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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 février 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de MM. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des comptes, Jean-Pierre Guillard et François Delafosse, Conseillers maîtres à la Cour des comptes

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La commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des comptes, Jean-Pierre Guillard et François Delafosse, Conseillers maître à la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, rapporteur général, a salué la qualité des relations entre la commission des Finances et la Cour des comptes, en soulignant que des travaux comme ceux menés par la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) renforçaient encore cette relation. Il est indispensable que l'administration, à son tour, assure un meilleur suivi des rapports de la Cour. On peut espérer que le Parlement dispose, grâce aux travaux de la Cour, de plus de temps pour examiner la loi de règlement. Des progrès sont d'ores et déjà accomplis ; en particulier, il faut approuver la décision du ministre des Finances de présenter plus tôt, à la demande du Parlement, l'exécution des comptes de 1999. Toutefois, la Cour fait état de pratiques d'ajustements, en fin d'exercice, qui faussent le principe de l'annualité. Il convient de s'interroger sur la possibilité d'éviter de telles pratiques, le cas échéant, par une intervention en amont de la Cour. En outre, il faut s'interroger sur les expériences étrangères en matière de suivi de l'exécution du budget.

S'agissant des rémunérations accessoires des cadres supérieurs de la Direction générale des impôts et du Trésor, la Cour des comptes a-t-elle des éléments lui donnant la certitude d'avoir eu une information exhaustive sur les rémunérations supplémentaires pour les catégories de fonctionnaires en cause ; est-il possible de distinguer, pour chaque catégorie, dans l'ensemble des rémunérations accessoires, la qualification et le fondement juridique de chaque avantage considéré ?

En outre, il convient de savoir où en est la régularisation des pratiques dénoncées par la Cour en matière de primes, la plupart de celles-ci n'ayant pas de base légale, et si la fiscalisation des rémunérations accessoires portera sur la totalité de leur montant. Le Parlement a souligné à plusieurs reprises la nécessité de moderniser la comptabilité de l'État, mais si les différents ministres des Finances sont souvent d'accord avec cette ligne, l'évolution en la matière apparaît extrêmement lente, ce qui conduit le Parlement à travailler sur des documents budgétaires ne correspondant pas à la réalité.

Soulignant la contribution du Parlement aux efforts de gestion publique, M. Didier Migaud s'est interrogé, à cet égard, sur la pertinence de certains des principes fondamentaux du droit budgétaire, notamment la spécialité et l'annualité, en rappelant que le Parlement avait assoupli certaines contraintes de gestion imposées aux administrations. Toutefois, de telles adaptations ne sont possibles qu'avec une modification de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Le rapport de la Cour des comptes fait état de certaines défaillances dans les modes d'intervention des autorités publiques en 1999, par exemple sur les aides au retour à l'emploi, qui conduisent à s'interroger sur une éventuelle incapacité de l'administration à fonctionner de manière moderne, et à s'extraire d'une « logique de moyens » pour adhérer à une « logique de résultats ».

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, a indiqué que la Cour serait vraisemblablement en mesure de déposer son rapport sur le projet de loi de règlement dès le mois de juin. En revanche, il a estimé qu'il est difficile de suivre l'exercice 2000 en temps réel. Le droit budgétaire français est dominé par des textes préparés dans la précipitation du changement de régime en 1958 ; il en résulte que de tous les Parlements des pays occidentaux, le Parlement français est celui dont les pouvoirs budgétaires sont les plus faibles.

S'agissant des primes dans la fonction publique, M. Christian Sautter, alors secrétaire d'État au budget, a demandé au ministre de la Fonction publique de prendre les dispositions nécessaires d'ici la fin de cette année. Il convient de rappeler, en tout état de cause, que la réflexion sur la fonction publique est un travail de longue haleine, que la Cour a envisagé il y a cinq ans, entrepris il y a quatre ans et qu'elle entend poursuivre au moins durant les deux prochaines années.

