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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 14 mars 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,

puis de M. Yves Tavernier, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur les résultats budgétaires de 1999 et les perspectives budgétaires pour 2000.

- Examen d'un rapport d'information sur les résultats budgétaires de 1999 (M. Didier Migaud, Rapporteur général)

- Information relative à la Commission



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La Commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, sur les résultats budgétaires de 1999 et les perspectives budgétaires pour 2000.

M. Christian Sautter, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a souligné les bonnes performances économiques réalisées en 1999 avant d'aborder la question du surplus des recettes fiscales, qui résultent directement de ces performances et qui montrent que la France prend de l'avance. Il a apporté les précisions suivantes :

- la croissance économique en 1999 a été de 2,7 % après avoir atteint 3,4 % en 1998, ce qui constitue un des meilleurs résultats obtenus parmi les grands pays européens, alors même que la France se situait, avant 1997, en queue de peloton ;

- la hausse des prix, de 0,5 %, a été l'une des plus faibles en Europe, générant un gain de pouvoir d'achat supplémentaire pour les ménages. Cette faible progression est appelée à se poursuivre, malgré le renchérissement des prix du pétrole ;

- les déficits publics ont fortement diminué par rapport aux perspectives de la programmation pluri-annuelle, avec un chiffre de 1,8 % pour l'ensemble des administrations publiques, contre 2,7 % en 1998. Là encore, la France se trouve au sein du peloton de tête européen avec un chiffre inférieur aux prévisions. En deux ans, l'effort entrepris en matière de réduction des déficits publics s'est avéré être l'un des plus forts au sein de la zone euro ;

- pour la première fois depuis vingt ans, la dette publique a progressé moins rapidement que la richesse nationale.

Ces résultats témoignent d'une bonne politique budgétaire et d'un bon diagnostic portant sur la situation économique, fondé sur le constat de la faiblesse de la demande en 1997, où la consommation des ménages était atone. Ce diagnostic a conduit à opérer un transfert de revenus vers les familles qui présentaient les plus forts besoins de consommation, ce qui a permis de restaurer la confiance et encourager la consommation, facteur de croissance et, in fine, de créations d'emplois. Ce processus s'est accompagné d'un deuxième cercle vertueux, fondé sur une reprise de l'investissement des entreprises qui avait été marqué par une forte stagnation sur la période 1991-1997. Depuis 1997, l'investissement est en effet relancé, sur une pente à 9 %, malgré le « trou d'air » de l'hiver 1998-1999.

Le Ministre a ensuite évoqué les perspectives d'avenir en indiquant que le dynamisme de l'économie, observé au cours du deuxième semestre 1999, autorise à situer les perspectives de croissance dans une fourchette de 3,4 à 3,8 %, supérieure aux prévisions qui s'établissaient entre 2,6  % et 3 %. Avec ce chiffre, la France enregistre la troisième meilleure performance depuis trente ans. Par ailleurs, une priorité sera accordée à l'emploi, soutenu par une croissance plus forte, mais aussi par la réduction du temps de travail et l'allégement des charges sur les bas salaires.

Puis, M. Christian Sautter a insisté sur la nécessité de mener une politique économique qui permette de transformer une croissance forte en croissance durable. Une telle politique passe par une maîtrise des dépenses publiques qui conjugue allégements d'impôts et réduction des déficits publics, ainsi que par la conduite d'une politique monétaire accommodante au niveau européen. Elle passe également par des actions structurelles visant non pas à libérer les forces du marché mais à développer le potentiel des forces productives dont dispose la France, grâce à une main d'_uvre qualifiée, une forte capacité d'épargne et des entreprises dynamiques. Enfin, il importe de poursuivre le soutien accordé à l'industrie classique, notamment aux secteurs du bâtiment et de l'industrie manufacturière, mais aussi de répondre à la demande de nouvelles technologies, dont témoigne notamment la forte augmentation du nombre d'utilisateurs d'internet, qui est passé de 1 à 5 millions en deux ans, ou de téléphones mobiles. Le soutien à l'innovation doit s'accompagner d'une incitation forte au retour à l'emploi, grâce à une réduction de la fiscalité du travail. Ces orientations trouvent un écho au niveau européen et devraient être discutées au prochain Conseil de Lisbonne.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au Budget, a souligné que le montant des surplus de recettes fiscales s'établit à 50 milliards de francs, comme le Rapporteur général l'a estimé. Avant d'aborder les principes d'affectation de ce surplus, elle a apporté les précisions suivantes, quant aux facteurs ayant contribué à son apparition :

