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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 65

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 septembre 1999
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport d'information de M. Yves Tavernier sur les incidences de la taxe générale sur les activités polluantes sur la politique de l'eau

- Examen du rapport d'information de M. Alain Claeys sur l'accueil des étudiants étrangers en France

- Examen de la proposition de résolution (n° 1538) de M. Gérard Fuchs sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (COM(98) 295 final/n° E 1105) (M. Didier Migaud, rapporteur général)

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Yves Tavernier, un rapport d'information sur les incidences de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur la politique de l'eau.

M. Yves Tavernier, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'il avait conduit ses travaux parallèlement à la réflexion, évolutive, du Gouvernement sur les mêmes questions, ce qui avait rendu l'exercice délicat. Il a déclaré que son rapport répondait à un quadruple objectif :

- il s'inscrit dans le prolongement du rapport présenté l'an dernier par Mme Nicole Bricq sur « la fiscalité au service de l'environnement » ;

- il s'inscrit également dans le prolongement de la loi de finances pour 1999, qui a créé une taxe générale sur les activités polluantes ;

- l'an prochain, sera ouvert le dossier des agences de l'eau dans le cadre de la préparation de leur huitième programme ; ce sera alors l'occasion d'engager leur réforme ;

- enfin, ce rapport est l'occasion de s'interroger sur la relation entre l'agriculture et son environnement : la fiscalité écologique pesant sur le secteur agricole est de loin le problème le plus sensible ; aux données techniques et économiques s'ajoutent des considérations psychologiques et politiques. Le secteur de la production agricole, qui est l'un des plus gros pollueurs, ne participe pas au financement de la lutte contre la pollution et échappe au principe « pollueur-payeur ». La France est le second pays exportateur de produits agricoles dans le monde, mais aussi le second pays utilisateur d'engrais et le troisième utilisateur de produits phytosanitaires. Il est donc utile de réfléchir à la mise en place d'une fiscalité écologique incluant l'agriculture et les agriculteurs.

Le Rapporteur a ensuite déclaré que la réflexion sur l'extension de la TGAP au domaine de l'eau était née d'un triple constat :

- l'aggravation constante de la pollution de l'eau, notamment par les engrais agricoles et par les produits de traitement des cultures, qui la rend impropre à la consommation dans de nombreuses régions ;

- le dispositif mis en place par la loi de 1964, et mis en _uvre par les agences de l'eau, est efficace pour maîtriser les pollutions des usines et des villes, mais peu efficace pour les pollutions diffuses ;

- le dispositif institutionnel confie l'essentiel des moyens aux agences de l'eau, alors que l'État dispose de moyens particulièrement faibles. Or, le système des agences de bassin, souvent présenté comme une réussite comporte cependant également des défauts majeurs, qui ont été dénoncés récemment par la Cour des comptes et par le Commissariat général du plan : non respect du principe « pollueur-payeur » - les ménages supportent 85 % des redevances, les industriels 14 % et les agriculteurs moins de 1 % -, représentation insuffisante des villes et du milieu associatif dans les comités de bassin, inconstitutionnalité du système actuel des redevances. C'est de ce bilan critique qu'est née la réflexion sur l'opportunité d'une réforme de la politique de l'eau, annoncée par une communication de Mme Dominique Voynet en mai 1998. A cela s'est ajouté l'instauration de la TGAP par la loi de finances pour 1999, qui conduit à un débat sur l'éventuel élargissement de cette TGAP à l'eau.

M. Yves Tavernier a ensuite rappelé que le Gouvernement avait fait de la fiscalité écologique un des axes de la réforme fiscale. L'instrument fiscal a été peu utilisé jusqu'à présent au profit de l'environnement : on a plutôt préféré recourir à la réglementation et à des mécanismes de subventions éventuellement financés par des systèmes de redevances affectées, ce qui a entraîné un foisonnement de petits prélèvements plus ou moins efficaces. Or, l'idée d'une éco-taxe générale et non affectée présente plusieurs intérêts : en ne donnant pas lieu au versement immédiat de subventions aux assujettis, elle respecte réellement le principe pollueur-payeur et s'inscrit dans une logique de maîtrise des dépenses publiques, puisqu'on ne crée pas systématiquement une dépense en contrepartie de la taxe. Son niveau peut être déterminé, non pas par le besoin de financement de telle ou telle politique d'environnement, mais par ce qui paraît réellement efficace pour dissuader tel ou tel comportement pollueur. Cependant, la création de la TGAP a suscité immédiatement, dans les organismes de bassins, une grande émotion, car on a évoqué l'extension possible au domaine de l'eau du modèle qu'elle représentait : on pouvait imaginer, comme pour l'ADEME, le transfert intégral au budget de l'Etat des redevances des agences de bassins, lesquelles deviendraient alors des organismes subventionnés.

Ce point de départ explique le lien qui a été établi entre deux sujets : l'extension de la TGAP à des produits ou des comportements contribuant à la pollution des eaux et la réforme des redevances et des agences, puisque cette réforme devait comporter la transformation de tout ou partie des redevances en une fraction de TGAP qui permettrait le renforcement des moyens nationaux de la politique de l'eau.

Toutefois, le projet gouvernemental est maintenant établi et l'on peut y distinguer trois axes :

- une extension, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, de la TGAP aux activités polluant les eaux ;

- un renforcement des moyens nationaux de la politique de l'eau grâce à la création d'un compte spécial du Trésor alimenté par les agences de bassins, dans le cadre de la loi de finances pour 2000 ;

- une future réforme du système des redevances et des agences dans le cadre, vraisemblablement, d'une loi sur l'eau.

Sur l'extension de la TGAP, la réflexion est partie d'une constatation : la réglementation des installations classées, obligeant à des installations de dépollution, est adaptée aux pollutions ponctuelles des usines ou des grosses agglomérations, mais pas aux pollutions diffuses résultant, par exemple, de l'activité d'un nombre très important d'exploitations agricoles ou de l'utilisation de lessives aux phosphates. L'instrument fiscal peut donc s'avérer adapté.

