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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 60

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 juillet 2001
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d'Etat au logement, sur la réforme du logement


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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de Mme Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d'Etat au logement, sur la réforme du logement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d'Etat au logement, a expliqué que les axes prioritaires de la politique du logement avaient été balisés par une série de lois votées récemment par le Parlement : la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale du 12 juillet 1999 et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000. Ce dernier texte constitue le cadre nouveau des politiques urbaines et du logement avec, notamment, l'obligation d'arriver réellement au seuil de 20% de logements sociaux.

Elle a ajouté qu'elle avait souhaité mettre l'accent sur la nécessité de « casser les ghettos ». En effet, malgré la politique de la ville mise en _uvre depuis plusieurs années, la spirale de la ségrégation sociale qui augmente impose de changer de rythme.

En premier lieu, il convient de développer une stratégie tendant à augmenter le nombre de démolitions de logements locatifs sociaux : 6.000 logements sont démolis chaque année, l'objectif est de 10.000 logements démolis pour 2001, 15.000 démolitions en 2002, avec une perspective de 30.000 démolitions annuelles à moyen terme. Le coût de ce genre d'opération est notoirement sous-estimé et il convient donc d'en améliorer le financement, en espérant une dotation de 500 millions de francs en 2002 au lieu de 170 millions de francs en loi de finances pour 2001 pour les démolitions. La mise en place d'un groupe d'appui d'action prioritaire, réunissant les différents acteurs du logement, a pour but de recenser les moyens de lever les obstacles administratifs qui s'opposent aux démolitions.

La deuxième préoccupation du Gouvernement concerne la relance de la construction de logements locatifs sociaux et tend à une répartition harmonieuse de ces logements sur le territoire national. Il convient de redonner un sens au concept de fraternité, qui est la capacité de vivre ensemble dans une communauté unie. Le plan de relance annoncé en mars 2001 permet déjà d'améliorer le financement de la construction des logements sociaux dans le cadre de contrats de relance. On ressent un renouveau de la volonté de construction chez les organismes du mouvement HLM, mais la question du délai entre l'annonce d'une construction et l'engagement réel des crédits continue de se poser. L'augmentation des prix dans le secteur du bâtiment, la fréquence des appels d'offres infructueux et les recours contre les permis de construire ont amené le Gouvernement à demander aux services déconcentrés de l'Etat de pratiquer une surprogrammation de logements sociaux afin de mieux ajuster les dotations aux situations constatées sur le terrain. Cette année, la programmation a prévu une réserve à répartir en septembre, en fonction des besoins effectivement constatés. Le Gouvernement espère donc la consommation totale des crédits de la ligne dite fongible, grâce à la modération des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS) et la réalisation d'un programme physique (Prêts locatifs à usage social - PLUS et prêts pour la location sociale - PLS) de 50.000 logements en 2001, à comparer à 42.000 logements en 2000. Des efforts budgétaires supplémentaires apparaissent nécessaires pour les prochaines années.

La question des PALULOS est posée : il convient d'éviter la succession de primes sur un site destiné à la démolition, par exemple un immeuble de nombreux étages, qui entraîne un gaspillage des fonds publics. C'est pourquoi le Gouvernement a invité les organismes HLM à élaborer des plans de gestion de patrimoine, afin d'éviter un effet d'accordéon : l'entretien courant est retardé trop longtemps avant la rénovation lourde de l'immeuble, ce qui augmente la ségrégation au sein des locataires.

Le niveau pertinent des constructions de logements locatifs sociaux est de 70.000 logements par an, pendant dix ans, dont 30.000 reconstructions correspondant à autant de démolitions. On ne pourra atteindre ce rythme que progressivement, d'autant plus que l'effort en matière de logement social est traditionnellement contracyclique, ce qui n'est pas satisfaisant, car il convient de maintenir le savoir-faire des organismes bailleurs.