- les recettes fiscales ont généré un surplus de 35 milliards de francs, dont 25 résultent de l'« effet base », lié aux performances économiques enregistrées en 1999, et 10 milliards de francs proviennent de la révision de l'hypothèse de croissance de 2,8 à 3,6 % ;

- les recettes non fiscales offrent une marge de man_uvre de 15 milliards de francs non prélevés en 1999, mais qui pourront l'être en 2000 ;

- l'impôt sur les sociétés a réservé une « bonne surprise » en 1999, à l'origine d'une révision des prévisions pour 2000. Cette hypothèse de progression, justifiée par l'augmentation rapide des revenus des entreprises, pourra éventuellement être corrigée en cours d'année. Il est, en effet, nécessaire de rester prudent dans les prévisions.

Mme Florence Parly a ensuite abordé les principes d'affectation du surplus des recettes fiscales en insistant sur la restauration d'un cercle vertueux fondé sur le retour de la confiance qui a alimenté la consommation des ménages et l'augmentation de leur pouvoir d'achat. Ces principes reposent sur la recherche d'une plus grande justice sociale et d'une solidarité accrue, tout en prenant en considération la nécessité de consolider la croissance et d'accompagner les mutations économiques. Dans ce cadre, elle a esquissé les orientations suivantes :

- en matière de réduction des impôts, la politique fiscale sera utilisée comme instrument d'une politique de retour à l'emploi, à son tour génératrice de croissance ;

- la réduction du déficit public continuera avec la poursuite de la diminution du ratio dette/richesse publique ;

- enfin, ce surplus permettra de financer des dépenses exceptionnelles liées aux intempéries de l'hiver dernier et à la situation des hôpitaux.

Ces orientations permettront de respecter l'objectif de progression des dépenses publiques en volume, qui constitue un principe-clé pour la gestion du cycle économique.

M. Didier Migaud, rapporteur général, s'est réjoui de la convergence des résultats présentés par le Gouvernement avec ses propres estimations. Ces données confirment le bien fondé de la politique budgétaire menée depuis 1997. Sous réserve d'un examen approfondi, l'exécution budgétaire n'appelle pas d'observations particulières et ne paraît pas entachée d'irrégularités. La question de la répartition des excédents constatés sera étudiée lors de la discussion du collectif budgétaire. Il importe de s'intéresser, en priorité, à l'exécution budgétaire proprement dite et à ses conséquences pour l'année 2000. Dans ce cadre, il a posé une série de questions :

- le budget 2000 a été construit sur la base d'une norme d'évolution des dépenses fixant à 0 % en volume la croissance des dépenses du budget général, hors changements de périmètre, soit 0,9 % en valeur après prise en compte d'une prévision d'inflation à 0,9 %. La révision de l'hypothèse de croissance pour 2000 conduit-elle à revoir cette hypothèse d'inflation ? Si tel est le cas, la norme de stabilité des dépenses en volume sera-t-elle maintenue, ce qui conduirait à majorer le plafond des dépenses ? Des précisions supplémentaires peuvent-elles être fournies sur l'affectation de ces dépenses supplémentaires ?

- suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, l'équilibre initialement prévu par le Gouvernement pour financer le dispositif de la réduction du temps de travail a été remis en cause, certes marginalement. Toutefois, un éclairage peut-il être donné sur les mesures envisagées pour rétablir l'équilibre du dispositif ?

- quels sont les principaux leviers qui vont permettre, d'ici 2003 et dès 2000, de concilier la baisse des prélèvements obligatoires, notamment la baisse des impôts et la recherche d'une plus grande justice sociale, le recul de toutes les formes d'exclusion restant, bien évidemment, une priorité ?