Toutefois, avant de traiter des différentes assiettes de taxes envisageables, une réflexion générale sur le problème de l'affectation est nécessaire, car l'affectation des prélèvements environnementaux apparaît souvent comme une condition de leur acceptation par les assujettis, parce qu'elle leur laisse espérer un retour en subventions pour la dépollution. C'est ainsi que les organisations agricoles ne se déclarent prêtes à accepter les contributions assises sur les produits phytosanitaires ou sur les nitrates que si elles sont affectées.

Le Gouvernement propose d'affecter la TGAP dans son ensemble à la sécurité sociale, afin de financer les nouveaux allégements de charges sociales sur les bas salaires. Cette option doit être approuvée, car elle n'est pas contraire au principe « pollueur-payeur », puisqu'elle ne conduit pas à distribuer des subventions de dépollution. Elle s'inscrit aussi dans une logique de maîtrise des prélèvements obligatoires et d'équilibre des finances publiques, puisqu'il s'agit d'alléger d'autres prélèvements obligatoires. Enfin, elle constitue un élément important de la réforme fiscale, qui vise à mieux équilibrer les prélèvements sur les différents facteurs économiques en taxant un peu plus les intrants polluants pour alléger le coût du travail au profit de l'emploi. Il convient toutefois de signaler un risque inhérent à cette affectation : la TGAP n'a pas vocation à être la variable d'ajustement des comptes sociaux, car le niveau d'une taxe écologique doit être déterminé par des préoccupations d'efficacité intrinsèque.

Parmi les produits et les activités polluants qui mériteraient d'être assujettis, les intrants agricoles constituent une part essentielle. Une analyse en termes d'efficacité écologique pourrait justifier un prélèvement de plusieurs milliards de francs sur ces intrants : les achats annuels de produits phytosanitaires et d'engrais azotés représentent 30 milliards de francs ; or, selon la plupart des études, on obtiendrait une diminution de l'utilisation de ces produits qu'avec une taxation de 10 à 20  %, soit 3 à 6 milliards de francs. L'analyse par les coûts des pollutions concernées conduit à des conclusions du même ordre : en effet, les coûts futurs de purification des eaux contenant un excès de nitrates pourraient atteindre 3 milliards de francs par an et l'activité agricole serait responsable de deux tiers des apports en nitrates.

Cependant, a estimé le Rapporteur, à court terme, des prélèvements aussi élevés ne sont pas possibles, ni même légitimes, sur la branche agricole. Ils ne sont pas possibles, compte tenu de la situation économique d'ensemble de l'agriculture et de l'impossibilité pour les agriculteurs de répercuter sur leurs prix de vente les hausses de coûts. Ils ne serait pas davantage légitime de pénaliser les nuisances à l'environnement dues à l'agriculture, tant que ses contributions positives ne seront pas mieux rémunérées. Certains des dispositifs de soutien sont très discutables du point de vue de l'environnement et, en particulier, des problèmes de l'eau, par exemple les primes majorées pour les cultures irriguées.

On observe heureusement une évolution récente dans la politique agricole avec, par exemple, l'essor des contrats territoriaux d'exploitation. Au delà, a souligné le Rapporteur, il s'agit de faire évoluer notre modèle agricole : le modèle élaboré après la guerre était centré sur le développement de la production, tout à la fois pour des raisons économiques d'indépendance alimentaire et pour des raisons d'intégration sociale du monde paysan. Ce modèle, alors justifié, doit maintenant être dépassé.

Le Gouvernement envisage une taxe sur les produits phytosanitaires différenciée selon leur nocivité et intégrée à la TGAP ; le niveau de taxation envisagé la première année serait de 300 millions de francs, ce qui ne représente que 2 % de l'assiette taxable ; à plus ou moins long terme, la recherche d'une réduction effective de leur utilisation nécessitera vraisemblablement un relèvement du niveau de taxation. Deux modalités de taxation des nitrates sont envisageables : soit une taxe sur les engrais et les aliments du bétail, soit une taxation de ce que l'on appelle l'excédent par exploitation agricole. La première solution est simple, mais injustifiée, puisqu'elle frapperait indistinctement tous les utilisateurs d'engrais, alors que ce n'est pas l'utilisation d'engrais qui est préjudiciable, mais leur utilisation excessive, qui entraîne un excédent d'azote qui n'est pas absorbé. D'où la seconde solution, certainement la plus juste et la plus efficace en matière d'environnement : mesurer et taxer l'excédent d'azote par exploitation agricole ; cette solution est aujourd'hui celle que privilégie le Gouvernement ; comme l'administration fiscale se refuse à gérer un tel dispositif, ce système conduirait à faire du prélèvement sur l'azote une redevance des agences de bassin, ce qui en repousserait la mise en _uvre à la future loi sur l'eau.

Le problème des lessives aux phosphates est moins sensible, car la puissance de l'industrie concernée et la répercussion vraisemblable de toute taxe sur plusieurs dizaines de millions de consommateurs permettent d'envisager un niveau significatif de prélèvement : le Gouvernement propose 500 millions de francs pour cette année, ce qui peut être accepté.

En ce qui concerne les extractions de granulats, c'est-à-dire de graviers dans les carrières, il existe deux solutions : l'une, qui a le soutien des professionnels pour éviter les distorsions de concurrence, consisterait à assujettir l'ensemble des carrières, qu'elles se situent ou non dans le lit des rivières ou à leurs abords, car toutes les carrières entraînent des dommages pour l'environnement ; l'autre consisterait à taxer seulement, ou plus lourdement, les carrières dites alluvionnaires, car ces sites ont des incidences particulièrement néfastes pour la gestion des eaux. Le rendement de la taxe serait de 60 à 200 millions de francs selon la solution choisie.