Mme la Secrétaire d'Etat au logement a ensuite indiqué que la troisième préoccupation du Gouvernement était d'améliorer la gestion du foncier. La stratégie de l'Etat d'acquisition de réserves foncières appartient au passé et il n'y a plus d'outils comme le fonds national d'aménagement foncier et d'urbanisme (FNAFU) à sa disposition. Il convient donc de réfléchir au niveau des engagements des collectivités publiques, les établissements publics régionaux ayant fait leur preuve là où ils agissent. Le Gouvernement mène actuellement une concertation sur les besoins de financement, notamment avec les collecteurs du 1% logement et leurs propositions apparaissent intéressantes, sur les démolitions et le portage en matière de foncier. S'agissant des sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI), il est souhaitable que les 14 milliards de francs de fonds propres, acquis grâce à des avantages accordés par l'Etat, soient réaffectés à des missions d'intérêt général, en particulier sur l'action foncière et le renouvellement urbain.

Le Président Henri Emmanuelli a observé que le logement était de la compétence de l'Etat et que l'appel aux interventions des collectivités locales supposait un transfert de ressources.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a déclaré ne pas être hostile à la décentralisation dans le secteur du logement, accompagnée du transfert des ressources liées aux compétences transférées. Il faut réfléchir à une nouvelle étape de la décentralisation, concernant le secteur du logement, et aller plus loin que le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances sur le logement social qui ne préconise que la déconcentration. Il faut également réfléchir à la nécessité de garantir l'action de l'Etat en matière de solidarité nationale et la péréquation de la politique du logement entre les collectivités territoriales.

En conclusion, elle a souhaité aborder les deux thèmes de la réhabilitation de l'habitat insalubre et de la sécurisation de l'habitat. Sur le premier point, elle a déploré la persistance de poches d'insalubrité et a annoncé la présentation d'un plan d'action à l'automne, de façon à augmenter la consommation de la ligne budgétaire consacrée à la résorption de l'habitat insalubre (RHI). Il faut adapter l'offre de logements au mode de vie des populations concernées, et il convient de renforcer d'urgence les moyens en personnels, notamment pour la lutte contre le saturnisme qui fait intervenir aussi bien les services des affaires sociales que ceux des directions départementales de l'équipement (DDE).

Le Président Henri Emmanuelli a observé que les DDE rencontraient de profondes difficultés, certains conseils généraux ayant recours à des organismes privés pour mener à bien des opérations dans un délai raisonnable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a informé la Commission qu'elle était parvenue à obtenir onze postes de cadres A pour des départements où les problèmes de réhabilitation étaient particulièrement aigüs.

Sur la question de la sécurisation de l'habitat, qui englobe la sécurité, l'entretien et le cadre de vie, des crédits ont déjà été débloqués en 2001. Il faut développer des stratégies de résidentialisation, avec des accès d'immeuble par double sas, l'aménagement d'aires de jeux pour enfants, à financer sur les crédits du logement. Les fonctionnaires de police de proximité pourront maintenant intervenir dans les cages d'escalier d'immeubles collectifs. Enfin, la Secrétaire d'Etat a indiqué qu'elle devait présenter incessamment, au Conseil national de l'habitat, un projet de décret tendant à prévoir le ratio d'un gardien pour cent logements sociaux, d'abord dans les zones urbaines sensibles, puis sur tout le territoire en 2005.

Revenant sur la situation des DDE, le Président Henri Emmanuelli a évoqué des blocages patents en matière de délivrance des permis de construire, ce qui conduira nécessairement à s'interroger sur la façon de résoudre ces goulots d'étranglement.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le logement n'est pas une compétence des collectivités locales au sens des lois de décentralisation. Or leur implication est de plus en plus requise pour le logement social. Dans le département des Landes, une opération ne peut être entreprise que si deux conditions sont simultanément réalisées : la commune doit offrir un terrain viabilisé et le département est appelé à verser une subvention.

M. Jean-Jacques Jégou a observé que l'implication simultanée du département et de la région est souvent nécessaire.

Le Président Henri Emmanuelli a appelé à une clarification, les pratiques actuelles prenant quelque liberté avec les principes des lois de décentralisation, selon lesquels tout transfert de compétences doit être accompagné d'un transfert de ressources.