Abordant la comptabilité patrimoniale de l'État, M. Pierre Joxe a rappelé que M. Jean Arthuis avait lancé une réflexion sur cette question et qu'une mission avait ensuite présenté un important rapport. La commission des Finances aurait tout intérêt à se saisir de cette question, qui illustre le retard de l'État, en France, non seulement par rapport à ses principaux voisins, sans doute plus spontanément orientés vers une approche en termes de comptabilité privée, mais aussi par rapport aux collectivités locales. Le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a d'ailleurs indiqué qu'il était entièrement disposé à ce que l'on aille plus loin dans cette direction.

Plutôt que de s'attacher à des principes parfois inapplicables, il vaudrait mieux que le Parlement, qui en est actuellement réduit, en matière budgétaire, à approuver ou à rejeter les dispositions qui lui sont présentées, organise lui-même les exceptions à ces principes : il en va ainsi de l'annualité et de la spécialité, qui pourraient faire davantage de place à la pluriannualité et étendre les procédures de délégation de crédits, de telle sorte que le Parlement accroisse son influence sur le suivi et le déroulement de l'exécution des lois de finances.

M. François Delafosse, conseiller-maître, a précisé que l'information de la Cour sur les rémunérations dans les directions générales des impôts et de la comptabilité publique a non seulement été exhaustive, mais qu'elle a également été recoupée avec les données budgétaires et comptables, au point que le ministère a repris le tableau élaboré par la Cour. En tentant d'établir, parfois au prix de longues recherches historiques, les bases juridiques fondant chacune des primes, elle a abouti à la conclusion suivante : il est exceptionnel que ces bases consistent en un décret publié au Journal officiel. Ces primes trouvent donc, le plus souvent, leur origine dans des décisions ministérielles telles que « l'approuvé » d'un ministre ou de son directeur de cabinet, cet « approuvé » prenant parfois la forme d'une simple mention manuscrite du ministre dans une note. On peut, ainsi, citer un cas où Gilbert Jules avait mentionné, en marge d'une note, son accord à une prime, assorti de considérations critiques. Selon le ministre de l'Économie, la rebudgétisation des primes est entamée et la Cour fera le point, durant le second semestre, sur la régularisation du système des primes, même si, à ce stade, aucun texte n'a encore été publié au Journal officiel.

M. Jean-Pierre Guillard, conseiller-maître, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, a insisté sur les observations que la Cour est amenée, année après année, à formuler sur les dispositifs d'aide à l'emploi. En effet, la réglementation ne cesse de s'affiner en la matière, comme le montre l'exemple des contrats initiative-emploi (CIE), de telle sorte qu'il est devenu impossible de suivre le résultat concret de ces perfectionnements, à la fois parce que les acteurs concernés se heurtent à des difficultés d'application sur le terrain et parce qu'aucune mesure de l'efficacité de ces dispositifs n'a été prévue. Plus généralement, la Cour déplore une défaillance dans la fonction de tutelle et de pilotage de l'État, que démontrent les analyses qu'elle a consacrées dans son dernier rapport public notamment à l'Établissement public de La Défense (EPAD), à l'Association pour le développement agricole, à la Société française de production (SFP), à la construction d'Éole et de Météor, aux établissements publics de recherche et aux associations intervenant dans le secteur culturel : l'État s'y montre incapable de définir des objectifs en rapport avec les moyens et d'en assurer le suivi. C'est pourquoi la Cour a décidé de faire figurer parmi ses priorités triennales le fonctionnement des services déconcentrés de l'État.

