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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 64

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 juillet 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Henri Emmanuelli, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de la proposition de résolution (n° 2525) présentée par M. Gérard Fuchs au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001 (M. Didier Migaud, Rapporteur général)



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- Communication de M. Didier Migaud, Rapporteur général, sur sa proposition de loi organique (n° 2540) relative aux lois de finances


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- Examen du rapport d'information sur l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances (M. Didier Migaud, Rapporteur général)


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- Examen de rapports de la Mission d'évaluation et de contrôle :

· Recouvrement de l'impôt (M. Didier Migaud, Rapporteur général)

· Fontionnement des COTOREP (M. Pierre Forgues, Rapporteur)

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a d'abord procédé, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 2525) de M. Gérard Fuchs, Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2001 (E 1464) et sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision des perspectives financières 2001-2006 (E 1466).

Le Rapporteur général a indiqué qu'il partageait les grandes orientations du rapport présenté par M. Gérard Fuchs au nom de la Délégation pour l'Union européenne et qu'il proposait uniquement des modifications mineures à la proposition de résolution, puisque cette dernière allait dans le sens des observations émises les années précédentes par la Commission des finances.

Il a précisé que le premier amendement avait pour objet de demander une évaluation réaliste de l'engagement financier de l'Union européenne vis-à-vis des Etats des Balkans, que le deuxième était rédactionnel et que le troisième visait à inviter les instances communautaires à remédier aux conséquences des insuffisances de prévision et de gestion du budget communautaire, qui se traduisent par d'importants engagements dormants et restes à liquider.

Le Président Emmanuelli a souligné que l'importance de la contribution française au budget communautaire, à raison de 96 milliards de francs, devait conduire à s'intéresser à l'ensemble des actions communautaires, et non aux seules actions qui étaient soulignées par le texte de la proposition de la résolution.

Mme Nicole Bricq s'est associée à ce propos.

Le Rapporteur général a rappelé que le budget communautaire faisait l'objet d'un examen au fond lors de la discussion du projet de loi de finances de l'année, à propos de la contribution française, et que, s'agissant de l'avant-projet du budget général des Communautés européennes pour 2001, les positions du Conseil, de la Commission et du Parlement européen étaient pour l'instant très différentes. Les contours du budget 2001 ne seront ainsi connus qu'à l'issue des discussions en cours.

La Commission a adopté les trois amendements présentés par le Rapporteur général, puis l'article unique ainsi amendé de la proposition de résolution.

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La Commission a ensuite entendu une communication de M. Didier Migaud, Rapporteur général, sur sa proposition de loi organique (n° 2540) relative aux lois de finances visant à réformer l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

Evoquant les principales dispositions de cette proposition, le Rapporteur général a d'abord rappelé qu'elle était l'aboutissement d'un long travail, de deux années, qui s'inscrivait dans le prolongement des travaux du groupe de travail, présidé par M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, et dans le cadre d'une mission qui lui avait été confiée par la Conférence des présidents.

Après avoir précisé que cette proposition pourrait faire l'objet d'un examen par l'Assemblée dès la session prochaine et que le Président Henri Emmanuelli avait demandé la constitution d'une commission spéciale, il a fait valoir que l'adoption de la réforme proposée appelait une concertation approfondie avec le Sénat.

Il a ensuite présenté les raisons ayant motivé la présentation de cette proposition. L'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances s'inscrit dans la logique du parlementarisme rationalisé, sur lequel repose la Constitution, mais va, sur certains points, au-delà des prescriptions constitutionnelles et restreint ainsi de façon excessive l'intervention du Parlement en matière budgétaire. De plus, les mécanismes qu'elle prévoit sont loin d'être exempts de critiques, qu'il s'agisse de la lisibilité et de la transparence des comptes publics ou de l'efficacité de la gestion publique, comme le soulignent tous les observateurs.

Le Rapporteur général a ainsi relevé que la France souffrait, sur ces deux points, de graves retards par rapport aux autres Etats européens.

Puis, il a regretté qu'en dépit de ses inconvénients, le texte de l'ordonnance, à la différence de celui de la Constitution, soit resté quasiment inchangé. Pourtant, dès les années 1960, des parlementaires, et non des moindres, tel René Pleven, appelaient de leurs v_ux une réforme de l'ordonnance. Plusieurs propositions furent présentées à cet effet, mais aucune ne put aboutir.

