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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 63

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 juin 2000
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président,

puis de M. Jean-Pierre Brard, Vice président

SOMMAIRE

 

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- Lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (M. Didier Migaud, rapporteur général)


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- Examen de la proposition de résolution (n° 2298) de M. Georges Sarre tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion du consortium de réalisation (CDR) (M. Dominique Baert, rapporteur)



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- Examen de la proposition de résolution (n° 2397) de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires (M. Jean-Pierre Brard, rapporteur)



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- Audition de MM. Jean-Pierre Balligand, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et Daniel Lebègue, Directeur général


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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a examiné, en vue de la lecture définitive, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, le projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2510).

Le Rapporteur général a rappelé que, la Commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte commun et le Sénat ayant adopté, en nouvelle lecture, la question préalable, l'Assemblée sera appelée à se prononcer sur le texte qu'elle a voté en nouvelle lecture.

La Commission a adopté le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

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La Commission a ensuite abordé, sur le rapport de M. Dominique Baert, l'examen de la proposition de M. Georges Sarre, tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion du consortium de réalisation (CDR) (n° 2298).

M. Dominique Baert, Rapporteur, a tout d'abord indiqué que la proposition de résolution de création d'une commission d'enquête satisfait aux conditions de recevabilité requises, la réponse de la Garde des sceaux précisant cependant que, si aucune procédure pénale mettant en cause la gestion du CDR ne lui avait été signalée, le Consortium s'était porté partie civile dans plusieurs informations en cours concernant le Crédit lyonnais. Sur le fond, les conditions de création du CDR, chargé en 1995 de céder 10.000 lignes d'actifs à risques du Crédit lyonnais, représentant près de 190 milliards de francs en valeur brute et 135 milliards de francs en valeur nette, dans une optique liquidative à court terme, ont nécessairement conduit celui-ci à enregistrer des pertes importantes. Sur ses quatre premières années d'existence, et sur les cessions déjà réalisées, qui représentent les quatre cinquièmes du portefeuille transféré par le Crédit lyonnais, le taux de récupération n'apparaît pas excessivement faible, puisqu'il atteint environ 70 % en moyenne, en nette amélioration en 1999. Il représente, néanmoins, des dizaines de milliards de francs de pertes. Les résultats des cessions traduisent plusieurs phénomènes, d'importance diverse et d'effet contradictoire : l'amélioration du contexte économique général et boursier ; les pressions parfois non négligeables et très médiatisées qui ont pu s'exercer dans certains dossiers ; la difficulté à réaliser certains actifs porteurs de valeurs, mais susceptibles de n'être cédés qu'à un petit nombre d'acquéreurs potentiels. En tout état de cause, des investigations parlementaires sur les conditions des cessions individuelles seraient nécessairement techniques et devraient tenir compte du contexte de chacune. Par ailleurs, s'agissant du fonctionnement même du CDR, certains aspects peuvent susciter l'interrogation, notamment l'importance des honoraires de conseil divers, la rémunération des personnels, ou la complexité de la structure juridique du groupe.

Toutefois, le CDR est d'ores et déjà l'objet de multiples dispositifs de contrôle :

- l'EPFR (établissement public de financement et de restructuration) a été créé pour en contrôler les orientations générales, avec la participation de deux parlementaires dans son conseil d'administration. Il dispose pour ce faire de la mission de contrôle du CDR, apparentée à un contrôle d'État ;

- le comité cessions-investissement, émanation du conseil de surveillance du CDR, examine pour avis les dossiers les plus importants ;

- l'Inspection générale des finances a procédé en 1997 à un audit très large du groupe du CDR, conduisant d'ailleurs le Gouvernement à substituer à la logique originelle de liquidation une politique de valorisation et de minimisation des pertes pour le contribuable ;

- la Cour des comptes est en train d'achever sa procédure de contrôle sur le CDR, pour laquelle elle a mobilisé des moyens importants. Son rapport final devrait être transmis à la commission des Finances d'ici la fin juillet.

- le rapporteur spécial de la commission sur les comptes spéciaux du Trésor et les entreprises publiques a lui-même suivi, aussi régulièrement que possible, les résultats du CDR.