Enfin, l'application de la loi « Solidarité et renouvellement urbains », dite SRU, se révèle problématique : dans le département des Landes, qui comporte deux grandes agglomérations et un littoral, la délivrance des permis de construire est empêchée pour deux ans au moins par les nouvelles règles d'urbanisme. Cette impossibilité d'engager des opérations relevant de la politique du logement ne sera d'ailleurs pas sans incidence sur la conjoncture économique, ce qui devrait sensibiliser à cette question le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé qu'il avait évoqué à plusieurs reprises ce genre de difficultés lors de la discussion du projet de loi SRU.

Le Président Henri Emmanuelli a jugé que la circulaire d'application de la loi SRU était un « chef d'_uvre » de complexité et que certains mécanismes de la loi elle-même provoquaient des blocages très dommageables.

M. Pierre Méhaignerie a reconnu la passion qui inspirait l'intervention de Mme la Secrétaire d'Etat, mais cette passion se heurte parfois aux réalités du terrain. Par exemple, l'objectif, ambitieux, de 50.000 logements sociaux pour 2001, ne pourra être atteint que si, en aval, les trésoriers-payeurs généraux n'y font pas obstacle. Or, certains indiquent d'ores et déjà qu'ils vont être dans l'obligation de limiter la consommation des crédits. On peut concevoir que le Gouvernement veuille maîtriser le déficit budgétaire dans une conjoncture incertaine. Pour autant, il faudrait qu'il exprime une orientation claire pour la consommation des crédits du logement social, sinon un tiers des opérations locatives seront bloquées après le 1er octobre 2001.

Pour l'application de la loi SRU, les DDE affirment être ouvertes au lancement d'opérations en zones urbaines, mais sont réticentes sur les zones rurales. Il existe un risque de blocage de la mise en valeur du foncier à cause de la mise en place des schémas de cohérence territoriale (SCOT). Le Gouvernement pourrait-il préciser que l'on peut débloquer quelques terrains dans les secteurs relevant des SCOT ?

A juste titre, Mme la Secrétaire d'Etat a mis en avant le lien entre la politique du logement social et la réalisation de l'idéal républicain de fraternité. Ceci rejoint les préoccupations exprimées, notamment par M. Jean-Louis Dumont devant la mission d'évaluation et de contrôle sur le logement social, en matière d'accession sociale à la propriété. Dans cette perspective, il faudrait maintenir le pouvoir d'achat du prêt à taux zéro (PTZ) qui a constitué un outil formidable d'accession pour les familles disposant de 11.000/12.000 francs de revenus, et prendre les mesures adéquates dès le budget 2002.

M. Jean-Pierre Delalande a dit avoir apprécié le contenu et la tonalité de l'intervention de Mme la Secrétaire d'Etat, en particulier parce qu'elle témoigne d'une bonne perception des problèmes. Personne ne conteste le fait que la conception et la mise en _uvre de la politique du logement social relèvent au premier chef de la solidarité nationale. Pourtant, l'imposition par l'Etat de telle ou telle mesure est toujours mal ressentie par les maires, quelle que soit la situation de leur commune, car leur sensibilité à la question du logement social est élevée. Au demeurant, il existe fort peu de communes « dorées » et la plupart sont confrontées, peu ou prou, aux mêmes difficultés. Deux problèmes doivent être évoqués :

- le coût du foncier : très souvent, les communes ne peuvent pas faire l'apport du foncier, ce qui empêche, dès l'origine, le montage de toute opération. Pour surmonter ce facteur de blocage, les régions doivent développer une politique foncière ;

- l'adaptation de la politique du logement social aux caractéristiques locales : dans le département du Val d'Oise, il faut normalement un rapport de un à quatre entre le montant du loyer et les ressources du ménage. On ne peut donc faire bénéficier de logements sociaux que les ménages dont les revenus sont supérieurs à 10.000 francs par mois, ce qui est assez paradoxal. Pour résoudre ce paradoxe et donner un logement social aux populations qui en ont le plus besoin, les maires sont obligés de « bricoler » des montages financiers avec des opérateurs. La solution passe par une négociation entre les maires et le préfet, aboutissant à un contrat pluriannuel révisable, sur l'adaptation de la politique de logement social à la population de la commune. Il reviendrait ensuite à l'Etat d'articuler correctement les interventions des différents acteurs et la mise en _uvre des financements appropriés. Cette approche devrait être complétée par des actions spécifiquement destinées aux publics les plus difficiles à réinsérer (personnes alcooliques, personnes en grande déstructuration), tendant à prendre en compte dans le coût du logement celui d'un véritable accompagnement social.

