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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 40

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 février 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

puis de M. Yves Tavernier, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur l'exécution budgétaire de 1999.

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La Commission a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur l'exécution budgétaire de 1999.

Le Président Augustin Bonrepaux a observé que la situation qui a précédé cette réunion est pour le moins étonnante : alors que jusqu'au printemps dernier s'exprimaient des critiques sur le caractère prétendument trop optimiste de la prévision de croissance pour 1999, ce sont maintenant l'importance de la croissance et des recettes fiscales qui posent problème. Il convient donc que chacun demeure lucide. On ne peut, tout d'abord, qu'exprimer une nette satisfaction, puisque l'on constate tout à la fois l'ampleur des excédents de recettes, la maîtrise des dépenses et celle du déficit ; les résultats de la gestion 1999 sont de bonne augure pour 2000 et 2001 ; ils viennent à l'appui de la démarche lucide du Rapporteur général, qui, prenant en compte la possibilité de bonnes rentrées fiscales, a soutenu l'amendement, adopté à l'unanimité, demandant la réalisation de simulations d'allégements de la taxe d'habitation et de l'impôt foncier bâti. Enfin, il convient, en toute hypothèse, de rester cohérent par rapport à la programmation pluriannuelle des dépenses publiques.

M. Christian Sautter a estimé que les résultats de la gestion budgétaire de 1999 venaient à l'appui de la politique du Gouvernement, poursuivie avec continuité et succès ; cependant, parler de « cagnotte » dans un pays dont la dette publique demeure très élevée n'a pas de sens ; heureusement, les erreurs contenues dans certains échos de presse ont été corrigées. Le Gouvernement est prêt à prendre deux engagements :

· en matière de méthode, il convient de noter que les comptes 1999 ont été clos au 31 janvier 2000, ce qui en permet la présentation dès le 9 février, alors qu'auparavant ces données étaient disponibles seulement à la mi-mars. A l'avenir, le Gouvernement informera la commission des Finances chaque fois qu'il disposera d'éléments fiables. Un collectif budgétaire sera déposé au printemps ;

· en matière d'objectifs, la croissance, l'emploi et la solidarité, objectifs du Gouvernement depuis 1997, le resteront pour les deux ans et demi à venir. La stratégie du Gouvernement est un succès, comme le montrent les résultats de l'exécution budgétaire pour 1999 :

- la spirale de la dette est rompue, puisqu'alors que les prévisions initiales retenaient une légère augmentation du ratio dette publique/PIB en 1999 par rapport à 1998 (60,5 % contre 60,3 %), on constate en fait une diminution, dès 1999, de ce ratio, qui passe en dessous de 60 % dans le nouveau système des comptes nationaux. Selon l'adage : « qui paie ses dettes s'enrichit », on ne peut que se féliciter de cette évolution, qui rompt avec l'explosion de la dette des années 1991-1995 ;

- les priorités budgétaires ont pu être financées en 1999, tout en maîtrisant la dépense publique, puisque l'objectif d'une augmentation de 1 % en volume a été tenu, malgré une inflation nettement inférieure aux prévisions initiales (0,5 % au lieu de 1,3 %) : les dépenses de l'État ont atteint 1.709,8 milliards de francs en 1999 hors rebudgétisations et dépenses exceptionnelles (dotation de l'UNEDIC et intempéries) : la charge de la dette est en recul de 9,5 milliards de francs par rapport à la prévision initiale de 1999. Il convient de souligner le caractère positif des résultats atteints par les contrats de gestion, auxquels pourtant, beaucoup ne croyaient guère.

- la politique économique menée depuis 1997 a permis l'accélération de la croissance économique et des recettes fiscales : les recettes fiscales nettes pour 1999 se sont élevées à 1.565,6 milliards de francs, soit 30,7 milliards de francs de plus que les prévisions initiales ; ce surcroît de recettes est principalement imputable à l'impôt sur les sociétés, dont le rendement est supérieur de 30 milliards de francs à la prévision initiale ; enfin, le déficit budgétaire a connu en 1999 une baisse sans précédent, avec un résultat d'exécution de 206 milliards de francs, contre 237 milliards de francs prévus par la loi de finances initiale et 247,5 milliards de francs en exécution 1998 ; pour la troisième année consécutive, les résultats sont en amélioration par rapport aux annonces ; le déficit de l'État se sera réduit de 90 milliards de francs de 1996 à 1999, contre 20 milliards de francs de 1993 à 1996. Le budget 1999, voté en équilibre primaire, aura dégagé en exécution un solde primaire positif, pour la première fois depuis 1991.