Le Rapporteur général a ensuite précisé qu'il avait souhaité présenter une proposition de réforme indépendante de tout changement constitutionnel, non pas qu'une telle évolution ne fût pas souhaitable, car une révision de l'article 40 de la Constitution permettrait aux parlementaires de procéder, de manière encadrée, à des réallocations de la dépense publique, mais en considérant qu'un rééquilibrage des prérogatives entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doit s'inscrire dans une démarche plus globale de réforme des institutions.

Après avoir souligné la participation active et pertinente la Cour des Comptes aux travaux de réforme de l'ordonnance, le Rapporteur général a présenté les deux axes majeurs de ses propositions : améliorer la gestion publique, d'une part, et mieux assurer l'exercice du pouvoir budgétaire du Parlement, d'autre part.

S'agissant de la nécessité d'améliorer la gestion publique, il a rappelé les retards de la France dans ce domaine, retards soulignés par le rapport sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, ainsi que par les différents travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC). Face à ces retards, il est devenu impératif de responsabiliser notre administration, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultats.

Dans cette optique, le Rapporteur général a proposé :

- l'instauration de véritables programmes ministériels et une classification plus opérationnelle des catégories de dépenses, afin de rendre plus lisible l'utilisation des crédits publics, ainsi que l'autorisation de transferts de crédits au sein d'un même programme, de manière à encourager le développement d'actions interministérielles ;

- l'introduction d'une fongibilité des dépenses au sein de ces programmes ministériels, assortie toutefois d'un dispositif permettant d'éviter toute dérive en matière de création et de transformation d'emplois ;

- le développement d'une gestion pluriannuelle, des autorisations pluriannuelles pouvant être ouvertes pour toutes les catégories de dépenses et les reports de crédits étant facilités ;

- la présentation, dans les lois de finances, à côté d'une comptabilité de caisse, d'une comptabilité d'engagement, selon la méthode dite des « droits constatés », afin de mieux appréhender les charges et les recettes réelles de l'Etat et d'améliorer ainsi la lisibilité de ses comptes.

Puis, le Rapporteur général a souligné qu'en contrepartie de la souplesse de gestion ainsi accordée au pouvoir exécutif, le second volet des mesures envisagées visait à renforcer l'exercice du pouvoir budgétaire par le Parlement, les propositions correspondantes étant orientées autour de trois axes :

- restaurer toute sa portée à l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement ;

- accroître la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires, afin de renforcer le contrôle du Parlement ;

- établir un calendrier favorisant l'exercice de la fonction budgétaire du Parlement tout au long de l'année.

S'agissant du premier point, il a précisé que de nombreuses dispositions se rattachaient à cet objectif :

- seraient réintégrés ou intégrés dans le champ de la décision parlementaire les garanties accordées par l'Etat, les fonds de concours, les opérations de trésorerie, les taxes parafiscales et les reprises de dettes d'organismes publics, qui échappent largement, à l'heure actuelle, à l'intervention du Parlement ;

- les principales procédures permettant au Gouvernement de remettre en cause les dispositions budgétaires votées par le Parlement seraient, soit supprimées, soit plus strictement encadrées, notamment en ce qui concerne les crédits évaluatifs, qui seraient autorisés pour les seuls intérêts de la dette, les crédits globaux et décrets d'avance, les autorisations pluriannuelles, la régulation budgétaire et les annulations de crédits, les virements et transferts de crédits ;

- les modalités de répartition des dotations de l'Etat, notamment aux collectivités territoriales, parfois considérées comme des « cavaliers budgétaires », pourraient être prévues dans les lois de finances ;

- enfin, les commissions des finances des deux assemblées seraient appelées à donner leur avis sur les projets de décrets d'avance destinés à ouvrir des crédits supplémentaires.