- l'amélioration des services publics passe par l'amélioration de la gestion publique, ainsi que par une redéfinition des missions de service public et certains redéploiements d'effectifs. Néanmoins, certains secteurs - notamment certains services hospitaliers, la justice et la recherche - sont manifestement sous-dotés. Une synthèse des annonces faites ces dernières semaines et de leur impact sur le budget 2000 et les budgets ultérieurs peut-elle être fournie ? Comment concilier l'encadrement, voire la baisse du coût de fonctionnement de l'État, et la revalorisation de ces secteurs ?

M. Christian Sautter s'est réjoui du fait que les prévisions de recettes supplémentaires établies par le ministère des Finances convergent avec celles avancées par le Rapporteur général. La fixation de ces estimations constitue un exercice difficile, notamment pour l'impôt sur les sociétés, qui dépend de profits actuellement non connus. Par sa précision, le travail réalisé par le Rapporteur général montre donc que le Parlement est en mesure de réaliser des projections économiques fines. L'hypothèse d'augmentation de la croissance pour 2000 a été revue à la hausse, passant de 2,6 % initialement prévus à une fourchette allant de 3,4 à 3,8 %. Compte tenu de la hausse du prix du pétrole, l'inflation devrait être en 2000 légèrement supérieure à 1 %, contre 0,9 % initialement prévus. Ces ajustements ne sont cependant pas de nature à modifier à ce stade les perspectives pluriannuelles arrêtées en janvier dernier.

Mme Florence Parly a fait remarquer que les comptes sociaux bénéficient du même phénomène que celui constaté pour l'État. Ils laissent en effet apparaître des plus-values de recettes qui contribueront à financer la réduction du temps de travail en comblant une partie des ressources manquantes du fait de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Les mesures d'allégement des cotisations lié à la réduction du temps de travail font l'objet d'un dispositif de suivi qui aboutira, en mai prochain, à une estimation précise du coût de la réforme. En tout état de cause, les aides décidées en faveur des entreprises réduisant la durée du temps de travail seront financées. Par ailleurs, les mesures annoncées par le Gouvernement seront financées à l'intérieur des lignes budgétaires arrêtées dans la loi de finances pour 2000, à l'exception des dispositions décidées à la suite des intempéries et en faveur de l'hôpital qui feront l'objet, dans le prochain collectif, d'ouvertures supplémentaires. L'objectif du Gouvernement est d'abaisser le train de vie de l'État, tout en revalorisant les moyens affectés à certains secteurs par des redéploiements de dotations et par une amélioration de la gestion des interventions publiques.

M. Gilbert Gantier a jugé que les prévisions des ministres pêchaient par optimisme. Par rapport à quoi la France prendrait-elle de l'avance, sinon par rapport à des prévisions trop prudentes ? Les performances françaises en matière de déficit public restent en deçà de celles observées dans sept pays de l'Union européenne qui dégagent un excédent budgétaire. L'excédent des dépenses sur les recettes entretient une situation de déficit qui maintient, en valeur absolue, le niveau de la dette. L'Espagne bénéficie de créations d'emplois beaucoup plus nombreuses que celles observées en France. Par ailleurs, les plus-values fiscales résultent de la progressivité de l'impôt, qui permet de dégager mécaniquement une augmentation des recettes fiscales supérieure à la progression du taux de croissance. La véritable question est de savoir comment le Gouvernement compte baisser les charges publiques, rembourser la dette et réduire les impôts.