En conclusion, il a souligné que la stratégie budgétaire du Gouvernement débouchait sur de bons résultats économiques et sociaux ; une bonne politique des finances publiques peut donc contribuer à la croissance et à l'emploi. En toute hypothèse, le débat doit être transparent et démocratique.

Madame Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, a souligné les points suivants :

- la transparence sera renforcée et les procédures accélérées grâce à la réduction de la « période complémentaire », qui permet à l'État de présenter ses comptes dans un délai que peu d'entreprises peuvent égaler ; le projet de loi de règlement sera ainsi déposé avant l'été, soit un semestre avant le délai habituel, ce qui permettra au Parlement de se fonder sur les résultats de la gestion 1999 lorsqu'il débattra du budget 2001. En outre, la mise en perspective des données budgétaires continuera d'être améliorée, grâce à un certain nombre de mesures dont certaines ont d'ores et déjà été prises : publication de situations budgétaires mensuelles, que le Gouvernement est prêt à venir présenter à la commission des Finances chaque mois, enrichissement du rapport du Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire et du « rapport économique et financier », présenté en un seul tome et rendu plus pédagogique, présentation régulière de la programmation pluriannuelle des finances publiques et des situations budgétaires mensuelles. La lisibilité des budgets ministériels est quant à elle améliorée : présentation par agrégats, indicateurs de performances... Enfin, l'effort de lisibilité et de sincérité des comptes sera poursuivi : 39 fonds de concours et 6 comptes spéciaux du trésor ont d'ores et déjà été réintégrés au budget général, ce que n'avait pas fait le gouvernement précédent, et ce qui permet notamment une mise en ordre des rémunérations des agents du ministère des Finances ; le compte général de l'administration des finances pour 1999 sera publié en avril 2000 et comportera une présentation en « droits constatés » de la gestion de la dette et des recettes ; le projet de loi de règlement sera accompagné de comptes rendus de gestion par ministère. Cette modernisation des méthodes de travail de l'État permettra une amélioration des comptes ;

- la politique du Gouvernement s'appuie sur trois pôles :  le financement maîtrisé des priorités, la réduction de la dette publique et du déficit, la baisse des impôts, et elle s'inscrit dans une programmation pluriannuelle ; il est normal qu'elle soit déclinée par les débats budgétaires annuels. Le prochain collectif de printemps permettra ce débat public. Auparavant, le Gouvernement compte l'organiser en deux temps : début mars, la présentation des résultats économiques définitifs pour 1999 permettra d'affiner les prévisions économiques et fiscales pour 2000 ; d'ici fin avril, le Gouvernement remettra le rapport prévu par la loi de finances pour 2000 sur la taxe d'habitation.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, s'est réjoui de l'efficacité de la stratégie poursuivie par le Gouvernement et de ses résultats ainsi que de l'annonce de dépôt d'un collectif budgétaire, au printemps prochain, qui permettra d'engager un véritable débat sur les incidences de ces bons résultats, obtenus en 1999, sur l'exercice 2000.

Il s'est, par ailleurs, félicité des efforts fournis par le Gouvernement en matière de transparence de la présentation budgétaire, estimant toutefois que des marges de progression peuvent encore être explorées, comme l'a d'ailleurs souligné la secrétaire d'État au Budget. Les pistes évoquées permettront de lever les soupçons qui ont pu peser sur la présentation des comptes de l'État, ce qui ne peut qu'être profitable au bon fonctionnement de la démocratie.