En matière de lisibilité et de sincérité des documents budgétaires, le Rapporteur général a souligné la portée de plusieurs des dispositions proposées, telles que :

- l'exigence de sincérité, tant pour la loi de finances initiale que pour la loi de règlement, la Cour des Comptes devant être appelée à procéder à une « certification » des comptes publics ;

- l'exigence d'une présentation budgétaire en deux sections - investissement et fonctionnement -, destinée, non pas à introduire, en sus des dispositions communautaires applicables, des contraintes supplémentaires, mais à mettre en évidence les conditions réelles de l'équilibre budgétaire ;

- la présentation des budgets ministériels par programme, afin d'offrir une lisibilité plus grande, le Parlement étant appelé à se prononcer non plus sur des regroupements quelque peu abstraits de crédits, correspondant à un « budget de moyens », mais sur des programmes concrets, s'inscrivant dans une logique d'objectifs et de résultats ; les votes parlementaires interviendraient sur l'intégralité des crédits de chaque programme, la notion de services votés devant être supprimée ;

- la transmission au Parlement d'une information complète sur l'échéancier d'exécution des autorisations pluriannuelles, celles-ci devenant d'ailleurs caduques si elles ne sont pas utilisées dans les trois ans ;

- la présentation des relations financières de l'Etat avec les autres administrations publiques, notamment par le biais d'une récapitulation, dans la loi de finances, des impositions affectées à la sécurité sociale, la fixation du montant de la contribution française au budget des Communautés européennes et la clarification des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, avec l'encadrement de la procédure des prélèvements sur recettes ;

- le renforcement, en contrepartie de la souplesse offerte au Gouvernement pour l'exécution budgétaire, du contrôle a posteriori, le projet de loi de règlement, qui seul permet l'examen concret des politiques mises en _uvre, devant être assorti de la présentation de rapports de performance, de la justification de l'utilisation des crédits et des mouvements ayant affecté en cours d'exercice les dotations ouvertes par les lois de finances ainsi que d'informations précises sur la gestion des emplois publics ;

- la limitation des atteintes aux principes budgétaires d'unité et d'universalité, par le biais de la clarification de la procédure des prélèvements sur recettes, d'un encadrement plus strict de la procédure des fonds de concours, ceux-ci devant notamment être évalués dans les lois de finances, la suppression des budgets annexes, le cantonnement de la procédure des comptes d'affectation spéciale et l'introduction d'une réglementation plus stricte pour les comptes spéciaux du Trésor.

Le Rapporteur général a estimé que l'ensemble de ces propositions permettrait au Parlement de renouer avec des prérogatives que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et sa pratique lui ont progressivement retirées. La réforme envisagée vise donc à jeter les bases d'un nouveau droit budgétaire.

Il a souligné, enfin, qu'un concours de circonstances « extraordinaire » semblait réalisé pour offrir au Parlement l'opportunité de réviser enfin l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le Premier Ministre lui-même s'est engagé publiquement en faveur de cette réforme ; le nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, fidèle aux prises de position défendues lorsqu'il occupait les fonctions de Président de l'Assemblée nationale, appelle également de ses v_ux cette révision ; son successeur, M. Raymond Forni, ainsi que le Président de la Commission des finances, appuient de tout leur poids cette réforme, tandis que le Sénat la considère d'un _il favorable et constructif.

Le Rapporteur général a donc estimé, en conclusion, que le Parlement disposait « d'une fenêtre de tir » qu'il ne pouvait se permettre de laisser simplement entrouverte, sauf à refuser d'engager notre pays sur la voie de la nécessaire réforme de ses procédures budgétaires et comptables et de la restauration du pouvoir budgétaire de la représentation nationale.

M. Gilbert Gantier a remercié le Rapporteur général pour l'importante contribution qu'il a présentée à une nécessaire réflexion. Il a cependant estimé que le Rapporteur général était un peu trop sévère à l'encontre de l'ordonnance du 2 janvier 1959. En effet, la IVe République fut marquée en matière budgétaire par des abus de pouvoir de la part du Parlement. Dès lors, sans nier les inconvénients de l'ordonnance du 2 janvier 1959, il faut reconnaître qu'elle a permis un progrès, l'un de ses principaux mérites étant la promulgation régulière du budget de l'année suivante avant le 31 décembre de l'année d'examen, et ce, à une exception près.

