préoccupante. En effet, l'établissement a connu deux années de redressement grâce à des redéploiements commerciaux dynamiques et à des idées de développement de nouvelles lignes de produits. Il doit poursuivre ses efforts de productivité mais il est sur une bonne trajectoire.

- M. Patrick Artus constitue assurément l'un des meilleurs actifs économiques de la Caisse des dépôts. Son activité est reconnue dans le monde entier. Si, parfois, des divergences de vues peuvent exister avec ce brillant économiste - M. Daniel Lebègue a indiqué ne pas partager sa vision noire de l'avenir économique du Japon - il est totalement libre de ses analyses.

- S'agissant de l'utilisation des fonds d'épargne, M. Daniel Lebègue a indiqué qu'il y avait d'autres éléments à prendre en compte que le niveau des taux d'intérêt. Pour les opérations lourdes de renouvellement urbain, les subventions de l'État constituent, par exemple, un élément important ;

- la Constitution d'un pôle public entre la Caisse des dépôts et la Poste pose sans doute le problème de la cohabitation de deux réseaux denses d'agences. C'est une question d'ampleur. Mais celle-ci se poserait avec tous les partenaires de La Poste, qui compte 17.000 guichets. Un rapprochement de La Poste avec une banque étrangère ou une banque commerciale privée produirait assurément un séisme dans le monde bancaire ;

- en Europe, la question du lien organique entre les guichets de La Poste, ses services colis et courrier d'une part, et ses services financiers d'autre part, s'est posée dans plusieurs pays. En Allemagne par exemple, le lien entre eux a été coupé dans un premier temps puis rétabli, car les services ne fonctionnaient ni d'un côté ni de l'autre. Il faut donc, sans doute, différencier les métiers mais être prudents pour aller au-delà ;

- les ministères et les collectivités locales doivent identifier les projets susceptibles d'être cofinancés. Par exemple, le Président du Conseil régional des Côtes-d'Armor souhaite mobiliser les fonds d'épargne en faveur de la prévention des inondations. Mais se pose alors la question de la détermination de la structure compétente pour la maîtrise d'ouvrage. Doit-il s'agir du département, des communes ou d'une autre structure ?

- le rapprochement de la Caisse des dépôts et des Caisses d'épargne constitue un édifice non achevé ;

- s'agissant de la Compagnie nationale du Rhône, la Caisse des dépôts n'intervient qu'à la demande de celle-ci, celle de l'État ou celle des collectivités locales. Sa tâche consiste à accompagner l'évolution de cette grande entreprise publique dont l'actionnariat est très dispersé : collectivités locales, entreprises publiques, institutionnels... La Caisse des dépôts contribue à structurer cet actionnariat et à permettre aux collectivités publiques qui le souhaitent d'en sortir. A cette fin, la Caisse a racheté 17 % du capital de la compagnie, notamment celui détenu par le département de Seine-Saint-Denis. Elle ne peut guère aller au-delà de ce seuil. Les collectivités publiques peuvent toujours solliciter d'autres acheteurs potentiels de leurs titres. Sur le fond, la compagnie est une entreprise publique dont personne ne veut remettre en cause les missions, notamment celle d'aménagement du Rhône. La CNR doit devenir producteur d'électricité. Il faut cependant constater que, pour l'instant, elle paraît quelque peu paralysée ;

- il convient de prendre acte des propos de M. Pierre Méhaignerie relatifs aux 7.000 prêts locatifs sociaux réservés aux villes ;

- c'est l'État qui a souhaité le rachat par la Caisse des dépôts du théâtre des ChampsÉlysées et l'a imposé contre la volonté du directeur de la Caisse de l'époque. Il s'en est suivi un manque d'entretien, pendant dix ans, de ce haut lieu de la vie culturelle. Des investissements sont donc aujourd'hui nécessaires, le théâtre étant un point d'appui pour des actions de mécénat et des actions auprès des jeunes, notamment des jeunes des banlieues ;

- au sein des programmes de renouvellement urbain, la Caisse octroie 15 millions de francs pour accompagner des investissements et des prêts. Cette action, décentralisée, participe du mécénat ;

