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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 avril 2000
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,
puis de M. Yves Tavernier, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs (n° 2336 - M. Gérard Fuchs, rapporteur)

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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'examen, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs (n° 2236).

M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a d'abord fait remarquer que ce projet de loi d'habilitation présentait davantage de complexité que ne le laissait supposer son apparente simplicité. Après avoir rappelé le taux de conversion du franc à l'euro en vigueur depuis le 1er janvier 1999 et l'existence des règles communautaires d'arrondissement, il a attiré l'attention de la Commission sur l'impact financier, parfois considérable, que peuvent avoir certains arrondis.

Ainsi, par exemple, France Télécom vend 8.000 milliards de secondes de communication par an, qu'elle facture en minutes. Or, comme le paiement ne se fonde que sur les secondes consommées, France Télécom doit rediviser les minutes en appliquant un arrondi au troisième chiffre après la virgule, ce qui représente une masse déplacée de 400 millions de francs.

S'agissant du budget de l'Etat, le ministère de l'éducation nationale a pu chiffrer le coût budgétaire qu'aurait représenté une modification du montant de l'allocation de recherche, fixée à 7.400 francs bruts par mois, soit 1.128,12 €, à moins d'un million de francs en cas d'arrondi à la dizaine d'euro supérieure, et à 63,6 millions de francs en cas d'arrondi au montant psychologiquement mieux acceptable de 1.200 euros.

Le Rapporteur a cependant approuvé l'objet de ce projet de loi, qui est de s'écarter du strict résultat des règles d'arrondis pour les montants législatifs qui doivent conserver une certaine lisibilité. Par exemple, la somme maximale que peut accorder une personne physique pour le financement d'une campagne électorale, actuellement de 30.000 francs, deviendrait, au 1er janvier 2002, 4.573,47 €. L'ordonnance prévoirait de la fixer à 4.600 €.

Le groupe de travail interministériel qui a contribué à l'élaboration de l'avant-projet d'ordonnance a retenu notamment trois principes pour les opérations d'adaptation des montants exprimés en francs :

- la neutralité juridique des modifications, afin de ne pas altérer le droit existant. Ainsi l'ordonnance ne devrait-elle pas entraîner de changement substantiel, par exemple s'agissant de la répartition des compétences entre les chambres régionales des comptes et les comptables du Trésor pour l'apurement des comptes des communes. De même, elle ne devrait pas aggraver les sanctions pénales en vigueur ;

- la neutralité financière : le Rapporteur a appelé à une certaine vigilance en la matière, dans la mesure où il existe une tendance naturelle au sein des ministères à réévaluer certains montants générateurs de recettes ; de plus, malgré l'affirmation de ce principe, le groupe de travail n'est pas en mesure de fournir une évaluation financière globale des adaptations qu'il propose ;

- la cohérence générale de l'ensemble des modifications, qui implique le recours à l'habilitation législative et à l'ordonnance unique.

Ensuite, M. Gérard Fuchs a souhaité formuler quelques observations concernant le projet de loi d'habilitation.

Tout d'abord, chaque Etat membre de la zone euro a effectué ce travail d'adaptation des montants législatifs sans coordination avec ses voisins, alors que cet exercice aurait pu être l'occasion d'aligner certains montants à l'échelle de la zone euro, s'agissant notamment de domaines de compétence communautaire, comme les sanctions concernant le faux-monnayage et les amendes douanières. Le Rapporteur a exprimé son intention de faire valoir ce point de vue devant le Gouvernement en séance publique.

En deuxième lieu, l'avant-projet d'ordonnance communiqué au rapporteur fait apparaître certaines revalorisations excessives. Ainsi, le droit d'inscription à l'examen du permis de chasser pourrait croître de 31%, passant de 100 francs à 20 €. C'est pourquoi M. Gérard Fuchs a indiqué qu'il présentera un amendement tendant à limiter la variation des montants à 7% du montant initial, en plus ou en moins. Un autre amendement proposera d'inscrire dans le projet de loi d'habilitation le principe de la non-aggravation des sanctions pécuniaires législatives.

De même, le principe de neutralité financière mérite, aux yeux du Rapporteur, d'être inscrit dans le texte de la loi d'habilitation.

Le Rapporteur a souhaité que la durée de l'habilitation soit réduite afin qu'elle ne coure pas sur les premières semaines de la prochaine session parlementaire, faute de quoi certains amendements ou propositions de loi pourraient se voir opposer l'irrecevabilité en application de l'article 41 de la Constitution, notamment à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2001. La durée du délai de dépôt du projet de loi de ratification, lui, ne serait pas modifié et resterait fixée à neuf mois après la promulgation de la loi d'habilitation.