Il a ensuite évoqué trois thèmes que l'examen de la proposition de loi organique devra aborder. En premier lieu, il est nécessaire que l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement dans les derniers jours de décembre ne puisse plus faire l'objet de modifications substantielles dès les premiers jours de janvier, par une série de mesures réglementaires. En deuxième lieu, comme l'a évoqué le Rapporteur général, l'examen du projet de loi de règlement doit être revalorisé. Il est regrettable qu'il ne donne lieu qu'à un intérêt très faible de la part des parlementaires, alors même qu'il constitue l'acte de contrôle d'un budget dont la discussion initiale a, elle, donné lieu à un examen approfondi durant trois mois. Enfin, il est indispensable que l'Etat présente un bilan de sa situation patrimoniale, comme le fait chaque entreprise. Cela permettrait, par exemple, de connaître les engagements de l'Etat pour l'avenir, qui sont parfois substantiels, comme en témoigne l'exemple du financement des retraites des agents publics.

M. Jean-Pierre Delalande a estimé que le travail du Rapporteur général permettait l'ouverture d'un débat particulièrement important. Il a noté que cette réforme ne pourrait se concrétiser que dans le cadre d'un accord réunissant la majorité et l'opposition et recevant l'aval du Sénat. Au terme d'une première lecture rapide, il a estimé que la proposition de loi organique du Rapporteur général contenait de nombreuses avancées. L'élaboration d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat, une réflexion sur la pertinence de chacun des comptes spéciaux du Trésor ainsi que la revalorisation de la loi de règlement sont particulièrement nécessaires. Toutes les majorités successives ayant eu à souffrir des pratiques issues du texte budgétaire et financier actuellement en vigueur, il a précisé que l'opposition était prête à travailler dans un esprit positif sur cette intéressante contribution, qui doit être l'occasion de développer le contrôle démocratique.

M. Gérard Saumade a relevé la grande importance du texte proposé par le Rapporteur général. Son examen doit permettre l'amélioration des modalités de répartition des dotations aux collectivités locales. C'est la condition préalable à une réforme d'ampleur de la fiscalité des collectivités locales. Il est nécessaire de trouver de nouveaux modes opératoires de gestion des relations entre l'Etat et les collectivités locales.

S'il a admis l'importance de la revalorisation de la loi de règlement, il a estimé qu'il fallait privilégier le contrôle parlementaire de gestion des fonds publics en temps réel, au moment précis où ceux-ci sont utilisés « sur le terrain », et en prenant en compte la méthode des « écarts ».

La mise en place d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat, comparable à celle issue de l'instruction dite « M 14 » en vigueur pour les collectivités territoriales, doit constituer une priorité. Il faut, par exemple, pouvoir faire des calculs d'amortissement et estimer le patrimoine. L'état de dégradation des locaux des collèges, pris en charge en 1982 par les départements, montre à quel point cette approche doit être privilégiée.

Mme Nicole Bricq a fait sienne l'opinion du Rapporteur général selon laquelle l'ordonnance du 2 janvier 1959 constituait en soi un problème à régler. Elle a tenu à souligner la pertinence de deux mesures que contient la proposition de loi organique du Rapporteur général, la mise en _uvre de la pluriannualité et la constitution de programmes ministériels, qui vont dans le sens d'une véritable restauration de l'action politique. Les pouvoirs publics auront, dès lors, en leur possession, les deux éléments primordiaux de l'action publique que sont, pour reprendre l'expression de Pierre Mendès-France, le choix d'une politique et le mode de gouvernement qui va avec. Dans ce cadre, la loi de règlement devrait pouvoir révéler toute sa substance. L'exemple les travaux menés en 1999 par la Mission d'évaluation et de contrôle, relatifs aux aides à l'emploi, montre qu'il n'est pas aujourd'hui possible d'évaluer de façon efficace les choix politiques. Concluant son intervention, Mme Nicole Bricq a jugé que l'adoption, après débat, de la présente proposition de loi organique, constituerait en tout état de cause, une _uvre marquante de l'actuelle législature, traduisant de véritables choix de réforme de l'Etat : la transparence et la lisibilité.

Le Président Henri Emmanuelli a remercié le Rapporteur général pour ce travail engagé depuis 1997, qui constitue une somme importante. Il a souligné que la procédure budgétaire française pose problème par rapport à celle des autres démocraties et que la présente proposition de loi organique, même si elle pouvait permettre d'enregistrer des progrès notables, ne donnerait pas au Parlement français des pouvoirs équivalents à ceux de ses homologues européens.