La construction de logements consécutive aux démolitions doit être bien insérée dans le tissu local. Elle doit donc s'intégrer dans une politique territoriale, une politique de mixité sociale et une politique du paysage. Ce dernier point n'est pas mineur : il faut absolument imaginer des financements de long terme destinés à prendre en charge les surcoûts liés au respect de l'environnement (intégration dans le paysage, choix des matériaux, qualité de l'architecture, etc.). Pourquoi ne pas faire appel aux fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations ?

Enfin, on peut être ulcéré par le fait que, depuis près de quinze ans, la problématique des « gens du voyage » est organisée autour de la mise en place d'aires de stationnement. Or chacun sait que les crédits inscrits à ce titre au budget du ministère de l'intérieur ne sont pas consommés car les maires savent que ces aires sont inutiles. Les « vrais » gens du voyage posent peu de problèmes de stationnement et créent peu de troubles à l'ordre public. La problématique est toute autre pour les personnes qui ont été victimes d'un accident de la vie et qui se retrouvent, sans domicile, sur les routes. Celles-ci n'ont pas besoin d'aires de stationnement : elles veulent, au contraire, être sédentarisées. M. Jean-Pierre Delalande a rappelé qu'il avait suggéré, il y a une quinzaine d'années, la constitution de fonds départementaux auxquels aurait été assignée cette mission. Les chiffrages réalisés à l'époque montraient qu'une somme de 300.000 francs suffisait pour sédentariser et donner des conditions de vie décentes aux personnes concernées.

M. Alain Rodet a souhaité que la réponse à la question foncière donne lieu à des actions partenariales renforcées au sein du nouveau groupe Caisse nationale d'épargne / Caisse des dépôts et consignations / Crédit foncier de France, qui dispose de toutes les compétences pour mobiliser les financements nécessaires.

La gestion des allocations de logement par les caisses d'allocations familiales est de moins en moins satisfaisante. Les caisses ne comportent pas de représentants des élus, mais seulement ceux des organisations patronales et syndicales. Celles-ci s'entendent pour mettre en _uvre des politiques profondément rétrogrades. Il faudra bien mettre en coup d'arrêt à des comportements qui transforment peu à peu les caisses d'allocations familiales en succédanés de caisses d'épargne, ce qui est à l'opposé de leur vocation.

La multiplication récente des appels d'offres infructueux pour la construction de logements sociaux est un véritable scandale. Il suffit de se souvenir des discours catastrophistes de la profession, il y a seulement quelques années, pour mesurer combien grande est l'hypocrisie et à quel point sa participation à la politique du logement social n'est conçue que comme un pis-aller.

Enfin, il y a quelque danger à exalter les vertus de la démolition : une démolition est toujours, quelque part, un acte d'échec et il conviendrait, en conséquence de pratiquer plutôt la discrétion que la médiatisation de ces opérations.

M. Pierre Forgues a souligné la clarté et la franchise de l'exposé de Mme la Secrétaire d'Etat au logement. Il a cependant relevé que le discours sur la relance du logement social était ancien et convenu, et qu'il ne correspondait pas à la réalité puisque le nombre des constructions de logements sociaux s'était établi à 100.000 en 1993 et pourrait atteindre 50.000 en 2001, résultat que Mme la Secrétaire d'Etat considère comme satisfaisant.