Convenant, avec le Rapporteur général de la commission des Finances qu'une « ère nouvelle » s'ouvrait sans doute dans les relations entre le Parlement et la Cour des comptes, M. Pierre Méhaignerie a toutefois craint, à la lumière de l'expérience de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) constituée au sein de la commission des Finances, que les conséquences pratiques n'en soient très limitées. Il a demandé si la Cour avait identifié, d'une part, des ministères ou des établissements publics ayant démontré leur capacité à se réformer et, d'autre part, des gisements de productivité dans les administrations, compte tenu de la nécessaire maîtrise de la dépense publique et de la mise en place de la réduction du temps de travail. Estimant enfin qu'il existe une indéniable imprégnation centralisatrice, qui tend à ce que ceux qui subissent les réformes administratives sont toujours ceux qui sont les plus proches du contribuable, il a souhaité savoir s'il était exact que la surface occupée par les administrations centrales avait doublé depuis la mise en _uvre des lois de décentralisation, ce qui démontrerait une excessive production administrative de la part de ces administrations.

Saluant le caractère fouillé et approfondi du travail présenté par la Cour des comptes dans son rapport public, M. Philippe Auberger a estimé que le Parlement ne disposait que de deux pouvoirs : celui de mettre en cause la responsabilité politique d'un ministre, ce qui paraît peu réaliste, même si le Parlement européen a récemment fait la démonstration qu'un tel pouvoir pouvait s'affirmer ; celui d'amender les textes, qui doit être étendu, notamment en ce qui concerne les transferts de charges au sein du budget. À la faveur d'une révision de l'ordonnance organique relative aux lois de finances, la Cour pourrait examiner chaque année les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. Par ailleurs, les huit pages du rapport annuel de la Cour de discipline budgétaire et financière contrastent fortement avec l'ampleur du rapport annuel de la Cour des comptes. Le Parlement a pourtant adopté une disposition permettant de mettre en jeu la responsabilité pécuniaire des dirigeants d'entreprises publiques. Plus généralement, il est étonnant que la responsabilité pécuniaire des agents publics ne soit pas plus souvent mise en cause et il faut s'interroger sur les moyens d'y parvenir.

Se félicitant de l'assistance apportée par la Cour des comptes dans le cadre des travaux de la MEC, M. Gérard Bapt a cependant remarqué que les travaux de la Cour intervenaient nécessairement a posteriori par rapport au rythme parlementaire. La réflexion menée sur les aides à l'emploi n'en a pas moins été encourageante, dans la mesure où le ministère concerné, en prévoyant des crédits destinés à étudier l'efficacité de ces dispositifs, a montré qu'il avait tenu compte des critiques formulées par les députés.

M. Gilbert Gantier a évoqué l'origine de la procédure budgétaire : l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances qui en fixe les règles doit s'interpréter à la lueur des dérapages qu'a connus la IVe République : discussion budgétaire s'achevant parfois en juillet, voire en août, douzièmes provisoires, examen interminable et vote par les parlementaires de chaque chapitre budgétaire. L'ordonnance a donc heureusement fixé un butoir pour l'adoption du budget. Cependant, la rationalisation à laquelle elle a procédé n'est, à l'expérience, pas exempte de défauts. Le principal réside sans doute dans le vote de tous les services votés au travers de l'adoption d'un seul article de la loi de finances, ce qui tend à cristalliser les dépenses publiques et à figer la structure budgétaire.

M. Gilbert Gantier a souhaité, en conséquence, connaître le point de vue du Premier Président de la Cour des comptes sur la distinction mesures nouvelles/services votés.

S'agissant de la comptabilité patrimoniale de l'État, il a rappelé qu'il avait présenté un amendement au projet de loi de finances pour 1992 demandant un rapport sur sa mise en place, que le Rapporteur général de l'époque l'avait combattu, mais que le ministre avait souligné tout son intérêt, et qu'il avait finalement été adopté, sans toutefois qu'une suite ait été apportée à ce dispositif.

M. Gilbert Gantier a souligné la nécessité de dépenser mieux, et, dès lors, d'améliorer la productivité de l'État. Mais la tâche est ardue, comme en témoignent les actuelles discussions sur la réforme de l'administration du ministère de l'économie et des finances, l'existence de services paraissant, aux yeux de certains, plus justifiée par l'emploi que par le souci d'une bonne perception de l'impôt.