Puis, il s'est interrogé sur les points suivants :

_ une répercussion plus immédiate de la progression des recettes fiscales ne peut-elle être envisagée ? Cette préoccupation rejoint un souci de méthode exprimé par la ministre qui propose d'engager, tous les mois, un débat, au sein de la commission des Finances, sur l'exécution des dépenses et le recouvrement des recettes ;

_ un solde d'exécution de 206 milliards de francs, c'est-à-dire en diminution de 30 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale, a été annoncé. Compte tenu de la plus-value des ressources totales de l'État, après dégrèvements et réductions d'impôts et après prélèvements sur recettes, établie à 18,6 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale, la réduction du déficit ne peut s'expliquer que par une réduction des dépenses de 15 milliards de francs - hors fonds de concours - par rapport aux prévisions initiales. Or, le collectif a fait apparaître une augmentation des dépenses totales de 8,1 milliards de francs. Quels éléments d'explication peuvent être donnés sur l'augmentation des dépenses prévue dans le collectif et leur diminution en exécution ?

_ le montant des remboursements et dégrèvements a été augmenté de 13 milliards de francs dans le collectif par rapport à la loi de finances initiale. Quel est le montant définitif de ces remboursements en décembre 1999 ? Au regard de la très forte augmentation des remboursements et dégrèvements d'impôts enregistrée en 1998 (+ 19,34 %), quels enseignements tirer du maintien, en 1999, d'un niveau comparable des remboursements ?

_ dans le collectif budgétaire, le montant des recettes non fiscales a été réévalué à la baisse de _ 1,55 milliard de francs. En exécution, on constate une nouvelle évaluation à la baisse de _ 15 milliards de francs. Quelles explications peuvent être données sur ce phénomène d'accélération ?

_ dans la loi de finances pour 2000, l'évaluation révisée des recettes fiscales de 1999 est inférieure de 30 milliards de francs aux résultats d'exécution. Un ajustement des recettes s'avère donc nécessaire dans le cadre du prochain collectif budgétaire. Quelle pourrait être l'incidence de cet ajustement sur les charges de la dette ?

_ s'agissant des prélèvements obligatoires, quel est leur montant définitif pour 1999 et quel taux représente-t-il en proportion du PIB ? L'engagement pris dans le cadre de la programmation triennale sur 2000 de réduction du taux des prélèvements obligatoires pourra-t-il être effectif, compte tenu des prévisions inscrites dans la loi de finances pour 2000 ?

_ dans son rapport sur l'exécution du budget de 1998, la Cour des comptes observe que « la comptabilisation de certaines recettes a été reportée sur l'exercice 1999, tandis que celle de certaines dépenses initialement prévues pour être imputées sur l'exercice 1999 a pu être anticipée ». Il ne s'agit pas d'une irrégularité, mais cette situation soulève toutefois un problème de fidélité de l'exécution budgétaire. Compte tenu de ces observations, quels sont les montants globaux des opérations comptabilisées durant la période complémentaire ? S'agissant notamment des dépenses, celles comptabilisées au titre de l'exercice 1998 étaient de 72,9 milliards de francs en janvier 1999. Quel montant a été comptabilisé en janvier 2000 au titre de l'année 1999 ?

M. Christian Sautter a répondu à ces questions en indiquant que :

_ une répercussion plus immédiate des résultats favorables qui ont été constatés est difficile à envisager si l'on garde en mémoire les éléments disponibles, l'année dernière à la même époque, qui avaient conduit à réviser les prévisions de croissance à la baisse, passant de 2,7 % à 2,3 %, ainsi que les prévisions de recettes. Par ailleurs, il faut rappeler que les recettes enregistrées en septembre dernier ont été gonflées par l'apport du troisième tiers de l'impôt sur le revenu ainsi que par l'effet de l'abaissement du quotient familial et la perception du droit de bail, précédemment réalisée au mois d'octobre ;

_ s'agissant des répercussions envisageables sur l'exercice 2000, on peut penser qu'une réduction de 30 milliards de francs du déficit a pour impact une diminution de 1,2 milliard de francs sur les charges d'intérêt de la dette toutes choses égales par ailleurs. Toutefois, on ne peut pas envisager un effet aussi mécanique, dès lors que l'on prend en compte certains éléments tels qu'une augmentation de 0,25 % des taux d'intérêt décidée par la Banque centrale européenne, qui représente un coût de 800 millions de francs sur les charges d'intérêt ;

_ en matière de prélèvements obligatoires, il convient de préciser que les comptes de l'ensemble des administrations publiques, qui intègrent non seulement les comptes de l'État mais également ceux des collectivités locales et les comptes sociaux, seront disponibles début mars. D'ores et déjà, la baisse d'impôts de 40 milliards de francs, décidée dans la dernière loi de finances, sera effective en 2000. Si une marge supplémentaire peut être dégagée, elle sera consacrée, comme cela a été souhaité par la Représentation nationale, à des mesures fiscales supplémentaires, en particulier une réforme de la taxe d'habitation, dès le prochain collectif.