Il a précisé que la politique du logement social reposait, d'une part, sur la construction de logements destinés à la location et, d'autre part, sur la construction de logements destinés à l'accession à la propriété. Or, ce dernier volet semble être aujourd'hui négligé, alors qu'il est nécessaire de le promouvoir. Il s'est interrogé sur le point de savoir si le prêt à taux zéro (PTZ) constituait aujourd'hui le seul et unique outil permettant la mise en _uvre du volet concernant l'accession sociale à la propriété. Il a demandé à Mme la Secrétaire d'Etat de préciser quel était aujourd'hui le volume des ventes de logements par les organismes HLM pour l'accession sociale à la propriété.

S'agissant des gens du voyage, il est nécessaire d'apporter une réponse à des personnes qui, en fait, voyagent peu. L'accession sociale à la propriété constituerait d'ailleurs, dans ce cas, une réponse adéquate à ces problèmes.

M. Jacques Guyard s'est réjoui du ton et de la franchise de l'intervention de Mme la Secrétaire d'Etat. Il s'est associé aux propos de M. Pierre Forgues concernant la nécessité d'établir un meilleur équilibre entre la politique du logement locatif social et la politique de l'accession sociale à la propriété. Il a relevé que la part de l'épargne-logement destinée à la construction des logements et effectivement utilisée à cette fin avait considérablement diminué. Il a estimé qu'il s'agissait d'une modification fondamentale des équilibres financiers français. Il a regretté la part excessive des PALULOS dans le secteur locatif social, car les organismes HLM devraient mener une politique plus active de gros entretien. Par ailleurs, il a considéré comme nécessaire la décentralisation de la gestion des réserves foncières dans le cadre d'outils fonciers. En effet, la politique du logement social manque aujourd'hui d'une organisation adéquate comme d'une volonté et non pas de moyens financiers.

M. Jean-Louis Dumont a relevé que Mme la Secrétaire d'Etat disposerait avant la fin de l'année de plusieurs rapports aboutissant à de nombreuses propositions, qu'il s'agisse des travaux réalisés par l'Inspection générale des finances, par le Conseil général des ponts et chaussées, par la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances, et bientôt des conclusions de la mission confiée par le Premier ministre à M. Alain Cacheux, travaux qui permettent de procéder à une analyse fine des problèmes du logement social. Il a donc estimé que le Gouvernement était désormais en mesure d'élaborer et de mettre en _uvre une réelle programmation pluriannuelle, s'agissant de la construction de logements sociaux.

Il a estimé que la naissance d'un groupe financier public pourrait constituer une réelle opportunité, s'agissant du financement de cette programmation et que la réforme des SACI pourrait s'inscrire dans ce contexte.

Le Président Henri Emmanuelli a relevé que la dernière audition de M. Daniel Lebègue, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, pouvait parfois donner à penser que l'objectif dudit groupe serait plutôt de constituer le premier groupe financier privé français que de promouvoir une politique publique du logement social.

M. Jean-Louis Dumont a estimé que l'organisation des fonds de solidarité pour le logement (FSL) était marquée par une dérive financière et administrative, source de blocages. Par ailleurs, il est impératif d'apporter de la souplesse dans la prise en compte des différents plafonds applicables en matière de logement social, et notamment des plafonds de ressources.

Enfin, il a relevé que, si les opérateurs de terrain étaient efficaces, ce n'était pas le cas de l'Union nationale des HLM, comme l'avait mis en évidence le plan de relance avorté de l'automne 1999. Une réorganisation de ce secteur est donc souhaitable.

M. Gérard Bapt a estimé qu'il existait un réel problème de coût du foncier, non seulement pour les HLM, mais également pour certains promoteurs. Les meilleures parcelles sont aujourd'hui acquises par des sociétés d'investissement locatif dont les capacités financières permettent de surenchérir sur les propositions d'autres acteurs fonciers, dont des organismes qui auraient destiné lesdites parcelles à la construction de logements sociaux. On constate actuellement un phénomène d'assèchement du marché. D'ailleurs, les courbes d'augmentation des prix de la construction foncière sont un réel motif d'inquiétude, il apparaît nécessaire de mettre en _uvre une régulation du marché des parcelles destinées à la construction foncière par un plafonnement des coûts de construction pour les immeubles éligibles au dispositif d'amortissement dit « Besson ».