M. Pierre Joxe a apporté aux différents intervenants les réponses suivantes :

- les travaux sur la comptabilité patrimoniale, notamment ceux du sénateur Jean Arthuis se poursuivent, l'appui du Parlement à la réforme étant indispensable. Les ministères ont tout intérêt à développer ce type de comptabilité, notamment pour y intégrer les amortissements, et ainsi améliorer les conditions d'une nécessaire planification des investissements ;

- sur les services votés, une expérience a été tentée lorsque M. Pierre Méhaignerie était Président de la commission des Finances. L'instabilité gouvernementale n'en a pas permis la poursuite, mais l'axe est sans doute tracé ;

- s'agissant des suites données aux travaux de la Cour, les progrès sont incontestables. Ainsi la préfecture de police, la délégation générale pour l'armement, grâce aux observations de la Cour et sous la double pression de la baisse des crédits et du développement de la coopération internationale, le ministère des Finances, grâce aux contrôles de la Cour, prolongés par les travaux du Parlement, ont été réformés ou sont en voie de l'être. La seule analyse des programmes Éole et Météor, avant toute publication des travaux de la Cour, a conduit à une révision de programmes en cours. Les contrôles de la Cour sont donc bien suivis d'effets. Ils sont d'autant plus utiles qu'ils sont enrichis par la présence, au sein de la Cour, d'une dizaine d'ingénieurs détachés ;

- sur les conséquences de la décentralisation en matière immobilière, pour les administrations centrales, les observations de M. Pierre Méhaignerie paraissent de prime abord surprenantes. Il conviendra de les vérifier ;

- l'idée que la Cour fournisse un avis sur chaque projet de loi de finances date déjà de quelques années. M. Philippe Séguin, alors président de l'Assemblée nationale, l'avait émise. Le Président Laurent Fabius l'a reprise. Cependant, elle soulève une question d'ordre juridique, puisque, d'après la Constitution, la Cour des comptes « assiste le Parlement et le Gouvernement, dans le contrôle de l'exécution des lois de finances », et n'intervient donc pas dans leur préparation ;

- l'annexe au rapport public de la Cour de 1999 consacrée aux observations de la Cour de discipline budgétaire et financière est peut-être brève, mais pendant de nombreuses années, son absence ne semble pas avoir été remarquée. Ce n'est, en effet, que depuis 1994 qu'est présenté le bilan d'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière. Le texte qui a institué celle-ci, qui date de 1948, est assurément inadapté aujourd'hui. On peut, en outre, s'interroger sur sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme. C'est pourquoi le Procureur général de la Cour a proposé le transfert des pouvoirs de la Cour de discipline budgétaire et financière à la Cour des comptes elle-même. Les amendes prononcées ne sont pas aussi bénignes qu'on le dit. La Cour inflige parfois de lourdes sanctions : ainsi 100.000 francs d'amende ont été prononcés pour un responsable de La Poste. On peut également noter la sanction très lourde prononcée à l'encontre d'un dirigeant d'entreprise dépendant du Crédit Lyonnais qui s'était rendu coupable de détournements.

M. Jean-Pierre Guillard a indiqué, pour sa part, que le contrôle d'ensemble des dispositifs d'aide à l'emploi était délicat dans la mesure où les durées de vie des systèmes successifs d'aide sont relativement brèves. La Cour des comptes se concentre donc chaque année sur un dispositif particulier. Il faudra sans doute procéder, à terme, à une synthèse.

M. Jean-Jacques Jegou a regretté le décalage entre les propos publics de directeurs généraux de la police devant la mission d'évaluation et de contrôle, notamment sur la durée de travail des policiers, et les observations qu'ils tenaient en privé. Il s'est demandé si la Cour avait à faire face à de tels décalages. Il s'est ensuite félicité de ce que les travaux de la Cour sur les aides à l'emploi coïncident avec les préoccupations des parlementaires. Enfin, sur la gestion des retraites dans la fonction publique, il a regretté que les cotisations ne soient pas indiquées dans un compte nominatif par agent. Une modernisation s'avère, en la matière, indispensable.