Il est difficile de chiffrer le total du coût de l'opération de cantonnement d'actifs, qui constitue pourtant le point essentiel du dossier. Celui-ci comprend de 75 à 80 milliards de francs de pertes sur les cessions, selon les comptes du CDR pour 1999, plus de 30 milliards de francs d'intérêts payés à la fin 1998 par l'EPFR pour le portage financier, et des risques aujourd'hui « non chiffrables », concernant notamment l'affaire Executive Life aux États-Unis. Malgré les dotations en capital déjà effectuées, et l'affectation du produit de la privatisation du Crédit lyonnais à l'EPFR, la facture restant à régler par l'État demeure considérable.

Le Rapporteur a conclu sa présentation par trois points :

- il y a vraisemblablement matière à investigation par le Parlement ;

- mais la nouvelle stratégie fixée au CDR en 1998 semble porter ses fruits, alors que le chemin restant à parcourir pour la cession du solde des actifs est délicat ;

- enfin, les outils de contrôle sont multiples, et le rapport de la Cour devrait contribuer à éclairer la commission des Finances.

Dans ces conditions, il semble préférable de renoncer à la procédure de la commission d'enquête, lourde et présentant un risque de déstabilisation pour l'entreprise, en lui substituant des investigations du rapporteur spécial sur les entreprises publiques, dont les pouvoirs sont d'ailleurs élargis dans le cadre du collectif budgétaire, cet élargissement étant très adapté à ce type de contrôle. Ces investigations pourront être menées à la lumière des conclusions de la Cour des comptes, dont les rapporteurs pourraient d'ailleurs utilement être entendus par la commission des Finances. En outre, le Haut-conseil du secteur financier public et semi-public, qui vient d'être créé, pourrait, de son côté, engager une étude plus générale sur le fonctionnement des structures de cantonnement d'actifs mises en place par l'État.

M. Alain Rodet a souhaité des éclaircissements sur le sort des créances détenues sur un important groupe de presse, transférées au CDR par le Crédit lyonnais.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère à un député qui n'est pas membre de la Commission d'y prendre la parole, M. Georges Sarre a indiqué son désaccord avec les conclusions du rapporteur. La gestion passée du CDR lui paraît en effet pouvoir s'avérer encore plus critiquable que celle du Crédit lyonnais, si l'on se réfère notamment à un ouvrage récemment paru sur le sujet, qui fait état des avoirs bradés au profit d'un petit cercle, l'opération témoignant de la mutualisation des pertes et de la privatisation des gains. De plus, il ne semble guère avoir été donné de suites aux huit rapports de l'Inspection des finances,
- ni rendus publics, ni communiqués au Parlement -, notamment sur ses critiques pouvant donner lieu à des poursuites pénales. Il serait dommageable, pour l'image du Parlement, que celui-ci renonce à faire toute la lumière sur la gestion du CDR alors que le contentieux en cours aux États-Unis pourrait, à terme, conduire à des révélations très gênantes. En outre, on peut s'inquiéter de l'absence de réaction des parquets. Il existe un risque de voir la responsabilité de l'État engagée, et, compte tenu de la conception même du CDR, destiné à vendre vite, il serait regrettable de ne pas constituer la commission d'enquête. En outre, nombre d'actes de gestion courante paraissent susceptibles de critiques. Plutôt que d'attendre la constatation de difficultés futures, il vaut mieux créer cette commission d'enquête.

M. Philippe Auberger a souhaité savoir s'il y avait eu des commissaires aux apports lors de la création du CDR, et si, dans l'affirmative, ceux-ci étaient les mêmes que les commissaires aux comptes du Crédit lyonnais. Il a rejoint les conclusions du rapporteur sur le rejet de la proposition de résolution, pour plusieurs raisons :

- la technique des auditions par une commission d'enquête ne peut se substituer à des investigations sur place, que peut mener un rapporteur spécial. Toutefois, il conviendrait de s'assurer de la régularité juridique de l'extension, par le projet de loi de finances rectificative, des pouvoirs des rapporteurs spéciaux ;

- le jugement que pourrait porter une commission d'enquête risque d'être arbitraire, s'agissant d'analyser les conditions de cessions des actifs, qui ne peuvent s'abstraire du contexte des marchés financiers, lequel n'est évidemment guère prévisible. Une enquête devrait, dans ces conditions, se cantonner, en tout état de cause, à l'appréciation de la qualité globale de la gestion de l'entreprise.