Le Président Henri Emmanuelli a estimé que l'idée, consistant à moduler les prix du foncier selon la qualité des acheteurs, poserait des problèmes de mise en _uvre. Par contre, le régime des plus-values consécutives à l'augmentation des prix des acquisitions foncières mériterait d'être examiné.

M. Jean-Louis Dumont a relevé que la possibilité d'amortissement sur cinquante ans de la part du foncier, dans le cadre des constructions de logements locatifs sociaux, avait constitué un progrès substantiel, puisqu'elle avait permis de solvabiliser de nouveau certaines opérations qui n'auraient pas pu, sans cela, être menées à leur terme.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a rejeté l'appréciation selon laquelle l'application de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain entraînerait le gel des opérations foncières pendant deux ans. La réglementation nouvelle du SCOT et du plan local d'urbanisme (PLU) offre toujours des marges de man_uvre qu'il est cependant parfois difficile à définir, même pour les fonctionnaires chargés de l'appliquer. A titre d'exemple, il reste toujours possible de rendre urbanisable un terrain agricole. Elle a assuré que ses services étaient disposés à répondre à toutes les saisines concernant la recherche et la définition des marges de man_uvre évoquées. Elle a précisé qu'elle adresserait prochainement aux maires un courrier contenant les réponses aux questions les plus souvent posées par les élus locaux aux agents des directions départementales de l'équipement et transmises à l'administration centrale par ces agents.

Elle a affirmé que les formalités prévues par la législation agricole constituaient des obstacles importants à une mise en _uvre rapide des opérations foncières, plus importants que ceux résultant des formalités prévues par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Elle a noté que l'empilement des réglementations était souvent la conséquence des choix des parlementaires dans leur activité d'élaboration de la législation.

Le Président Henri Emmanuelli a regretté la trop manifeste influence des cabinets ministériels sur les choix du Parlement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a affirmé que la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains constituait une _uvre législative importante, une grande loi fondée sur des principes pertinents.

Elle a constaté l'existence d'un dialogue de sourd entre les collectivités locales et les services de l'Etat sur les compétences en matière d'urbanisme. Il est évident qu'aujourd'hui, et encore plus à l'avenir, les directions départementales de l'équipement ne s'acquittent et ne s'acquitteront plus de la délivrance des permis de construire, hormis dans les cas où ceux-ci concernent des zones qui ne sont pas dans le ressort d'une communauté d'agglomération ou d'un autre établissement public intercommunal.

Il apparaît que les services des directions départementales de l'équipement subissent aujourd'hui une surcharge de travail du fait de la loi SRU, notamment parce qu'elles ont pour mission de contribuer à la mise en _uvre des plans locaux d'urbanisme et des SCOT. Un récent travail du Conseil général des ponts et chaussées a estimé à 600 le nombre des emplois supplémentaires aujourd'hui nécessaires, afin d'assurer un fonctionnement efficace au sein de ces directions. Il apparaît évident qu'un tel renforcement des effectifs ne pourra être concrétisé que progressivement.

S'agissant du problème des gens du voyage, tous les textes d'application de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil des gens du voyage ont été publiés et chaque schéma départemental de répartition des aires de stationnement devra être arrêté, par le préfet et par le président du conseil général, avant le 5 janvier 2002, sinon le préfet aura la possibilité d'approuver le schéma sans le contreseing du président du conseil général.

M. Jean-Pierre Delalande a observé que ce n'était pas simplement une question de fixation administrative des schémas et que l'application de la loi du 5 juillet 2000 était malaisée.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a souligné que la procédure d'élaboration du schéma départemental d'implantation des aires permanentes d'accueil avait été prévue par la loi, que le Gouvernement était tenu d'appliquer.

Le Président Henri Emmanuelli a regretté certaines dispositions de cette loi pour le moins stupides, comme le fait de confier au président du conseil général le pouvoir d'édicter des schémas départementaux, alors qu'il ne dispose pas du pouvoir de police du maire, ce qui revient à en faire simplement un instrument de financement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a observé que la détention du pouvoir de police ne signifiait pas obligatoirement que l'on est le mieux placé pour élaborer un schéma de planification. Elle a constaté que beaucoup de maires ne veulent pas des gens du voyage. Elle a ajouté que des parlementaires nombreux ont insisté sur la nécessité de ces schémas départementaux.