M. Charles de Courson a fait remarquer que le rapport public de la Cour des comptes ne représente que 2 à 3 % de l'activité totale de cette juridiction. Il a rappelé que, pour pallier ce déficit d'information, il avait déposé, lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 1997, un amendement qui a été adopté, obligeant la Cour à transmettre aux présidents des commissions des Finances les suites réservées à ses contrôles. Cette disposition n'a cependant reçu à ce jour aucune application. Il serait par ailleurs intéressant de connaître les raisons qui expliquent la très forte augmentation du nombre de classements d'affaires déférées devant la Cour de discipline budgétaire et financière. La réforme de la responsabilité des ordonnateurs, que le Premier président appelle de ses v_ux, doit-elle passer par une fusion de la Cour des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière, par une sévérité accrue des sanctions prononcées à l'encontre des ordonnateurs ou par la possibilité de mettre en cause la responsabilité des élus ?

M. Maurice Adevah-P_uf a fait part des craintes que lui inspire l'absence de comptabilité patrimoniale de l'État, en prenant comme exemples les modalités actuelles de la comptabilisation des retraites des fonctionnaires ou des charges de la Caisse nationale des autoroutes, opérations qui s'assimilent à des engagements hors bilan. Il en a déduit que personne n'était en mesure de connaître la réalité de la situation comptable de l'État. Il a souhaité connaître l'assistance que la Cour peut apporter au Parlement pour trouver une solution à ce problème, dont il a regretté qu'il ne semble pas constituer une priorité pour le Gouvernement.

Mme Béatrice Marre a fait observer que la réflexion menée sur la comptabilité patrimoniale de l'État inclut la question de la planification de ses interventions, et soulève le problème, plus général, de l'annualité budgétaire.

M. Michel Bouvard s'est demandé si les observations formulées par la Cour sur les programmes Éole et Météor ne mettent pas en cause la pertinence de la structure actuelle de l'organisation des transports parisiens. Il a par ailleurs dénoncé la lourdeur des circuits requis pour mobiliser les crédits européens ainsi que les délais qui en découlent, et regretté que l'ouverture d'une nouvelle génération de fonds structurels ne s'accompagne d'aucun progrès quant à leurs conditions d'utilisation.

Répondant aux intervenants, M. Pierre Joxe a apporté les précisions suivantes :

- le contrôle de l'utilisation des fonds communautaires passe par une coordination des organismes nationaux de contrôle, et la Cour des comptes est particulièrement attentive à ce thème ;

- dans les réponses qu'ils adressent aux observations de la Cour, les ministres n'ont jamais prétendu que les constatations de la juridiction sont fausses. Il arrive même que certaines observations demeurent sans réponse. On peut par conséquent difficilement soutenir que certaines observations de la Cour seraient infondées ;

- en publiant un rapport annuel, un rapport sur l'exécution des lois de finances et un sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que des rapports particuliers, la Cour rend publics les résultats d'environ un tiers de son activité. La transmission aux présidents des commissions des Finances des suites réservées aux contrôles de la Cour soulève en revanche un problème d'interprétation quant au caractère « définitif » de ces observations, ce qui explique les difficultés d'application de l'article L.135-1 du code des juridictions financières, voté à l'initiative de M. Charles de Courson. La Cour n'est en effet pas une juridiction qui, dans ses enquêtes sur la gestion des fonds publics, rendrait des décisions de justice définitives ;

- l'importance des affaires classées par la Cour de discipline budgétaire et financière s'explique souvent par le caractère insuffisamment étayé des faits déférés devant cette juridiction ;

- la fusion de la Cour des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière est une réforme souhaitable. En revanche, il n'appartient pas au Premier président de la Cour des comptes de se prononcer sur l'opportunité d'une extension de la responsabilité des ordonnateurs aux élus ou aux ministres, cette question soulevant un problème politique majeur ;