Mme Florence Parly a complété cette intervention par les précisions suivantes :

_ la diminution des dépenses enregistrée en exécution par rapport à la prévision du collectif s'explique en particulier par une baisse de 9,5 milliards de francs des charges d'intérêt de la dette ainsi que par l'évolution des dépenses militaires, tant en fonctionnement qu'en capital, et celle constatée en matière de dépenses de personnel ;

_ les prévisions de recettes avaient fait l'objet d'un recalage prudent. En effet, si l'hypothèse de départ retenue dans le collectif avait été une augmentation de 9 % des recettes en 1999 par rapport à 1998, on serait parvenu à une erreur d'un montant de 22 milliards de francs de manque à gagner, ce qui aurait été bien moins rigoureux en termes de gestion des finances publiques. Il vaut mieux constater un écart positif ;

_ l'augmentation des remboursements et des dégrèvements d'impôts a été estimée à 13 milliards de francs dans le collectif et 10 milliards de francs supplémentaires en exécution ;

_ les recettes non fiscales n'avaient été que faiblement corrigées dans la mesure où elles obéissent à une logique de provisionnement et représentent la capacité de prélèvement de l'État qu'il importe de préserver afin de faire face à des dépenses de caractère exceptionnel. La diminution de 15 milliards de francs constatée en exécution témoigne de la volonté de ne pas financer des dépenses courantes par de telles recettes, ce qui est un signe de saine gestion.

M. Philippe Auberger a souligné que le débat actuel n'a rien d'étonnant et était prévisible dès la discussion du projet de loi de finances pour 2000, comme en témoigne sa propre intervention lors de l'examen de l'article premier de ce projet, dans laquelle il observait que l'état des recettes fiscales publié à la fin du mois d'août 1999 faisait apparaître une formidable progression de ces recettes. Il constatait alors notamment que les recettes pour les huit premiers mois de 1999 avaient augmenté de 75,2 milliards de francs par rapport à la même période de 1998, soit une augmentation réelle de 8,1 % contre 5,7 % prévus dans le budget de 1999. Cette évolution tendancielle ne pouvait, selon lui, conduire à un montant de seulement 12 milliards de francs de plus-values fiscales, d'ici la fin 1999, comme indiqué dans le projet de loi de finances, mais plutôt à un montant s'établissant entre 30 et 40 milliards de francs. Contestant donc la sincérité des prévisions de recettes pour 1999, il s'est interrogé sur leur sincérité pour 2000.

Puis, il a évoqué les points suivants :

_ on doit constater des lacunes au niveau de l'évolution des dépenses, dont le montant _ hors fonds de concours _ s'élève à 1.585 milliards de francs en 1999 contre 1.465 milliards de francs en 1998, soit une différence de 80 milliards de francs, ce qui n'apparaît pas compatible avec la progression annoncée de 1% des dépenses, et, in fine, avec le principe même d'une maîtrise de ces dernières ;

_ le Gouvernement impute la hausse des recettes fiscales au seul impôt sur les sociétés alors que le rendement de l'impôt sur le revenu a progressé de 8 %, soit 30 milliards de francs en 1999 et qu'une baisse de 15 milliards de francs des recettes non fiscales a été enregistrée entre le collectif et les résultats en exécution ;

_ le choix d'un collectif de printemps est inédit, une telle discussion n'ayant jamais été proposée à ce moment sans changement de Gouvernement. Il traduit, cependant, le manque de sincérité de la présentation initiale du budget de l'État et correspond à une contrition de la part du Gouvernement. Dans le cadre de cette prochaine discussion, il faut souligner l'incohérence de la position consistant à compenser la hausse des recettes de l'État par une diminution des prélèvements effectués par les collectivités locales. C'est pourquoi, les résultats enregistrés doivent permettre une baisse de l'impôt sur le revenu plutôt que de la taxe d'habitation, à laquelle 4 milliards de francs ont déjà été consacrés pour la révision des bases locatives.