Le renforcement des moyens nationaux de la politique de l'eau, grâce à un prélèvement sur les agences de bassin constitue le second axe de la politique du Gouvernement. Le projet de loi de finances propose la création d'un nouveau compte spécial du Trésor, qui regroupera le Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE), qui existe déjà, et le produit d'un prélèvement sur les agences à hauteur de 500 millions de francs en 2000, contre 250 millions de francs pour les fonds de concours qui existent déjà. Le choix de la procédure du compte spécial du Trésor, plutôt que de celle du fonds de concours, permet au Parlement de se prononcer dès la loi de finances. Quant à la nature des interventions que pourrait financer le nouveau fonds, il convient de privilégier celles qui sont de la responsabilité de l'État et qui ne sont actuellement pas assurées de manière satisfaisante, en particulier en matière de police de l'eau.

Cette réforme ne doit pas conduire à une modification de la nature et du mode de gestion du FNDAE, celui-ci constitue actuellement le seul instrument de péréquation nationale dans le domaine de l'eau et la gestion qui en est assurée par le ministère de l'Agriculture satisfait tout le monde. Le FNDAE n'a donc pas à être concerné par les réformes envisagées.

Le Rapporteur a enfin abordé un problème de constitutionnalité soulevé par le renvoi à la loi de financement de la sécurité sociale des dispositions relatives à la TGAP. Le projet de loi de finances, en matière de politique de l'eau, ne comporte qu'une seule mesure : la création du nouveau compte spécial alimenté par les agences de bassin. La TGAP, créée en 1999, est actuellement une ressource du budget de l'État ; or, l'affectation d'une ressource de l'État à un autre organisme nécessite, selon l'ordonnance de 1959, une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale, laquelle n'est pas présente dans le projet de loi de finances pour 2000.

M. Yves Tavernier a conclu sur l'absolue nécessité du développement de la fiscalité écologique. Approuvant dans leur principe les propositions du Gouvernement, il s'est interrogé sur la suffisance, en terme d'efficacité pour l'environnement, des montants de prélèvements envisagés, qui restent timides.

Le Président Augustin Bonrepaux a souligné l'intérêt du rapport, et a observé que la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes allait être effectuée non dans le cadre de la loi de finances mais dans celui de la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui n'est pas sans soulever des difficultés d'ordre institutionnel et juridique. En effet, en premier lieu, la commission des Finances va se trouver en quelque sorte dessaisie de sa compétence fiscale au profit de la commission des Affaires culturelles. Il en est ainsi de 90 % des taxes sur le tabac, puisque la commission des Finances n'aura plus dans son champ de compétences que la fraction demeurant dans la loi de finances, soit environ 3 milliards de francs. Doit donc s'ajouter à ce transfert de recettes fiscales de la loi de finances vers la loi de financement de la sécurité sociale, celui de la taxe générale sur les activités polluantes destiné à compenser de nouveaux allégements de charges sur les bas salaires. Il est tout à fait regrettable qu'en conséquence la commission des Finances ne soit plus saisie au fond de questions fiscales qui la concernent pourtant au premier chef. En second lieu, le changement d'affectation de la TGAP présente en effet une difficulté juridique puisque la modification envisagée ne semble pas répondre aux exigences de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, lequel dispose que l'affectation de recettes ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, au demeurant d'initiative gouvernementale.

Le Président Augustin Bonrepaux a ensuite interrogé le Rapporteur sur les prélèvements destinés aux agences de bassin et sur le FNDAE.

Après avoir appuyé les propos du Président Augustin Bonrepaux relatifs au déséquilibre croissant entre loi de financement de la sécurité sociale et loi de finances et estimé que le ministre de l'Économie et des Finances se devait en conséquence de présenter à la commission des Finances les dispositions fiscales touchant au projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Philippe Auberger s'est interrogé sur l'intérêt de la création d'un fonds pour l'allégement des charges sociales, et a souligné qu'il s'agissait d'un nouveau cas de débudgétisation. La sortie du budget de la ristourne dégressive sur les bas salaires, à hauteur de 40 milliards de francs, est particulièrement contestable. Elle permet une présentation favorable et artificielle du budget.

Sur le fond du rapport, il a estimé qu'il convenait d'établir un bilan complet et équilibré des pollutions, et de souligner que si les agriculteurs contribuent à la pollution de l'eau, ils participent également à la dépollution, par exemple à l'élimination du produit des stations d'épuration. L'outil fiscal ne doit pas être le seul instrument permettant d'agir contre les pollutions agricoles. Les firmes produisant les produits phytosanitaires sont trop souvent juges et parties. C'est pourquoi il convient que des conseils, indépendants du secteur commercial de la production d'engrais, puissent éclairer la décision politique. S'agissant des agences de bassin, les élus locaux savent bien que leur existence a permis de lutter contre les pollutions et que dans l'ensemble leur bilan est positif. Mais le perfectionnisme de la législation et de la réglementation ont conduit à des surcoûts très importants.

M. Alain Rodet a considéré que les agglomérations étaient sous-représentées dans les comités de bassin. Il a marqué sa préoccupation sur l'évolution des réseaux concédés à Vivendi et à la Lyonnaise des Eaux. Enfin, il a observé que, par réaction, certains veulent systématiquement tourner le dos à l'agriculture performante. Il faut veiller à ne pas tomber dans ce travers.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que le rapport était courageux, mais que la conclusion l'était un peu moins. Il convient d'éviter l'opposition entre les urbains et les ruraux. Le Gouvernement ne peut poursuivre sa réforme de la taxe générale sur les activités polluantes sans indiquer ses intentions. L'affectation de la taxe générale sur les activités polluantes aux dépenses sociales constitue un transfert important, mais la piste reste limitée sauf à augmenter une nouvelle fois la fiscalité pesant sur les ménages, ce qui n'est pas souhaitable. Les industriels sont plus faciles à dénoncer que les agriculteurs. Il faut expliquer à ces derniers, par exemple en Bretagne, que le prix du porc peut difficilement monter et la pollution diminuer en augmentant le nombre de porcs.