M. François d'Aubert a indiqué ne pas partager la conclusion du rapporteur, mais le rejoindre sur certaines de ses observations, notamment le fait que son expérience passée, en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur le crédit lyonnais, l'incitait à penser que cette procédure pouvait se révéler décevante dans son fonctionnement et ses conclusions, notamment s'il s'agit d'analyser des opérations de cessions individuelles. Les frais généraux du CDR, notamment les honoraires de conseils, pourraient utilement être explorés par une commission d'enquête, mais ce sujet suffirait, à lui seul, à justifier de sa création. Par rapport à des investigations menées par le seul rapporteur spécial, la formule de la commission d'enquête présente, au demeurant, sur le plan politique, l'avantage de permettre une plus grande diversité d'opinions.

Le président Henri Emmanuelli a indiqué qu'il avait récemment reçu les présidents du conseil de surveillance et du directoire du CDR, et qu'il les reverrait prochainement. Certaines de leurs observations le conduisent à faire sienne la proposition du rapporteur, notamment :

- le fait que la constitution d'une commission d'enquête risque de discréditer le CDR vis-à-vis de ceux, en grand nombre, contre lesquels il s'est porté en justice dans le cadre de procédures pénales, pour lesquelles, au demeurant, l'instruction semble relativement lente. Cet argument ne doit cependant pas constituer un obstacle rédhibitoire et définitif. La création d'une commission d'enquête pourrait apporter des arguments à certaines des personnes poursuivies, dont la bonne foi est pourtant suspecte ;

- l'importance du contentieux en cours aux États-Unis ne doit pas être sous-estimée, et il serait regrettable que les travaux de la commission d'enquête se révèlent dommageables pour le contribuable français dans cette perspective ;

- les travaux de la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, à laquelle il a également participé, ne plaident pas en faveur de cette procédure dans ce type de dossier.

Toutefois, la position prise par la commission des Finances, si elle suit les propositions du rapporteur, pourra être réexaminée à la lecture du rapport de la Cour des comptes, et après l'audition de ses rapporteurs.

M. Philippe Auberger a souligné, concernant la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, que celle-ci avait conduit à sous-estimer les responsabilités, ultérieurement avérées de certains protagonistes.

Le président Henri Emmanuelli a ajouté que, inversement, elle avait pu aboutir à critiquer certaines autres personnes qui ne le méritaient pas nécessairement.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère à un député qui n'est pas membre de la Commission d'y prendre la parole, M. Georges Sarre a demandé s'il était possible d'obtenir communication des rapports de l'Inspection générale des finances.

Le Président Henri Emmanuelli a indiqué qu'il ferait une demande écrite en ce sens.

Le Rapporteur a apporté les réponses suivantes :

- il convient de clairement séparer les questions relatives à la gestion du CDR et aux conditions dans lesquelles il a cédé ses actifs, du problème, antérieur, du Crédit lyonnais ;

- l'appréciation des conditions de cessions du CDR exige une technicité inhabituelle pour les parlementaires ;

- les rapports de l'Inspection ont été suivis d'effets. Le conseil d'administration de l'EPFR a d'ailleurs demandé une analyse des suites qui lui ont été données, laquelle lui a été transmise. Celle-ci fait apparaître que, si toutes les recommandations de l'Inspection ne se sont pas concrétisées, les plus importantes, notamment le changement de stratégie du CDR, ont été mises en _uvre ;

- le rapport de la Cour des comptes, qui rentrera dans le détail de certains dossiers parmi les plus critiquables, couvre l'ensemble du champ des interrogations soulevées par la proposition de résolution.

La Commission a ensuite rejeté la proposition de résolution de création d'une commission d'enquête.

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La Commission a ensuite abordé, sur le rapport de M. Jean-Pierre Brard, l'examen de sa proposition, tendant à créer une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires (n° 2397).

M. Jean-Pierre Brard a rappelé que les cartes bancaires sont définitivement entrées dans la vie quotidienne de nos concitoyens, puisque l'on compte près de 38 millions de cartes bancaires en circulation, près de 3 milliards de transactions et plus de un milliard de retraits auprès des distributeurs automatiques.