Il a en particulier indiqué qu'on pourrait s'interroger sur l'opportunité d'une révision de l'article 40 de la Constitution, dont les dispositions sont « surréalistes », dans la mesure où non seulement elles limitent les pouvoirs des parlementaires, mais, de plus, leur imposent d'exercer eux-mêmes la police de la recevabilité financière des amendements. Toutefois, la conjoncture, c'est-à-dire la prochaine tenue d'un référendum, en septembre, sur le « quinquennat sec », ne permet pas, pour l'heure, d'envisager utilement sa réforme.

Il a évoqué quelques avancées intéressantes proposées par le Rapporteur général, en particulier la vision par programmes, dont la mise en _uvre pourrait être plus rapide que celle d'une comptabilité patrimoniale, de même que la réinsertion dans le champ des lois de finances de certains impôts actuellement discutés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a estimé que la discussion devra se poursuivre, afin d'aboutir à un large consensus. En tout état de cause, un accord politique sera indispensable pour parvenir à l'adoption de ce texte, qui devrait être examiné par le Parlement à l'automne prochain.

Il a enfin précisé que, s'agissant d'une proposition de loi organique, la commission compétente aurait dû être la Commission des lois, mais, qu'il avait demandé la constitution d'une commission spéciale pour permettre l'implication, par ce biais, des membres de la Commission des finances.

Le Rapporteur général a remercié les différents intervenants pour leurs propos constructifs, ainsi que le Président Henri Emmanuelli et M. Augustin Bonrepaux, pour le soutien qu'ils ont bien voulu lui apporter tout au long de cette entreprise.

Il a indiqué à M. Gilbert Gantier que des propositions étaient formulées en matière de suppression des services votés, de régulation budgétaire et de comptabilité patrimoniale. Il partage également les préoccupations de M. Gérard Saumade sur les dispositions relatives aux collectivités locales et aux lois de règlement. Il a enfin souligné que c'était l'intérêt du Parlement, mais aussi du Gouvernement, que d'avancer dans la voie d'une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, ne doutant pas qu'un dialogue constructif pourrait se poursuivre avec le Sénat pour aboutir à un texte largement consensuel.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, un rapport d'information sur l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances.

Le Rapporteur général a rappelé que ce rapport n'avait pas pour objectif d'évaluer les dispositions votées, mais plutôt de contrôler, en premier lieu, l'intervention de leurs textes d'application, en deuxième lieu, la conformité de ces textes à la volonté du législateur et, en dernier lieu, la bonne information de l'administration et des citoyens. Il a d'ailleurs observé que ce rapport, présenté pour la onzième année consécutive, motivait manifestement l'administration fiscale puisque, chaque année, de nombreuses instructions d'application sont publiées au mois de juin.

Il a noté que sur 155 dispositions fiscales étudiées dans son rapport, 37 sont encore en attente de mesures d'application, ce qui constitue plutôt un progrès par rapport aux années précédentes.

Il s'est ensuite attaché à décrire les principaux problèmes relevés par le rapport.

On constate, tout d'abord, que le défaut de publication de textes d'application peut, dans certains cas, empêcher la mise en _uvre de dispositions votées par le Parlement et que, « comme par hasard », cette difficulté est essentiellement constatée pour des articles issus d'amendements déposés par des parlementaires. Il a ainsi cité le cas de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1998, relatif à l'exonération de la taxe de publicité foncière pour les acquisitions et cessions d'immeubles réalisés par les SAFER. On peut même observer que des mesures votées depuis quatre ou cinq années n'ont toujours pas fait l'objet d'une mesure d'application, ce qui traduit parfois l'embarras du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour expliciter, sous forme d'instruction, des dispositions qu'il a lui-même rendues complexes.

Le Président Henri Emmanuelli a souhaité savoir si les contribuables pouvaient néanmoins se prévaloir des dispositions votées, en l'absence de textes d'application. Il a également souligné qu'il avait écrit récemment au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour s'étonner que plusieurs rapports gouvernementaux dont le dépôt était prévu par la loi de finances 2000 n'aient toujours pas été déposés.