M. Jean-Pierre Delalande a souligné le paradoxe consistant à souhaiter une augmentation des rendements agricoles et à vouloir diminuer la consommation d'engrais. Ce paradoxe risque d'entretenir pour longtemps la négociation avec le monde agricole, et occuper des équipes de plus en plus nombreuses à Paris ou Bruxelles. La fiscalité ne doit pas être le seul instrument de lutte contre la pollution : l'établissement de normes plus soucieuses de l'environnement peut y contribuer également. Les citoyens n'acceptent plus de payer pour le traitement de l'eau davantage de taxes que le montant de leur consommation. C'est la tentation perfectionniste de la législation sur l'eau qui a conduit à cette situation absurde.

Sur les relations entre loi de financement de la sécurité sociale et loi de finances, il a rappelé que lors des débats ayant précédé l'adoption de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, il avait émis l'idée qu'une commission spéciale composée pour moitié de membres de la commission des Affaires culturelles et pour moitié de membres de la commission des Finances, soit chargée d'examiner, chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le groupe socialiste s'était prononcé contre, de même, il est vrai, qu'une partie de la majorité de l'époque. La proposition n'eut pas de suite. Peut-être conviendrait-il d'y revenir notamment afin d'éviter toute difficulté avec la commission des Affaires culturelles.

Mme Nicole Bricq a estimé que le transfert de recettes du budget de l'État vers celui de la sécurité sociale pose un problème de fond sur lequel elle a jugé nécessaire que la commission des Finances fasse des propositions précises. Elle a rappelé que la TGAP a été instaurée pour rompre avec l'affectation des taxes préexistantes, et que son produit a été globalisé au sein du budget de l'État afin de donner aux pouvoirs politiques la capacité de mener une véritable politique de l'environnement. L'écotaxe présente en outre l'avantage d'être assise sur une ressource moins rare que le travail. Si elles ont rendu des services inestimables, les agences de l'eau ont engendré des effets pervers sur lesquels le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, doit proposer des réorientations. Les coûts de la pollution agricole restent indéniablement supérieurs aux services rendus par les agriculteurs, notamment en Ile-de-France où ces derniers ne prennent en charge la dépollution que très localement. L'instauration d'une taxe n'est un bon moyen de lutter contre la pollution que dans la mesure où elle a un effet dissuasif. Comme le montre le rapport de M. Yves Tavernier, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole a abouti à un système contreproductif qui revient à financer la dépollution tout en encourageant les pratiques polluantes. Le problème ne concerne cependant pas tout le monde agricole, et, à cet égard, il conviendrait d'instaurer une péréquation entre les agences, afin de renforcer les moyens d'intervention des régions les plus touchées.

M. Gérard Fuchs a souligné l'importance du volet contractuel de la politique de dépollution, et notamment des contrats territoriaux d'exploitation, dont il conviendrait d'augmenter les ressources.

M. Didier Migaud, rapporteur général, a partagé la préoccupation exprimée par plusieurs intervenants devant le transfert de recettes importantes depuis le projet de loi de finances vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'est interrogé sur l'opportunité de créer une commission spéciale, qui n'est peut-être pas la panacée. La séparation en deux textes pose un problème de lisibilité, et il est de la responsabilité de la commission des Finances d'établir une telle lisibilité, en examinant l'ensemble des recettes fiscales. Sur ce point, si les deux projets de loi étaient adoptés simultanément, le Gouvernement unifierait la présentation des dispositions fiscales et améliorerait la procédure de manière non négligeable. S'agissant de la TGAP, l'instauration du principe « pollueur-payeur » et l'affectation du produit de cette taxe au financement de la sécurité sociale constituent des évolutions positives. Le Rapporteur général s'est cependant interrogé sur l'existence d'une telle taxe dans d'autres pays, et sur les distorsions de concurrence qu'elle pourrait impliquer au détriment des entreprises françaises.

M. Jean-Pierre Delalande a estimé que le débat actuel n'était pas sans rappeler le malaise ressenti en 1995 par la majorité de l'époque, lors de l'examen du projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Afin de garder la maîtrise du budget de cette dernière, l'administration a eu tendance à maintenir une imbrication des financements. Pour contrecarrer cette tendance, il avait alors proposé un autre schéma, consistant à dissocier les circuits budgétaires en instaurant une procédure spécifique et à séparer les dates d'adoption de l'une et l'autre de ces lois. Les transferts de recettes aujourd'hui envisagés ainsi que le dessaisissement progressif de la commission des Finances d'une partie des recettes fiscales avaient, à l'époque, été prévus, de même que plusieurs contradictions auxquelles la procédure aboutit, sur lesquelles il reviendra lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Répondant aux différents intervenants, M. Yves Tavernier a rappelé que son rapport a vocation à servir d'introduction aux débats futurs, et principalement au projet de loi de financement de la sécurité sociale et au projet de loi sur l'eau, dont l'examen est prévu pour l'année prochaine. Puis il a apporté les précisions suivantes :

- la TGAP pose effectivement un réel problème de distorsion de concurrence, les principaux pays producteurs n'ayant pas instauré de taxe équivalente. Par ailleurs, le rapport prend largement en compte le volet contractuel de la politique de lutte contre la pollution, et notamment les contrats territoriaux d'exploitation qui bénéficient de moyens importants, estimés à deux milliards de francs ;

- la somme de 500 millions de francs, affectée au Fonds national de l'eau créé par l'article 31 du projet de loi de finances pour 2000, sera en priorité utilisé à la police de l'eau, à la recherche menée dans ce domaine et à la restauration des rivières ;

- la contribution du FNDAE au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole n'est pas reconduite, ce programme faisant actuellement l'objet d'une mission d'inspection qui devrait mettre à jour d'importantes dérives dans l'utilisation de l'argent public. Le programme a en effet légitimé les techniques de production utilisées par les grands élevages qui sont par ailleurs les principaux bénéficiaires de celui-ci ;

- son élargissement à l'ensemble des éleveurs coûterait entre 20 et 30 milliards de francs et poserait par conséquent un important problème de financement.