Or, depuis le début de cette année, plusieurs faits sont venus ébranler la confiance que le public accorde jusque là à la sécurité du système des cartes bancaires, qu'il s'agisse de la condamnation à 10 mois de prison avec sursis d'un jeune ingénieur informaticien de 36 ans qui avait réussi à fabriquer de fausses cartes lesquelles lui ont permis d'acheter des tickets de métro auprès d'un guichet automatique de la RATP, de la publication sur Internet de l'une des clés mathématiques de cryptage des cartes à puce et des déclarations du chef du Service central de la sécurité des systèmes d'information, dépendant du Secrétariat général de la défense nationale.

Face à ces faits, le groupement des cartes bancaires a publié des chiffres rassurants quant à l'ampleur de la fraude constatée en France. Sur les 853 milliards de francs de paiements effectués en France par cartes bancaires en 1999, le montant de la fraude s'est élevé à 178 millions de francs, soit un taux de 0,02 %. Le taux de fraude est identique en ce qui concerne les retraits effectués auprès des distributeurs automatiques de billets : la fraude s'élève à 61 millions de francs pour des retraits totaux d'un montant de 383 milliards de francs.

Cependant, la signification réelle de ces chiffres a été contestée car, par fraude, le groupement des cartes bancaires n'entend que le préjudice financier restant à la charge des banques, excluant, par exemple, celui subi par les commerçants ou prestataires de services. De plus, il apparaît que les taux de fraude sont près de 25 fois supérieurs en ce qui concerne l'utilisation de cartes bancaires françaises à l'étranger et l'utilisation de cartes étrangères en France.

Cette inquiétude a conduit la Secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, en charge également de la consommation, à se saisir du dossier, en organisant une réunion de concertation qui s'est achevée sur le principe de la création de deux groupes de travail, l'un technique, l'autre placé sous la houlette du Conseil national de la consommation, qui auront pour tâche d'étudier tous les problèmes relatifs à la sécurisation des moyens de paiement pour le commerce en ligne.

C'est cette inquiétude qui a également conduit les membres du groupe communiste et apparentés à déposer une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires.

Bien qu'il figure au premier rang des signataires de cette proposition de résolution, M. Jean-Pierre Brard a indiqué que, suite à une discussion avec le Président de la commission des Finances, il ne proposerait pas en conclusion la création de cette commission d'enquête. En effet, la formule de la commission d'enquête, par sa solennité et son caractère exceptionnel, serait de nature à troubler encore davantage l'opinion, en laissant à penser que l'Assemblée nationale estime établie l'existence d'un problème grave, affectant la sécurité des paiements par cartes bancaires.

Le Rapporteur a précisé que son seul souci était d'analyser, aussi objectivement et sereinement que possible, l'ensemble des données de ce dossier et d'informer l'opinion de la réalité des choses. C'est pourquoi il propose le rejet de la présente proposition de résolution, sous réserve de la désignation par la Commission d'un rapporteur d'information sur le même sujet, précisant qu'il est candidat à cette tâche. Cependant, si le rapporteur d'information rencontrait alors la moindre difficulté pour obtenir la collaboration pleine et entière des différents acteurs concernés (ministères, banques, groupement des cartes bancaires,...), la demande de commission d'enquête pourrait alors être renouvelée.

Après avoir rappelé que près de 100 millions de cartes circulent en France, dont un tiers de cartes bancaires plus sûres que les autres, et qu'il existe une différence entre le système français et le système « on line » tel qu'il est pratiqué aux États-Unis, M. Pierre Hériaud a indiqué que son souci d'éviter d'entretenir un sentiment généralisé d'insécurité le conduisait à s'opposer, lui aussi, à la constitution de la commission d'enquête.

La Commission a ensuite approuvé les conclusions du rapporteur tendant à rejeter la création d'une commission d'enquête sur la sécurité des cartes bancaires.

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La Commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jean-Pierre Balligand, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et Daniel Lebègue, Directeur général.

M. Jean-Pierre Balligand, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a présenté l'activité de la caisse pour l'année 1999. Il a indiqué que celle-ci était en ordre de marche pour faire face aux défis immédiats et à venir que sont tout d'abord un environnement plus agressif dans le domaine bancaire, puis des règles du jeu plus contraignantes, relatives notamment à une plus grande transparence, et à la distinction entre activités concurrentielles et d'intérêt général, laquelle est réclamée par la Commission européenne.