Enfin, le Rapporteur a signalé que le projet de loi prenait en compte la spécificité et la complexité de la situation juridique de l'outre-mer français vis-à-vis du passage à l'euro. Il a rappelé la grande diversité de la situation des territoires non métropolitains, diversité qui résulte d'une combinaison de trois propriétés conditionnée, à des degrés différents, par l'applicabilité de la loi métropolitaine, l'applicabilité du droit communautaire et la nature de la monnaie en circulation (franc français ou franc Pacifique).

Après avoir précisé qu'il souscrivait à la tonalité des observations du Rapporteur, qu'il a jugé de bon sens, M. Jean-Pierre Delalande s'est demandé s'il ne convenait pas de créer un groupe de travail parlementaire afin de prévenir les fautes psychologiques que l'on peut craindre de la part de l'administration, toujours tentée d'augmenter certains prélèvements. Il a jugé tout à fait significatif, à cet égard, l'exemple du permis de chasser, précédemment évoqué par le Rapporteur.

Il a ensuite souhaité connaître l'origine du pourcentage de 7% proposé par le Rapporteur, pour fixer les écarts de variation des sommes converties en euros, jugeant que la marge totale, soit 14%, resterait très importante.

Il a jugé nécessaire de prévoir des modalités de conversion qui ne soient pas susceptibles de provoquer de contentieux, notamment devant le juge administratif, et a regretté qu'aucun plan d'information du public ne soit apparemment prévu afin d'expliquer l'origine des quelques augmentations que certains administrés ne manqueront pas de relever.

M. Alain Rodet a observé que le projet de loi était moins anodin qu'il n'y paraissait et que le problème de la conversion des tarifs des services publics se poserait en des termes très difficiles. Il a souhaité savoir si la production de monnaie divisionnaire serait suffisante pour répondre aux besoins lors du passage définitif à l'euro.

En réponse, le Rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- au-delà du rôle traditionnel du Rapporteur, qui sera de veiller à ce que la conversion en euros des sommes exprimées en francs ne crée pas de difficulté, il convient peut-être d'envisager des procédures plus souples que celles d'un groupe de travail pour intervenir auprès d'administrations qui auraient tendance à profiter de l'opportunité pour procéder à des augmentations contestables ;

- la marge de 7% pour les écarts de conversion a été définie de manière pragmatique. Elle tente de concilier le principe de neutralité vis-à-vis du droit existant et la recherche d'arrondis lisibles. Elle entraînerait la nécessité pour le Gouvernement de corriger une vingtaine de montants sur les quelque 700 figurant dans l'avant-projet d'ordonnance. Elle permet notamment d'obtenir des chiffres ronds pour certains multiples de 7. Ainsi, la somme de 700.000 francs aurait pu être fixée à 105.000 €, ce qui aurait permis de rester plus neutre vis-à-vis du droit existant, en limitant la variation à - 1,6%. Cependant, cela aurait nui au caractère symbolique du montant. Un nouveau montant de 100.000 €, qui certes représente un écart de - 6,3%, assure une meilleure lisibilité. Prévoir une marge de variation en deçà de 7% ne permettrait plus d'obtenir des sommes rondes pour de tels multiples ;

- les pièces correspondant aux centimes d'euros sont en cours de frappe. Les travaux du comité national de l'euro montrent qu'aucun incident n'est, pour l'instant, à craindre, compte tenu du nombre des pièces déjà frappées depuis 1998 ;

- la durée de la période de transition prévue pour le passage du franc à l'euro en 2002, actuellement fixée à six mois, devrait être réduite : une durée de six semaines semble plus adaptée.

La Commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Article 1er : Champ de l'habilitation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 1er :

La Commission a adopté trois amendements du Rapporteur :

- le premier, visant à inscrire dans le texte même de la loi d'habilitation, le principe de non-aggravation des sanctions pécuniaires ;

- le deuxième, visant à limiter à plus ou moins 7% les écarts susceptibles de résulter de l'adaptation des montants législatifs ;

- le troisième, tendant à inscrire dans le texte le principe de la neutralité financière de l'ordonnance pour les ressources et les dépenses publiques.

Article 2 : Délais d'adoption de l'ordonnance et de dépôt du projet de loi de ratification :

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur prévoyant de fixer au 2 octobre 2000 la fin de la période d'habilitation, afin que le législateur retrouve sa pleine compétence dès l'ouverture de la session parlementaire de 2000-2001. La Commission a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Après que les commissaires appartenant aux groupes de l'opposition eurent fait valoir qu'ils s'abstenaient, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.


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