Le Rapporteur a enfin rappelé son hostilité à toute apologie des méthodes traditionnelles de développement de l'agriculture. Il a simplement considéré que, mis en place dès l'après-guerre avec l'accord de toutes les parties, le modèle de développement productiviste de l'agriculture montre aujourd'hui ses limites.

Après avoir félicité le Rapporteur pour la qualité de son travail, le Président Augustin Bonrepaux a annoncé son intention de demander au ministre de l'Économie et des finances de venir présenter devant la Commission les projets du Gouvernement en matière de financement de la sécurité sociale.

La Commission a ensuite autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information sur la taxe générale sur les activités polluantes et la politique de l'eau.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Alain Claeys, un rapport d'information sur l'accueil des étudiants étrangers en France.

M. Alain Claeys, rapporteur, a tout d'abord, précisé les motifs de son intérêt pour cette question : en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur, il lui a semblé nécessaire de s'intéresser aux moyens mis au service d'une priorité, affichée récemment avec force, par le ministre chargé de l'Enseignement supérieur, lors de la création de l'agence Édufrance et dont les enjeux au niveau européen ont été mis en évidence par le rapport de M. Jacques Attali. On assiste actuellement à l'émergence d'un « marché mondial de la formation » sur lequel les universités sont appelées à entrer en compétition afin d'attirer les étudiants les plus prometteurs mais aussi, parfois, les plus « rentables ». La prise en compte de cet enjeu commercial s'accentue au point que l'on envisage d'inclure l'offre de services d'éducation dans le prochain cycle de négociation de l'Organisation mondiale du commerce, qui aura lieu, en novembre 1999, aux États-Unis. Quelques chiffres permettent d'apprécier la réalité de ce « marché », estimé à 130 milliards de francs pour l'ensemble du monde : en 1998, les étudiants étrangers ont apporté 7,5 milliards de dollars à l'économie américaine tandis que les organisations internationales telle que l'UNESCO, la Banque mondiale ou l'Union européenne consacrent environ 3,5 à 4 milliards de francs par an au secteur de l'Éducation.

Ces chiffres expliquent que l'enjeu commercial occupe une place croissante dans les préoccupations des acteurs universitaires et constitue un véritable défi pour le système français d'enseignement supérieur qui est, par ailleurs, appelé à se moderniser, dans un contexte de diminution des effectifs étudiants, depuis trois années consécutives.

Au regard de cette évolution, on doit s'interroger sur le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France, au cours de ces dernières années. On constate que, longtemps placée au premier rang des pays d'accueil, la France enregistre, depuis une dizaine d'années, une diminution continue du nombre des étudiants étrangers : alors que les universités en accueillaient plus de 130.000 en 1985 (soit 13,6 % de la population étudiante totale), ce chiffre n'a cessé de diminuer pour atteindre 121.600 lors de la rentrée universitaire 1997-1998, soit 8,5 % de la population étudiante totale.

Cette diminution masque une évolution contrastée avec, d'une part, une progression des étudiants étrangers dont les parents résident en France et, d'autre part, un déclin du nombre des étudiants étrangers réellement expatriés. Au total, la question de l'accueil de ces étudiants ne se pose donc, véritablement, que pour environ 90.000 d'entre eux sur un total de 130.000, si l'on prend les chiffres de la rentrée 1996-1997.

Au-delà de cette évolution quantitative, on observe une « européanisation » croissante des étudiants étrangers qui viennent effectuer un cursus en France. Ce phénomène s'explique par le succès de la politique de coopération interuniversitaire menée au plan communautaire, notamment le programme « Erasmus », ainsi que par la chute du mur de Berlin qui a provoqué une forte croissance du nombre d'étudiants en provenance de l'Europe de l'Est.

Les facteurs qui expliquent cette importante diminution sont multiples : complexité du dispositif d'accueil, absence de clarté des cursus universitaires, incidences de certaines politiques, en particulier celle de maîtrise des flux migratoires, recul de l'enseignement du français dans le monde.... En outre, l'organisation du dispositif d'accueil des étudiants étrangers se caractérise par une grande complexité, liée à la multiplicité des acteurs qui interviennent, sans réelle concertation les uns avec les autres.

Ainsi, deux ministères sont principalement en charge de l'accueil des étudiants étrangers : le ministère de l'Éducation nationale, qui définit des objectifs d'accueil dans le cadre de la politique contractuelle avec les établissements, d'une part, et le ministère des Affaires étrangères, d'autre part, qui accorde des soutiens aux étudiants étrangers désirant venir en France, en particulier des bourses d'études ou de stages, environ 19.000 en 1997. La coordination de leurs actions a longtemps fait défaut, et on ne peut que se féliciter du rapprochement qui s'est récemment dessiné.

En outre, la France connaît une diversité d'opérateurs chargés de l'accueil des étudiants étrangers, qui se trouvent dans une situation de concurrence latente. Une rencontre avec des responsables du British Council a permis de constater l'efficacité de cet organisme, lequel intervient bien avant l'arrivée de l'étudiant en Grande-Bretagne : ce dernier est ainsi assuré de son inscription dans une université, avant même son départ. Cet exemple est, certes, unique dans la mesure où le British Council a des missions beaucoup plus étendues qui le rapprochent de l'action du réseau culturel des Ambassades de France à l'étranger. Toutefois, il incite à réfléchir sur la pertinence de l'organisation actuelle des interventions des différents opérateurs en France.

Enfin, les établissements eux-mêmes n'ont pas toujours développé une démarche cohérente d'accueil, en raison de l'afflux d'étudiants auquel ils ont dû faire face au cours de ces dix dernières années et de l'absence de moyens qui auraient été nécessaires pour mener à bien une politique plus offensive.

M. Alain Claeys a observé que cette diversité des acteurs conduit à une situation paradoxale où l'étudiant étranger ne fait pas l'objet d'une politique globale d'accueil et doit s'adapter à différentes logiques d'intervention, alors même qu'il devrait se trouver au centre des préoccupations. Ce constat doit cependant être nuancé, tous les étudiants étrangers ne se trouvant pas dans la même situation : les étudiants boursiers du Gouvernement français bénéficient en effet d'une prise en charge intégrale, dès leur arrivée en France, tandis que les étudiants non titulaires de bourses ou ne participant pas à un programme d'échanges restent isolés.