M. Philippe Auberger a souhaité avoir des explications sur le montant de 80 milliards de francs de dépenses supplémentaires observé dans les résultats de l'exécution de 1999, et sur l'augmentation de 3,1 % des charges nettes du budget général constatée par le Rapporteur général. Il a estimé que ces évolutions apportent la preuve que les dépenses publiques ne sont pas maîtrisées. D'autre part, contrairement aux déclarations du Ministre, le Gouvernement n'a pas le choix de l'affectation des 15 milliards de francs de recettes non fiscales : en application du principe de l'annualité budgétaire, le remboursement de la COFACE, celui de la CADES ainsi que le prélèvement sur le Fonds de garantie des caisses d'épargne devaient être imputés sur la gestion 1999. En plus des 60 milliards de francs initialement prévus, le Gouvernement annonce aujourd'hui 35 milliards de francs de recettes supplémentaires, ce qui donne un total des recettes pour 2000 supérieures de 95 milliards de francs à celles constatées en 1999. Ce total reste cependant inférieur à la progression observée en 1999, exercice au cours duquel le recettes ont progressé de 115 milliards de francs par rapport à l'exercice précédent. La révision des estimations de recettes présentées par les ministres manque donc de vraisemblance. En outre, la baisse d'un point du taux de prélèvement obligatoire annoncée par le Gouvernement pour 2000 représenterait un manque à gagner de 85 milliards de francs, somme qui ne correspond pas aux montants des allégements fiscaux annoncés. Comment le Gouvernement compte-t-il réaliser son objectif de baisse des prélèvements obligatoires ? Par ailleurs, quand, comment, et pour quel montant le Gouvernement compte-t-il doter le fonds de réserve des retraites ?

M. Augustin Bonrepaux s'est réjoui de ce que la France prenne de l'avance par rapport au programme triennal d'évolution des finances publiques arrêté en 1999. Les plus-values de recettes prouvent la réussite de la politique du Gouvernement qui a su tenir ses engagements. La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés n'a pas empêché le produit de cet impôt de dépasser le niveau prévu, grâce à une amélioration des profits des entreprises, évolution dont personne ne peut se plaindre. Le surplus des recettes tiré de l'impôt sur le revenu s'explique par le retour d'un nombre important de nos concitoyens sur le marché du travail. Si les orientations pluriannuelles arrêtées par le Gouvernement doivent être maintenues, la maîtrise des dépenses budgétaires ne doit pas empêcher les services publics d'assurer la solidarité en faveur des plus démunis, notamment en zones rurales, ni de garantir les moyens de fonctionnement des hôpitaux et de l'Éducation nationale. Par ailleurs, le Gouvernement doit tenir ses engagements face au succès de la coopération intercommunale et maintenir le prélèvement sur le Fonds de compensation de la taxe professionnelle au niveau prévu. Les réductions d'impôts doivent privilégier le retour à l'emploi en faisant disparaître l'effet dissuasif de certaines taxes. Pour l'avenir, une réflexion doit être engagée sur la CSG, dont la modulation pourrait constituer un moyen efficace de favoriser le retour à l'emploi. Enfin, la nécessaire redistribution des revenus impose de remettre en cause le niveau des impôts indirects qui sont aussi les plus injustes, et notamment le taux de la TVA dont la diminution doit être mise à l'étude.

M. François d'Aubert a considéré que les déclarations des ministres montrent que le Gouvernement pratique « une sincérité à retardement », faisant de la gestion de 1999 une des exécutions les moins sincères de ces dernières années, notamment du fait du prélèvement différé sur la CADES. Il a souhaité connaître l'objectif du Gouvernement en matière de baisse du taux des prélèvements obligatoires, dont il a dénoncé le niveau historique atteint en 1999. Il s'est interrogé sur le niveau de revenu des 1,3 million de nouveaux contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu l'an dernier, et a souhaité connaître l'évolution du produit de cet impôt tranche par tranche, ainsi que la ventilation du surplus de cet impôt entre la part imputable à l'amélioration de la conjoncture et celle résultant du durcissement de la politique familiale. Les prévisions de plus-values annoncées par les ministres pour 2000 restent certainement sous-estimées. L'amélioration de la croissance devrait notamment dégager un surplus supérieur aux 10 milliards de francs annoncés. Le Gouvernement est soumis à « un piège à trois mâchoires » : un impératif européen qui implique une baisse du déficit, les exigences de sa majorité, qui demande des augmentations de dépenses, et la pression de l'opinion publique, qui attend désespérément une baisse des impôts. Comment le Gouvernement compte-t-il arbitrer entre ces trois pressions et quels impôts a-t-il l'intention de baisser ?