Le Rapporteur général a confirmé que ces mesures législatives étaient applicables, mais que l'application était parfois incertaine et donnait lieu à des contentieux. Il serait d'ailleurs opportun que le Président et lui-même écrivent au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour attirer son attention sur ce problème.

Poursuivant l'examen des difficultés mises en exergue par son rapport, il a noté que l'administration fiscale avait parfois publié des instructions qui ne respectent ni la lettre, ni même l'esprit des dispositions votées par le législateur. Tel est le cas, par exemple, du texte d'application de l'article 90 de la loi de finances initiale pour 1999 relatif à l'amélioration des incitations fiscales à l'investissement outre-mer pour les contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés. Ces instructions peu conformes aux souhaits du législateur résultent soit d'un refus patent de l'administration d'appliquer la loi, comme le montre le cas de l'article 2 de la loi n° 98-548 du 2 juillet 1998 relatif à la suppression de l'autorisation préalable en matière de télétransmission de factures, soit d'une certaine timidité administrative, comme l'illustre l'article 101 de la loi de finances initiale pour 2000 prévoyant une réduction de 50.000 à 20.000 francs du seuil d'application de l'obligation de paiement par chèque pour les particuliers non commerçants.

Il a enfin observé un certain « pragmatisme », en matière d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, s'agissant des prestations des architectes, mesure à laquelle le Gouvernement s'était pourtant fortement opposé lors des débats parlementaires.

Le Rapporteur général a, en conclusion, souligné que, malgré cette énumération de dysfonctionnements et la volonté parfois constatée de contourner la volonté du législateur, voire de ne pas en tenir compte, il fallait reconnaître que des efforts appréciables ont été accomplis par les administrations fiscales pour appliquer précisément et loyalement les dispositions légales, les retards constatés traduisant souvent de réelles difficultés d'application.

Après que le Président Henri Emmanuelli eut regretté une certaine forme de mépris des services administratifs vis-à-vis de la volonté du législateur, la Commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur général, le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur le recouvrement de l'impôt.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a présenté les observations et les propositions relatives au recouvrement de l'impôt et à la redevance audiovisuelle, qui ont été adoptées par la Mission d'évaluation et de contrôle, en conclusion du rapport établi sur ces questions.

S'agissant des observations et des propositions générales, le Rapporteur général a indiqué que le coût du recouvrement de l'impôt en France est élevé par rapport aux performances d'administrations étrangères. Cela résulte de certaines spécificités : forte individualisation des impôts, maintien d'un réseau dense de trésoreries sur l'ensemble du territoire et absence de retenue à la source.

Pour la MEC, la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, telle qu'elle a été définie en avril dernier, va dans la bonne direction, même si les décisions annoncées n'en constituent qu'une première étape, la méthode des expérimentations devant être largement développée. L'objectif premier de la réforme doit être l'institution d'un compte fiscal unique pour les redevables, dans l'intérêt de ces derniers mais également de l'administration fiscale. Le décloisonnement, au moyen, notamment, de la mise en place d'un nouveau système informatique commun aux directions générales des impôts et de la comptabilité publique, est également prioritaire. Un suivi de ces dossiers devra être réalisé au moyen de bilans détaillés des expérimentations entreprises, bilans qui devront être transmis à la Commission des finances. Ce suivi devra également permettre de s'assurer du progrès de l'efficacité des services et de l'amélioration du processus d'élaboration de la loi fiscale. Sur ce dernier point, une étude d'impact accompagnant chaque mesure fiscale devra être soumise à la Commission des finances, les agents eux-mêmes devant être mieux associés aux réformes et aux mesures de simplification.

Il est également demandé que soit soumis à la Commission des finances un rapport portant sur chacune des impositions dont le rendement est inférieur à 10 milliards de francs, rapport faisant apparaître le coût du recouvrement et l'opportunité du maintien de l'impôt.

Enfin, il serait souhaitable que la Commission des finances puisse recevoir de façon régulière le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin de faire le point sur l'avancement de la modernisation du ministère.

S'agissant des propositions relatives à la redevance de l'audiovisuel, le Rapporteur général a considéré, comme la Mission, que cet impôt est archaïque, injuste, coûteux et, de surcroît, très contesté. Il ne s'agit nullement d'une mise en cause des qualités professionnelles des agents chargés du recouvrement, mais le produit n'est, lui, ni efficace, ni pertinent, surtout face aux évolutions technologiques.