M. Alain Claeys a ensuite évoqué la complexité du système universitaire français, qui nuit à une présentation cohérente des formations alors même que leur qualité est unanimement reconnue. Un travail d'harmonisation est en cours au niveau européen, qu'il convient d'encourager, car l'affirmation de la dimension éducative européenne est une donnée essentielle qui permettra de concilier les enjeux économiques et la légitime attente d'une formation de qualité.

Si cette présentation peut paraître « apocalyptique », elle révèle cependant un désintérêt pour l'accueil des étudiants étrangers au cours de ces dernières années. Elle ne rend, cependant, pas justice aux récents efforts entrepris pour améliorer les conditions d'accueil de ces étudiants, comme les dispositions de la loi du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, dont l'adoption a permis d'assouplir les conditions de présence des étudiants étrangers sur notre territoire. Il convient surtout d'évoquer la création de l'agence Edufrance, dont la mission principale est de promouvoir les filières de formation françaises à l'étranger.

M. Alain Claeys a salué ces initiatives, en estimant que l'effort doit être poursuivi, et a suggéré cinq pistes de réflexion.

En premier lieu, il a jugé nécessaire de rendre plus cohérent le dispositif d'accueil des étudiants étrangers, en renforçant la coopération entre les ministères chargés de l'enseignement supérieur et des affaires étrangères, notamment en matière d'attribution des bourses du Gouvernement français. Dans la même logique, une clarification des relations entre les opérateurs, en particulier le CNOUS et le CIES, est souhaitable.

En second lieu, un rôle central doit être reconnu aux universités dans la politique d'accueil des étudiants étrangers, ce qui suppose d'accroître leur autonomie dans ce domaine en leur confiant la gestion d'un « volant » de bourses qui leur permette de mettre en _uvre une politique d'accueil plus offensive. Les établissements doivent également être encouragés à mettre en place des guichets d'accueil, afin de simplifier les démarches des étudiants étrangers.

La reconnaissance d'une large autonomie des universités en matière de relations internationales et d'accueil des étudiants étrangers est souhaitable. En contrepartie, il importe que la politique contractuelle qui lie les établissements et l'Etat soit davantage orientée sur les actions entreprises dans ce cadre et leur évaluation.

En troisième lieu, l'accent doit être mis sur la qualité de l'accueil des étudiants étrangers, ce qui implique d'accorder, dans le cadre du plan U3M, des moyens permettant l'aménagement de logements adaptés aux séjours de courte et moyenne durée ainsi que la construction de lieux de convivialité facilitant l'insertion des étudiants étrangers ; d'inciter préfectures et universités à coopérer en vue de faciliter les démarches des étudiants étrangers et d'encourager le tutorat par des étudiants français, qui souhaitent ou ont déjà réalisé une mobilité.

Dans un quatrième temps, le Rapporteur a insisté sur la nécessité de clarifier les compétences de l'agence Edufrance et de renforcer ses moyens. Sa création répond, certes, à un besoin réel mais sa vocation d'« assemblier » doit être clairement rappelée, afin de favoriser une meilleure coopération entre les différents acteurs de l'accueil. Dans un souci d'efficacité, cette clarification doit s'accompagner d'une augmentation de ses moyens.

Enfin, la dimension éducative de la construction européenne doit être renforcée. Dans ce but, il importe de mettre en place, rapidement, une gestion rigoureuse des programmes européens en précisant les missions et les moyens de l'agence « Socrates » chargée de leur application en France. Il faut, surtout, poursuivre l'effort d'harmonisation des cursus universitaires en vue de les clarifier. La construction d'une « Europe de la connaissance et des savoirs » apparaît en effet comme le seul véritable moyen pour la France de préserver la spécificité de son système éducatif, tout en participant au marché mondial de la formation.

M. Alain Claeys a conclu son propos en précisant que ces différents aspects devront faire l'objet d'un examen attentif lors du contrôle des demandes et de l'utilisation des crédits affectés à des actions d'ouverture internationale.

M. Yves Tavernier s'est étonné de l'absence d'articulation entre l'excellent réseau de lycées français à l'étranger et les universités françaises, qui accueillent d'ailleurs, à la différence des universités américaines, une majorité de femmes et d'étudiants en lettres. Mais le volontarisme dans ce domaine doit être accompagné de moyens financiers suffisants, afin d'assurer la quantité et la qualité de l'accueil.

M. Pierre Méhaignerie a estimé que le rapport, sans analyser les causes de ce phénomène, démontrait que l'Europe des études supérieures manquait d'un projet d'ensemble, de telle sorte que les étudiants européens achèvent le plus souvent leur cursus aux États-Unis. Selon lui, les universités doivent disposer de davantage d'autonomie de décision, notamment vis-à-vis d'Edufrance.

Jugeant qu'Edufrance tentait de mener une politique volontariste, M. Alain Barrau a souligné que peu d'établissements prenaient l'initiative d'accueillir des étudiants étrangers. Une conception par trop théorique de l'autonomie des universités ne doit donc pas faire oublier le rôle essentiel de la volonté politique. Par ailleurs, l'exemple britannique présenté dans le rapport, qui a l'avantage de la clarté pour les étudiants et leur famille, mérite d'être approfondi, notamment sur le point de savoir si d'autres pays rencontrent un tel succès. En outre, il ne faut pas perdre de vue qu'il y aura plus d'étudiants étrangers en France quand il y aura davantage d'étudiants français à l'étranger et ce, pas seulement aux États-Unis. Enfin, si l'analyse critique des circuits financiers des actions communautaires est justifiée, il faut toutefois se préoccuper concrètement d'utiliser de façon efficace les moyens disponibles, qui portent déjà leurs fruits, tout particulièrement dans le troisième cycle.