- la Cour est prête à jouer un rôle dans la mise en place d'une comptabilité patrimoniale de l'État, et elle a d'ores et déjà fait des observations sur les engagements hors bilan auxquels il est couramment procédé, notamment pour ce qui concerne les charges des secteurs nucléaire ou autoroutier ;

- la Cour a transmis à M. Didier Migaud, rapporteur général, le résultat de ses réflexions sur les possibilités d'aménagement de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, et elle est prête à transmettre aux membres de la commission des Finances un résumé de cette contribution ;

- le principe de l'annualité a été instauré au début du XIXème siècle dans un objectif politique dont l'actualité s'est aujourd'hui largement estompée. Au demeurant, il connaît un début de remise en cause avec le développement des lois de programmation. A la demande de M. Didier Migaud, rapporteur général, la Cour réfléchit actuellement sur les possibilités d'aménagement du principe d'annualité. Sur ce thème, comme sur celui de la régulation budgétaire, les membres de la commission gagneraient à étudier les exemples étrangers, notamment les cas danois, britannique ou allemand qui, à plusieurs égards, apportent de véritables garanties aux droits du Parlement.

M. François Delafosse a précisé que, sur le dossier des retraites des fonctionnaires, la Cour est en train de travailler sur l'évaluation des charges sociales qui incombent à l'État employeur et sur les modalités de transcription de ces charges dans la comptabilité d'engagement de l'État.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a souligné que le rapport de la Cour des comptes montrait que les activités des juridictions financières s'étaient accrues en 1999. Dans le même temps, 11 % des magistrats de la Cour des comptes sont en position de disponibilité et 24 % sont en position de détachement, soit au total 35 % de l'effectif, qui ne participe pas aux travaux de la Cour. De même, 19 % des magistrats des Chambres régionales des comptes sont administrativement hors de leurs juridictions. Dans ce contexte, les juridictions financières disposent-elles de moyens suffisants pour mener à bien leurs activités ? Par ailleurs, les règles de mobilité externe sont-elles adaptées au fonctionnement de ces juridictions ?

Rappelant que la Cour des comptes était un grand corps de l'État, M. Pierre Joxe a indiqué que ses membres pouvaient exercer d'autres fonctions, comme la direction de grandes entreprises publiques, voire siéger au Parlement. La plupart des magistrats qui quittent la Cour y reviennent, ce qui est enrichissant pour la juridiction.

De plus, ces départs peuvent être temporairement compensés, depuis un décret de 1993, par l'emploi de fonctionnaires en détachement, comme des ingénieurs d'État ou des universitaires. La Cour peut en outre recruter, par contrat, des personnes venant du secteur privé, mais cette possibilité est de fait limitée par le faible attrait que présentent pour celles-ci les rémunérations offertes. Il serait nécessaire que la Cour puisse disposer d'un véritable budget propre. En effet, celui-ci permettrait de mieux gérer le personnel avec une définition claire des emplois budgétaires disponibles. Le problème n'est en tout état de cause pas une question d'effectifs globaux mais résulte, en particulier, de l'impossibilité de recruter temporairement des collaborateurs qualifiés. Plusieurs magistrats sont sous-employés, parce qu'ils manquent de collaborateurs. Ainsi, une étude sur le système éducatif français a-t-elle été lancée, mais elle serait plus efficacement conduite si la Cour pouvait s'adjoindre, temporairement, le concours de jeunes universitaires spécialistes de la question, par exemple des personnes poursuivant la rédaction d'une thèse sur le sujet.

Il est souhaitable que le projet de loi modifiant le statut des Chambres régionales des comptes adopté par le Conseil des ministres en décembre 1999 soit discuté le plus rapidement possible au Parlement.

Le Président Augustin Bonrepaux a souligné, en conclusion, que le dialogue entre le Parlement et la Cour enregistrait des progrès réels, notamment du fait de la participation de celle-ci aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, dont il est nécessaire que les conclusions débouchent sur des résultats concrets.

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