En réponse, M. Christian Sautter a apporté les précisions suivantes :

- l'avance prise par la France provient de la croissance économique, dont le taux est meilleur que celui de ses principaux partenaires. L'avance en matière de réduction des déficits et de dette s'observe au regard du plan de route établi conjointement avec le Parlement ;

- pour la première fois depuis vingt ans, le niveau de la dette par rapport au PIB a baissé, alors qu'il est passé de 45,7 à 58,1% entre 1993 et 1997 ;

- en matière de déficit, seules la Finlande et l'Espagne font mieux que la France, mais on ne peut pas omettre dans une telle analyse le niveau élevé du taux de chômage espagnol ;

- une réflexion, menée conjointement avec les parlementaires, est en cours s'agissant du financement du fonds de réserve pour les retraites ;

- la loi dite « Chevènement », relative à l'intercommunalité, est effectivement un grand succès puisque 51 communautés d'agglomération étaient dénombrées au 1er janvier 2000. La loi de finances rectificative abordera donc la question du financement de ces communautés ;

- concernant les réformes fiscales, la loi de finances pour 2000 a mis l'accent sur la taxe d'habitation, ce qui n'exclut pas d'autres réductions d'impôt ;

- le rapport du Rapporteur général ne comporte pas de reproches sur la gestion budgétaire de 1999 ;

- concernant le prétendu « durcissement » de la politique familiale, il convient de rappeler que le plafonnement de l'avantage lié au quotient familial a été effectué à la demande des associations familiales, en contrepartie du déplafonnement des allocations familiales. De plus, ce nouveau dispositif ne pénalise que les foyers ayant plus de 38.000 francs de revenus mensuels ;

- le terme de « mâchoires » employé par M. François d'Aubert ne reflète pas la réalité d'une situation marquée au contraire par plus de liberté. C'est une bonne politique économique qui a donné ces marges de man_uvre, qui n'existaient pas entre 1993 et 1997, permettant ainsi d'envisager des baisses de déficit et des baisses d'impôts.

Mme Florence Parly a ensuite apporté les précisions suivantes :

- les objectifs d'évolution des dépenses ont été tenus en 1999. L'écart entre la prévision d'augmentation des dépenses annoncée de 1,6 % et le chiffre de 3,1 % mentionné par le Rapporteur général dans son rapport provient d'un effet de structure. Cet écart de 32 milliards de francs s'explique notamment par 10 milliards de francs au titre du « chèque UNEDIC » dont l'actuel Gouvernement n'est pas à l'origine, par 3 milliards de francs relatifs aux mécanismes de réassurance liés aux intempéries et par 19 milliards de francs de rebudgétisations souhaitées par le Parlement et la Cour des comptes ;

- sur le plan des prélèvements obligatoires, il convient de rappeler que le Gouvernement n'a pas attendu les plus-values fiscales pour initier 20 milliards de francs d'allégements en 1999 et 40 milliards de francs pour 2000 ;

- il n'y a pas d'inquiétudes à avoir concernant le financement de la réduction du temps de travail ainsi que celui de l'allégement des charges sociales ;

- les opérations de fin de gestion n'ont pas été entachées d'irrégularité. Il convient à cet égard de rappeler que 94 milliards de francs avaient été consommés durant la période complémentaire de 1994 ;

- en ce qui concerne le montant de l'impôt sur le revenu, le chiffre de 333 milliards de francs de rendement avait été annoncé lors d'une précédente audition. L'écart avec le chiffre présenté aujourd'hui - 327 milliards de francs - s'explique par la prise en compte de la contribution représentative du droit de bail recouvrée en même temps que l'impôt sur le revenu, pour un montant de 6 milliards de francs.

M. Charles de Courson a souligné que de graves ombres planent sur les finances publiques. Les prélèvements obligatoires ont crû de 197 milliards de francs quand la richesse nationale s'accroissait de 282 milliards de francs. Dès lors, plus de 60% de la croissance a été captée par le secteur public. Le déficit a été réduit de seulement 0,9 point dont 0,7 s'expliquant par la hausse des prélèvements obligatoires. L'ensemble des dépenses publiques a augmenté de 3 points (alors que le PIB progresse de 3,2 points) alors qu'une baisse de 0,8 à 0,9 point a été promise par le Gouvernement. Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement explosent. Elles ont augmenté de 4% en 1999 pour l'ensemble du secteur public, soit 0,8 point de plus que le PIB. Dans le même temps, on constate une inquiétante baisse des dépenses d'investissement de 0,2 %.