M. Gérard Bapt a déploré les conditions d'accueil des étudiants francophones, notamment africains, qui, au-delà même des difficultés matérielles, sont confrontés à des obstacles administratifs en matière de visas. Le rôle d'Edufrance est, certes, de promouvoir les établissements français, mais également de répondre à la demande de formation, en facilitant, au besoin, la création d'établissements supérieurs privés, comme le montrent les exemples récents du Caire et du Liban. Enfin, il serait intéressant de savoir quel est exactement le nombre des étudiants originaires de Roumanie, car ce pays est sans doute le plus francophone d'Europe centrale.

Répondant aux intervenants, le Rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- il revient à Edufrance de se rapprocher de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger afin d'assurer une meilleure articulation entre le second degré et le supérieur ;

- les échanges intracommunautaires d'étudiants ont beaucoup augmenté au cours des dernières années ;

Edufrance ne doit pas étouffer l'autonomie des universités dans le domaine des relations internationales, mais les nécessités qui ont présidé à sa création restent toujours d'actualité ;

- le système anglais repose sur une logique économique et il faut donc mettre en regard le flux financier qu'il produit avec le désengagement opéré par les structures d'État ;

- la politique d'accueil des étudiants étrangers s'est longtemps cantonnée au monde francophone et le préalable de la connaissance de la langue a ainsi fermé l'accès de nos universités à un certain nombre d'étudiants, mais il faut souligner qu'une réorientation est en cours.

Saluant la qualité du travail du Rapporteur, le Président Augustin Bonrepaux a souhaité que la réflexion se prolonge, notamment au vu du retard que notre pays semble avoir pris par rapport au Royaume-Uni.

La Commission a ensuite autorisé, conformément à l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information sur l'accueil des étudiants étrangers en France.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 1538) de M. Gérard Fuchs, Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (COM [98] 295 final / n° E 1105).

Le Rapporteur général a souligné que l'entrée dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire conduit à poser, à nouveau, la question de l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne dans l'Union européenne. Si le souhait d'un minimum d'harmonisation est largement partagé, deux visions s'opposent. Une première approche consiste à prôner un processus de mise en concurrence des systèmes de prélèvements obligatoires. La seconde approche consiste dans la recherche de l'harmonisation suivant un processus de coordination politique.

Le Conseil et la Commission ont déjà fait ce dernier choix à l'occasion de l'institution de la libre circulation des capitaux. Ils s'y tiennent aujourd'hui. Un premier effort d'harmonisation, avec les propositions de Mme Christiane Scrivener en 1989, n'ayant pas abouti, le Conseil et la Commission ont relancé le processus de coordination politique.

Ayant renvoyé, pour un examen détaillé du contenu de la proposition de directive, au rapport d'information (n° 1537) présenté par M. Gérard Fuchs, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, le Rapporteur général a exposé la teneur de la proposition de résolution (n° 1538). Il a indiqué que l'article unique de cette proposition comprenait d'abord cinq considérants retraçant le contexte de compétition fiscale dans lequel s'inscrit la négociation de la directive.

Le premier considérant (cinquième alinéa de l'article unique) rappelle que l'absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne génère des distorsions de concurrence entre les États membres.

Le deuxième considérant (sixième alinéa de l'article unique) souligne que la bonne allocation de l'épargne s'en trouve compromise, les considérations fiscales ayant tendance à l'emporter sur l'analyse économique.

Le troisième considérant (septième alinéa de l'article unique) insiste sur les pertes de recettes qui résultent de ces distorsions pour beaucoup d'États membres.

Les quatrième et cinquième considérants (huitième et neuvième alinéas de l'article unique) soulignent que cette absence d'harmonisation ne peut conduire qu'à une pression à la baisse de la fiscalité des revenus de l'épargne, au détriment de ceux du travail.

Après avoir indiqué qu'il suggérerait d'adopter ces considérants sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, le Rapporteur général a présenté les huit points de conclusions contenus dans la proposition de résolution.

Par son point 1 (dixième alinéa de l'article unique), serait approuvé le principe d'un minimum d'imposition des intérêts payés à des personnes physiques qui ont leur résidence fiscale dans un État membre autre que celui de l'agent payeur. Il s'agit donc d'approuver le compromis, tel que dessiné par la Commission européenne, fondé sur une approche essentiellement pratique, entre les États à secret bancaire et ceux pratiquant une large information de l'administration fiscale par les établissements payeurs. Le Rapporteur général a suggéré d'adopter ce point, compte tenu d'une modification tendant à reprendre la terminologie même de la proposition de directive.

Il a ensuite exprimé son accord avec le point 2 (onzième alinéa de l'article unique), qui invite à poursuivre les négociations engagées avec les pays extérieurs à la Communauté européenne susceptibles de recevoir les placements de non-résidents originaires de celle-ci.

Sur le point 3 (douzième alinéa de l'article unique), invitant à refuser d'établir un lien entre l'adoption ou l'application de la directive et la progression des négociations avec les pays tiers ou la signature d'accords avec eux, le Rapporteur général a dit sa conviction que soumettre l'adoption de la directive, ou son entrée en vigueur, aux résultats d'un nouveau cycle de négociations, cette fois avec des États extérieurs à la Communauté européenne, reviendrait à reporter sine die son entrée en vigueur. Il a indiqué qu'il proposerait une modification rédactionnelle, la notion de « progression des négociations » lui semblant trop floue.

Le point 4 (treizième alinéa de l'article unique) suggère d'intégrer dans la directive même l'obligation faite aux États membres de s'engager à ce que des mesures équivalentes à celles contenues dans la directive s'appliquent dans leurs territoires dépendants ou associés ou dans les autres territoires sur lesquels ils exercent des responsabilités particulières ou des prérogatives fiscales. Le Rapporteur général a indiqué que, dans son rapport fait au nom de la Délégation pour l'Union européenne, M. Gérard Fuchs avait estimé qu'une telle insertion donnerait plus de force juridique à cet engagement, la Cour de justice des Communautés européennes pouvant veiller à son respect. Le Rapporteur général a suggéré d'adopter ce point compte tenu d'une modification rédactionnelle.