M. Pierre Méhaignerie a évoqué le caractère surréaliste d'une situation dans laquelle l'écume du surplus fiscal occulte l'océan de la dette publique, pourtant préoccupant ; les comparaisons internationales faisant apparaître, à cet égard, la fragilité de la France. S'appuyant sur les documents fournis par le ministère, il a rappelé que les dépenses publiques augmentent de 80 milliards de francs, soit une progression de 4,9 %. Dans ces conditions, comment la promesse de maîtrise de dépenses publiques par une limitation de leur progression de 0,3 % en volume pourrait-elle être tenue au moment où s'engage une négociation sur l'application des 35 heures dans la fonction publique ?

Face à une première priorité qui paraît indispensable, à savoir la maîtrise des dépenses publiques et la réduction des déficits, une deuxième s'impose qui a trait à la réduction des charges sur les bas salaires. Si la réforme de la taxe d'habitation peut être un moyen d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés, elle pose le problème de l'autonomie de gestion des collectivités locales et doit, en tout état de cause, passer par une franchise et non par la proportionnalité. C'est pourquoi, une troisième priorité essentielle doit être un abaissement de l'impôt sur le revenu, qui connaît une forte progression, ce qui pose le problème du taux marginal d'imposition.

En outre, il est urgent de diminuer les charges pesant sur les bas salaires, leur poids rendant peu attractive la reprise d'un travail, alors que la perception du revenu minimum d'insertion représente pour ses allocataires une sécurité. Enfin, il conviendrait de ne pas omettre le poids de la TVA.

Après s'être félicité du fait que le débat portait sur un excédent, M. Gilbert Gantier a souligné la faiblesse de ce dernier au regard des 200 milliards de francs de déficit et des quelque 5.000 milliards de francs d'endettement de la France. Il a souhaité connaître quelle part des 113 milliards d'excédents de recettes provenait de l'impôt sur les sociétés et quelle part était imputable aux autres impôts, notamment à l'impôt sur le revenu. Il s'est étonné que les recettes fiscales prises en compte dans le collectif budgétaire n'aient dépassé que d'un milliard les prévisions retenues par la loi de finances initiale. L'objectif de celle-ci était une stabilisation des dépenses publiques en volume, et non en francs courants, alors qu'elles avaient diminué de 0,2 % en 1997 : le budget ne retrouvera pas son équilibre sans une réelle baisse des dépenses, surtout dans la mesure où le passage aux 35 heures risque d'induire des coûts supplémentaires. Si l'impôt sur les sociétés a bénéficié en 1999 de la faiblesse de l'euro, à l'origine de la croissance des exportations, la dépréciation de la monnaie européenne peut entraîner une reprise de l'inflation, notamment par le biais de la hausse du prix du pétrole. Le maintien de telles recettes dans l'avenir est de toute façon incertain. De plus, la situation française n'est pas aussi bonne que celles de certains de ses partenaires européens, puisque les budgets britannique et danois ont été votés en excédent.

M. Gérard Saumade s'est réjoui de la meilleure lisibilité de la situation budgétaire française et a souhaité que les ministres informent chaque mois la commission des finances de son évolution. Il ne faut pas se précipiter pour baisser les impôts, alors qu'il existe de si nombreux besoins de fonds publics, en particulier dans les hôpitaux. Si la taxe d'habitation doit être réduite, il faut que ce soit dans la perspective de sa suppression, car c'est une taxe injuste.

Alors que la croissance est positive pour tous, M. Jean-Louis Idiart a qualifié de « surréalistes » les débats actuels attisés par la presse. Ces bons résultats s'expliquent par le rythme soutenu de la croissance, par l'évolution de la réduction des déficits et par le fait que la spirale de la dette a été enrayée. Il a déploré que l'opposition ne sache pas quels objectifs défendre en matière de fiscalité, parlant de la « panique » qui régnait à droite. M. Alain Juppé et M. François Goulard ont préconisé une baisse immédiate de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur le revenu, tandis que d'autres mettent en garde sur la faiblesse des recettes supplémentaires par rapport à la dette. Il a estimé que l'essentiel était de ne pas vouloir dépenser plus que l'on a.