Pour 2000, 35 milliards de francs de recettes fiscales et 15 milliards de francs de recettes non fiscales supplémentaires sont annoncés. Or ce report de recettes non fiscales, non pérenne, est un tour de passe-passe et les recettes supplémentaires ne sont en réalité que de 35 milliards de francs. Ceux-ci seront utilisés pour augmenter les dépenses, combler une partie du déficit et baisser la taxe d'habitation. Un taux de prélèvements obligatoires de 44,7% du PIB a été promis en 2000. Il se situe en 1999 à 45,6%. Il faut donc le réduire de 0,9 point, ce qui représente 80 milliards de francs. Il faudrait donc restreindre les dépenses de 70 ou 80 milliards de francs pour tenir les objectifs de la loi de finances initiale pour 2000. Enfin, on doit s'interroger sur la stratégie à adopter concernant les déficits publics. Il est faux de dire que les dépenses ont augmenté de 1 % en 1999. Les dépenses de l'Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale ont en fait augmenté de 3 %. « Surfer » sur une hausse des prélèvements obligatoires concomitante à une hausse des dépenses peut conduire à une grave impasse en cas de retournement de conjoncture.

Réagissant aux propos tenus par l'opposition à l'égard de la politique du Gouvernement, M. Gérard Saumade a rappelé la phrase de Joffre après la bataille de la Marne : « On ne sait pas qui l'a gagnée, mais on sait qui l'aurait perdue ». Il faut souligner les éléments vertueux qui permettent à la croissance d'être alimentée par la baisse du chômage. Cependant des pénuries de main-d'_uvre apparaissent dans certains secteurs comme le bâtiment, laissant craindre une tension sur les salaires et donc une éventuelle poussée des prix. Ne faut-il pas envisager un recours à l'immigration pour répondre à certains besoins de main d'_uvre ?

En outre, on ne peut pas être totalement attiré par la baisse des impôts. Il convient plutôt de profiter du fait que la croissance donne des marges de man_uvre pour réformer fondamentalement les impôts locaux. Il faut supprimer la taxe d'habitation, devenue illisible ainsi que la taxe professionnelle, qui est un impôt absurde. Celles-ci doivent être remplacées par des prélèvements sur des impôts d'Etat. Ceci permettrait d'atteindre plus de justice fiscale et de mener une réelle politique d'aménagement du territoire, alors qu'actuellement les taux d'impôts locaux sont plus élevés dans les zones les plus pauvres.

Après s'être joint aux propos tenus par MM. Gérard Saumade et Augustin Bonrepaux, M. Yves Cochet s'est interrogé sur les estimations de recettes supplémentaires. La « nouvelle économie » s'illustre par des capitalisations boursières extraordinaires qui sont extravagantes au regard des fondamentaux de l'économie. Cette bulle financière va un jour exploser, car elle ne repose pas sur des rentabilités réelles mais virtuelles. Dans ce contexte, les prévisions de recettes ne sont-elles pas trop optimistes ?

M. Jean-Pierre Brard a indiqué que le moment était venu de conclure le débat sur la « cagnotte ». Celui-ci a permis de voir où se situaient les différents points de vue, entre les dévots d'une baisse des dépenses publiques et ceux qui préconisent une baisse de l'impôt sur le revenu, notamment à gauche, se trompant ainsi de législature. La consommation reste le moteur essentiel de l'emploi. Si certains pays font mieux, c'est dans le pire. De plus, l'impôt est légitime s'il est juste. La dépense publique n'a ainsi pas lieu d'être diabolisée si elle permet de réaliser la justice sociale.