Le Président Henri Emmanuelli a douté qu'il y ait des présidents de conseil général parmi eux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a estimé que rien n'empêchait le conseil général de consulter tous les maires concernés pour trouver un accord sur l'implantation des aires de stationnement.

S'agissant du financement de ces aires, elle a souligné qu'il ne constituait pas réellement un problème, dans la mesure où deux lignes budgétaires ont été prévues. La véritable question est plutôt la diversité des populations en cause, puisque certaines sont prêtes à se sédentariser, tandis que d'autres, dont la population a tendance à s'accroître, ont un mode de vie très différent du reste de la population. Elle a suggéré d'intégrer un représentant des gens du voyage dans chaque commission départementale, son propre cabinet comportant d'ailleurs un élu local issu de cette communauté. Elle a conclu en observant qu'elle avait bien conscience qu'il s'agissait d'un sujet difficile, dont chacun espère qu'il sera réglé par le voisin.

Le Président Henri Emmanuelli a souhaité connaître les moyens de contrainte dont disposera le département à l'égard des communes, une fois que le schéma départemental aura été adopté.

Mme Marie-Noëlle Lienemann y a vu un cas d'équilibre délicat entre la conviction et l'autorité. En dernier ressort, l'Etat devrait pouvoir trancher et imposer une solution.

S'agissant de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), elle a observé que cet organisme, qui ne dépend pas de son champ de compétences, était souvent trop long à mettre en _uvre les dispositions adoptées, en particulier les règles définissant l'allocation logement.

Elle a également invité à réfléchir à l'institution d'une couverture logement universelle, qui pourrait regrouper les structures et les dotations des fonds de solidarité pour le logement et de diverses autres instances, comme les crédits du ministère de l'intérieur utilisés pour indemniser les propriétaires en cas de non exécution de décisions d'expulsion. Un tel regroupement apparaît indispensable, puisque les fonds de solidarité pour le logement fonctionnent aujourd'hui selon des critères trop complexes et trop restrictifs. Dans le département de l'Essonne par exemple, l'excessive lenteur de fonctionnement du FSL a conduit à la mise en place de « préfinancements FSL ».

Abordant l'accession sociale à la propriété, elle a souligné qu'elle constitue un enjeu majeur. Dans un pays où une partie de la population a le sentiment qu'il existe des blocages sociaux, l'accession sociale à la propriété apparaît, dans l'esprit de nombreux concitoyens, comme une rare possibilité de promotion sociale. Il importe donc de la revaloriser. Cela passe, en premier lieu, par la solvabilisation par le prêt à taux zéro, qui a subi une érosion ces derniers temps, heureusement contrebalancée par la baisse de la TVA. Les crédits du PTZ devraient être maintenus à leur niveau actuel dans le projet de loi de finances pour 2002. Le secrétariat d'Etat au logement porte ses efforts dans deux directions : d'une part, rendre le prêt à taux zéro plus urbain ; d'autre part, répondre à la volonté d'une accession très sociale à la propriété. Dans ce but, elle a annoncé récemment au congrès de l'union des HLM la mise en place d'une dotation de 70.000 francs, complémentaire du prêt à taux zéro, pour les accédants les plus modestes.

A propos des copropriétés très dégradées du fait du surendettement des propriétaires, qui ne peuvent donc plus assumer le paiement des charges, elle a précisé que des discussions sont en cours avec le 1% logement pour la mise en place d'un dispositif permettant de sécuriser les propriétaires.

M. Pierre Méhaignerie a estimé qu'une telle politique se traduirait par la mise en place de « grosses machines » pour un nombre limité de cas.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a réfuté cette idée de « grosse machine », considérant que la construction de prototypes qui fonctionnent était positive, à la différence de ce qui avait pu être constaté, il y a quelques lustres, et qui avait abouti à la fermeture durable des possibilités d'accession sociale à la propriété.