L'année 1999 s'est achevée avec un résultat exceptionnel de 12,5 milliards de francs. Mais il convient de distinguer entre, d'une part, le fruit des activités traditionnelles du groupe, qui augmente régulièrement chaque année, et que l'on peut évaluer à 7,4 milliards, et, d'autre part, les résultats exceptionnels qui s'élèvent à 5,1 milliards de francs. Ceux-ci proviennent pour l'essentiel de la gestion par la Caisse des dépôts d'un important portefeuille d'actions et de plus-values résultant d'offres publiques d'échanges. Pour 1999, ces éléments exceptionnels concourent à plus de 40 % du résultat net du groupe.

Hors résultats exceptionnels, la Caisse des dépôts affiche une progression raisonnable du rendement de ses fonds propres : 10,7 % en 1999 contre 10,2 % en 1998.

Face à la manne exceptionnelle de 1999, la Caisse des dépôts a prévu des affectations particulières, car le dégagement des plus-values est indépendant des améliorations des activités récurrentes de la caisse. La Commission de surveillance a approuvé cette orientation de la direction, et son soutien à l'effort national de dotation du fonds de réserve des retraites pour un montant de 3 milliards de francs et au renouvellement urbain.

La caisse a continué d'alimenter les recettes budgétaires puisqu'elle a pu verser, en 1999, 16 milliards de francs au titre des prélèvements sur fonds d'épargne, 3 milliards de francs au titre de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, et 4,18 milliards de francs au titre du versement d'un dividende de 33 % à l'État actionnaire. Au total, la caisse aura contribué, en 1999, aux recettes budgétaires à hauteur de 23,18 milliards de francs.

Deux remarques s'imposent. La première est que la contribution des fonds d'épargne à la loi de finances s'inscrit sur une tendance à la baisse. En effet, les 13,6 milliards de francs de prélèvements sur les résultats des fonds d'épargne de 1999 sont à comparer avec les 17 milliards de francs de 1998, les 19,4 milliards de francs de 1997 et les 21,7 milliards de francs de 1996. Cette baisse est due, d'une part, au fait que le stock de crédits avec marge bénéficiaire distribués au secteur du logement social décline progressivement, et, d'autre part, à la hausse des taux d'intérêt. Les résultats des fonds d'épargne dépendront donc, de plus en plus, de leur gestion financière. Aussi faudra-t-il dépoussiérer les règles qui la régissent. Le mouvement a, au demeurant, déjà été amorcé avec la création du portefeuille d'investissements, et l'usage de produits de couverture extrêmement sécurisés. En outre, il conviendra, à l'avenir, de modifier les modalités de fixation du résultat des fonds d'épargne.

La deuxième observation est relative aux recettes des fonds d'épargne. La baisse de celles-ci va s'accompagner du renforcement de la part des résultats dégagés par les activités concurrentielles dans le résultat global de la caisse. Dans cette perspective, la Commission de surveillance approuve le projet de création de CDC-Finances, destinée à gérer les dotations en capital propres, en vue d'objectifs de rentabilité plus forte. Il sera nécessaire, en contrepartie, d'envisager la mise en place d'un audit particulier de cette filiale spécialisée, au sein de la Commission de surveillance.

M. Daniel Lebègue, Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a ensuite décrit le groupe Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci comprend actuellement un établissement public, placé sous la surveillance du Parlement, plus de 400 filiales ; 41.000 salariés, dont 26.000 salariés de droit privé et 5.000 fonctionnaires, y travaillent. Le groupe est présent dans 80 pays. Son bilan consolidé représente 1.200 milliards de francs, et le bilan résultant des fonds d'épargne une somme équivalente. 70 milliards de francs de fonds propres ont pu être accumulés par la caisse elle-même, à partir des sommes qui y sont légalement déposées, l'État n'ayant pas versé un franc à ce titre.