La proposition de la MEC consiste donc à supprimer la redevance sur une période de deux ans, de façon à prendre en compte les difficultés liées notamment au reclassement des agents concernés. La première année verrait la suppression de la redevance pour les contribuables non imposés à l'impôt sur le revenu et la seconde année, la disparition complète de ce prélèvement.

Parallèlement, il faut garantir le financement du service public audiovisuel et l'autonomie de ce financement. Il est proposé, à cette fin, le maintien d'un compte d'affectation spéciale auquel seraient affectées les recettes des jeux, dont le produit annuel est de 14,5 milliards de francs, alors que le produit actuel de la redevance audiovisuelle est de 13,6 milliards de francs.

Le Rapporteur général a précisé que l'ensemble de ces propositions devront évidemment tenir compte des marges de man_uvre budgétaires du Gouvernement, avec lequel il faudra continuer à suivre ce dossier.

Le Président Henri Emmanuelli s'est étonné de cette proposition de la MEC concernant la suppression de la redevance audiovisuelle, dans la mesure où, si la Mission est compétente pour identifier les problèmes, elle ne l'est peut-être pas pour anticiper des arbitrages fiscaux qui doivent être effectués au sein des instances adéquates.

Le Président Augustin Bonrepaux a précisé que c'est dans le cadre de ses investigations, conduites sur le coût et les modalités du recouvrement des impôts, que la Mission s'est particulièrement intéressée à la redevance audiovisuelle et a été amenée à faire des propositions spécifiques. Il a indiqué que la proposition de suppression de cette redevance était une solution soumise à la réflexion.

M. Jean-Marie Le Guen a indiqué qu'un récent rapport de l'inspection générale des finances avait montré que le coût effectif du recouvrement de la redevance de l'audiovisuel était deux fois supérieur à ce qui était auparavant indiqué au Parlement. Par exemple, les dépenses retracées au titre des charges de personnel ne comprenaient que les salaires et excluaient les charges sociales. Ces pratiques contestables ont abouti à dissimuler près de 400 millions de francs de dépenses.

Les critiques relatives à la redevance sont peut-être fondées, notamment son caractère injuste et archaïque et sa faible efficacité. Néanmoins, elles reflètent peut-être des défaillances qui se situent plus dans le fonctionnement général de l'État que dans les mécanismes de la seule redevance. Celle-ci constitue une ressource sûre - ce qui est une qualité - mais son rendement moyen (14 milliards de francs environ) est également un élément important des arbitrages qui devront être rendus, s'il apparaît nécessaire de lui trouver une ressource de substitution.

M. Jean-Marie Le Guen a rappelé qu'en se plaçant dans cette dernière hypothèse, il avait proposé une troisième piste, consistant à instaurer une redevance sur les flux de communication. Même si le rendement d'une telle redevance semble pouvoir difficilement atteindre le montant collecté par le biais de l'actuelle redevance, il possède l'avantage de peser plus sur les entreprises que sur les ménages.

M. Thierry Carcenac a déclaré apprécier les éléments d'information contenus dans le rapport relatif au recouvrement de l'impôt, qui contribuent à clarifier les enjeux, notamment ceux liés au retard informatique de l'administration. Les dépenses informatiques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie représentent environ 10% de son budget, alors que la proportion s'élève à 20% dans de nombreux autres pays. La « mission 2003 » prévoyait d'ailleurs 8 milliards de francs de dépenses supplémentaires nécessaires dans les prochaines années.

Pour autant, la modernisation technique de l'administration remettra sur le devant de la scène les questions de personnel, qui ne pourront pas être éludées.

Le Rapporteur général a rappelé que la Mission d'évaluation et de contrôle avait vocation à faire des propositions, mais pas à décider elle-même. Des arbitrages devront être faits à partir des propositions associées au rapport. Cependant, le travail de la Mission d'évaluation et de contrôle a mis en évidence plusieurs points importants :

- le mécanisme même de la redevance audiovisuelle est de plus en plus dépassé par la technique ;

- le coût de recouvrement de cette redevance est parmi les plus lourds ;

- l'impôt lui-même est fortement contesté. Ainsi, au centre de Lille, chaque année, un compte sur trois fait l'objet d'une réclamation.