- pour la création de la CDC Finances, des négociations avaient été menées avec le commissaire européen Mario Monti, en charge des questions de concurrence. Des conditions pour la création de cette banque d'investissement avaient été posées. Les garanties apportées à cette filiale devaient être limitées dans leur champ, leur durée, et devaient être rémunérées au prix du marché. Cependant, la limite dans le temps des garanties n'a pas été fixée précisément. Mais chacun sait que le système s'interrompra. Il convient de noter que l'alliance avec les Caisses d'épargne ne conduit pas celles-ci à bénéficier d'une garantie de la part de la Caisse des dépôts ;

- la Caisse n'a pas été saisie d'une demande de reprise du Consortium de réalisation. En tout état de cause, il est exclu que le Consortium soit adossé financièrement à la Caisse des dépôts. En revanche, si l'État demandait à la Caisse des dépôts son concours au plan de la gestion technique, celle-ci pourrait l'assurer ;

- le rapprochement avec les Caisses d'épargne bénéficie autant à la Caisse des dépôts qu'aux Caisses d'épargne. S'il devait en être autrement, le rapprochement serait certainement voué à l'échec ;

- les investissements des Caisses d'épargne relèvent de leur propre responsabilité, et de leur fédération nationale. Mais cela étant, il peut y avoir accord avec la Caisse des dépôts sur leur stratégie d'intérêt général ;

- la Caisse investit 150 millions d'euros dans le capital risque de proximité, et souvent en tant que co-investisseur. Il y a des accords région par région et un accord vient d'être signé récemment entre la région Aquitaine et les Caisses d'épargne des Pays-de-l'Adour ;

- la Société nationale immobilière a pour principale mission le logement de gendarmes et de leurs familles, mais diversifie son action ;

- la Caisse n'utilise et s'engage à n'utiliser que le français pour tout ce qui relève de l'établissement public Caisse des dépôts et consignations. Il ne peut cependant qu'en aller différemment pour une filiale, IXIS, dont 50 % du bénéfice et du chiffre d'affaires sont réalisés hors de France, et pour des métiers comme l'asset management (gestion d'actifs) qui emploient davantage de collaborateurs aux États-Unis qu'à Paris. L'usage de la langue anglaise est alors incontournable. Mais tous les documents officiels émanant de la Caisse sont rédigés en français.

M. Jean-Pierre Balligand a souhaité ajouter trois remarques. À propos des interrogations formulées sur la place et le rôle de La Poste, la Caisse des dépôts et consignations n'a absolument aucun intérêt à voir s'affaiblir ce qui constitue son deuxième grand réseau de distribution. La Poste fournit régulièrement la preuve de sa très grande efficacité dans la vente et la distribution de produits financiers que d'autres ont reçu mission de concevoir. L'objectif actuel est de ne pas perdre cette alliance. Quant à la question du maintien d'une banque postale en France, elle relève de l'État. Cette même question, délicate, concerne les quatorze États européens qui possèdent une banque postale, et en particulier l'Allemagne.

S'agissant de l'alliance avec les Caisses d'épargne, bâtir une société holding à parité, avec deux co-présidents, représente un pari extraordinaire. L'enjeu est très important non seulement pour les acteurs de ce partenariat, mais aussi pour la place financière française, et même au-delà, pour les places européennes. La presse économique l'a d'ailleurs bien compris, qui pourtant se montre volontiers critique à l'égard de la Caisse. De nombreuses alliances sont à l'_uvre en Europe, elles sont logiques, ce qui ne signifie pas pour autant que les négociations soient aisées. Enfin, il faut souligner l'événement que représente le succès de ce rapprochement lorsque l'on sait qu'il a nécessité des discussions d'égal à égal entre des fonctionnaires de Bercy et des provinciaux très au contact du public, issus de cultures et de métiers assez différents. Ce sont les hommes et les femmes qui ont porté ce projet qui en font toute la valeur. Le pari est en passe d'être gagné, spécialité par spécialité. La Commission de surveillance n'a désormais qu'un seul souci : s'assurer du fait que la valorisation des actifs des caisses d'épargne soit correcte. À cet égard, l'intervention de la Commission des transferts est positive. Des banques conseils pourront ainsi attester de la bonne évaluation des actifs en question.

Le Président Henri Emmanuelli a remercié les différents intervenants et rendu hommage au travail de rapprochement en cours, dont les résultats sont remarquables. La discussion avec les Caisses d'épargne aura été difficile, parfois proche de l'échec ; au total il s'agit d'une très belle initiative. Les entreprises publiques ne doivent pas rester inertes dans la conjoncture actuelle d'un capitalisme en mutation.

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