Alors que pèse souvent sur les services de Bercy le soupçon de l'opacité, les propositions faites aujourd'hui par les ministres constituent des progrès vers plus de transparence. Il est en effet préférable de débattre de la politique budgétaire à la commission des finances, dans le cadre d'une loi de finances rectificative, que dans la presse. Dans la mesure où les recettes fiscales sont redistribuées à l'ensemble des Français, il ne faut pas vouloir absolument baisser les impôts. La majorité s'étant engagée, pendant le débat budgétaire, à réduire dès que possible la taxe d'habitation, il faut aller dans ce sens ; la réflexion sur d'autres ressources, taxe sur la valeur ajoutée et impôt sur le revenu, pourra être menée dans le cadre du budget pour 2001.

M. Christian Sautter a apporté les réponses suivantes :

- alors qu'en 1996, les recettes n'avaient été que de 1.359 milliards de francs, malgré la prévision de 1.401 milliards de francs, il est incongru qu'une différence bien moins élevée (30 milliards de francs), et à la hausse, puisse être l'objet de critiques. Mieux vaut faire débattre d'un projet de loi de finances rectificative que pratiquer la régulation budgétaire, comme cela se faisait avant 1997. Si les recettes non fiscales ont diminué, c'est que le Gouvernement a renoncé à effectuer des prélèvements sur certains organismes, tels la COFACE ou la Caisse des dépôts et consignations : ces prélèvements exceptionnels n'étaient pas nécessaires dans la bonne conjoncture de 1999 ;

- comme M. Pierre Méhaignerie le faisait remarquer, la France n'enregistre pas encore d'excédent budgétaire ; aussi le Gouvernement est-il décidé à poursuivre ses efforts en ce sens. L'augmentation des dépenses publiques de 1 % en 1999 s'observe à structure constante, c'est-à-dire en déduisant des 1709,8 milliards de francs de dépenses effectives 19,4 milliards de francs de budgétisations, 10 milliards de francs versés à l'UNEDIC et 3 milliards de francs liés aux intempéries, soit un total de 1677,4 milliards de francs. La hausse est de 1,6 % en valeur, dont il faut soustraire 0,5 % d'inflation, d'où le chiffre final de 1 % de hausse.

M. Jean-Jacques Jegou a demandé des précisions sur la baisse de 16 milliards de francs des recettes non fiscales et sur la diminution des dépenses, hors fonds de concours relative aux dépenses militaires et aux dépenses de personnel. Alors que les trois fonctions publiques demandent des augmentations de personnel, il a regretté que le Gouvernement n'associe pas les collectivités locales aux discussions relatives à ces questions, bien qu'elles doivent subir fortement les conséquences de la réduction du temps de travail.

M. Gérard Fuchs a rappelé que, voilà un an, c'étaient les prévisions de croissance qui suscitaient des inquiétudes et qu'elles avaient été ramenées de 2,7 % à 2,3 %. L'importance de la croissance enregistrée est due au rôle protecteur joué par l'euro, à la politique de stimulation de la consommation et à la baisse de la TVA réalisée à l'automne 1999. Par rapport à ses partenaires, la France est dans une situation très satisfaisante, le ratio dette publique sur produit intérieur brut évoluant favorablement. Aussi, si M. Philippe Auberger parle « d'acte de contrition », il faut préférer l'expression « constat de réussite ». Quant au débat entre baisse de l'impôt sur le revenu et réduction de la taxe d'habitation, il est récurrent et va opposer, une fois encore, ceux qui sont favorables à la diminution d'un impôt payé par la moitié des Français à ceux qui défendent une baisse bénéficiant à toute la population.