En tout état de cause, les progrès enregistrés en matière de recouvrement de la redevance ne doivent pas conduire à éluder la question du maintien ou de la suppression de la redevance.

Le Président Henri Emmanuelli a réaffirmé que les propositions de la MEC lui paraissaient sortir du cadre des compétences de cette mission.

M. Pierre Forgues s'est étonné de la démarche suivie par l'administration. Les centres de recouvrement sont les lieux d'accueil des usagers. Or, les usagers auxquels la redevance audiovisuelle pose des problèmes sont, en règle générale, des personnes confrontées à des difficultés sociales. Ce sont celles qui ont le plus besoin d'avoir un contact direct, et non épistolaire, avec un agent du service. Il y a un paradoxe évident à reconnaître que cet impôt pose des problèmes et, parallèlement, à supprimer les centres de recouvrement. A tout prendre, mieux vaut supprimer la taxe.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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La Commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Pierre Forgues, le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle sur le fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP).

Rappelant qu'il avait établi son rapport en se fondant sur les auditions approfondies conduites par la Mission, sur la visite de plusieurs COTOREP en région parisienne et sur les nombreux rapports déjà parus sur la question, M. Pierre Forgues, Rapporteur spécial, a souligné que ces travaux font tous apparaître de graves dysfonctionnements. En effet, malgré les quelques améliorations qui ont marqué la période récente, l'obstacle administratif n'a pu être surmonté, de telle sorte qu'il convient désormais de réfléchir à une réforme de l'organisation même de ces commissions.

Jugeant que les COTOREP naviguent à vue, sans pilote et dans le brouillard, le Rapporteur spécial a critiqué la dyarchie des services de l'emploi et de la solidarité, qui se traduit par un éclatement des responsabilités. Les COTOREP ne disposent pas de budget propre et les deux sections constituées en leur sein travaillent de façon trop cloisonnée. En outre, elles ne disposent pas de données fiables, notamment parce qu'elles ne rencontrent que rarement les demandeurs. De façon générale, leur fonctionnement n'est pas toujours conforme à la légalité, comme le montre le défaut, souvent constaté, de convocation des deux réunions plénières annuelles pourtant prévues par la loi. Le caractère collégial des COTOREP, qui n'entretiennent pas des relations assez étroites avec les organismes de sécurité sociale, est devenu fictif, particulièrement en seconde section. Enfin, les secrétariats des commissions se caractérisent par un encadrement insuffisant et par l'absence de statut des médecins.

Compte tenu des inégalités de traitement qui résultent pour les personnes handicapées de ces graves dysfonctionnements, des réformes profondes s'imposent, et non plus simplement une augmentation de moyens. Il convient, à cet égard, de renoncer à la logique de la loi du 30 juin 1975, loi sociale de prise en charge, pour s'orienter vers une appréciation de la personne handicapée dans sa globalité, c'est-à-dire juger si elle peut occuper un emploi, indépendamment de la situation du marché du travail. Autrement dit, il s'agit de mettre l'accent sur l'insertion, les allocations de solidarité ne devant être versées que si la personne est considérée comme inapte au travail.

Dès lors, la Mission a proposé de supprimer la division actuelle des commissions en deux sections, afin d'établir une unité de direction et de permettre une approche globale de la personne handicapée, qui suppose en même temps la définition d'un véritable statut pour les médecins de COTOREP. La Mission a également souhaité que soit envisagée la création d'un établissement public qui traduirait de manière plus efficace le changement d'architecture globale en faveur duquel elle s'est prononcée.

Le Président Henri Emmanuelli s'est interrogé sur la dénomination et la nature de cet établissement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a indiqué que la Mission d'évaluation et de contrôle avait fait quelques remarques à ce sujet, intégrées au rapport présenté.

La Commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé aux désignations suivantes :

M. Jérôme Cahuzac comme rapporteur pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Didier Migaud comme rapporteur sur la proposition de résolution n° 2525 de M. Gérard Fuchs au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2001 (E 1464) et sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision des perspectives financières 2001-2006 (E 1466).

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