Si le résultat a été exceptionnel en 1999, c'est assurément du fait de l'évolution du portefeuille des titres de la caisse. Mais, hors les opérations exceptionnelles portant sur ceux-ci, le résultat du groupe se serait tout de même élevé à 7,5 milliards de francs. Ces moyens permettent à la caisse de contribuer significativement aux charges publiques de la Nation : 3 milliards de francs pour le renouvellement urbain, 3 milliards de francs pour le fonds de réserve des retraites, 5,3 milliards de francs d'impôts sur les sociétés et 16 milliards de francs de reversement des fonds d'épargne. Ces chiffres ne devraient toutefois pas pouvoir être maintenus en 2000, compte tenu de la baisse des taux. Il faut s'attendre à une diminution des prélèvements sur les fonds d'épargne.

M. Daniel Lebègue a insisté sur le renforcement des missions publiques de la Caisse en 1999, poursuivi en 2000, en l'illustrant par trois exemples :

- en premier lieu, l'appui à la création d'entreprises, aux très petites entreprises, au capital risque et à l'insertion économique. En 1999, 1.400 millions de francs ont été consacrés à cette action, la moitié de cette somme provenant des fonds propres de la Caisse, l'autre moitié des fonds de capital risque gérés par l'État et la Banque européenne d'investissement. Ces montants permettent d'exercer un effet de levier important grâce au partenariat développé avec les collectivités locales ou des investisseurs privés. Ainsi, 6 milliards de francs de fonds propres ont été engagés en faveur des très petites entreprises et des nouvelles entreprises, ce qui fait de la Caisse des dépôts le premier intervenant en France en faveur des PME ;

- en deuxième lieu, un soutien est apporté aux villes et agglomérations dans le cadre de la politique de la ville, par le biais notamment du fonds de renouvellement urbain auquel 3 milliards de francs ont été consacrés pour des investissements dans des projets de ville (immobilier d'entreprise, projets d'aménagement, etc.). 120 projets de ville devraient ainsi se concrétiser dans les douze prochains mois tandis que 200 projets supplémentaires ont été identifiés ;

- enfin, la Caisse, gestionnaire de 21 caisses de retraite, a proposé d'assurer la gestion administrative du fonds national de réserve des retraites dans la mesure où il s'agit d'un métier qu'elle maîtrise depuis longtemps. À cet égard, il convient de rappeler qu'en 1999, la Caisse a contribué sur ses résultats de l'année, à hauteur de 3 milliards de francs au fonds de réserve.

Puis, le Directeur général a évoqué les activités concurrentielles de la Caisse des dépôts, en particulier son rôle de banque d'investissement, en rappelant que la création de la filiale « CDC Finances » permettra la constitution de la troisième banque française de gros et d'investissement. Cette initiative devrait contribuer à renforcer la compétitivité de la place de Paris, actuellement assez faible en termes de marché de banque de gros et d'investissement.

Il a également souligné l'importance des partenariats de la Caisse, en particulier avec le groupe des caisses d'épargne, qui a récemment abouti à la conclusion d'un accord stratégique, mais aussi avec les services financiers de la Poste. À cet égard, il a insisté sur la nécessité pour la Caisse de disposer d'une organisation claire, incontestable et transparente, qui devrait être favorisée par la création de « CDC Finances », prévue dans le texte adopté par l'Assemblée sur les nouvelles régulations économiques, et destinée à regrouper les métiers financiers de la Caisse dans le secteur concurrentiel. Cette filiale, bénéficiant d'un statut de banque, se verra dotée de 5 millions d'euros de fonds propres avec un objectif de rentabilité fixé à 10 %.

M. Alain Rodet a souhaité des précisions sur les modalités de gestion du Fonds de réserve des retraites, en raison des sollicitations exprimées par un certain nombre de concurrents privés ainsi que sur les raisons de la lenteur de la mise en place du partenariat avec les caisses d'épargne : est-elle imputable aux structures ou aux hommes ?