Le Rapporteur général a ensuite exprimé son accord avec le point 5 (quatorzième alinéa de l'article unique), soutenant la demande française de fixer à 25 % le taux minimum de la retenue à la source.

Sur le point 6 (quinzième alinéa de l'article unique), demandant de repousser d'un an la date limite de la transposition de la directive et de six mois la date de l'entrée en vigueur des dispositions prises pour cette transposition, le Rapporteur général a indiqué qu'il était devenu indispensable, même dans l'hypothèse d'un aboutissement de la négociation avant le Conseil européen d'Helsinki, de reporter d'une année le calendrier de transposition initialement prévu. Il a toutefois estimé que le report de l'entrée en vigueur de seulement six mois, c'est-à-dire au 1er juillet 2001, tel que le suggérait la Délégation pour l'Union européenne, serait source de complications.

Dans le point 7 (seizième alinéa de l'article unique), la Délégation pour l'Union européenne suggère d'abord de procéder à une nouvelle évaluation a priori des effets de la proposition de directive. Elle souhaite ensuite que la Commission européenne puisse, à l'occasion d'une évaluation a posteriori, proposer toutes les améliorations qui lui paraîtront utiles. Le Rapporteur général a estimé contradictoire de demander à la fois une adoption rapide et inconditionnelle de la directive et une nouvelle évaluation a priori de ses effets. S'agissant de l'évaluation a posteriori, il a considéré que l'article 13 de la proposition de directive la prévoyait déjà.

Dans le point 8 (dix-septième à vingt-et-unième alinéas de l'article unique), la Délégation pour l'Union européenne suggère d'envisager des mesures complémentaires après l'adoption de la directive.

Le Rapporteur a souscrit à la première demande consistant à adopter les autres mesures d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne qui permettraient d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

Le Rapporteur général a ensuite émis des doutes sur l'opportunité de soulever dès maintenant la question d'un mécanisme de compensation financière entre les États membres (dix-neuvième alinéa de l'article unique), le débat sur une éventuelle « communautarisation » ou « péréquation » du produit de l'imposition minimum ne pouvant que renforcer les États les plus réticents dans la crainte de s'engager dans un processus dont le point d'aboutissement serait aléatoire.

Le Rapporteur général a enfin suggéré d'adopter, compte tenu de deux modifications rédactionnelles, l'avant-dernier alinéa de l'article unique, demandant la définition d'un statut de résident fiscal communautaire, et le dernier alinéa de l'article unique, prônant le remplacement de la règle de l'unanimité par celle de la majorité qualifiée dans les domaines fiscaux susceptibles d'affecter la concurrence entre les États membres de l'Union européenne.

M. Gérard Fuchs a souligné que, si la négociation en cours n'aboutissait pas, la concurrence fiscale perdurerait avec ses conséquences dommageables, que ce soit la diminution de l'assiette d'imposition ou l'accroissement des prélèvements sur le facteur de production le moins mobile qu'est le travail. Depuis dix ans, les termes du débat sont connus. La réussite de la négociation constituerait donc un progrès très souhaitable.

La Commission a ensuite abordé l'examen des amendements présentés sur la proposition de résolution.

Elle a d'abord adopté deux amendements rédactionnels présentés par le Rapporteur général aux sixième et huitième alinéas de l'article unique (amendements nOS 1 et 2).

Elle a ensuite adopté un amendement présenté par le Rapporteur général, reprenant, à la fin du dixième alinéa (1.) de l'article unique, la terminologie même de la proposition de directive pour définir le champ de la taxation minimum qu'elle prévoit (amendement n° 3).

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur général au douzième alinéa (3.) de l'article unique, tendant à remplacer la référence à la « progression » des négociations par la référence à « l'état » de celles-ci pour refuser d'en faire un préalable à l'adoption ou à l'entrée en vigueur de la directive, après que M. Didier Migaud eut souligné que la première était susceptible de trop d'interprétations divergentes pour conditionner l'adoption ou l'entrée en vigueur d'une directive (amendement n° 4).

La Commission a ensuite adopté deux amendements présentés par le Rapporteur général, le premier, rédactionnel, au treizième alinéa (4.) de l'article unique, le deuxième, au quinzième alinéa (6.) de l'article unique, tendant à proroger d'une année de délai d'entrée en vigueur des dispositions de transposition de la directive (amendements nOS 6 et 5).

La Commission a examiné l'amendement présenté par le Rapporteur général, tendant à supprimer le seizième alinéa (7.) de l'article unique, le souhait d'une adoption rapide et inconditionnelle de la directive lui paraissant contradictoire avec celui d'une nouvelle évaluation a priori, tandis que l'article 13 de la proposition de directive prévoit déjà une évaluation a posteriori ouvrant à la Commission européenne la possibilité de proposer toute amélioration du dispositif.

M. Gérard Fuchs a indiqué que l'important était d'obtenir que l'évaluation a posteriori intervienne dans les deux ans de l'entrée en vigueur, ce souhait étant satisfait par le report de la date de cette dernière sans que soit modifiée celle du dépôt du rapport de la Commission européenne prévu à l'article 13 de la proposition de directive.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 7).

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le Rapporteur général, tendant à supprimer le dix-neuvième alinéa de l'article unique, au motif que le Parlement n'étant pas en prise directe sur la négociation, la question d'un éventuel mécanisme de compensation financière apparaissait, dès lors, prématurée.

M. Gérard Fuchs a douté que la négociation puisse aller à son terme sans qu'on doive reconnaître la possibilité d'une telle compensation, mais, il a admis que le point de vue du négociateur ne devait pas nécessairement être repris dans une prise de position parlementaire.

La Commission a adopté cet amendement ainsi que deux amendements rédactionnels présentés par le Rapporteur général au vingtième et au dernier alinéas de l'article unique (amendements nOS 8, 9 et 10).

La Commission a ensuite adopté l'article unique ainsi amendé de la proposition de résolution.

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