M. Pierre Méhaignerie a fait observer que le PTZ était un succès.

Mme Marie-Noëlle Lienemann en a convenu, tout en observant une très légère érosion.

Abordant la question de l'accession sociale en zone urbaine sensible, elle a souligné l'importance d'offrir aux populations concernées des produits adaptés pour amorcer une reconquête de la mixité sociale : il importe d'octroyer de réelles aides au démarrage, notamment sous la forme d'aides non plafonnées, comme 70.000 francs dans les zones urbaines sensibles. Cette politique devrait être expérimentée en 2002 sur un millier d'opérations, avant de monter progressivement en puissance.

S'agissant du financement du logement social, elle a déclaré partager les préoccupations du Président Henri Emmanuelli sur la place des collectivités locales. On ne peut nier qu'il soit fait l'impasse sur les coûts réels du logement social. On constate un décalage entre le langage des instances spécialisées comme l'Union des HLM, pour lesquelles il est toujours possible de trouver un équilibre de financement, et celui des collectivités locales, qui ne parviennent pas à atteindre cet équilibre.

Il est donc devenu impératif de connaître le coût réel du logement social, des raisonnements en termes de moyenne n'ayant pas de pertinence en raison de l'extrême hétérogénéité du coût du logement social selon les zones d'habitat. C'est pourquoi il est souhaitable de mener à bien une véritable décentralisation dans le domaine du logement social, afin notamment de mettre un terme à la culture des financements croisés actuellement en vigueur.

Au-delà de la vérité des coûts de la politique foncière, il est également impératif de mener une politique de vérité des coûts du renouvellement urbain. Il n'est au demeurant pas impossible pour les maires d'atteindre, au sein de leur commune, le taux de 20% de logements sociaux prescrits par la loi. Il conviendrait, par exemple, d'analyser le coût d'entretien du parc locatif social urbain (ce qui explique le diagnostic patrimonial demandé aux bailleurs sociaux) et d'engager un véritable débat sur les perspectives de décentralisation de la politique du logement social, en envisageant éventuellement de transférer aux départements les politiques qui relèvent d'une logique d'accompagnement social. La Secrétaire d'Etat au logement compte donc réunir prochainement, dans le cadre de cette réflexion, les présidents des conseils généraux et les présidents des conseils régionaux. Si l'Etat craint souvent de mener une véritable politique de décentralisation en raison des distorsions qu'elle génère, comme pour l'allocation autonomie des personnes âgées, il convient désormais de dépasser ces craintes tant une politique décentralisée est devenue souhaitable en matière de logement social.

La Secrétaire d'Etat a enfin appelé de ses v_ux une mobilisation des crédits actuellement épars en faveur d'un renforcement de l'efficacité de la politique foncière. Elle a notamment évoqué le réexamen du dossier de l'épargne logement, afin de repenser les perspectives d'évolution de la politique du logement social.

M. Jean-Pierre Delalande a fait valoir que la réalisation de l'objectif de 20% de logements sociaux pouvait réellement soulever de graves difficultés dans certains cas. Ainsi, dans sa commune, il se heurte à des difficultés telles, que ce soit en termes de financement et quant à l'impossibilité de trouver de nouveaux terrains, qu'il lui semble impossible d'atteindre ce niveau de 20%. Il a par ailleurs souligné que les modalités de calcul de ce taux de 20% ne lui paraissaient guère pertinentes, prenant l'exemple des logements construits par le mouvement associatif CASTOR qui ne sont pas pris en compte dans le quota de logements sociaux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a fait valoir que les communes confrontées à des difficultés de financement pouvaient, d'une part, faire appel à des opérateurs HLM dotés de fonds propres importants, en les chargeant de réhabiliter des logements anciens ou de construire de nouveaux logements, et d'autre part, bénéficier de subventions importantes de la région, voire du département. Elles peuvent inscrire leur action dans les cadres bien connus des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ou de programmes sociaux thématiques (PST). En développant une véritable politique de conventionnement, toute commune est donc en mesure d'atteindre le chiffre de 20% de logements sociaux, lequel s'impose au terme d'un délai de 20 ans.


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