S'agissant du fonds de réserve, M. Daniel Lebègue a indiqué que la proposition de la Caisse consiste à lui confier la gestion administrative de ce fonds, ce qui correspond à la mise en place d'un système de contrôle des flux d'entrée et d'encaissement, ainsi que d'un système comptable et à l'organisation d'appel d'offre, c'est-à-dire, en définitive, à prendre en charge la gestion institutionnelle du fonds. Dans ce schéma, la gestion financière ferait l'objet d'appels d'offres par type d'actifs (par exemple, un appel d'offre pour les « actions euros »), pour aboutir à la sélection d'un gestionnaire. Face à cette proposition, deux positions s'expriment : certains sont favorables à un système ouvert fondé sur des appels d'offre pour la gestion financière, ce qui reviendrait à la confier à des gestionnaires professionnels ; d'autres, estimant que ce fonds est destiné à financer les retraites, militent en faveur d'une gestion sécurisée qu'assurerait la Caisse. Le Directeur général a précisé que la décision, en la matière, ne lui incombe pas.

Il a ensuite indiqué que le partenariat avec les caisses d'épargne était amorcé dans certains domaines puisque les caisses sont désormais actionnaires de CDC marché, par exemple. Il a souhaité que ce partenariat se développe plus rapidement dans la mesure où il constitue en Europe le seul exemple de coopération entre une banque d'investissement et une banque d'épargne qui, en l'espèce, représente le deuxième réseau européen de banques de proximité, ce qui est riche de potentialités. Certaines lenteurs sont liées à la remise en ordre réalisée au sein des caisses d'épargne et s'expliquent également par la recherche d'une relation équilibrée.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que cette réponse ne permettait pas de savoir quelle était la part de responsabilité des hommes dans ces lenteurs et a rappelé que les dirigeants des caisses d'épargne devraient sans doute revenir à l'esprit et la lettre de la loi.

M. Maurice Ligot s'est interrogé sur la situation des sociétés d'économie mixte dont la Caisse des dépôts est actionnaire. Reprenant les observations du Directeur général relatives aux faiblesses de la place de Paris, il s'est également demandé si le prélèvement opéré par l'État sur les résultats de la Caisse (environ 30 milliards de francs en 1999) ne représentait pas une perte de ressources au regard du rôle d'investisseur que le groupe pourrait jouer sur la place de Paris.

Puis, M. Jean-Louis Dumont a abordé la question du financement du logement social :

- la gestion de la Caisse est imprégnée des temps de pénurie alors qu'un plus fort dynamisme pourrait être attendu dans le contexte actuel ;

- s'agissant des prêts constitués à partir des ressources collectées sur le livret A, des gains de productivité ne pourraient-ils pas être obtenus ?

- sur les 50.000 prêts nouveaux, seuls 321 avenants sont conclus, ce qui manifeste une insuffisance de l'ingénierie des offices d'HLM ainsi qu'un temps de réaction trop important ;

- dans le cadre d'un projet de loi discuté actuellement au Parlement, la suppression de la capacité de prise d'hypothèques de la Caisse des dépôts ne risque-t-elle pas de conduire à une gestion centralisatrice et, corrélativement, une augmentation des coûts de gestion ?

- à la suite des remarques formulées lors d'une séance du conseil de surveillance de la Caisse sur la gestion de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts (SCIC), quelles mesures sont envisagées pour en améliorer les modalités ?

- la mise à disposition de certains agents de la Caisse au profit de la DATAR ne semble pas avoir fait l'objet d'une politique de reclassement et on peut citer un cas où une personne pourtant irréprochable dans le service de l'État va se retrouver au chômage. Comment la situation des agents concernés sera-t-elle prise en compte ?

- quelles mesures seront prises pour assurer la réhabilitation des copropriétés privées dégradées ?

Après avoir rappelé que la contribution de la Caisse au budget de l'État s'est élevée, depuis 1984, à près de 400 milliards de francs, M. Jean-Pierre Delalande a interrogé les intervenants sur les points suivants :

- quelle a été l'ampleur de la décollecte sur le livret A depuis l'abaissement du taux à 2,25 % ? Une remontée de ce taux à 3 % est-elle envisagée et quelle serait son incidence sur la courbe de la collecte ?

- une modification de la rémunération du livret jeunes est-elle prévue ?

- le ratio de 2 % sur les fonds d'épargne sera-t-il maintenu ?

- la filiale C3D est-elle revenue à l'équilibre ?

- quelles mesures sont prévues pour rétablir la situation de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ?

M. Michel Destot a souhaité savoir si la Caisse était disposée à accorder son aide aux collectivités territoriales ou aux clubs d'entreprises afin de favoriser la réinsertion des chômeurs ou des jeunes dans les entreprises, notamment dans le secteur des nouvelles technologies de l'information.