Après avoir rappelé qu'il avait, lors de son intervention dans le débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2000, prévu un surplus de recettes fiscales situé entre 15 et 30 milliards de francs, M. Michel Bouvard a estimé qu'il aurait été bienvenu de procéder aux ajustements nécessaires, dès la loi de finances rectificative pour 1999. Par ailleurs, le Gouvernement pourrait-il fournir un tableau permettant d'expliquer le détail de l'augmentation des dépenses en volume fixée, en 1999, hors fonds de concours, à 80 milliards de francs, soit une progression de 1,1 %, chiffre qui ne constitue qu'un solde peu significatif ? Quelles sont l'évolution du montant et la nature des prélèvements opérés par l'État sur des organismes tels que la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations, dont il semble bien que le niveau soit très important ? S'agit-t-il, pour partie, de contributions volontaires ? Ces prélèvements sont-ils inclus dans les montants des recettes non fiscales avancés par le Gouvernement ? Enfin, après avoir relevé qu'un nombre important de contribuables ne payaient pas la taxe d'habitation, M. Michel Bouvard s'est inquiété de la perte éventuelle d'autonomie et de la réduction des marges de man_uvre que subiraient les collectivités locales, si la taxe d'habitation était supprimée. Quant à l'impôt sur le revenu, il convient de relever que les modifications intervenues récemment, notamment du quotient familial, ont eu sur nombre de ménages des conséquences tout à fait spectaculaires, qui n'ont pas été suffisamment évaluées. C'est pourquoi, il apparaît aujourd'hui nécessaire, au-delà des clivages politiques, de réfléchir au choix de l'impôt qui doit faire l'objet d'une réforme et d'une réduction et de n'exclure aucune question, telle que l'autonomie des collectivités locales, la pression fiscale pesant sur les catégories les plus défavorisées de nos concitoyens ou le taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu. Cela impliquerait, en particulier, de déterminer quelles sont les catégories de contribuables qui ont subi les plus fortes hausses de fiscalité ces dernières années.

En réponse, Mme Florence Parly a, tout d'abord, relevé que le rendement de l'impôt sur le revenu en 1999 avait progressé de 24 milliards de francs, augmentation qui s'explique par le lien mécanique qui existe entre croissance et rendement de l'impôt sur le revenu ; par l'effet optique qui a résulté du fait que, pour la première fois en 1999, le droit de bail a été perçu en même temps que l'impôt sur le revenu ; par l'accélération des émissions ; et enfin par la substitution au plafonnement des allocations familiales d'une diminution du quotient familial.

S'agissant des impôts locaux, la seule certitude que l'on peut avoir à ce jour est que les droits de mutation à titre onéreux font apparaître, en première analyse et dans l'attente de résultats définitifs, une plus-value de près de 10 milliards de francs. Par ailleurs, le produit de certains impôts locaux, et notamment dans certaines villes a continué d'augmenter.

Il faut rappeler que la priorité reste à la baisse des déficits et à la maîtrise des dépenses et noter, à ce titre, que les dépenses des administrations publiques rapportées à la richesse nationale ont été réduites de 1997 à 2000 de 1,7 point à structure constante, ce qui constitue la meilleure performance au sein de l'Union européenne.

Si l'objectif de stabilisation des dépenses en volume pour 2000 paraît peu crédible à certains, il n'est pas inutile de souligner qu'en 1997, l'objectif de stabilisation des dépenses était le même et avait été atteint, et que ce même phénomène pourrait se reproduire en 2000. Le Gouvernement en inscrivant un surplus de recettes fiscales de 24 milliards de francs dans le projet de loi de finances rectificative s'était rapproché, dès cette époque, du chiffre définitif de 31 milliards de francs. Le Gouvernement s'engage à fournir un tableau décomposant, de manière précise, l'augmentation de 1,1 % des dépenses sur l'exercice 1999.

Les prélèvements sur des organismes, tels que la Caisse des dépôts et consignations, ont toujours existé et, s'ils ont été moindres que prévus dans les années récentes, la capacité de prélèvement du Gouvernement ne s'en trouve pas pour autant obérée.

Si 3,5 millions de contribuables sont exonérés totalement ou partiellement de la taxe d'habitation, 25 millions de foyers la payent, tandis seulement 15 millions s'acquittent de l'impôt sur le revenu, ce qui explique la volonté du Gouvernement d'accorder la priorité à la réforme de la taxe d'habitation.

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