Dans ce cadre, des baisses ciblées de TVA, déjà initiées avec la loi de finances 2000, peuvent être envisagées. Il en est de même en ce qui concerne une baisse de la taxe d'habitation. Cependant il ne faut pas pratiquer une baisse en pourcentage ou en valeur absolue, car une telle décote concernerait tous les contribuables, y compris ceux qui n'en ont pas besoin.

S'agissant d'impôts locaux, le Gouvernement a pris l'engagement, lors de l'examen du projet de loi de finances, qu'une réforme sera entreprise avant la fin de l'année 2000. Il convient que celle-ci concerne ceux qui en ont le plus besoin. Alors même que les collectivités locales viennent de passer des années difficiles, il faut rappeler que leur argent est investi très utilement.

Pour être expliquée et comprise, la réforme fiscale doit être élaborée en collaboration avec le Parlement. Enfin, en ce qui concerne les difficultés rencontrées par ailleurs par le projet de réforme des services du ministère, une médiation de la Commission des Finances pourrait utilement être envisagée.

M. Pierre Méhaignerie a estimé qu'il était essentiel que le travail soit récompensé, et a jugé préoccupante l'idée de rouvrir les portes de l'immigration dans des départements qui peuvent connaître un taux de chômage de 15 %, situation qui traduit l'urgence de la mise en place de mécanismes de retour à l'emploi.

M. Alain Rodet, après avoir rappelé que la capitalisation boursière de France Télécom, dont 65 % du capital appartiennent à l'État, avait crû subitement de 300 milliards de francs, a souhaité être rassuré sur les intentions de l'État actionnaire.

M. Christian Sautter, en réponse aux différents intervenants, a souligné la qualité du rapport du rapporteur général, fait part de son accord avec les chiffres qu'il avance et estimé que la Cour des comptes confirmera ces données et non celles indiquées par M. de Courson, dont les calculs laissent songeur. S'agissant des perspectives budgétaires pluri-annuelles, il convient d'approuver les propos de M. Augustin Bonrepaux. Il n'y avait pas de raison de les modifier fondamentalement. Le niveau des prélèvements obligatoires devrait donc être, en 2003, équivalent à celui qui existait en 1995.

Il a ensuite apporté les précisions suivantes :

- la croissance ne vient pas des États-Unis. De 1993 à 1997, la croissance française était inférieure à celle de l'Allemagne, de l'Italie et du Royaume-Uni. Maintenant, grâce à la politique économique que mène le Gouvernement, notre pays a dépassé ses voisins ;

- les dépenses de l'État en volume ont augmenté de 1,7 % par an de 1993 à 1996. De 1997 à 2000, ce taux est de 0,3 % ;

- la proposition consistant à répartir des impôts nationaux au profit des collectivités locales doit être conciliée, si elle est suivie, avec le principe d'autonomie fiscale des collectivités locales qui est très important ;

- le retour à l'emploi peut se faire sous deux conditions. La première, c'est qu'il y ait une offre d'emplois. La deuxième est que les personnes privées d'emploi aient un intérêt financier au retour au travail, pour passer de revenus de solidarité à des revenus de travail. Le Gouvernement en est conscient, et souhaite par ailleurs élever le niveau des qualifications ;

- sans doute le développement des technologies de l'information conduit-il à des capitalisations boursières considérables et à des effets spéculatifs, mais il faut se garder de parler d'économie virtuelle. En effet, derrière cette activité boursière, il y a bien création de richesses et d'emplois, notamment qualifiés ;

- il est bon de rappeler que les impositions sont d'autant plus légitimes qu'elles sont justes. Il faut ajouter que ces impositions doivent être également utiles à l'emploi ;

- le Gouvernement mesure pleinement la responsabilité de l'entreprise France Télécom. Celle-ci doit développer sa stratégie de présence européenne et mondiale.

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La Commission a enfin procédé à l'examen du rapport d'information du Rapporteur général. La Commission en a autorisé la publication, accompagnée des deux auditions du Gouvernement sur ce sujet.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé :

M. François Goulard comme rapporteur de la proposition de loi relative à la mise en place d'une véritable responsabilité pour faute de l'administration fiscale et d'un droit général d'indemnisation pour les contribuables (n° 2218).

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