M. Jean-Pierre Balligand a fourni les réponses suivantes :

- depuis la baisse des taux de rémunération du livret A à 2,25 %, la décollecte est estimée à 55 milliards de francs et elle se décompose en deux mouvements, le premier, attendu, résultant directement de la mesure et le second, plus structurel, lié à la reprise de la consommation ;

- le ratio applicable aux prélèvements sur les fonds d'épargne n'est pas modifié ;

- le dossier Concordia a été réglé au cours de l'année 2000 et sera donc intégré dans le prochain compte rendu ;

- le groupe C3D est parvenu à l'équilibre, il est même, actuellement, légèrement bénéficiaire.

M. Daniel Lebègue a alors indiqué que :

- la caisse est actionnaire de 400 sociétés d'économie mixte aux côtés des collectivités territoriales pour un résultat global de 70 millions de francs correspondant à un investissement de 1,4 milliard de francs, ce qui n'est pas une performance de marché mais le résultat de l'exercice de missions d'intérêt général. Ces sociétés ne sont pas considérées comme des filiales ;

- les filiales de la caisse versent à leur maison mère 50 % de leurs résultats et gardent le reste pour alimenter leurs capacités d'autofinancement. L'établissement public verse aussi un dividende au groupe et il finance des actions d'intérêt général ;

- la politique du logement social doit être plus dynamique, car elle souffre d'un centralisme excessif et d'une forte bureaucratisation dans ses modes de fonctionnement. L'avenir doit appartenir à la décentralisation et à la contractualisation avec les collectivités territoriales dans ce domaine, car la responsabilité des maires y est centrale. Tous les accords de rééchelonnement de la dette ont été signés ;

- la SCIC fait parfois l'objet d'une confusion, car elle exerce deux métiers différents. Il s'agit d'abord d'un bailleur social et d'une fédération d'organismes HLM regroupant 120 000 logements, appliquant les normes du logement social, tout en adoptant une gestion dynamique de proximité qui lui permet d'entretenir et d'augmenter son patrimoine. Mais il s'agit aussi du propriétaire de 60 000 logements intermédiaires, dont la moitié n'ont été ni conventionnés ni aidés par l'État, qui souhaite gérer librement et efficacement ce parc de logements, sans se voir appliquées les règles du logement social. Il convient de ne pas les faire basculer dans le secteur du logement social, car ceci ne constituerait pas une bonne politique au regard des objectifs de mobilité et de mixité sociale affichés par les maires des grandes villes ;

- l'intervention de la caisse dans les copropriétés dégradées est désormais possible puisque la circulaire administrative qui l'autorise est enfin publiée au terme d'une période de gestation de quatorze mois ;

- la remontée des taux de rémunération du livret A à 3 % devrait limiter la décollecte à 30 milliards de francs pour l'année 2000 alors qu'on attendait 50 milliards de décollecte si cette mesure n'avait pas été prise ;

- le groupe C3D génère un résultat net après impôt de 250 millions de francs en 1999 et de 350 millions de francs attendus pour 2000, ce qui correspond à un taux de rendement des fonds propres de 10 % ;

- la caisse gagne de l'argent dans toutes ses activités à l'étranger, à l'exception du Japon, et les filiales aux États-Unis sont très profitables. L'activité en Allemagne a été bonne en 1999 ;

- le dossier Concordia a été définitivement soldé ;

- la CNRACL a fait l'objet d'une surcompensation à hauteur de 20 milliards de francs en 2000 ;

- la caisse est disposée à apporter son concours en ingénierie, en fonds propres, ou pour la mise au point de fonds de garantie au plan régional ou local pour favoriser les politiques d'insertion, mais les besoins sont tels dans ce secteur qu'il faudrait faire beaucoup plus.

M. Jean-Pierre Balligand a souligné que la Commission de surveillance avait obtenu l'élargissement de l'emploi des fonds d'épargne comme en témoigne l'annonce de l'affectation d'un montant de 10 milliards de francs au financement de missions d'intérêt général telles que les investissements d'infrastructures de sécurité, les réseaux urbains en site propre ou d'autres projets environnementaux.

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